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Le blog d'André Boyer

Une idéologie pour quoi faire?

25 Janvier 2010 Publié dans #HISTOIRE

images-copie-2.jpegLe dimanche 10 janvier dernier, je publiais un article intitulé « Les amis de la République Française », qui montrait que nombre des dirigeants appréciés et soutenus par les « élites » étaient peu respectueux des régles de la démocratie, quand ils n’étaient pas purement et simplement des gangsters. Quelle est donc la profondeur du respect des régles démocratiques chez nos dirigeants, si imbus officiellement du respect de la « République » ?

          Comme dans tous les pays démocratiques, les électeurs français ont le choix entre voter pour les partis de gauche ou de droite, la gauche représentant la tendance de ceux des électeurs qui ont le cœur sur la main et la droite rassemblant ceux qui ont la main sur leur portefeuille. Selon cette définition, il est bon du point de vue moral que la gauche gouverne et que la droite se contente de freiner ou de corriger ses élans de générosité excessifs. Comme les choses sont bien faites, il se trouve que depuis 1875, la gauche a presque toujours gouverné la France, tandis que la droite était presque toujours majoritaire au sein de l’électorat et de l’opinion publique.

On peut tirer d’intéressants prolongements de ce fait parfaitement avéré. Dans un premier temps, on peut s’en féliciter. Grâce à ce décalage, les Français ont été tirés dans le sens du progrès par leurs dirigeants. Robert Badinter peut par exemple se réjouir d’avoir fait voter l’abolition de la peine de mort contre l’opinion d’une forte majorité de ses concitoyens et de les avoir vus s’en convaincre ou s’y résigner, un quart de siècle plus tard. Inversement, on peut s’en indigner en remarquant que les Français ont presque toujours été gouvernés à l’opposé de leurs convictions, ce qui n’est guère démocratique.

Mais il faut noter que non seulement la gauche a presque toujours gouverné mais que les milieux proches du pouvoir affichent presque tous une opinion de gauche, hommes politiques, medias, étudiants de sciences politiques et plus révélateurs encore, artistes en vue. Très souvent les électeurs de droite votent pour des politiciens qu’ils croient être de droite, mais ces derniers pratiquent une fois au pouvoir, ô surprise, une politique de gauche tel Jacques Chirac, ou mieux encore, Nicolas Sarkozy qui a sans cesse cherché à s’adjoindre des hommes politiques de gauche, afin de démontrer qu’il n’y avait aucune différence entre la gauche et la droite.

Il est important d’observer que l’inverse n’est pas vrai. La gauche ne pratique guère une politique de droite lorsqu’elle accède au pouvoir même si elle tempère parfois ses élans électoraux. Lionel Jospin a bien mis en place les trente-cinq heures, mais Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy ne les ont pas supprimées. La gauche a bien élu un homme de droite, François Mitterrand, au pouvoir, mais ce dernier s’est bien gardé de pratiquer une politique de droite.

C’est qu’il est beaucoup plus valorisant de pratiquer une politique de gauche que de droite. Il est plus facile de réduire le temps de travail à trente-cinq heures que de le porter à quarante, d’accroître le SMIG que de le geler, de créer le RMI que de faciliter les licenciements, de maintenir les régimes spéciaux de retraite que d’augmenter les cotisations ou la durée du temps de travail, de bloquer les expulsions des locataires plutôt que de les faciliter. Et ainsi de suite. Lorsque l’on gouverne, lorsque l’on est journaliste, lorsque l’on se donne en spectacle, il est plus facile de faire état de ses bons sentiments que d’invoquer de froids calculs.

Face aux démagogues qui sollicitent leurs votes, les citoyens sont généralement conscients du risque d’appliquer des mesures aussi ruineuses que généreuses dans le domaine économique ou aussi libérales que déstabilisatrices dans le cadre social. Lorsqu’ils l’expriment par leur vote, ils se retrouvent toujours face à un gouvernement qui n’ose pas les suivre, puisqu’il lui faudrait affronter tous les corps établis, politiques, médias, artistes, qui eux ne voient que des avantages à critiquer des mesures bénéfiques à long terme mais douloureuses au premier abord. C’est ainsi qu’il a fallu attendre presque un quart de siècle pour que le gouvernement Raffarin, pris à la gorge des contraintes financières, voulût bien amorcer une réforme des retraites des fonctionnaires qui aurait pu être lancée par le gouvernement Rocard. C’est ainsi que l’Etat français s’endette d’un milliard d’Euros supplémentaires quasiment presque chaque jour pour éviter de reconnaître qu’il dépense trop.

La réponse à la question que nous nous posons depuis le début de cette série d’articles sur l’oligarchie trouve ici la première partie de sa réponse. Si les gouvernements successifs de VGE, Mitterrand, Chirac et Sarkozy, malgré l’énergie apparente et les rodomontades de ce dernier, n’ont pas pris les mesures nécessaires pour adapter la France aux changements du monde depuis 1974, c’est parce qu’ils ont choisi de privilégier la démagogie plutôt que les mesures impopulaires.


 

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