Requiem pour Mouammar Khadafi
22 Octobre 2011 Publié dans #ACTUALITÉ
Le 23 février dernier, j’écrivais un blog intitulé « Mouammar ? Dégage ! ». Il aurait dû écouter mon conseil, Mouammar, c’était le bon : il aurait sans doute survécu, lui et sa famille, et il aurait évité les morts et les destructions de la guerre de ces huit derniers mois. C’est le même conseil que je donne aujourd’hui à Bachar, avec encore plus de conviction.
Mais Mouammar ne m’a pas écouté. Je notais ce jour-là dans mon blog que le vieux dictateur avait quelque chose d’un Ceausescu à la dérive dans un palais vide ou d’un petit Hitler à la recherche d’une apocalypse qui l’engloutirait avec son peuple : « Je suis un combattant, un révolutionnaire venu du désert, je suis prêt à mourir comme un martyr ! »
Ce jour-là encore, j’avais écrit que Mouammar m’inspirait un mélange de pitié et, j’avouais, de mépris, lorsqu’il pérorait : « Mouammar Kadhafi est un combattant, un révolutionnaire venu du désert, je ne suis pas un président qui se retire. C’est mon pays. Mouammar n’est pas un président qui quitte son poste ». Il disait vrai.
Maintenant son cadavre ne m’inspire plus que de la pitié, et son personnage des sentiments mêlés. Il a été un tyran orgueilleux et aveugle, mais aussi courageux et obstiné jusqu’à la mort. La mémoire de ce personnage restera dans l’histoire. Il ne s’écoulera pas beaucoup de temps avant qu’il ne devienne, comme Ben Laden, un martyr symbolisant la lutte contre les occidentaux, contre la modernité et contre les impies. L’horrible justification du fanatisme.
Je ne suis étonné ni de sa mort, ni des circonstances de sa mort. Tout le monde, du CNR libyen aux Français en passant par les Américains, voulait sa peau et souhaitait surtout le faire taire afin d’éviter les affres d’un procès qui n’aurait été que trop propice aux déballages nauséabonds. Je suis par contre toujours esbaudi par la capacité de nos dirigeants à nous peindre la vie dans de pimpantes couleurs, si loin de la triste réalité qu’ils veulent à tout prix nous cacher, nous les moutons : d’après leurs déclarations, un avenir démocratique s’ouvre enfin pour la Libye ! Quels grands comédiens, nos dirigeants ! Comme on aimerait les croire, mais comme on aurait tellement tort d’y souscrire ! L’avenir de la Libye se résume au futur pétrole acheté et vendu. Autour de cela, la bataille des convoitises des chefs et des sous-chefs libyens et des crocodiles mondialisés. Ce qui ne sera ni rose, ni romantique.
Mais revenons à mes conseils à Bachar.
Bachar, tu as fait tuer en six mois trois mille personnes. Je t’accorde que c’est trois fois moins que l’écrasement de la révolte des frères musulmans par ton père Bachar en 1982 à Hama. Mais ce ne sont que comptes d’apothicaires pour ceux qui veulent ton départ. Or ton temps est, fini, il est bel et bien terminé, tu as compris ? Tout le monde veut ton départ, même la Chine et la Russie. Je sais, certains te soutiennent à Damas ou à Alep, mais c’est le soutien de la corde au pendu. Il te reste à faire un choix. Ou bien tu t’obstines, comme Mouammar, et tu finis comme lui. Cela a une certaine grandeur, j’en conviens. Ou bien tu pars piteusement comme Ben Ali, et tu survis quelque part. Pour ma part, c’est ce deuxième choix que je te recommande, pas tellement pour toi que pour toutes les personnes que tu vas éviter de tuer dans les prochains mois. Encore que la guerre civile qui suivra ne sera guère tendre pour les citoyens syriens. Mais cette dernière, personne ne pourra l’éviter, c’est trop tard.
Alors pars tout de suite, Bachar, fait préparer un avion, remplit le d’or et de dossiers pour te protéger toi et ta famille, et file. Cela nous évitera de devoir regarder encore, en voyeurs honteux, de désastreuses images de meurtres et de visages ensanglantés, comme celle de Mouammar ou du couple Ceausescu.
Car, nous les moutons, on aime bien que l’on nous peigne la vie en rose, on adore même, mais à condition de nous cacher les abattoirs.