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Le blog d'André Boyer

Vous avez dit individu?

30 Septembre 2013 Publié dans #PHILOSOPHIE

 

Alors la morale, selon Nietzsche, ne serait qu’un moyen de nous dresser à vivre ensemble ? (voir mon blog du 14 septembre dernier, « la vraie nature de la morale »).

fleurPourquoi pas, après tout, c’est assez logique…Car, selon Nietzsche, le ciment de toutes les morales n’est pas l’amour, mais la crainte du prochain.

Il est vrai que nous avons peur du jeune qui pourrait nous arracher notre sac à main, du barbu qui pourrait se révéler un dangereux terroriste, mais aussi du passager qui parle trop fort dans le train, du fumeur qui pourrait empoisonner nos poumons, du chef qui pourrait nous harceler, du dragueur qui voudrait nous transformer en objet sexuel, du photographe qui pourrait nous voler notre droit à l’image ou du raciste dont les propos pourraient heurter notre amour propre.

La liste des « violences » verbales finit par laisser penser que tout échange avec les autres humains est plus ou moins perçu comme une violence. D’ailleurs, chacun a fait l’expérience de la peur qu’il inspire à l’autre, simplement en lui disant bonjour.

Il est vrai aussi que le troupeau humain a instinctivement peur de tout ce qui pourrait déranger ses convictions, ses habitudes ou sa cohésion.

Aussi, l’individu, qui se revendique en tant que tel, est par définition l’ennemi du troupeau.

D’un autre côté, l’individu n’a pas forcément envie de se différencier des autres. Au contraire, il peut trouver rassurant de n’être qu’un numéro dans le  troupeau.  Il peut être commode de se cacher derrière des principes pour ne pas devoir affronter ses propres désirs : on trouve une sorte de paresse derrière toute morale, dans la mesure où elle propose des schémas d’action préfabriqués.

Aussi Nietzsche avance t-il que la morale est aussi fortement motivée par la crainte de soi-même que par la crainte des autres : la morale serait le refuge idéal pour celui qui veut s’épargner l’effort de s’interroger sur ses propres objectifs.

Car, si nous devons avoir des vertus, elles ne sauraient être que personnelles et non pas communes à tout le troupeau. S’il existe un authentique devoir moral, il consiste à faire impérativement ce que moi seul, et personne d’autre, peut et doit accomplir. Il s’agit alors de la nécessité intérieure qui me force à agir d’une manière singulière, au risque de choquer tout le troupeau :

« Aussi longtemps qu’on te louera, crois bien toujours que tu n’es pas encore sur ta voie, mais sur celle d’un autre. » (Humain, trop humain, II,1,340).

Mais il ne s’agit pas pour autant de se replier dans l’individualisme, car « l’individu en soi est une erreur et il n’y a pas de vérités individuelles, mais seulement des erreurs individuelles, dans la mesure où nous sommes des bourgeons sur un arbre, qui ne savent rien de l’intérêt de l’arbre que nous pourrions devenir » (Fragment posthume, 1881,11,7).

L’individu, vu comme un moi autonome est une illusion, proclame Nietzsche. Nous devons nous voir comme un maillon d’une lignée qui plonge dans le passé pour s’élancer vers l’avenir.

 

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