What can we do about France (fin)?
Dans mon dernier blog, intitulé "What can we do about France (suite)", je concluais qu'il fallait prendre acte que l’Europe comme la France étaient en train de perdre toute maîtrise sur leur destin, une maîtrise dont elles disposaient presque totalement un siècle auparavant.
Nous savons bien ce qui nous attend, l’hégémonie de la Chine sur le monde, qui va se substituer à l’hégémonie actuelle des Etats-Unis. Cette évolution, qui signifie que les rôles de la France et de l’Europe sont ensemble en cours d’amoindrissement, n’implique aucune capitulation ni résignation, mais une volonté de fer afin de s’y adapter dans les meilleures conditions pour nous.
C’est pourquoi l’enjeu, qui suppose une prise de conscience, une volonté et des moyens rassemblés est de permettre à la France de redevenir un espace de solutions pour elle-même, donc pour l’Europe et pour le monde, ou de renoncer à toute prise de décision autonome pour se livrer aux grands vents provoqués par les changements du monde.
J’ai écrit la France et non l’Europe, parce que je suis convaincu qu’il faut mobiliser les énergies au niveau de la France, pays centralisé s’il en est, avant de porter et de coordonner les options choisies au niveau de l’Europe. En effet, lorsque l’on examine les différentes dimensions des décisions à prendre, on prend conscience que le niveau national doit précéder le niveau européen dans leur conception et leur mise en œuvre. Il reste que le niveau européen ne peut pas être négligé, parce que la coordination et la convergence des efforts européens sont un des rares atouts qui nous reste face à la globalisation.
Les dimensions du défi à relever sont clairement d’ordre éducatif, technique, écologique, sociale ou managérial :
Notre système éducatif doit redevenir performant, puisque tous les constats convergent pour montrer qu’il ne l’est plus et que rien ne peut plus être espéré dans le futur s’il ne le redevient pas.
Notre recherche doit investir lourdement dans les domaines les plus productifs, relativement à notre système économique, que ce soit dans certains secteurs industriels et agro-alimentaires ou dans les services.
Nous devons fournir un effort exceptionnel pour réduire notre consommation énergétique, dans des domaines aussi variés que l’habitat ou les habitudes alimentaires.
Nous devons faire tous nos efforts pour obtenir une cohérence sociale, ce qui signifie des changements volontaires, approuvés par la nation, dans la distribution des revenus et dans l’harmonisation des différences culturelles.
Nous devons mettre en place une organisation de l’État qui nous donne les structures les plus efficaces pour coordonner nos actions et gérer les collectivités.
Les voies précédentes, nous le savons, ont été tracées dans mille rapports remis à nos dirigeants, à nos « élites », à nos cadres. La prise de conscience existe donc à l’état latent, mais il reste à mobiliser et à s’organiser.
C’est là que le bât blesse. La mobilisation suppose au préalable la transparence, la confiance, l’adhésion voire la participation.
Elles manquent, tant les « élites » sont plus préoccupées d’imposer leurs choix, et bien sûr de se protéger, que de se livrer au « peuple » selon la démarche qu’elles dénoncent hypocritement sous le terme de « populisme ». Il faudra pourtant bien y aller au peuple, si l’on veut qu’il vous suive.
Il manque aussi l’organisation, c’est-à-dire la mise en musique des réponses aux défis. Mais sur ce point le génie français, grâce à l’armature étatique qui le gêne tant par ailleurs, a toujours su produire les structures appropriées aux questions qui lui étaient clairement posées : que l’on se souvienne de la mise en place des industries nucléaires, aéronautiques ou du TGV.
Le rôle de l’Europe dans ce processus ne me paraît que second : des modèles existent en Europe, en Europe du Nord surtout mais aussi en Italie, qui peuvent nous inspirer, d’autres situations, comme celle de la Grèce, peuvent nous montrer quelles seraient les conséquences de nos renoncements. L’Europe peut aussi nous servir à nouer des alliances et à nous éviter de rester enfermé dans des logiques trop hexagonales. Mais je crains que ceux qui renvoient la solution de nos problèmes à la constitution d’une Europe fédérale ne nous parlent de calendes grecques que pour fuir la difficulté de résoudre ici et aujourd’hui les problèmes qui nous assaillent.
La question fondamentale reste, à mon avis, de mettre en place le processus qui nous permettra de nous imposer, face au monde, comme une source de solutions pour nous-même, pour l’Europe et pour le monde, plutôt qu’à nous résigner à devenir un espace de problèmes que le monde devra prendre en charge à notre place.
Sans revenir au temps où la France prétendait imposer sa conception de la République à l’Europe ou même au temps où elle prétendait apporter la civilisation à ses colonies, il n’est pas si loin le temps où la France, entre les USA et l’URSS, voulait offrir une troisième voie fondée sur l’indépendance énergétique, sur l’autonomie industrielle, sur la solidité monétaire et même sur une défense tous azimuts. Ce temps de la fierté recouvrée succédait à celui au cours duquel les gouvernements de la France couraient à Washington assurer leur fin de mois, un temps qui ressemble beaucoup au moment présent, qui voit les États européens aux pieds des banques.
L’histoire le montre donc, il est toujours possible de changer de chemin, à condition d’affirmer une volonté au nom d’une collectivité qui y adhère.
En allant voter dans quelques jours, pour choisir la tête de leur Président, les Français restent en attente de l’homme et de l’organisation qui permettront d’éviter que la France ne devienne un espace de problèmes sur lequel des experts étrangers se pencheront avec une arrogante commisération, comme ils le font aujourd’hui sur la Grèce et comme j’espère très fort qu’ils ne vont pas le faire bientôt sur l’Espagne, puis sur la France.