philosophie
LIBRE?
De quoi parle t-on? De quelle liberté s’agit-il ? De liberté positive ou de liberté négative? La première concerne notre capacité à agir selon notre propre volonté et la seconde notre capacité à agir sans subir la contrainte des autres.
Quelqu’un est libre dans le sens positif du terme lorsqu’il contrôle sa vie. Si nous ne sommes pas libres à ce titre, c’est parce que nos désirs et nos passions nous l’interdisent. Cette liberté, au sens de l’individu face à lui-même, a été examinée, excusez du peu, par Platon. Spinoza, Rousseau, Kant et Hegel, entre autres bien sûr.
D’un autre côté, nous sommes libres au sens négatif du terme lorsque personne ne nous empêche d’agir, soit en rendant impossible notre action, soit en exerçant une pression sur nous. L’on ne s’étonnera pas de voir quatre philosophes anglais du XVIIIesiècle, Bentham, Hobbes, Locke et Hume se pencher sur la question de la liberté octroyée par la société à l’individu. En ce dernier sens, sommes nous empêchés de faire ce que nous voulons dans la société dans laquelle nous vivons en ce début du XXIe siècle, oui ou non ?
Oui, nous sommes empêchés.
En effet, dés l’enfance, nous sommes enfermés dans un système éducatif qui nous opprime parce que, malgré tous nos efforts pour adhérer à ce que les adultes nous proposent, nous n’en comprenons ni la logique ni l’efficacité. Je ne traite pas ici des efforts variables que font les parents pour éduquer leurs enfants, mais pourquoi nos professeurs nous crient-ils dessus au lieu de nous encourager? Cela ne leur plait pas de nous faire cours? Pourquoi font-ils ce métier alors? Est-ce cela la vie lorsqu’on est adulte, faire ce que l’on n’aime pas? Peut-on croire après ce long enfermement souvent déstabilisateur que représentent les études, que l’on a été préparé efficacement à faire face à la vie adulte?
Non. Alors effectivement, en tant qu’enfants, nous ne sommes pas libres, face aux contraintes incohérentes que l’on nous impose. Et lorsque nous devenons adultes, sommes nous libres pour autant ?
Pas du tout, car nous sommes confrontés à une vie que nous ne maîtrisons pas. Notre salaire est le plus souvent trop faible pour nous donner les moyens d’être libres au sens économique du terme. Nous empruntons, nous nous serrons la ceinture. Si nous sommes dans l’administration, nous revoilà en butte à une logique de l’inefficacité qui nous rappelle l’école. Nous avons choisi ce métier pour disposer au moins d’une liberté, celle du salaire assuré, même faible. Mais du coup, nous nous sommes privés de toutes les autres libertés, qui commencent par celle de changer ce qui nous paraît absurde. Rien à faire, tout est trop rigide, trop lourd, hors de notre portée.
Si nous sommes employés dans le privé, nous pouvons parler dans la mesure où notre parole ne provoque pas notre licenciement. Aussi la peur du chômage nous oblige à subir. Si nous avons choisi la liberté du travail individuel, agriculteur libre dans sa ferme, artisan qui choisit son emploi du temps, commerçant maître à bord de son entreprise, médecin fier de sa vocation, avocat libre de causes et de paroles, c’est le triple système économique, fiscal et social qui nous oppresse. Nous voilà à la merci d’un changement de prix des céréales, livré aux contrôles sinon à la persécution d’une administration qui multiplie les règlements, les procédures et les précautions, subissant l’évolution souvent brusque de notre profession sous la pression de la concurrence mondiale.
En outre, collectivement, nous avons l’impression d’être ballotté par des forces qui nous échappent: la mondialisation qui détruit nos emplois, l’Europe qui, au lieu de nous protéger dans son cocon, ouvre toute grande ses portes aux produits étrangers et aux manœuvres de la finance pour s’emparer de nos richesses.
Non, adultes, nous ne sommes pas libres du tout.
D’autant plus qu’au-dessus de nous, nous sentons la lourde présence d’un État qui prélève des impôts jusqu’à plus soif, fabrique des déficits immenses, distribue des subsides, nous enserre dans un filet de plus en plus serré de règlements qu’il change à sa guise, nous tance en permanence comme si nous étions des irresponsables à mettre hors d’état de nuire ou des égoïstes à punir, tout en nous racontant que tout va bien, qu’il suffit de nous laisser conduire par nos chefs.
Ceux-là on sent bien qu’ils se sont installés aux commandes sans notre permission. Mais eux-mêmes ne sont pas libres, il faut que chacun d’entre eux, du Président au journaliste, respecte les règles du système, sinon, pfuit ! Éjecté du sommet de la société!
À nous, on nous annonce que nous sommes dans une démocratie, ce qui veut dire officiellement que c’est le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple, comme c'est écrit dans notre Constitution. On est donc censé voter pour les chefs que l’on veut, et là il y aurait bien un espace de liberté si on pouvait vraiment les sélectionner, mais c’est impossible, ils se sont arrangés entre eux pour se partager le pouvoir auquel nous n’aurons jamais accès. On ne peut pas les choisir, on le voit bien, puisque l’alternative qui nous est chaque fois proposée revient à faire élire celui que veut notre élite, qui comme par hasard veut ce que veulent les financiers mondiaux réunis. Et c’est tout ce qui nous est concédé comme liberté, une fois tous les cinq ans, le droit de débattre et de faire semblant d’élire celui que l’on nous a désigné, rien quoi, aucune liberté électorale.
Finalement quelles libertés nous reste t-il? Celle de râler dans notre coin, de manifester gentiment, ce qui fait tout de même chaud au cœur quand on voit tous ces gens rassemblés qui partagent notre destin. Mais notre sentiment de puissance ne dure guère, une après-midi, une journée, et puis on rentre au bercail. Il nous reste aussi, si on en a le courage et l’opportunité, la possibilité de partir ailleurs, mais on sent bien que le système est universel et qu’il nous rattrapera où que nous allions.
Bien sûr demeure la liberté d’ignorer ces contraintes, en faisant comme si elles n’existaient pas. L’enfant qui rêve en classe, l’employé qui accepte le metro-boulot-dodo et le chômage, le vieux qui file sans brocher dans sa maison de retraite, occultent la tyrannie du monde. Ils acceptent les contraintes que les autres leur imposent sans se révolter. Car ils savent que c’est un combat perdu d’avance. Qui l’a jamais gagné ? On le sait tellement qu’il n’y a plus de révolution, ni même d’idéal et la religion est devenue une consolation à usage personnel que l’on hésite à dévoiler en public.
Ces personnes fuient les informations. Elles se replient sur le petit monde où elles peuvent agir. Elles s’emparent des libertés qui leur restent, circuler, parler, manger, rire, jouer, fumer dehors, boire en cachette, s’offrir en douce un joint, et elles les magnifient. Ce sont les vraies libertés, proclament-elles, les autres, celle de vivre à sa guise, de ne pas se sentir menacé dans son travail, ses biens ou même sa vie, de se sentir en accord avec la société dans laquelle on vit, ce sont des libertés illusoires puisqu’elles sont hors d’atteinte.
En somme, elles se contentent de la liberté positive. Accepter le monde. Il ira où il doit aller. Devenir Zen. S’occuper de sa vie, trouver son équilibre à soi. Faire en sorte que la raison parle à la passion pour lui dire que tout ce qui m’est interdit n’est pas le fait de la stupidité, de la cupidité ou de la violence des hommes, mais la loi du monde.
Et s’endormir sur cette pensée réconfortante.
PS : j’ai publié un article identique sur le fond, il y a presque dix ans de cela, le 9 décembre 2010. Aujourd’hui, il m’a semblé, en corrigeant légèrement la forme, que je pouvais le publier à nouveau, au nom de l’exigeant précepte de Soljenitsyne : « Vivre sans mentir ».
LA JALOUSIE GOUVERNE T-ELLE LE MONDE?
La découverte du désir mimétique amène René Girard à s’interroger sur la violence. L'homme est une espèce apte à l'imitation, d’où sa grande faculté d'apprentissage mais aussi sa tendance à la rivalité mimétique dans l'appropriation des objets qui fait que, comme cette rivalité est contagieuse, la violence menace sans cesse les sociétés humaines.
Cette question de la source et de la limitation de la violence est abordée par René Girard dans La Violence et le Sacré (1972). Il y met en lumière les mécanismes de fonctionnement des sociétés humaines autour du désir mimétique.
À cet effet, il postule que, dans une société, l’existence d’un ordre normal est forcément le fruit d’une crise antérieure qui a été résolue. Partant de cette hypothèse, pour prévenir le retour d’une crise violente qui menace l’existence du groupe tout entier et rester réconciliés, nos ancêtres ont substitué des victimes nouvelles à la victime originaire. Il leur a donc fallu choisir une victime qui soit le symbole sacré de la réconciliation, d’où le développement progressif sur plusieurs centaines de milliers d’années, d’un mode de gestion de la violence qui consiste à la différer: dans un cadre symbolique, des sacrifices sanglants permettaient de refouler et de modérer les conflits internes dans les communautés archaïques aux dépens de victimes de substitution, les boucs émissaires.
Cette première explication de la diffusion du sacrifice expiatoire a été complétée par René́ Girard dans Des choses cachées depuis la fondation du monde (1978). Il y présente les Évangiles, qui ne seraient qu’un récit mythique parmi d’autres si la victime-Dieu, lynchée par une foule unanime, ne présentait pas une particularité extraordinaire, soigneusement cachée jusque-là, son innocence.
C’est à ce titre que l’Évangile renversa totalement l’ordre sacrificiel sur lequel reposait l’équilibre des sociétés, encore qu’avant lui l'Ancien Testament eut déjà entrepris de reconnaitre l'innocence de victimes telles qu’Abel, Joseph ou Job. Cependant, avec les Évangiles, se dévoilaient tout d’un coup ces « choses cachées depuis la fondation du monde » (Matthieu 13, 35), à savoir la fondation de l'ordre du monde sur le meurtre, présenté dans toute son horreur dans le récit de la Passion, pour laisser chacun devant ses responsabilités : « Aimez-vous les uns les autres ».
René Girard montre ensuite l’importance de l’enjeu en invoquant notamment Nietzsche qui a compris que le judaïsme et le christianisme défendaient les victimes injustement condamnées et condamnaient a contrario les bourreaux injustement légitimés.
Il montre enfin, dans Achever Clausewitz (2007), que ce dernier a compris que la rivalité́ mimétique nourrissait une montée aux extrêmes de la violence qui aboutissait à̀ la recherche de l’anéantissement de l’autre, contre lequel il fallait livrer une guerre absolue, un duel qui serait la continuation du sacrifice originel du frère jumeau.
René Girard estime enfin que, comme l’humanité́ possède désormais les moyens techniques de détruire toute vie sur la planète, rien ne semble pouvoir arrêter aujourd’hui l'intensification de la violence, puisque d’une part nul mythe ni sacrifice ne peuvent plus la contenir et que d’autre part le message chrétien n’est plus perceptible dans le cadre idéologique de la modernité.
À l’appui de la thèse de René Girard, une autre thèse, celle de la consommation ostentatoire développée par Thorstein Veblen, montre de même que la quête effrénée d’objets de luxe exprime la rivalité́ entre les membres d'une même catégorie sociale. On peut aussi se souvenir que le Léviathan de Thomas Hobbes postulait que l’égalité́ fondamentale entre les hommes entrainait une guerre de tous contre tous qui ne pouvait être évitée que par l‘instauration d’une force supérieure, celle de l’État.
La théorie de René Girard reste cependant une interprétation et non une démonstration de la dynamique des sociétés humaines : doit-on retenir que la jalousie, sous la forme qu’il la présente, le désir mimétique, gouverne le monde ?
LE TRIANGLE DU DÉSIR
Né le 25 décembre 1923 à Avignon, René Girard, ancien élève de l'École des Chartes, a mené aux États-Unis une carrière d'enseignant de littérature aux universités Johns Hopkins, Buffalo et Stanford.
Parti de l'analyse d'œuvres littéraires, il s'oriente progressivement vers l’élucidation de la situation du désir, en rompant avec le consensus qu’offre les analyses classiques de ce phénomène.
Dans son premier essai, Mensonge romantique et Vérité romanesque (1961), l’hypothèse avancée par Girard est fondée sur l’analyse du comportement de personnages romanesques, tels que Don Quichotte, Emma Bovary, les héros de Stendhal et de Proust.
Girard s’attache à défaire les illusions de la plupart des individus, persuadés d'être uniques et originaux, en particulier par l'objet de leur « désir » qu’il porte sur une personne, un idéal, un type de vie, un objet ou une valeur. Il montre que l’opinion publique, en l’occurrence les critiques littéraires, met exagérément l'accent sur la singularité des œuvres, des styles et des auteurs et finalement des désirs.
Pour sa part, Girard reconnaît bien ces singularités, mais les relie toutes à une structure du désir qu'il met en lumière : il montre que dans chaque cas, le désir ne dépend pas en premier lieu de la qualité de l’objet désiré mais des rapports entre le héros et l’Autre, celui qui a rendu l’objet désirable. Il s’agit pour Girard d’aider de montrer le fondement mimétique du désir, en d’autres termes de poser que tout désir serait l'imitation du désir d'un autre.
Girard estime que, loin d’être autonome, notre désir est toujours suscité par le désir qu'un autre a d'un objet quelconque. Aussi montre t-il que l’on peut toujours construire un triangle entre le sujet, l’objet et son médiateur. Il montre ensuite que le désir possède une dimension métaphysique, lorsqu’il n’est pas un simple appétit : « tout désir est désir d’être». En cela, contrairement au besoin, le désir humain recèle un caractère infini, au sens où il ne peut jamais être véritablement satisfait.
Or, chacun tient absolument à l’illusion de l’authenticité de ses désirs, ce qui a conduit les romanciers à exposer toute la diversité des mensonges, dissimulations, manœuvres, qui ne sont que les « ruses du désir » pour éviter de voir en face sa vérité : l’envie et la jalousie.
En sus des grands auteurs, René Girard renforce son analyse par une analyse critique des œuvres de Freud, ce dernier n’ayant pas perçu le caractère mimétique du désir et la dynamique de la rivalité mimétique qui en découle. Aussi, pour proposer une théorie du triangle conflictuel qu’il rencontre souvent chez ses patients, Freud a du inventer le complexe d'Oedipe.
Là où la conception mimétique détache le désir de l’objet, Freud s’accroche au désir fondé sur l’objet, en l’occurrence la mère et alors que la violence est une simple conséquence de la rivalité, Freud doit supposer une conscience de la rivalité paternelle et de ses conséquences meurtrières.
Cette invraisemblable conscience chez l’enfant, qui consiste à vouloir posséder sa mère et tuer son père, oblige Freud à introduire l'inconscient et le refoulement.
C’est pourquoi René Girard estime que son concept de désir mimétique permet de mieux expliquer et de rendre plus cohérentes les observations de la psychanalyse, que les hypothèses héroïques de Freud…
À SUIVRE
LE DÉFI DE LA BIOÉTHIQUE
La bioéthique s’impose au travers de comités éthiques dotés de procédures de décision unanimistes.
On s’accorde par exemple sur l’interdiction de la transgénèse (les OGM), sans qu’il y ait d’entente sur les raisons de cet accord, car cette interdiction peut aussi bien être formulée par respect de l’ordre naturel, par crainte pour la biodiversité, par compassion à l’égard des souffrances infligées au vivant, parce que le consommateur ne sera pas assez informé ou par crainte des monopoles.
La biomédecine n’a cessé de développer des capacités d’intervention sur l’être humain, de la conception à la mort, du génome au cerveau. Du coup, elle intéresse un nombre de plus en plus important d’actes médicaux ou para médicaux comme la procréation médicalement assistée, les tests et analyses génétiques (assurances, employeurs, police), l’usage des psychotropes, la médecine transsexuelle, à la numérisation des dossiers ou à la télémédecine.
Du coup, la réflexion bioéthique a généré une multitude de principes qui sont supposer la guider : la dignité, la vulnérabilité, la précaution, la confidentialité, l’égalité, la solidarité, la balance des risques et bénéfices, la protection des générations futures, la sacralité de la vie, la non commercialisation du corps, l’intégrité, la sécurité…
Malheureusement tous ces principes ne peuvent être respectés, car ils ne sont pas toujours compatibles entre eux. Il a fallu user de casuistique pour interpréter ces principes en fonction des circonstances dans lesquels ils sont appliqués et faire appel à divers principes philosophiques pour justifier des choix contradictoires.
Ainsi, Aristote a été appelé à la rescousse en ce qui concerne la prudence ou Kant a permis de justifier des impératifs éthiques universels et catégoriques, tandis que deux philosophes contemporains, Jonas (1979) et Engelhardt (1986) proposaient des principes opposés.
En effet,la responsabilité première et universelle selon Jonas est de préserver sur Terre une vie authentiquement humaine, qui postule le respect absolu du principe de précautionet qui est fondée sur l’existence d’une nature humaine, produit de l’évolution naturelle. Engelhardt, au contraire, laisse ouvert le futur de l’espèce humaine en lui octroyant le droit d’intervenir dans son évolution.
Or les avancées scientifiques modifient sans cesse les termes du débat. En 2012, une nouvelle technologie d’intervention dans le génome dénommée CRISPR, permet de modifier les caractères structurels et fonctionnels des organismes vivants. Cette technologie apporte avec elle la problématique de l’eugénisme. Face à cette avancée scientifique, certains s’opposent à tout usage non thérapeutique de la biomédecine au nom du respect de lanature, et d’autres, au nom du respect de la liberté individuelle d’améliorationtranshumaniste rejettent la croyance en une nature humaine intangible.
Ainsi, malgré les grands principes de la bioéthique, le débat reste ouvert entre ceux qui estiment que la nature humaine doit être préservée et ceux qui pensent que l’être humain peut être modifié. La tendance actuelle de la société me parait telle que la seconde option devrait l’emporter, malgré les risques.
FIN
LA BIOÉTHIQUE S'IMPOSE
La préoccupation centrale de la bioéthique réside dans la survie de l’espèce humaine et la qualité de la vie des générations futures.
C’est pourquoi elle s’adresse avant tout à ceux qui peuvent, par l’éducation et la réglementation, expliquer et faire appliquer les mesures recommandée par la bioéthique, qui s’est construite à partir du procès de Nuremberg dont est issu le code dit de Nuremberg (1947).
En dix articles, ce code définit les critères d’acceptabilité d’une expérience médicale, dont le consentement du sujet. Or, dans les années 1960-1970, se multiplient les révélations sur les expériences et les pratiques biomédicales non éthiques, telles que l’affaire de la thalidomide qui entraine des malformations congénitales ou celle de Tuskegee où eurent lieu des expérimentations sur des Noirs américains, effectuées sans consentement.
En 1975, Karen Ann Quinlan, plongée dans un état végétatif irréversible, suscite un débat éthique et juridique autour de l’acharnement thérapeutique et de l’euthanasie et en 1978, la naissance en Angleterre de Louise Brown, le premier « bébé éprouvette », amorce le débat autour de la fécondation in vitro. Toutes ces controverses conduisent au rapport américain Belmont (1979) qui énonce trois principes de la bioéthique assez triviaux mais difficiles à interpréter et donc à appliquer, l'autonomie, la bienfaisance et la justice distributive.
De son côté, le monde académique va établir des centres de recherches sur l’éthique. Les plus connus sont le Hastings Center (1969) et le Kennedy Institute of Ethics (1971) qui comprend un centre de bioéthique. Puis, à partir des années 1980 débute la diffusion de la bioéthique en Europe : en 1983, la France crée le premier comité national permanent qu’est le Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE), qui organise les États généraux de la bioéthique, préalables à une révision régulière de la législation. Puis en 1985, le Conseil de l’Europe crée le Cahbi (Comité ad hoc d’experts pour la bioéthique) qui est remplacé par le CDBI (Comité directeur pour la bioéthique) dont la mission est d’étudier les problèmes posés par les développements biomédicaux dans les domaines du droit et de l’éthique à la lumière des droits de l’homme. En 1997, le CDBI adopte la Convention européenne de bioéthique, tandis que la Commission européenne crée le Groupe européen d’éthique des sciences et des nouvelles technologies (GEE).
Lorsque, en 2005, l’Assemblée générale de l’UNESCO adopte la Déclaration universelle sur la bioéthique et les droits de l’homme, une large majorité de pays disposent d’un comité national de bioéthique ou d’une institution équivalente et les comités d’éthique de la recherche et d’éthique clinique se sont multipliés dans les universités et dans les hôpitaux. En outre, depuis la fin des années 1980, se sont multipliés les revues, les congrès, les instituts universitaires et les projets de recherche consacrés à la bioéthique.
Désormais, la bioéthique est devenue un paradigme pour l’approche des questions posées à l’individu et à la société par l’avancement incessant de toutes les techno-sciences, ce qui se traduit par l'apparition de comités d’éthique, dont la légitimité dépend de la méthode qu'ils utilisent pour formuler des avis.
Un comité d’éthique doit être pluridisciplinaire, pluraliste et indépendant du pouvoir politique qui l'a institué, dans ses délibérations et ses conclusions. Son fonctionnement interne doit permettre l’expression et la discussion argumentée des voix divergentes. Il implique le consensus et non le vote à la majorité, avec, le cas échéant, l’expression des désaccords et des arguments.
En effet, s’agissant de questions touchant aux grandes interrogations de la vie humaine telles que la naissance, la mort, l’identité, la sexualité, la conscience, la liberté, l’avenir, il n’est pas surprenant que des désaccords persistent et que le consensus ne soit que pragmatique...
À SUIVRE
LA PROBLÉMATIQUE DE LA BIOÉTHIQUE
Depuis un demi-siècle, le développement de la bioéthique est marqué par la prise de conscience qu’une évaluation éthique des progrès techno-scientifiques s’impose.
De nombreuses approches alimentent la réflexion bioéthique : l’éthique kantienne, l’éthique des droits de l’homme, l’éthique utilitariste, l’éthique narrative, l’éthique du soin ou même la casuistique.
Les questions traitées par la bioéthique peuvent être purement philosophiques, telle que la question de la dignité humaine ou des limites de la liberté individuelle. Mais elles peuvent aussi concerner des questions techniques, telle que la régulation de nouveaux procédés de thérapie génique.
Des recherches en plein essor dans le domaine du numérique affectent en effet en profondeur la place et le rôle de la médecine, sollicitée par des intérêts économiques et politiques et par des demandes d’amélioration des performances individuelles, sans justification thérapeutique.
Mais ce n’est cependant pas une question nouvelle. Le terme allemand de Bio-Ethik apparaît pour la première fois dans un article de Fritz Jahr en 1927, dans l’article Bio-Ethik: Eine Umschau über die ethischen Beziehungen des Menschen zu Tier und Pflanze ». Pasteur protestant et philosophe, Jahr proposait d’étendre l’impératif catégorique de Kant touchant le respect de la personne humaine à l’ensemble des formes de vie : il en résultait un impératif bioéthique fondé sur la solidarité des humains avec le monde vivant. Son approche le conduisait déjà à définir la bioéthique comme une discipline morale rendue nécessaire par le développement des sciences et des techniques.
Cette conception annonçait la proposition de Van Rensselaer Potter dans son ouvrage Bioethics. Bridge to the Future (1971). Ce dernier proposait plusieurs définitions pour la bioéthique: nouvelle discipline éthique interdisciplinaire, science du bon usage des sciences ou tout simplement sagesse. Sa problématique était centrée autour de la survie et de l’amélioration de la qualité de vie de l’espèce humaine sur le long terme, menacées par un usage irresponsable des sciences et des techniques, notamment en raison d’une vision compartimentée et à court terme de la science.
À ce titre, Potter soulignait le clivage entre les deux cultures, scientifico-technique et philosophico-littéraire, par une séparation stricte entre les faits et les valeurs. L’erreur qu’il dénonçait consiste à séparer l’action guidée par des valeurs et des normes et la connaissance des lois et des faits scientifiquement établis qui éclaire les conditions et les conséquences de l’action. Or ce savoir scientifique, tel que la biomédecine, est excessivement spécialisé et la connaissance devient dangereuse dès lors qu’elle est entre les mains de spécialistes étroits, même s’ils sont animés de bonnes intentions.
Or les questions controversées associées à la procréation ou à la fin de vie sont à considérer en prenant en compte les problèmes plus généraux de la démographie, de l’environnement, des ressources économiques, technologiques, biologiques et ne peuvent être exclusivement focalisés sur les seuls individus en jeu.
À SUIVRE
LA VOITURE ÉLECTRIQUE EN DOUTE
Carlos Tavares, le patron de PSA, s'interrogeait récemment à propos des véhicules électriques: comment faire en sorte que le recyclage d’une batterie ne soit pas un désastre écologique et comment trouver suffisamment de matières premières rares pour faire les cellules et les chimies des batteries dans la durée ?
En outre, Stéphane Lhomme, Directeur de l’Observatoire du nucléaire, observe que le cycle de vie d’un véhicule électrique le rend aussi polluant qu’un véhicule thermique, car la fabrication des batteries est tellement émettrice de CO² qu’il faut avoir parcouru de 50 000 à 100 000 km en voiture électrique pour commencer à être moins producteur de CO² qu’une voiture thermique. Sachant que ces voitures servent essentiellement à des trajets courts, il est probable que le kilométrage nécessaire pour s’estimer vertueux ne sera jamais atteint.
Si bien que la voiture électrique risque de ne pas être plus bénéfique pour le climat que la voiture thermique, essence ou diesel. Il faut ajouter que la voiture électrique possède aussi des pneus et des freins et qu'elle use les routes par frottement, ce qui induit presque autant de particules fines que la consommation d'un diesel.
Aussi l’argent public consacré à son développement est-il difficilement justifiable, alors que l’on apprend que l’État a lancé un plan d’installation de sept millions de bornes de rechargement à environ 10 000 euros pièce, soit 70 milliards d’euros au total et que l’on sait que la prime à l’achat d’un véhicule électrique ou hydrogène s’élève à 6000 € en 2018 auquel s’ajoute la prime à la conversion des vieilles voitures diesel (2001) ou essence (1997) en voiture électrique, qui s’élève à 2500€ de plus, sans compter les primes régionales.
Voici donc la consommation d’électricité, qui stagne en France depuis 2008, relancée à terme par les voitures électriques qui sont en réalité des voitures principalement nucléaires puisque 71,6% de la production électrique en France est d’origine nucléaire. Aujourd’hui, l'électricité ne provient des sources d’énergie renouvelable, en dehors de l’énergie d’origine hydraulique que pour 4,8% en France.
La question n’est naturellement pas de promouvoir la voiture thermique, qui est en soi une calamité environnementale, mais de s’interroger sur le choix stratégique pour réduire la pollution qui consiste à promouvoir des véhicules électriques, car personne n’aurait l’idée saugenue aujourd'hui d’offrir 8500 euros pour l’achat d’une voiture diesel, de lui réserver des places de stationnement et de remplir son réservoir à prix cassé…
Mais le plus surprenant est que le diesel, condamné pour les automobiles, est aussi utilisé pour les camions, les autocars et les navires. Ces derniers utilisent un carburant bien plus riche en soufre que ceux autorisés pour le secteur automobile puisque la part d’oxyde de soufre dans le diesel marin sera encore de 0,50% en 2020, cinquante fois plus que dans le diesel automobile. La priorité stratégique n'est-elle donc par ailleurs?
La subvention de l’automobile électrique afin d’aider à réduire la pollution atmosphérique en France, nous semble donc sujette à caution…
LA DEMANDE MONDIALE DE PRODUITS D'ÉLEVAGE
L’évolution des techniques d’élevage trouve sa justification dans la croissance de la demande mondiale des produits de l’élevage.
Cette croissance s’explique tout d’abord par la croissance de la population mondiale qui est passée de 3 à 7,3 milliards de personnes entre 1962 et 2015. En outre, la progression rapide de la consommation de viande en Chine ou au Brésil montre que l’amélioration des niveaux de vie entraine le remplacement des calories d’origine végétale par celles d’origine animale. Ainsi depuis le début des années 1960 :
- la consommation mondiale de viande de volailles a progressé au rythme moyen de 4% par an, passant de 3 à 14,5 kilogrammes par personne et par an.
- Celle de la viande porcine s’est accrue de 2% par an, passant de 8 kilogrammes par an à 15,5 kilogrammes pour la même période.
- Celle de la viande de bœuf a augmenté de 1% par an, atteignant 9,5 kilogrammes par personne et par an.
- Celle de la viande ovine et caprine n’a presque pas progressé, avec environ 2 kilogrammes par personne et par an.
L’augmentation de la consommation concerne aussi celle du lait qui a progressé de 55% depuis 1962. Le lait de vache a vu sa production passer de 316 millions de tonnes en 1962 à 495 millions de tonnes en 2016, principalement en raison de la nouvelle demande des pays émergents, en particulier de la Chine.
La production d’un kilogramme de poulet nécessite entre 1,8 et 2 kilogrammes d’aliments d’origine végétale, celle d’un kilogramme de porc entre 3,5 et 4 kilogrammes et pour un kilogramme de bovin, il faut utiliser plus de 7 kilogrammes d’aliments d’origine végétale.
On peut donc s’interroger sur le bien-fondé du gaspillage de ressources alimentaires entrainé par l’élevage. La pure rationalité consisterait à encourager la consommation de végétaux plutôt que d’animaux pour l’alimentation humaine d’autant plus qu’une bonne partie de la population mondiale consomme trop de produits carnés ou laitiers pour leur santé par habitude, qui est renforcée par les mécanismes de la société de consommation.
L’excès des activités d’élevage apparaît aussi dans les importantes émissions de gaz à effet de serre, principalement de méthane et de protoxyde d’azote que provoquent les déjections des bovins, ainsi que dans la pollution des eaux, générées par les déjections des porcs provenant de la concentration des élevages hors-sol.
En outre la crainte d’accidents sanitaires, comme celle de la vache folle, est inhérente à l’organisation industrielle de l’élevage, ce qui devrait inciter à limiter la concentration des activités d’élevage, alors qu’aujourd’hui cinq groupes les contrôlent, dans l’ordre le groupe brésilien JBS, le groupe nord-américain Tyson Foods, le groupe chinois WH, le groupe nord-américain Cargill pour sa division viandes et le groupe brésilien Brazil Foods.
Enfin la question éthique posée par l’abattage des animaux émerge au travers de la prise de conscience des conditions brutales dans lesquelles il est pratiqué. Elle pourrait à terme conduire à la désuétude des pratiques d’abattage des animaux et par ricochet à celle de l’élevage des animaux pour nourrir les êtres humains. Après tout, dans l’État du Gujarat en Inde occidentale, les restaurants McDonald's sont végétariens…
Derrière la question de l’élevage, le principe selon lequel l’homme doive, quel qu’en soit le prix, dominer la nature est de plus en plus contesté.
FIN
L'ÉVOLUTION DES TECHNIQUES D'ÉLEVAGE
La question de l’évolution de l’élevage devrait attirer votre attention sur son importance, ses caractéristiques et finalement sur ses conséquences.
L’élevage désigne l’ensemble des activités mises en œuvre pour assurer la production, la reproduction et l’entretien des animaux domestiques afin d’en obtenir différents produits ou services. Pour les sociétés modernes, il s’agit surtout de produire de la viande, du lait, d’œufs et accessoirement du cuir.
Pour prendre conscience de l’importance de l’élevage qui est loin d’être une activité secondaire pour l’humanité, il faut retenir qu’aujourd’hui 80% des espaces agricoles mondiaux sont mobilisés pour les activités d’élevage, avec prés de 3,4 milliards d’hectares qui lui sont directement consacrées auxquel les s’ajoutent le tiers de la production mondiale de céréales et la quasi-totalité des tourteaux issus de la trituration des graines oléagineuses, les deux productions mobilisant ensemble 1,55 milliards d’hectares.
L’élevage a connu trois pratiques successives, pastorales, agricoles et industrielles. Le pastoralisme originel se réfère aux pratiques de populations qui vivent des produits de leurs troupeaux. Ces derniers consomment une végétation spontanée, ce qui implique leur déplacement, d’autant plus que la base fourragère n’est que rarement entretenue par les éleveurs. On rencontre encore ces formes de vie pastorales dans des milieux de steppe, de savane ou de toundra, mais aussi dans les montagnes du pourtour méditerranéen, sous forme de transhumance entre les plaines et les alpages.
Mais si le pastoralisme subsiste, il a été depuis longtemps complété puis dominé par l’agropastoralisme, qui a pris toute son importance avec la révolution agricole du XVIIIe siècle. Cette dernière a permis, grâce à la mise en culture des jachères avec des plantes fourragères et l’entretien des prairies naturelles par des opérations de drainage et d’irrigation, de mieux nourrir les animaux d’élevage. Cette combinaison des cultures et des activités d’élevage devient le modèle dominant d’exploitation agricole en Europe de l’Ouest jusqu’aux années 1960.
Par la suite, l’industrialisation et la mondialisation des activités d’élevage ont conduit à la mise en place de systèmes spécialisés. Les élevages hors-sol constituent l’archétype de ces élevages intensifs. Les animaux ne quittent plus les bâtiments et sont nourris à partir de denrées fourragères, ensilages, céréales, tourteaux d’oléagineux qui leur sont fournies et qui viennent d'autres continents, du fait de la mondialisation.
La diffusion rapide de ces systèmes d’élevage intensif s’est appuyée sur des avancées scientifiques et zootechniques, comme la généralisation de la sélection scientifique des animaux, la mise au point de rations alimentaires spécifiques distribuées aux animaux en fonction de la nature de leurs apports et de leurs coûts relatifs, la maîtrise des conditions sanitaires, l’installation de bâtiments d’élevage autorisant une mécanisation poussée des différentes opérations comme celle des carrousels de traite pour les vaches laitières.
L’aviculture, avec des animaux de petite taille et à reproduction rapide, a permis une rotation rapide des capitaux investis par les producteurs, d’autant plus que les viandes de volailles ne font l’objet d’aucun interdit alimentaire d’origine culturelle ou religieuse. Aussi l'aviculture est-elle l’activité qui a le plus vite profité des innovations scientifiques et techniques, ce qui lui permet d’offrir la calorie la moins chère de toutes les calories animales.
Pour les élevages bovins et porcins, l’insémination artificielle a entrainé une amélioration rapide des cheptels en facilitant la diffusion des races les plus productives, tout en provoquant la réduction de la diversité génétique. On a calculé qu’aux États-Unis, la quantité de travail nécessaire pour obtenir un kilogramme de viande de porc a été divisée par sept en vingt ans.
Pour obtenir le lait à moindre prix, la traite des vaches est de plus en plus mécanisée avec des fermes géantes de 1000 à 3000 vaches, dans lesquelles l’on récupère le gaz méthane et des fertilisants provenant des déjections des animaux.
Une nouvelle étape de l’élevage se développe avec les techniques de congélation du sperme, des ovaires et des embryons des animaux d’élevage qui facilitent une sélection des géniteursles plus performants, tandis que les nouvelles techniques d’amélioration génétique permettent de transformer les génomes et de reproduire les animaux par clonage…
À SUIVRE
OUI À LA VIE
On ne peut maudire sa propre vie, simplement parce que l’on se sent malheureux.
Vouloir isoler les périodes de bonheur des moments de malheur n’a pas de sens, car ces derniers nous conduisent aux instants de bonheur. Ainsi, on ne peut pas maudire la solitude alors qu’elle est à la fois la préparation et la conséquence de la communion entre deux êtres : refuser à tout prix de faire face à la solitude implique de se priver de l’accomplissement amoureux qu’elle prépare.
En résumé, nous ne pouvons pas vouloir le plaisir sans accepter la souffrance, le bonheur sans accepter le malheur. Il nous faut admettre l’imbrication des événements de la vie, qui fait que la réalisation de chacun d’entre eux est conditionnée par tous les autres.
Il ne s’agit pas pour autant de se résigner à l’intolérable mais de prendre ses distances. Contrairement à celui qui reste esclave de ce qui le meurtrit, l’homme gagne à ne pas chercher à combattre ce qu’il juge mauvais, mais à l’ignorer en prenant ses distances : plutôt que de pester contre la société de consommation en remplissant son caddie, plutôt que de tempêter contre la société du spectacle tout en restant collé à son poste de télévision, plutôt que de rager contre des journalistes-propagandistes que l’on écoute tous les jours, il convient de consommer raisonnablement, d’éteindre son téléviseur, de lire des écrits de qualité plutôt que des textes publicitaires.
La logique de la vie implique que toute déconvenue, toute souffrance, toute tragédie de l’existence doit être l’aiguillon de notre force ; chacune d’entre elles devrait nous inciter à affirmer notre volonté de puissance, c’est à dire de manifester notre volonté de vivre.
Ce n’est pas parce que nous avons des idées noires que nous nous sentons blasés ou dégoutés, c’est juste l’inverse, c’est parce que notre énergie vitale est affaiblie que nous avons besoin de nous refugier dans des idées noires. Les délires meurtriers des fanatiques comme les excès de toutes sortes, qu’ils s’expriment sous forme de violences, de drogues ou d’addictions diverses, s’expliquent par la faiblesse de ceux qui y succombent, qui les contraint à rechercher des excitations toujours plus puissantes pour se sentir en vie.
La faiblesse n’a rien à voir avec le manque de volonté ou l’incapacité à prendre des décisions et à s’y tenir. Elle se caractérise plutôt par l’incapacité à résister à une impulsion et elle se traduit par la la distraction permanente. C’est ainsi que certains sont littéralement incapables de supporter une minute de silence, il faut que leur attention soit en permanence accaparée par des images télévisées, une conversation téléphonique ou un jeu vidéo. De même, la faiblesse consiste à réagir à l’emporte-pièce, sans laisser mûrir notre réflexion.
S’il est nécessaire de laisser murir sa réflexion, une fois que l’on décide d’agir, il faut concentrer toute sa force vitale dans l’action pour aller au bout des possibles, afin de transcender les limites que l’on s’est imposées, ce qu’exprimait Pindare en proposant la maxime « Deviens ce que tu es ».
Deviens ce que tu es ?
Il ne s’agit pas de se connaître soi-même par une lente prise de conscience, car cela revient à limiter sa personnalité à une image préfabriquée et standardisée.
Il s’agit plutôt de se perdre pour se trouver.
Les accidents de parcours, les aveuglements temporaires, les désillusions, les hésitations sont des étapes nécessaires dans la construction de soi. Plus nous errons, plus nous nous éparpillons, plus nous avons l’impression de changer de direction et plus nous percevons ce qui est immuable en nous.
Puis, à force d’explorer les possibles, nous nous heurtons à une barrière infranchissable qui nous fait connaître nos limites sous la forme d’un trait de caractère que nous ne pouvons pas corriger, d’un défaut qui nous empêche d’apprendre d’une nouvelle expérience ou d’une pulsion invariable qu’aucun de nos efforts ne sera en mesure de changer.
Et c’est finalement notre capacité à nous organiser autour de notre pulsion centrale, et non notre volonté de lutter contre elle, qui fait la différence entre les forts et les faibles.
FIN