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Le blog d'André Boyer

philosophie

LE PROBLÈME DE DIAGORAS

22 Décembre 2022 , Rédigé par André Boyer Publié dans #PHILOSOPHIE

LE GÉNÉRALISSIME GAMELIN

LE GÉNÉRALISSIME GAMELIN

Jusqu'ici, nous savons que rien ne nous garantit contre l'apparition d'un Cygne Noir, ni une longue cohorte de Cygnes Blancs, ni une avalanche de "preuves" en leur faveur. Qu'est ce qui nous fait encore défaut pour voir venir ce Cygne Noir?

 

Lisez l'histoire de Diagoras que nous conte Cicéron. Ce Diagoras n'était qu'un fichu athée que ses amis croyants essayaient de convertir. Pour y parvenir, ils lui montraient des tablettes peintes représentant d'un côté des dévots en train de prier et de l'autre côté les mêmes dévots qui avaient réussi à survivre au naufrage de leur navire.

"Tu vois, disaient ses amis à Diagoras, ils ont prié et ils ont survécu !". Certains étaient plus directs : " C'est parce qu'ils ont prié qu'ils ont survécu !". Diagoras les écouta tous quelque temps sans rien dire, puis il plissa son front en signe de réflexion avant de les interroger :  "Mais où sont les portraits de ceux qui avaient prié et qui sont morts noyés ?".

Cette terrible question est double. D'une part, les vainqueurs quels qu'ils soient, rescapés d'un accident, gagnants en affaires, sportifs triomphants ou même vainqueurs au Loto, ont une fâcheuse tendance, et le bon public avec eux, à attribuer leurs succès à leurs mérites, rarement à la chance. On peut même généraliser et postuler que les hommes, parce qu'ils sont à la recherche forcenée d'une explication, ont tendance à relier un peu trop simplement les effets à une cause, que ce soient des succès ou des échecs. Surtout les succès*.

D'autre part, si on entoure volontiers les gagnants et si l'on scrute les raisons de leur succès, on regarde avec moins d'acuité le sort des perdants. "Vae victis " : si l'on a perdu, c'est qu'il y a une raison, parce que l'on était plus faible, moins intelligent ou parfois, mais on le mentionne peu volontiers, moins chanceux que les vainqueurs.

C'est ainsi que, longtemps, j'ai été impressionné par le tout petit nombre d'ouvrages consacrés en France à la défaite de 1940, à l'exception du livre de Marc Bloch, écrit sur le coup, "L'Étrange défaite". En revanche les ouvrages anglo-saxons pullulaient sur le sujet. Pourquoi donc les historiens français ne voulaient-ils pas tirer les leçons de cette retentissante défaite stratégique, militaire et même sociétale de la France ? La réponse tenait dans la question : ils ne tenaient pas du tout à en tirer les leçons, des leçons trop lourdes de conséquences, tant l'échec français était patent. Ils se refusaient tout bonnement à l'analyser. En revanche, les anglo-saxons s'en gargarisaient, y trouvant toutes sortes de justifications à leur supposée supériorité, oubliant souvent de mentionner l'existence de la Manche comme la raison principale de leur survie...

C'est très ennuyeux de se refuser à analyser d'analyser les raisons de l'échec, en particulier du sien, lorsque l'on veut comprendre d'où viendra le prochain Cygne Noir. J'aurais rêvé, après mai 1940 qui a vu la plus grande défaite de l'histoire de France, qu'une conférence nationale se réunisse pour en déterminer les causes et en tirer les conséquences. Au contraire, on n'a eu de cesse de pousser la poussière du désastre sous le tapis. C'était pourtant l'usage des Romains de la République de tirer les leçons de leurs échecs, avec la volonté d'en analyser sérieusement les causes tout en n'hésitant pas à reconnaitre le rôle du hasard, afin d'en tirer les conséquences...pour gagner.

Mais lorsque nous attribuons des causes simplistes à des évènements complexes, ne nous étonnons pas de voir débouler un Cygne Noir là où nous n'attendions que des Cygnes Blancs.  

En posant que les Ardennes étaient infranchissables aux chars allemands, Gamelin les a vu tronçonner ses armées en deux. Mais, si à la suite de cette immense faute stratégique, les Français attribuent au seul Gamelin la perte de la guerre de 1940, ils commettent une erreur d'analyse tout aussi monumentale.  Car ni Gamelin, ni les Français n'ont sérieusement pris les moyens de voir venir le Cygne Noir : le premier en a bu les conséquences jusqu'à la lie, les seconds sont encore et toujours les victimes de leur refus d'analyser les causes de la défaite.

 

Nous proposons donc une quatrième règle, la règle de Diagoras, pour ne pas être surpris par l'irruption d'un Cygne Noir inattendu : sans sous-estimer le rôle du hasard, regardez les vaincus comme les vainqueurs dans toutes leurs dimensions avant d'attribuer une cause simple à un échec ou à un succès.

 

* Essayez de publier le livre dont le titre serait le suivant : " Ce que j'ai appris en perdant un million d'Euros". Bonne chance pour trouver un éditeur.

 

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S'ACCROCHER MORDICUS À SA VISION DU MONDE

17 Décembre 2022 , Rédigé par André Boyer Publié dans #PHILOSOPHIE

KARL POPPER

KARL POPPER

Vu par la dinde, la privation de nourriture qui a lieu le mille et unième jour est un Cygne Noir. Pas pour le boucher, toutefois.

 

Car le Cygne Noir est une histoire de dupe. La dinde est victime de sa naïveté. Si elle l'était moins, on n'arriverait pas à engraisser les dindes, ce qui signifie que l'on peut éliminer un Cygne Noir grâce à sa capacité d'analyse des données.

Or nous nous trompons nous-même, en raison de notre volonté farouche de voir confirmée par les faits notre vision du monde. Cela se traduit par la recherche d'exemples qui apportent de l'eau à notre moulin. Les scientifiques, c'est leur péché, véniel ou mortel c'est selon, testent des hypothèses qui leur conviennent à l'aide d'exemples, qu'ils n'ont aucun mal à trouver. Je peux témoigner qu'au cours de ma carrière universitaire, j'ai rarement* rencontré des chercheurs qui testaient leurs hypothèses avec pour objectif de les invalider!

Mais une succession de faits confirmatifs ne constituent pas une preuve, tandis qu'un fait négatif, en d'autres termes un Cygne Noir, est lui bel est bien une preuve. Pour la dinde, mille journées d'observation ne prouvent rien, mais une seule journée à la diète prouve qu'elle avait tort d'être confiante.

Karl Popper** a élaboré une théorie à propos de cette asymétrie de l’information, qui est fondée sur la technique de la "falsification", ou en bon français sur la technique de la "réfutation", destinée à faire la différence entre les affirmations scientifiques et celles qui ne le sont pas.

Même s'il n'est pas toujours facile de "falsifier", c'est à dire de déclarer que quelque chose est faux avec une certitude absolue, il n'en reste pas moins que l'on est beaucoup plus sûr de ce qui est faux que de ce qui est vrai.

Le mécanisme de vérification fonctionne ainsi selon Popper : vous formulez une hypothèse et vous vous mettez en quête de faits qui la réfutent, au lieu de rechercher des exemples confirmatifs. Tant que vous n'avez pas trouvé des faits qui contredisent votre hypothèse, elle est réputée "vraie". Provisoirement.

Il faut reconnaitre que Georges Soros*** illustre bien cette démarche lorsqu'il fait un pari financier et qu'il passe son temps à chercher des exemples qui réfuteraient (et non qui illustreraient) sa théorie initiale. Mais, pour le commun des mortels, lorsque l'esprit est habité par une certaine vision du monde, il a tendance à considérer uniquement les exemples qui lui donnent raison. Le paradoxe vient de l'observation que, plus on a d'informations et plus on a l'impression que nos opinions sont justifiées.

La guerre entre la Russie et l'Ukraine l'illustre parfaitement qui fait que toutes les informations corroborent notre conviction que Poutine est le méchant et les médias, qui, ne pouvant aller à contre-courant de tous, font en sorte qu'aucune information n'aille en sens inverse. Si bien que plus vous êtes informé, moins vous comprenez ce qui se passe puisque le moindre Cygne Noir est abattu en vol, tandis que les Cygnes Blancs sont préservés de tout croisement intempestif. Cela présente l'avantage de vous permettre de rester confortable avec vos opinions, mais ne vous laisse aucune chance d'apercevoir le moindre Cygne Noir.

Certes, tous les faits corroborent votre opinion, mais le problème est que les preuves confirmatives, cela n'existe tout simplement pas, car un rien, un souffle suffit à les balayer. Imaginez par exemple qu'apparaisse soudainement une rumeur, seulement une rumeur, de négociation entre la Russie et les États-Unis ou de fuite de Poutine en Argentine et le jour même, le prix du gaz s’effondre et toutes vos certitudes avec.   

Pourtant, nous ne sommes pas si naïfs. Nous ne croyons pas n'importe quoi, nous possédons, issus de nos gènes, un instinct inductif dès la petite enfance, mais il semble que la complexité du monde s'accroisse plus vite que notre instinct, qui semble avoir appris à faire des déductions rapides en se focalisant sur un petit nombre de causes de Cygnes Noirs.

 

D'où une troisième règle pour ne pas voir arriver des Cygnes Noirs inattendus : quel que soit leur nombre rien ne peut vous garantir qu'il n'existe que des Cygnes Blancs, mais un rien peut l'infirmer.

 

* Tout de même quelques-uns parmi mes collègues et doctorants se reconnaitront.

** Karl Popper, la logique de la découverte scientifique, 1935, 2017, Payot.

*** Georges Soros, L'Alchimie de la Finance, 1998, Valor. 

 

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RECONNAITRE UN CYGNE NOIR

12 Décembre 2022 , Rédigé par André Boyer Publié dans #PHILOSOPHIE

RECONNAITRE UN CYGNE NOIR

Un Cygne Noir est un évènement aberrant, qui a un fort impact sur les évènements futurs et que nous cherchons, à posteriori, à rendre explicable, donc prévisible.

 

Par exemple, la guerre de 1914 était imprévisible, ou plus exactement son avènement, son ampleur et ses conséquences étaient imprévisibles et de multiples historiens ont cherché à l'expliquer, après.

Je me suis souvent attaché à prévoir la survenance de Cygnes Noirs. Par exemple, j'ai écrit en 1981 un article sur la future chute de l'URSS, intitulé "L'URSS de papier", qui n'a eu aucun succès malgré mes nombreux efforts pour le publier. Presque tout le monde pensait, avant sa chute, que l'URSS était installée pour l'éternité et les mêmes, à ma grande indignation, m'ont expliqué ensuite pourquoi elle était inévitable et prévisible ! J'avais également prévu dans ce blog, dès le début de la guerre en Syrie, qu'Assad ne tomberait pas et j'ai expliqué pourquoi. Cependant le but de ce billet n'est pas de m’auto glorifier mais de montrer que les Cygnes Noirs sont parfois prévisibles.

La première règle à poser est qu'aucune vérité unanimement reconnue par tous ne doit être acceptée à priori.

Il arrive cependant que ce que tout le monde pense soit vrai, mais il s'agit d'évidences sans intérêt. Par exemple, "le soleil se lève chaque matin" est un "Cygne Blanc" qui ne mérite pas d'être discuté, du moins au moment où j'écris ces lignes.

En revanche l'issue de la guerre en Ukraine mérite de l'être. Ce qu'écrivent les commentateurs en Europe est par définition partial, puisqu'ils sont en désaccord total avec l'un des acteurs majeurs, Poutine. Il nous faut donc examiner la question plus au fond, sous les angles stratégiques, politiques, culturels, économiques et recueillir des données. Mais, pour le moment, j'avoue que je n'ai pas recueilli assez d'informations pertinentes pour écrire quelque chose d'utile sur le sujet et donc je n'écris pas. Car, tant que je ne vois pas apparaitre de Cygne Noir, à quoi cela servirait de répéter à mon tour que tous les cygnes sont blancs ?

L'histoire est opaque. Nous croyons comprendre le monde parce que nous le simplifions. Comme sa complexité nous échappe, nous sommes contraints de nous contenter de l’analyser à posteriori et selon nos schémas pré établis, si bien qu'à la fin nous n'avons rien appris des évènements. Car l'histoire n'est pas linéaire, elle saute de fracture en fracture. Quels Romains ont prévu que le christianisme deviendrait la religion dominante en Méditerranée et que, sept siècles plus tard, une escouade de cavaliers étendrait la loi islamique de l'Espagne ou sous-continent indien et qu'elle y serait toujours en vigueur treize siècles plus tard ?

Le premier problème que l'on rencontre lorsque l'on essaie de prévoir l'avenir est celui du passé. L'homme observe les expériences de sa vie et en déduit ce qui l'attend dans ce monde. La dinde aussi, comme l'observe Russel*. Comme elle est nourrie tous les jours, elle en déduit que la règle générale de la vie consiste à être nourrie quotidiennement par de sympathiques êtres humains qui veillent sur ses intérêts. Cette croyance de la dinde se renforce chaque jour un peu plus, au fur et à mesure où elle constate qu'on la nourrit sans relâche amicalement, si bien que sa confiance s'accroit jusqu’au jour où, le mille unième jour, il lui arrive quelque chose d'inattendu, le « gentil » fermier cessant de la nourrir.

On peut tirer de la triste histoire de la dinde des conséquences sur la nature de la connaissance empirique : quelque chose fonctionnait dans le passé jusqu'à ce que, contre toute attente, ce ne soit plus le cas. C'est ce qui nous guette lorsque nous formulons des conclusions sur la seule base des données concernant le passé.

Un exemple d'actualité : les Français se croyaient à l'abri de toute pénurie énergétique avec leurs 56 centrales nucléaires et tout d'un coup ils apprennent que l'électricité risque de manquer, tandis que les artisans découvrent que les prix de l'électricité vont quintupler pour eux. Quelque chose leur a échappé dans le passé qui a un impact surprenant pour eux aujourd'hui.

Un autre exemple, célèbre : en 1907, E.J. Smith, futur capitaine du Titanic, fit la déclaration suivante :

" Pendant toutes ces années passées en mer, je n'ai vu qu'un seul navire en détresse. Je n'ai jamais vu de bateau échoué et je n'ai jamais échoué moi-même, ni été dans une situation difficile qui menaçait de tourner au désastre"

En 1912, il l'a vu.

 

D'où notre deuxième règle pour avoir une chance de reconnaitre le Cygne Noir avant qu'il ne produise ses effets, négatifs ou positifs : nous ne connaissons tout simplement pas la quantité d'information que recèle le passé.

 

*"L'homme qui a nourri le poulet tous les jours de sa vie finit par lui tordre le cou, montrant par là qu'il eût été bien utile au dit poulet d'avoir une vision plus subtile de l'uniformité de la nature" (Bertrand Russell, Problèmes de Philosophie, 1989)

 

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L'IRRUPTION DU NEW SPACE

10 Décembre 2022 , Rédigé par André Boyer Publié dans #PHILOSOPHIE

L'IRRUPTION DU NEW SPACE

La compétition entre l’URSS et les États-Unis fait que l’on regarde la conquête de l’espace en termes stratégiques plutôt qu'économiques, alors que l'aspect économique prend de plus en plus d'importance dans l'activité spatiale.  

 

Dans le passé, plusieurs pays ont tenté de développer de nouvelles fusées, de nouvelles sondes, de nouveaux satellites pour imprimer leur marque dans l'histoire, pour renforcer leur prestige et pour en tirer des avantages stratégiques.

L'Europe mais aussi des pays comme la Chine ou l’Inde ont développé leur programme spatial. En 2003, la Chine a lancé son premier vol habité avec la capsule Shenzhou 5 et avec son programme Chang’e, Pékin espère devenir le premier pays asiatique à envoyer un homme sur la Lune. Le programme spatial de l’Inde a débuté dans les années 1960 avec un premier satellite construit à l’aide de la technologie soviétique. Le programme s'est poursuivi avec le lancement de la sonde Mangalyaan en orbite autour de Mars. 

La conquête de l’espace pose évidemment une question économique. L’ordre de grandeur des dépenses spatiales est fort différent selon les pays. Les États-Unis dépensent plus de quarante milliards de dollars chaque année pour leurs programmes spatiaux, l’Europe sept milliards et la Russie comme la Chine environ cinq milliards. Ces dépenses n’ont pas que des objectifs stratégiques mais aussi économiques. C’est ainsi que la Chine développe depuis les années 1980 des lanceurs capables de placer des satellites en orbite géostationnaire, avec pour objectif de générer des revenus pour financer le programme spatial, tandis que les États-Unis utilisent l’invention du GPS pour financer le leur.

Car de nouveaux secteurs stratégiques et économiques se sont développés qui dépendent désormais de l’espace, comme les télécommunications, la cartographie et l’aide à la navigation, mais aussi l’observation météorologique et la surveillance des catastrophes naturelles. Chaque jour apparaissent de nouveaux usages des données issues des satellites d’observation de la terre : scruter l’état des sécheresses ou le rendement des récoltes, surveiller la vitesse de déforestation ou d’érosion des plages, vérifier le taux de remplissage de parkings ou observer l’état de plateformes offshore.

Par rapport aux acteurs publics, les acteurs privés jouent un rôle croissant dans la guerre économique qui s’est engagée dans l’espace. Ainsi la constellation de satellites que SpaceX met actuellement en orbite a pour objectif de fournir une couverture Internet mondiale, y compris dans les endroits les plus isolés, permettant de faire fonctionner les lignes téléphoniques, mais aussi les véhicules autonomes. Dans cette guerre économique, les États-Unis ont inventé le concept de New Space, défini comme l’écosystème formé autour des sociétés privées et publiques américaines qui conçoivent et utilisent leurs propres lanceurs, et peuvent opérer des flottes de satellites, par opposition à l’Old Space dominé par les organisations publiques. Pour eux, la transformation de l'Old Space en New Space résulte de l’ouverture de l’espace à des acteurs privés qui ouvrent de nouveaux champs d’application avec des objectifs financiers.

Le New Space s'est traduit depuis une dizaine d'années par la multiplication de nouveaux acteurs spatiaux souvent issus du monde numérique, des innovations technologiques majeures telles que la réutilisation des équipements, la miniaturisation des composants, l'utilisation de nouveaux carburants comme le méthanol et la motorisation électrique, l'utilisation de l'impression 3D comme système de production et finalement la baisse du coût de l’espace

 

On peut donc écrire que le New Space, c'est l’ubérisation d'une industrie spatiale qui génère des nano satellites au prix de quelques dizaines de milliers d’euros par unité contre plusieurs dizaines de millions d'euros pour les satellites de télécommunication classiques.

 

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LA CONQUÊTE SPATIALE

5 Novembre 2022 , Rédigé par André Boyer Publié dans #PHILOSOPHIE

LE PREMIER SPOUTNIK (1957)

LE PREMIER SPOUTNIK (1957)

Lorsque nous observons ce démiurge, Elon Musk, lancer des chapelets de satellites, envoyer des touristes dans l’espace proche, intervenir en Ukraine ou en Iran, énoncer des projets fous, Il serait avisé de nous intéresser à l'économie de l'espace qui contrôle déjà une bonne partie d'internet, notre GPS, nos prévisions météorologiques et bientôt nos communications téléphoniques.

 

L'espace, qu'est ce à dire au juste? Il se situe environ cent kilomètres au-dessus de nos têtes, lorsque l’atmosphère terrestre a quasiment disparu et que l'on ne peut plus compter sur la portance aérodynamique mais uniquement sur la vitesse pour se maintenir en orbite.

Environ cent kilomètres... Cet "environ" pose un problème juridique. Au-dessous de cette limite, nous nous trouvons dans l'espace aérien de chaque pays, au-dessus l'espace appartient à tout le monde.

À tout le monde, mais pas n'importe comment. Pour gérer internationalement l'espace, un traité a été signé en 1967, le Traité sur les principes régissant les activités des États en matière d’exploration et d’utilisation de l’espace extra-atmosphérique, y compris la Lune et les autres corps célestes. Il s'y est ajouté en 1968, un accord sur le retour et le sauvetage des astronautes et sur la restitution des objets lancés dans l’espace extra-atmosphérique, puis en 1972, une convention sur la responsabilité internationale des États pour les dommages causés par des objets spatiaux suivie, respectivement en 1975 et 1979, par une convention sur l’immatriculation des objets lancés dans l’espace et par un accord sur les activités des États sur la Lune et sur les autres corps célestes. 

Ces accords gênent aujourd'hui les États-Unis dans leur ambition de développer dans l'espace une économie sans entraves. Car la situation a bien évolué depuis les premiers accords qui ont eux-mêmes suivi d'une décennie la première incursion humaine dans l'espace conduite par l'URSS.

En effet, le 4 octobre 1957 exactement, l'URSS a lancé le tout premier satellite, Spoutnik, sur une orbite qui se situait entre 225 kms et 947 kms au-dessus de la Terre.

Après les spoutniks soviétiques et la chienne Laïka, le premier être vivant satellisé qui n'a pas résisté bien longtemps à l'espace, les Américains rejoignaient les Soviétiques dans la course à l'espace avec le premier satellite américain, Explorer-1 en 1958. L'étape des satellites franchie, la compétition se déplaçait vers la Lune dés l'année suivante avec l’envoi du satellite russe Luna en dehors de l’orbite terrestre, puis de Luna-3 qui dévoilait des images de la face cachée de la Lune. 

À partir de 1961, la course à l'espace s’intensifiait ; les Soviétiques envoyaient le premier homme dans l’espace, Yuri Gagarine, tandis que les Américains se donnaient pour objectif d’envoyer un homme sur la Lune avant la fin des années soixante, objectif atteint de justesse le 21 juillet 1969 par l’alunissage de Neil Armstrong et Edwin Aldrin.

C'est à partir des années 1970 que la conquête spatiale s'élargira de la Lune à l'ensemble des planètes du système solaire. Dés 1970, les Soviétiques parviennent à envoyer une sonde, Venera 7 sur Vénus, tandis qu'en 1976 les sondes américaines Viking se posent sur Mars, et en 1977, deux autres sondes américaines survolent les planètes Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune ainsi que quarante-huit de leurs lunes.

Entre 1986 et 2001, la station spatiale russe Mir devient la première station permettant le vol spatial habité à long terme, et en avril 1990, le télescope spatial Hubble, développé par la NASA, est mis en orbite et permet de faire des découvertes de grande portée dans le domaine de l’astrophysique. 

 

La fin de la Guerre froide en 1990 ne mettait pas fin à cette conquête spatiale conduite par l'URSS et les États-Unis en compétition. Mieux, en 1998, une coopération internationale se mettait en place avec la construction de la Station spatiale internationale (ISS), qui est habitée de manière continue depuis octobre 2000.

 

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LES MAMMIFÈRES FONT DE LA RÉSISTANCE

21 Octobre 2022 , Rédigé par André Boyer Publié dans #PHILOSOPHIE

LES MAMMIFÈRES FONT DE LA RÉSISTANCE

Lorsque les écosystèmes ont commencé à se rétablir au début du Paléocène, la période qui suit immédiatement la collision avec un astéroïde,  la plupart des mammifères étaient des euthériens* de très petite taille, comme Purgatorius qui vivait juste cent mille ans aprés la chute de l'astéroïde, un euthérien doté de molaires adaptées aux fruits et de chevilles mobiles pour grimper aux arbres : il est l’un de nos ancêtres directs.

 

Ces euthériens survivaient grâce à un régime alimentaire flexible et à leurs modes de reproduction. La force spécifique des mammifères résidait en effet dans la durée de la gestation. En nourrissant plus longtemps les bébés dans leur ventre, les mères donnaient un superpouvoir aux juvéniles, qui devenaient plus facilement des adultes de grande taille. C'est ainsi qu'en quelques centaines de milliers d’années les premiers placentaires du Paléocène ont grandi démesurément, après être restés longtemps minuscules.

Puis la stabilité des écosystèmes ont permis à de nombreuses espèces nouvelles de proliférer, faisant évoluer leur morphologie et leurs comportements à partir d’un ancêtre commun pour tirer parti des opportunités diverses de l'environnement.

Il faut noter que les placentaires archaïques du Paléocène n’étaient pas particulièrement intelligents. Certes, par rapport à leurs minuscules prédécesseurs du Crétacé, les mammifères du Paléocène avaient un cerveau plus gros en valeur absolue. Mais le volume relatif de leur cerveau par rapport à la masse corporelle était plus faible que ceux des espèces du Cétacé qui les avait précédés. Tout s’est passé comme si les premiers placentaires avaient grossi si vite que leurs cerveaux n’avaient pas pu suivre le rythme, ou comme s’il était plus important, lorsqu’il y avait de nombreuses niches écologiques vacantes à remplir, de développer des corps plus grands que de plus gros cerveaux, dont les besoins énergétiques étaient élevés.

Ce n’est que lorsque les écosystèmes se furent stabilisés, générant une concurrence croissante entre les nombreuses espèces de nouveaux placentaires, que leurs cerveaux se sont développés à leur tour.

Au cours du Paléocène, il y a 56 millions d’années, la température se mis à monter, car du magma avait commencé à s’accumuler sous les continents du nord et à remonter en panache vers la surface. En percolant à travers la croûte, les roches profondes s'échauffèrent.

Cette activité géologique libéra des milliards de tonnes de dioxyde de carbone élevant en deux cent mille ans la température moyenne de l’atmosphère de cinq à huit degrés. Depuis cette période jusqu'à aujourd'hui, jamais la Terre n’a été aussi chaude qu'à ce moment là. Ce réchauffement soudain, appelé le « maximum thermique du Plaocène-Eocène » a été difficile à vivre pour les mammifères de l’époque.

Mais contrairement à l’impact météorique survenu dix millions d’années auparavant, très peu d’espèces de mammifères se sont éteintes, car elles se sont mises en mouvement vers les hautes latitudes ouvertes par l’élévation de température. Elles ont aussi développé de nouvelles aptitudes, des cerveaux plus gros pour s'adapter individuellement aux circonstances, des ongles pour s’agripper aux branches ou de gros sabots pour faire du galop.

Ces mammifères ont essaimé en Europe, en Amérique du Nord et en Asie, trois continents qui étaient reliés entre eux par des bandes de terre émergées. Ils ont submergé les populations de placentaires archaïques qui ne survécurent pas longtemps à l’invasion.

Au sud de l’équateur, l’évolution suivit un cours diffèrent. L’Afrique et l’Amérique du Sud étaient alors des continents insulaires, avec leurs propres lignées de placentaires, éléphants en Afrique, tatous en Amérique du Sud.

Sur ces deux continents, les monotrèmes et les marsupiaux se maintinrent difficilement, mais les placentaires conservèrent les clefs de l’avenir.

Certains se mirent à se balancer de branche en branche dans les arbres, d’autres parcoururent les airs en battant des ailes, d’autres enfin troquèrent leurs bras contre des nageoires. L’éventail de la faune placentaire actuelle, dont nous faisons partie, a hérité des succès remportés depuis le Paléocène jusqu’à aujourd’hui, au temps de l’Holocène.

 

Ainsi évoluèrent les mammifères placentaires jusqu'à nos jours. Jusqu'à quand? La Terre le décidera en fonction des variations de son atmosphère et de sa température auxquels il faudra s'adapter, mais les mammifères en ont vu d'autres dans le passé...

 

* Des mammifères dont l'embryon se développe entièrement dans le corps de la mère, en étant alimenté par le placenta

Référence: Steve Brusatte, Comment les mammifères ont conquis le monde, Pour la Science, 10/22, pp 54-67

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LE PIRE JOUR DE L'HISTOIRE DE LA TERRE ?

15 Octobre 2022 , Rédigé par André Boyer Publié dans #PHILOSOPHIE

LE PIRE JOUR DE L'HISTOIRE DE LA TERRE ?

L'un des pires, sinon le pire, jour de toute l’histoire de la Terre survint lorsqu’un astéroïde large d’au moins dix kilomètres mit fin à l’ère des dinosaures, dans un déluge de feu.

 

Fin des dinosaures, mais pas des mammifères, qui eux ont survécu à l’extinction et se sont maintenus pendant les dix millions d’années qui ont suivi, à savoir l’époque du Paléocène.

Ils ont réussi à survivre alors que les trois quarts des espèces vivantes avaient disparu et ils ont évolué pour aboutir aux six mille espèces de placentaires* qui prospèrent aujourd’hui, des chauves-souris aux baleines, en passant par les humains.

Les mammifères sont apparus sur Terre en même temps que les dinosaures, il y a environ 225 millions d’années, à l’ère du Trias.

À cette époque, toutes les terres émergées de la planète étaient rassemblées en un super continent unique, la Pangée. La Terre se remettait tout juste de la pire extinction de masse de son histoire, provoquée par des méga volcans qui avaient craché de la lave et du dioxyde de carbone pendant des millions d’années, provoquant une telle élévation de la température qu'elle fit disparaitre jusqu’à 95 % des espèces vivantes.

Lorsque les volcans finirent par s'éteindre, les dinosaures, les mammifères et de nombreux autres groupes firent leur apparition, repeuplant le vide créé sur la Terre par ces éruptions. Pendant les 160 millions d’années qui suivirent, les dinosaures devinrent des géants, excluant les mammifères des niches propres à la mégafaune et les obligeant à conserver une petite taille qui leur permettait d’exploiter les niches écologiques auxquelles les dinosaures n’avaient pas accès.

Aussi, durant le Jurassique et le Crétacé, soit entre 201 et 66 millions d’années auparavant, une multitude de petits mammifères, jamais plus gros qu’un blaireau, vivaient dans l’ombre des dinosaures. On y trouvait des rongeurs, des grimpeurs, des fouisseurs, des nageurs et des planeurs. Ces animaux développèrent l’organisation standard des mammifères, des poils, un métabolisme à sang chaud, un ensemble complexe de dents spécialisées, canines, incisives, prémolaires et molaires et bien sûr l’alimentation des bébés au lait maternel.

En dehors des multi tuberculés (petits rongeurs avec des dents dotées de plusieurs tubercules) qui ont aujourd’hui disparus, trois lignées de mammifères subsistent aujourd’hui : les monotrèmes qui pondent des œufs, les marsupiaux qui donnent naissance à de minuscules petits achevant leur développement dans une poche ventrale et surtout les placentaires qui donnent naissance à des petits bien développés.

Mais tout l'équilibre de ce monde primitif fut un jour brutalement bouleversé. Un astéroïde de la taille de l’Everest, sillonnant l’espace à une vitesse supérieure à celle d’un avion de ligne, a croisé par hasard la trajectoire de la Terre. Il s’est écrasé sur ce qui est aujourd’hui la péninsule du Yucatan, libérant une énergie équivalente à celle d’un milliard de bombes nucléaires. L’impact a creusé dans la croute terrestre un trou de plus de 16 kms de profondeur et de 160 kms de largeur.

Tsunamis, incendies, tremblements de terre et éruptions volcaniques firent alors rage tout autour de la planète. La poussière et la suie obstruèrent l’atmosphère, plongeant le monde dans l’obscurité pendant des années. Les plantes n’étant plus en mesure d’effectuer de photosynthèse, les forêts furent anéanties, les herbivores moururent de faim et avec eux les carnivores.

Les écosystèmes s'effondrèrent.

Les dinosaures furent les victimes les plus célèbres de la catastrophe, seuls une poignée d’oiseaux parvinrent à garder leur héritage vivant jusqu’à nos jours et à peine 7% des mammifères survécurent au carnage,

Cependant les mammifères survivants faisaient surtout parti des petites espèces et des omnivores tandis que les victimes de la catastrophe étaient des mammifères qui s'étaient mieux adaptés au monde d'avant, en ayant un régime alimentaire spécialisé qui leur avait permis de grossir en taille. Mais ils voyaient désormais les adaptations de leur organisme devenir des contraintes et disparaissaient.

 

En revanche, les petites espèces généralistes réussirent plus facilement à se terrer pour traverser le plus fort de la débâcle immédiatement après l’impact et trouvèrent ensuite plus facilement à se nourrir dans le chaos post-impact.

 

* Les placentaires forment une infra-classe très diversifiée, mais tous se caractérisent par le fait qu'ils accouchent des juvéniles par contraste avec les marsupiaux qui accouchent de larves ou les monotrèmes qui pondent des œufs. Cela est rendu possible par la présence d'un placenta, plus développé et plus complexe que chez les marsupiaux, ce qui leur a donné leur nom

 

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MAIS OÙ SONT-ILS TOUS?

24 Septembre 2022 , Rédigé par André Boyer Publié dans #PHILOSOPHIE

LE PILIER DE LA VOIE LACTÉE SUR L'AIGOUAL

LE PILIER DE LA VOIE LACTÉE SUR L'AIGOUAL

Si on ne sait pas comment la vie, sous une seule forme, s’est installée sur la Terre, rien ne nous empêche de penser qu’une forme de vie, différente ou semblable à la nôtre, existe ailleurs dans l’Univers.

 

Pourquoi en effet la vie sur Terre serait-elle exceptionnelle, au point de constituer un phénomène unique dans l’Univers ? Le nombre d’étoiles dans notre Galaxie est très grand, on devrait donc y trouver d’autres espèces vivantes et même d’autres espèces intelligentes. Car les systèmes planétaires sont assez stables pour donner le temps à l’évolution de la vie d’aboutir à une civilisation avancée, capable de se déplacer dans la Galaxie ou de nous transmettre des signaux. Dans ces conditions, il parait plausible que des extraterrestres soient passés depuis longtemps sur Terre ou nous aient laissé des messages.

Car l’hypothèse qu'il existe des espèces extraterrestres est solide. La Voie Lactée a un rayon de 50000 années-lumière et elle s’est formée depuis 13 milliards d’années. Même lointaine, une civilisation aurait dû avoir le temps de nous rendre visite ou de communiquer avec nous.

Pourtant, il n’existe jusqu’ici aucune preuve de passage des extraterrestres sur Terre et nous n’avons reçu aucun message extraterrestre. Ce qui ne nous laisse que trois types d'hypothèses sur cette absence et sur ce silence des extraterrestres :   

  • L’apparition de la vie est si rare que nous sommes réellement seuls dans la Galaxie.
  • La vie apparait facilement, mais ne persiste jamais assez longtemps pour permettre à des civilisations avancées de parcourir le Cosmos ou de communiquer à travers la Galaxie.
  • Il existe un grand nombre de vies extraterrestres dans la Galaxie, mais aucune ne souhaite venir sur Terre ou nous informer de son existence par l’envoi de signaux.

La première hypothèse est combattue par les observations des télescopes récents qui ont détecté plus de 5000 exoplanètes dans plus de 3700 systèmes planétaires. Certaines exoplanètes ont des caractéristiques très proches de la Terre ou se trouvent dans une « zone habitable », où l’eau est susceptible de s’y trouver à l’état liquide. Mais cela ne garantit pas que d’autres caractéristiques, comme le rayonnement, la composition de l’atmosphère ou la pression atmosphérique n’entravent par ailleurs l’émergence de la vie.

Pour comprendre comment la vie est apparue sur Terre et donc comment elle pourrait apparaitre ailleurs, on s’est interrogé sur les conditions chimiques que remplissait la Terre avant que la vie ne s'y impose. Alexandre Oparine (1924) a formulé l’hypothèse que l'on y trouvait des réactions prébiotiques nécessaires à l’apparition de la vie, mais on ignore toujours si ces réactions prébiotiques se produisent facilement ou non dans l'Univers. En définitive on ne sait pas si la vie peut éclore facilement ou non dans l'Univers.

Même si la probabilité de l’émergence de la vie est élevée, on peut se référer à notre deuxième hypothèse pour expliquer l’absence de contacts avec d’autres formes de vie. Il s’agit de considérer que les différentes formes de vie sont trop fragiles pour leur laisser le temps de disposer d’atteindre un niveau technique suffisant pour entreprendre un voyage spatial ou procéder à des communications interstellaires.

Il est vrai que l’on peut trouver avec David Kipping (le paradoxe du ciel rouge, 2021) de nombreux facteurs qui s'opposent, sinon à l'apparition de la vie, du moins à son développement. Tout d’abord les bombardements de météorites sont nombreux, comme en témoigne sans doute la disparition des dinosaures sur Terre il y a 66 millions d’années. Il s’y ajoute les sursauts gamma (Tsvi Piran, 2015), qui sont des explosions stellaires capables de détruire la vie dans un rayon de plusieurs années-lumière. Or la fréquence des sursauts gamma semble élevée dans la Voie Lactée, ce qui ne laisserait que de faibles chances à une forme de vie de se développer et de s’étendre dans la Galaxie.

Sauf la vie sur Terre ? Pour combien de temps ? Car l’observation du développement des êtres vivants semble quasi fatalement générer des « pièges cosmiques » qui les font disparaitre. Observant l’humanité, on voit bien qu’en développant des bombes atomiques, des armes bactériologiques ou en provoquant des dérèglements climatiques, elle fabrique des pièges cosmiques qui pourraient bien provoquer sa perte.

En conclusion de cette deuxième hypothèse, les formes de vie peuvent être assez éphémères, d'autant plus que, lorsqu'elle atteint un stade avancé, elle risque fort de s’autodétruire en tombant dans des pièges cosmiques. Aussi la probabilité que deux formes avancées d’êtres vivants soient contemporaines l’une de l’autre serait très faible.

Enfin, si l’on fait l’hypothèse que la vie est fréquente dans l’Univers, résiliente et capable d’éviter les pièges cosmiques, peut-on trouver une raison pour qu’elle ne voyage pas jusqu’à nous et s’abstienne de communiquer avec nous ?

Plusieurs pistes ont été évoquées pour justifier la discrétion de ces éventuelles formes de vie dans l’Univers.

Tout d’abord la peur (Liu Cixin, 2017) : ces formes de vie pourraient avoir adopté le précepte « Pour vivre heureux, vivons caché ».

Ensuite, une éthique écologique, dite hypothèse du zoo (John Ball, 1973) qui ferait qu’une civilisation avancée prendrait bien soin de ne pas perturber une autre vie qui se développe, en l’occurrence la nôtre.

Enfin, une civilisation avancée choisira d’économiser ses forces, évitant de partir à la conquête de la Galaxie en dépensant une énorme quantité d’énergie (Rolf Landauer, 1996).

On peut ajouter une quatrième hypothèse aux trois précédentes, celle de l’incommunicabilité. Il est bien possible que la vie existe ailleurs, et peut-être même partout dans la Galaxie, mais qu’elle est tout simplement si différente de notre forme de vie ou qu'elle utilise des moyens de communication non perceptibles pour nous, si bien que nous sommes incapables de la rencontrer ou de percevoir ses signaux.

 

Tant que nous n’aurons perçu aucun signe de vie dans l’Univers, le doute que la vie puisse exister ailleurs restera en question. Or, selon que l’on retienne l’hypothèse d’une vie présente partout dans l’Univers ou uniquement sur Terre, notre regard change du tout au tout, sur l’humanité comme sur l’Univers.  

PS: on reliera utilement le précédent billet consacré à la vie. 

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LA VIE

15 Septembre 2022 , Rédigé par André Boyer Publié dans #PHILOSOPHIE

LA VIE

Sur Gaïa, notre planétoïde, sur cette mince croûte couverte d’êtres vivants qui s’évertuent à la façonner et à la ronger, nous observons les cataclysmes et nous saisissons bien ce que serait la Terre sans la vie, cette vie qui résiste à presque tout.

 

En 1883, l’éruption du Krakatoa a fait disparaître tout signe de vie sur les deux tiers de l’île, qui n’était plus que poussière. Puis, fécondée par la vie venue de la mer avec la complicité du vent, il a suffi d’un siècle pour que l’île Krakatoa retrouve son épais manteau végétal.

C’est que la vie est têtue, elle sait s’imposer face aux forces de la nature dans les conditions les plus inhospitalières et ceci depuis des milliards d’années, même si chaque forme de vie est très délicate.

Cela ne s’est pas produit sans délais. Car si l’âge de la Terre est de 4,6 milliards d’années, il a fallu attendre un milliard et demi d’années pour qu’apparaissent des structures microscopiques dotées d’une organisation cellulaire complexe. On peut donc penser que des formes de vie plus simples ont existé encore plus tôt, même si les premières manifestations de la vie furent si fugaces qu’aucun fossile n’en a conservé la trace. 

Mais aujourd’hui encore, l’origine de la vie sur notre planète reste mystérieuse, d’autant plus qu’aucun autre signe de vie n’a jamais été détecté dans l’Univers, n’en déplaise aux auteurs de science-fiction. D’où la question paradoxale d’Enrico Fermi : « Mais où sont-ils tous ? »*

L’origine de la vie n’est nullement mystérieuse. Il s’agit d’une simple réaction chimique qui engendre des molécules organiques assez complexes pour avoir la capacité de se reproduire. En outre, toutes les formes vivantes ont la propriété de transférer leurs caractères héréditaires d’une génération à une autre grâce à une molécule particulière, l’acide désoxyribonucléique ou ADN. Cette configuration commune conduit à penser que tous les êtres vivants, microbes, plantes, animaux ont la même origine, l’ADN se chargeant de transmettre ses instructions à ses successeurs à partir de ce qu’il a retenu du passé.

Non seulement tous les êtres vivants viennent de la même origine, mais ils dépendent tous des autres organismes vivants pour leur survie et plus l’organisme se situe à un niveau élevé de l’échelle de l’évolution, plus il est dépendant du réseau complexe des autres êtres vivants. 

Une des tendances de l’évolution est donc d’engendrer des écosystèmes de plus en plus interdépendants, tandis que, o paradoxe, plus l’organisme vivant est évolué et plus il acquiert d’autonomie individuelle vis-à-vis de son environnement. La liberté des animaux à sang chaud dans la forêt est incomparablement plus forte que celle des molécules vivantes contenues dans une gelée protoplasmique.

C’est ainsi que l’homme, dont la pérennité de son organisation collective de plus en plus sophistiquée est menacée par la moindre modification de climat, est en même temps capable en tant qu’individu de survivre dans les conditions les plus extrêmes, y compris dans l’espace.

Mais revenons à l’origine de la vie, si simple, si évidente, quoique jamais aucun scientifique ne soit parvenu à créer la vie à partir de la matière inerte. De nombreux scientifiques semblent considérer comme « raisonnable » que la vie puisse exister dans l’Univers ailleurs que sur notre planète, compte tenu du nombre quasiment illimité de planètes et donc de la probabilité élevée d’y trouver des environnements analogues à ceux qui prévalent sur la Terre.

Pourtant, dans la partie de l’Univers que les hommes ont observé, écouté et analysé, aucune observation n’a jamais révélé ailleurs que sur Terre la présence de la moindre forme de vie.

Les scientifiques peuvent naturellement invoquer l’insuffisance de leurs moyens techniques pour laisser planer l’espoir de découvertes qui corroboreraient un jour prochain leurs hypothèses précédentes, mais tant qu’ils n’auront pas apporté la preuve du contraire, c’est pure conjecture.

 

Jusqu’ici, deux faits fondamentaux restent irréfutables : l’homme n’est jamais parvenu à créer la vie à partir de la matière inerte et la vie ne semble exister que sur Terre et sous une seule forme.

 

*Célèbre paradoxe posé par Enrico Fermi, Prix Nobel, lors d’un repas qui réunissait quatre grands physiciens en 1950 à Los Alamos.  

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MANAGER AUTREMENT?

17 Juin 2022 , Rédigé par André Boyer Publié dans #PHILOSOPHIE

MANAGER AUTREMENT?

Les entreprises perçoivent ce mal-être actuel relativement à la vie professionnelle.

 

Elles réagissent souvent, selon des réflexes pavloviens inhérents à leurs objectifs de profit, par une augmentation de salaire quand elles ne proposent pas une approche « bienveillante » du travail, bourré de bonnes intentions et d’inclusion tous azimuts, ou font même, dans le pire des cas, appel aux techniques suspectes du management collaboratif.

Car, là où cherche à s’élaborer une nouvelle gouvernance pour les entreprises, se pensent et s’expérimentent de nouvelles manières de gouverner, qui consistent à entretenir le sentiment de liberté individuelle des employés tout en offrant un meilleur contrôle aux dirigeants sur l’activité de ces mêmes employés.

Dans ces entreprises adeptes de cette nouvelle gouvernance, on se réfère à un management participatif, selon lequel on incite les collaborateurs à s’exprimer en réunion, à présenter des critiques pour améliorer l’outil de production en laissant une large place à l’initiative personnelle, tout en veillant à ce que tout ce bouillonnement aille dans le sens attendu.

L’ambiguïté de ce système provient de ce que tout y est autorisé, sauf l’inattendu.

En effet, tout est mis en place dans le système de discussion et de décision qui accompagne ce management participatif pour que les choix « librement exprimés et débattus » aillent dans le sens des vœux de la direction, sans que jamais l’intention d’orienter les choix ne soit avouée.

A la limite, en désorientant les employés par des propositions contradictoires telles que « le conflit, c’est la paix », « le contrôle, c’est la confiance », « obéir, c’est désobéir », en invitant les salariés  à travailler sur eux pour gagner en transparence, en exigeant parfois leur autocritique, en invitant les managers à éduquer les membres de leurs équipes  « à vivre comme dans un camp de nudistes » afin qu’ils réussissent mieux au sein de l’entreprise, on cherche à obtenir l’acculturation de l’individu aux « valeurs »* de son entreprise.

Dans ce système de management, on vise à ce que l’alignement des croyances de l’employé sur celles de son organisation s’opère à force de communications internes, de stages de développement personnel et de longues séances d’explication en réunion, au cours desquelles le manager, s'appuyant sur les autres employés, prend le temps de lever une à une toutes les objections de l’employé récalcitrant.

Dans ce type de management, il faut convenir que l’être humain à la recherche du sens de son activité se retrouve au centre des attentions. Mais c’est malgré lui, car lorsque ce que l’entreprise demande pose un problème moral à l’employé, la réponse de l’entreprise ne consiste pas à reconnaitre cette difficulté mais à la contourner en offrant à l’employé les services d’un coach qui saura lui faire comprendre que sa souffrance provient de croyances « limitantes » héritées d’un ancien code moral, avant de lui proposer de l’aider à se défaire de ses anciens principes pour libérer son potentiel et retrouver l’harmonie avec son environnement de travail.

Dans une telle entreprise l’employé est supposé n’avoir plus de questions existentielles à se poser, à condition qu’il accepte de remettre entre ses mains l’entièreté de sa vie.

Cet effort pour convaincre (ou contraindre) l’employé à adhérer pleinement aux « valeurs » de l’entreprise est souvent lié à l’affichage d’une « mission » que l’entreprise s’est donnée. Elle prétend alors assumer une fonction messianique, s’imaginant investie de la responsabilité de sauver le monde par l’emploi, la croissance et la technologie, tout en restant officiellement dans le cadre de l’économie de marché, comme Google par exemple.

Logiquement, de telles entreprises s’efforcent de communiquer à leurs membres la foi des missionnaires, comme le font les sectes, sélectionnant l’employé non plus sur des critères professionnels mais sur le degré d’adhésion au système de croyance de l’entreprise.

Naturellement, ces tentatives sont vues comme des leurres par celui qui ne voit pas matière à un quelconque absolu dans l’activité économique et sociale. Ce dernier perçoit qu’il s’agit d’un management fondé sur la manipulation qui se situe aux antipodes de la recherche de la vérité dans sa vie professionnelle. Il s’ensuit une remise en cause de l’autorité d’un management qui déborde de ses fonctions de mobilisation du personnel, alors qu’il ne s’agit que d’animer et de gérer une organisation qui recherche tout bonnement à dégager un profit au travers de son activité sur le marché.

 

Finalement, le voilà détaché du rêve de l’entreprise démiurge pour se demander, retour aux prémices de notre réflexion, comment faire en sorte que sa vie professionnelle ait un sens…

Je pose que, contrairement à la personne, dirigeant ou employé, qui se réfère à des valeurs héritées de son expérience, de son éducation et de sa culture, l'entreprise ne peut pas avoir d'autres "valeurs" que celle du profit, sous peine d'être condamnée à disparaitre à terme plus ou moins rapproché (cf. L'Impossible éthique des entreprises, Boyer A. (Ed) 2002 et Toxic management, Thibault Brière, 2021)

 

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