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Le blog d'André Boyer

philosophie

L'INDISPENSABLE VÉRITÉ

17 Juin 2021 , Rédigé par André Boyer Publié dans #PHILOSOPHIE

ARISTOTE

ARISTOTE

Depuis le début de l’histoire de l’humanité, l’homme met au point des outils de plus en plus sophistiqués qu’il utilise massivement pour prendre le contrôle de la planète. Même si on a l’impression qu’aujourd’hui l’humanité se rapproche de ses limites de survie, il reste présomptueux de vouloir saisir la direction de l’histoire.

 

Dès l'origine et sans relâche, l’homme a fait progresser ses outils et a cherché à améliorer son organisation. Il a pris le pouvoir sur la nature grâce à ses capacités d’analyse et d’adaptation. Comme pour toute espèce vivante, la nature humaine possède une logique d’espèce qui est de survivre, avec l’aide plus ou moins consciente de chacun de ses membres. Cette logique se traduit par la nécessité pour l’homme de rechercher sans cesse sa vérité, la vérité qui lui permettra de vivre, autant qu’il le peut.

À cet égard, il a procédé par tâtonnements successifs, qui lui ont fait appeler « vérité » les différentes manières qu’il a trouvées pour expliquer les évènements.  

En effet, que ce soit au temps de la préhistoire ou aujourd’hui, tout être humain s’est trouvé et se trouve toujours dans l’obligation de justifier ce qu’il dit et ce qu’il fait, aussi bien vis-à-vis de lui-même que des autres. Il lui faut chasser en permanence le mensonge, la mystification, la contrevérité, la fable, l’artifice, l’invention, l’illusion ou la tromperie, pour ne citer que quelques-uns des antonymes de la vérité.

Au plan collectif, l’humanité a mis au point des techniques de recherche de la vérité qui constituent l’essence de son patrimoine culturel. Puis la recherche collective de la vérité s’est progressivement heurtée au mur de l’incommunicabilité, à l’abime de l’incertain et au brouillard du doute, jusqu’à modifier la manière dont l’homme voit et comprend le monde.

Que le doute s'installe, que ce que vous croyez être "vrai" se révèle faux pour les autres et vous verrez aussitôt se dresser devant vous une incommensurable barrière d’incommunicabilité. Aussi, pour qu’une société existe, il faut que ses membres soient d’accord sur ce qui est vrai et faux. En dehors de la foi, qui permet de partager par définition la même vision de la vérité, l’outil de la raison partagée s’est très tôt imposé comme un moyen commun de séparer le vrai du faux. 

Lorsque l’on cherche à identifier les origines de la raison partagée, les Grecs restent les maîtres. On a vu les logiciens grecs, Parménide en tête, chercher à distinguer les faits de leur représentation en faisant l’hypothèse qu’il existait un monde réel au-delà des sens, que les figures géométriques avaient une existence propre.

Aristote fut plus réaliste, il fut peut-être le premier des réalistes. Cela explique que sa pensée nous influence toujours, aussi ardente, moderne et limpide que s’il était encore vivant. L’ambition d’Aristote était de ne laisser aucune chance à une affirmation dont on pourrait dire qu’elle n’était ni vraie ni fausse. Pour cela, il fut contraint, le premier sans doute dans l’histoire de la pensée humaine, à s’affranchir de la vision holistique du monde qui empêchait  les hommes d’avoir une vision analytique des situations qu’ils observaient, dans la mesure où tout se mêlait dans leur esprit. Aristote devint ainsi le tout premier d’une chaîne ininterrompue de logiciens et de philosophes, comme Boèce, Abélard, Descartes, Spinoza ou Leibniz, qui ont construit la pensée occidentale.

Par ailleurs, on ne peut pas oublier les apports des logiciens chinois et indiens. Pour ne citer que les premiers,  en bâtissant leurs raisonnements à partir des doctrines taoïstes, ils ont élaboré des méthodes pour  observer, décrire, classifier et expérimenter.

Mais ce fut l’apport de la démarche scientifique occidentale de se libérer des idées reçues en matière de vérité, en allant au-delà du raisonnement pour s’appuyer sur des faits. La plupart des philosophes grecs, alors qu’ils savaient raisonner en utilisant l’observation et l’expérience, n’avaient pas (pas encore ?) le culte de l’expérimentation concrète, sauf Démocrite qui avait proclamé, quatre siècles avant JC, que la vérité devait être recherchée au travers de l’expérience.

 

Or Démocrite n’est resté qu’un précurseur isolé, avant que la Renaissance n’impose, en matière de vérité, la dictature des faits observés.

 

À SUIVRE

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CHANGER DE CAP AVANT DE SOMBRER

24 Mai 2021 , Rédigé par André Boyer Publié dans #PHILOSOPHIE

CHANGER DE CAP AVANT DE SOMBRER

Sur une durée un peu plus longue que l’année et demie de crise du coronavirus, l’émergence progressive à compter de la Renaissance de l’esprit scientifique en Europe a modifié radicalement la condition humaine.

 

Le nombre des êtres humains  a suivi l’accroissement des moyens matériels : de 1500 à 1750 on passe de quatre cent soixante à sept cent soixante-dix millions d’hommes sur Terre. Auparavant, il avait fallu quinze siècles pour que la population double, entre l’époque du Christ et la découverte de l’Amérique, de 250 à 460 millions d’habitants. L’accroissement de population s’accélère encore par la suite, puisqu’elle s’est accrue de sept cent soixante-dix millions à plus de sept milliards cinq cent millions entre 1750 à 2020, soit une multiplication par dix en 270 ans. Qui croit que cette croissance va pouvoir se poursuivre sans d’immenses désordres ?

Cette croissance est, bien entendu, directement liée à la révolution industrielle qui s’est traduite par une succession ininterrompue d’innovations techniques qui substituent les machines à l’habileté humaine et qui permettent de remplacer la force humaine et animale par l’énergie mécanique. Le muscle est remplacé par le moteur, la main par la machine, la mémoire humaine par la mémoire informatique. Cette révolution est étroitement  liée à la croissance de l’information.

Toute la dynamique de la révolution industrielle est  fondée sur les innovations générées par un petit nombre d’hommes et aussitôt mises en pratique au profit du plus grand nombre. Cette dynamique a naturellement un coût en termes de déracinement, de bouleversement des modes de vie et désormais de crise sanitaire, un coût qui s’étend au monde entier dès lors que la vague de mutation est sortie de son giron occidental pour toucher toutes les sociétés du monde.

Le monde entier se trouve désormais intégré dans un système condamné à la surenchère : toujours plus de produits, de croissance, de nouveautés, sans que la direction religieuse, philosophique ou politique de cette course ne soit clairement définie par quiconque, d’autant plus que l’objectif individuel prend le pas sur l’objectif collectif de manière spectaculaire, au moins dans le monde occidental.

La situation évolue rapidement. Avant que la mondialisation ne produise d’importants effets pervers, comme l'a montré la crise de la Covid-19, il existait un vague consensus autour de quatre orientations :

  • l’incapacité à imaginer une autre direction que celle de l’économie de marché,
  • la nécessité d’intégrer tous les peuples dans un processus de mondialisation,
  • la validité du système politique démocratique,
  • l’universalité de la notion de droits de l’homme.

Désormais, tous ces principes vacillent presque en même temps:

  • L’économie de marché, du point de vue de la justice, de l’écologie et même de l’efficacité, provoque une profonde perte de confiance dans la validité universelle de ses principes.
  • L’intégration des populations dans le processus de mondialisation perturbe profondément les équilibres internes de sociétés fondées sur des principes séculaires. Vers les zones les plus riches, elle entraîne une migration massive des populations  menacées de disparition, ce qui altère les fondements des cultures qui ont engendré la révolution scientifique et industrielle. A contrario, si la Chine continue à croitre rapidement, c’est qu’elle maintient son homogénéité culturelle.
  • Le système politique démocratique fondé sur les opinions de populations stables et peu nombreuses, résiste mal aux changements de styles de vie. Appliqué à des populations urbanisées et hétérogènes, il doit désormais être piloté par des professionnels de la politique et des medias dont la légitimité est visiblement inconsistante. 
  • Les droits de l’homme appliqués de manière élastique par des sociétés qui en contestent les fondements culturels sont dénoncés comme une arme stratégique de domination, tandis que les inégalités matérielles et éthiques rendent vaine la revendication toute théorique de leur application.

En outre, la mécanique du développement s’enraye d’elle-même. L’explosion démographique s’installe comme une menace qui aboutira à la disparition de l’humanité si elle se prolonge, tandis que son impact sur la  surexploitation des  ressources de la biosphère, engendre à la fois une pollution de moins en moins supportable par l’espèce humaine et l’épuisement des matériaux nécessaires au système de vie de la société post industrielle.

Il semble donc manifeste qu’en ce XXIe siècle, l’humanité se rapproche de ses limites de survie. Il lui faut donc  inventer une nouvelle métamorphose, comme celle de l’agriculture qui suivit la fin de la période de chasse et de cueillette.  Il s’agissait alors de trouver les moyens de croitre démographiquement, alors qu’il faut aujourd’hui trouver ceux qui permettront à l’homme de réduire sa population, sans aller jusqu’à disparaître.

 

La situation est donc énigmatique, mais heureusement pour les perspectives de l’humanité, l’homo faber ne s’arrêtera jamais.  

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APOLOGIE DU COMBAT

18 Avril 2021 , Rédigé par André Boyer Publié dans #PHILOSOPHIE

APOLOGIE DU COMBAT

Il s’agit d’une histoire à prétention philosophique, qui signifie que le combat est inhérent à l’être humain et même à tout être vivant. Il suffit d’un rêve à vouloir réaliser, d’une idée à poursuivre, d’un principe à poursuivre, et peu importe que le succès soit au bout du combat ou non. Car, lorsqu’on s’arrête de combattre, l’on meurt.

L’histoire est la suivante : une centurie romaine traverse les Alpes pour atteindre ces villages riants ou les attendent le bonheur, l’abandon et le repos, mais elle est guettée par des barbares impitoyables.

Au moment du récit, les soldats romains dont il est question vont se retrouver au contact de l’ennemi. Sur les cent quatre vingt hommes qui marchent dans la neige, beaucoup vont mourir là. Ils seront plus nombreux encore à agoniser dans les tranchées gelées de la voie romaine qui n’est déjà plus par endroits qu’une piste. S’ils en sortent vivants, ils feront face plus loin à d’autres barbares. C’est un combat éternel, sans trêve et sans espoir de victoire : qu’ils parviennent à franchir les Alpes et les barbares l’y suivront. Sur le moment, la situation peut être décrite ainsi : 

 

Sous la pluie glacée, luisent les casques et les boucliers bosselés, les pointes des lances. La lune, à travers les nuages intermittents, révèle les masses des restes des 3 centuries, à peine cent quatre vingt hommes fatigués, blessés, déterminés.

Le souffle du vent se joint au martèlement lourd et lent des pas de la troupe. Il n'y a pas d'autres bruits sur le chemin glacés qu'ils suivent sans interrogations. La troupe est compacte, elle est prête à l'inévitable combat, qui l'attend là‑bas au détour des rochers, ou à la sortie de l'épaisse forêt verte de sapins, ou au débouché de la clairière, derrière la chaumière en apparence abandonnée. Ses estafettes lui ont rapporté les regroupements d'archers, la convergence des flots de cavaliers, les cris des barbares, la préparation des couteaux, des massues, des lances et des flèches, la joie sauvage du prochain massacre, du pillage et de la victoire.

Déterminés, les trois centuries avancent, prêtes à combattre sur trois fronts et à passer au travers du quatrième. Elles ne craignent que l'encerclement, c'est pourquoi elles avancent, dans l'espoir de dissocier les assauts des barbares. Elles connaissent toutes les figures de combat, elles savent tous les traquenards, elles les craignent et les préparent à la fois. Elles laisseront des morts, seront peut être ensevelies. Elles ne s'intéressent à rien d'autre qu'à marcher et combattre, avec ou sans espoir de passer.

Car ici est la croisée des chemins. Jusqu'à la prochaine, jusqu'à la dernière défaite ou victoire.  Mais, en attendant, dans la nuit froide, dans la montagne, au milieu des cris des barbares, sous la menace des feux qui rougeoient sur les sommets, dans les ternes odeurs de l'automne finissant, les soldats imaginent le calme magnifique des villes italiennes de l'autre côté des Alpes, les campaniles qui sonnent, les odeurs de soupe et la chaleur des bêtes. Ils n'osent penser à l'amour tiède des compagnes, aux sourires indulgents de celles qui leur pardonneront tout parce qu'elles les aiment vivants.

Mais ils chassent les rêves importuns qui les affaiblissent. Ils serrent les dents, le combat vaut mieux, la marche épuisante est la bienvenue. Des années ils les ont attendus, ces combats et ces marches, cantonnés dans un marasme imposé. Pendant des mois, dans leurs petits fortins, derrière les pieux et les fossés, ils ont vu les menaces et les grimaces des cavaliers aux peaux de loup. Ils ont attendu indéfiniment l'assaut qui n'est jamais venu, tandis qu'au loin brûlaient les forts et les corps de leurs camarades,

Ce sont des rescapés : ils sont partis avant la fin que les barbares leur promettaient, avec l'ordre de repli général de la légion de Germanie. C'est pourquoi ils ont trois raisons d'être heureux : rescapés, faisant face enfin, et avec au fond des yeux, le rêve insensé et pourtant non parfaitement impossible d'une image de bonheur.

 

Tapis dans les fossés, piques cachées, grelottant dans des peaux décousues, affamés, les muscles bandés, les autres les attendent.

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UNE CIVILISATION URBAINE GLOBALE

7 Mars 2021 , Rédigé par André Boyer Publié dans #PHILOSOPHIE

UNE CIVILISATION URBAINE GLOBALE

Lorsque l’homme semble avoir presque achevé son installation dans la ville, ce monde sans limites, cet Eden, il réalise que ce projet pourrait le mener à sa perte.

 

Pour commencer, il prend conscience que l’histoire ne mène nulle part, en d’autres termes que l’aisance matérielle ne parvient pas à l’affranchir de sa condition animale.

Circonstance aggravante, lorsqu’il contemple les modifications spectaculaires de son environnement du fait du développement de ses activités, il s’interroge sur l’avenir de son espèce et il se demande si l’aventure humaine peut encore longtemps se poursuivre sous cette forme.

Les écologistes sont disponibles pour fournir les réponses. Ils avancent que la nature doit être protégée, car les écosystèmes valent des dizaines de milliards de dollars à l’échelle du globe. Rompre l’équilibre entre les espèces, c’est antiéconomique. Il n’en fallait pas plus pour que les économistes introduisent le concept de développement durable, qui consiste à continuer à se développer tout en protégeant l’environnement.

Et c’est vrai, quotidiennement, des mesures sont prises pour lutter contre les pollutions et les nuisances. D’où vient donc l’impression diffuse que la situation continue malgré tout à se dégrader ? On sent que la régulation peine à suivre l’emballement de la consommation et on constate qu’il a fallu l’apparition de la Covid 19 pour remettre concrètement en cause la croissance de la production industrielle, encore que les Chinois, un cinquième de l’humanité, déclarent fièrement, à peine remis de la crise de la Covid 19, qu’ils obtiendront six pour cent de croissance économique en 2021.

C’est pourquoi les écologistes se sentent obligés d’aller au-delà de l’argument économique pour justifier la protection de la nature. Ils rejettent notre ethnocentrisme : nous ne pouvons pas prétendre que la nature nous appartient, elle a une valeur intrinsèque. C’est le concept de Gaïa. Nous devons nous faire modestes, discrets et renoncer à nos besoins « superflus », encore que la notion de « superflu » reste éminemment subjective, ce qui contraint la collectivité humaine à la définir de manière administrative.

Nous voilà aspirés dans un monde régulé, dont nous ne voulons pourtant à aucun prix puisque nous sommes irrémédiablement aspirés dans la spirale de la consommation. Bien sûr, nous connaissons des militants qui pratiquent un style de vie construit autour de la consommation comme anti valeur, mais ces pratiques ne concernent qu’une faible minorité de l’humanité. Pour les autres, le pouvoir politique cherche à introduire des mesures de limitation de la consommation pour freiner les problèmes d’environnement, mais il est contraint de le faire en affrontant une population qui consomme plus parce qu’elle s’accroit,  qui consomme plus aussi parce qu’elle rejoint progressivement le monde merveilleux de la ville. 

L’histoire dira si l’homme parviendra ou non dans le futur à contrarier ses aspirations animales en mettant un terme à sa recherche obsessive de confort. Ce n’est pas sûr, car l’homme ne supporte pas de se voir réduit à n’être qu’un animal parmi d’autres.

Du coup, il cherche à tout prix à vouloir donner du sens à ses actes, afin de dissimuler l’insupportable, à savoir l’absurdité de l’existence.

Dans ce contexte de la double recherche éperdue du confort et d’une raison de vivre, la crainte n’est pas vraiment celle d’une disparition rapide de l’humanité, mais celle d’un reflux de notre civilisation.

Dans l’histoire, nombre de civilisations ont atteint un haut niveau de raffinement avant de décliner, pour des raisons diverses, climatiques, politiques, stratégiques, épidémiologiques, qui ont provoqué l’affaiblissement de leurs  structures politiques, économiques et sociales et entrainé la dispersion de leurs populations trouvant leur refuge auprès de structures plus locales.

On peut citer, dans l’Antiquité, les civilisations grecques, perses, romaines, chinoises, parmi d’autres. Aujourd’hui, alors que toutes les civilisations européennes sont en recul, une nouvelle civilisation globale s’est imposée depuis un siècle et demi. Elle s’est construite autour d’un grand rassemblement qui se poursuit à vitesse accélérée, avec les paysans de toutes les contrées du monde affluant dans les villes. Et il s’agit bien désormais d’une seule et même civilisation qui tisse sa toile sur le globe dans son ensemble, car tous les centres urbains sont interconnectés, tous les êtres humains vivent de la même manière et s’abreuvent à la même culture, même s’il existe des sous ensembles au sein de cette civilisation.

 

Cette civilisation globale peut s’effondrer avec la fin du règne des centres urbains, qui pourraient se révéler de plus en plus ingérables, donc de plus en plus invivables…

 

 

Très librement interprété d’après l’ouvrage de Bertrand Alliot, « Une histoire naturelle de l’homme », L’Artilleur, Paris, 186 pages, 2020

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L'AVÉNEMENT DE L'HOMO SAPIENS

10 Février 2021 , Rédigé par André Boyer Publié dans #PHILOSOPHIE

L'AVÉNEMENT DE L'HOMO SAPIENS

En 1960, sur le site d'Olduvai en Tanzanie, on découvre les restes d’un Hominidé ancien, Homo Habilis, plus évolué que l'Australopithèque, qui a vécu en Afrique orientale aux environs de 1,8 millions d’années.   

 

Puis on a trouvé une espèce encore plus ancienne au Malawi, Homo rudolfensis, qui date de 2,5 millions d’années, puis on a trouvé en Afrique des Homo erectus datant de 1,7 millions d’années, qui cohabitaient avec une autre espèce, Homo ergaster.

Contrairement à ce qui est généralement admis, le premier Hominidé à sortir d'Afrique n'est peut-être pas Homo erectus mais Homo habilis que l’on a découvert en Géorgie, dans des niveaux vieux de près de deux millions d’années. Cependant, Homo erectus semble bien s’être réparti dans tout l'Ancien Monde, ce qui montre qu’il s'est adapté à des milieux très différents, qu’ils soient chauds, tropicaux ou froids. À Java, les dernières datations sont dè 1,7 millions d’années. L'Homo erectus est peut-être présent en Israël aux alentours de 1,4 millions d’années. Puis il a été reconnu en Syrie dans des niveaux vieux de 550000 ans et aussi en Europe, notamment en Allemagne (700 000 ans), à Tautavel, en France, (450 000 ans), en Hongrie (300 000 ans) et en Chine (entre 200 000 et 400 000 ans).

Mais on cherche à savoir d’où est issu Homo sapiens, c’est à dire l’homme actuel, puisqu’à l’Homo erectus succède les premiers Homo sapiens. On ne sait pas avec certitude si les Homo sapiens trouvent leurs origines dans plusieurs endroits du monde, ou dans un endroit unique, l’Afrique de l’Ouest, ce qui serait confirmée par la découverte en février 2005 de deux crânes trouvés dans la vallée de l'Omo âgés de 198 000 à 104 000 ans.

La question se pose de savoir comment l’homo sapiens s’est répandu à travers le monde en remplaçant les populations anciennes. Le seul endroit où on a pu observer ce phénomène demeure l’Europe où, depuis 400 000 ans environ, les Homo sapiens primitifs ont évolué pour devenir les Hommes de Neandertal. Puis ces derniers ont été progressivement remplacés par les Hommes modernes venus de l'Est aux alentours de 40 000 ans, tandis que les Néandertaliens s'éteignaient vers 34 000 ans, leur présence la plus tardive étant attestée en Espagne et au Portugal.

Les Néandertaliens ont des caractéristiques proches de celles de l’homo sapiens, en d’autres termes que nous, à commencer par une capacité crânienne de 1 400 cm3 et la capacité de parler. Mais l'usure des dents laisse supposer que les Néandertaliens utilisaient leurs mâchoires comme des pinces, un peu à la manière des Inuits d’aujourd'hui qui tirent avec les dents sur les tendons des animaux.

Les Néandertaliens ont rencontré les Homo sapiens sapiens, nés au Proche-Orient, lorsqu’ils ont migré vers l'ouest et dont on a retrouvé les traces en France avec l’homme de Cro-Magnon. Si certains ont évoqué l'hypothèse d'un métissage entre l'Homme moderne et l'Homme de Neandertal, ils appartiennent bien à deux espèces différentes.  

Si l’homo sapiens sapiens devait être caractérisé par les outils qu’il invente et utilise, on sait aujourd'hui que de nombreux animaux, comme les chimpanzés  ou les loutres, manipulent des objets mais l'Homme reste toutefois le seul à travailler la pierre. La plus ancienne culture dite oldowayenne, parce que découverte à Oldoway, Tanzanie, date de deux millions d’années. Elle est représentée par des outils obtenus par simple percussion pour détacher des éclats, mais l’on retrouve des éclats de quartz ou de roches basaltiques dans des niveaux vieux de près de 3 millions d’années où l’on rencontre aussi bien des Hommes que des Australopithèques.

Les premières structures d'habitat remontent à 1,8 millions d’années environ et pourraient être l'oeuvre des premiers Homo et ils impliquent déjà une vie sociale organisée. Avec Homo erectus, apparaissent les premières industries acheuléennes à bifaces et les hachereaux, où l’on prépare un tranchant transversal; les abris s'améliorent, comme on l’a découvert au Lazaret à Nice. Puis, pour la première fois dans l'histoire de l'Homme, le feu est maîtrisé il y a 500 000 ans en Europe. Enfin, les industries de l'Homo sapiens sapiens sont représentées par des lames, des lamelles, des pointes, des perçoirs et par l’expansion de l'art pariétal et de l'art mobilier, par la naissance de la musique et de la couture.

L’évolution de l’homme, principalement physique jusqu'à l'arrivée d'Homo sapiens, devient ensuite purement culturelle. L'Homme, qui était partie intégrante du milieu naturel et intimement soumis aux évolutions de ce dernier, en devient progressivement le maître grâce aux développements des techniques.

 

L'histoire évolutive de l'Homme montrera plus tard jusqu’à quel point l’Homo sapiens sapiens parviendra à rester le maitre du milieu dans lequel il évolue où si son histoire  finira par rejoindre l’histoire des autres mammifères.

 

FIN

 

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LA SECONDE MALÉDICTION

27 Janvier 2021 , Rédigé par André Boyer Publié dans #PHILOSOPHIE

LA MORT DE SOCRATE

LA MORT DE SOCRATE

Vue de Sirius, l’audience des discours écologistes auprès de l’ensemble des habitants de la Terre contraste avec l’indolence de ces derniers, lorsqu’il s’agit de prendre des mesures concrètes pour protéger l’environnement. Mais ils ont de profondes raisons de développer cette dissonance entre le penser et l’agir.

 

La démarche écologique est née d’une inquiétude : l’homme est en train de modifier en profondeur son environnement ce qui mettrait à terme en péril la survie de l’espèce. Face à cette inquiétude, les écologistes ont une démarche volontariste. Ils croient que l’homme, seul parmi toutes les espèces, sera capable de maitriser son adaptation aux modifications de l’environnement. 

Or, l’histoire de l’humanité plaide plutôt pour une démarche qui ne devient raisonnée et coordonnée que lorsque les circonstances le contraignent à agir ainsi, faute de quoi il périrait. Regardez ce qui s’est passé pour la Covid 19, les plans raisonnés et coordonnés ont eu du mal à émerger longtemps après l’émergence du virus, car les hommes étaient réticents à en accepter les conséquences. Il n’est pas certain que l’homme se plie à cette démarche raisonnée et coordonnée, car son histoire ne plaide pas en ce sens.

De fait, l’homme immergé au sein d’une nature en perpétuel mouvement, est à la recherche permanente de moins de travail et de plus de confort. C’est ce qui lui a fait fuir, et lui fait toujours fuir, la campagne pour la ville.

On peut voir en effet la ville comme une tentative de reconstruire, après le Paradis Perdu, un lieu où l’on puisse vivre sans entrave et sans effort, un espace où les limites tendent à disparaitre, où les contraintes physiques sont progressivement éliminées et où les biens sont disponibles en abondance. Alors que dans la nature et grâce à son travail, l’homme tire de la terre ce qu’elle veut bien lui donner avec ses aléas, comme la pluie trop ou pas assez abondante, la qualité variable des sols, l’apparition de parasites, les citadins oublient ces limites. Ils ont l’impression qu’ils peuvent vivre en toute liberté : il fait jour même la nuit, l’eau froide et l’eau chaude sont disponibles à tous les étages et une simple pression fait disparaitre leurs déjections, mais en échange la ville sollicite considérablement son environnement.

Au reste, dans l’espace urbain, l’homme n’est pas encore parvenu à se débarrasser de son corps. Il lui faut toujours laver son linge, même avec l’aide d’une machine, il lui faut toujours descendre les poubelles et se rendre au bureau, sauf s’il travaille à distance. En outre, il continue à travailler pour subvenir à ses besoins, même si son métier lui demande de faire des travaux bien moins pénibles que dans les champs et même si le temps qu’il consacre au travail a fortement diminué, avec des durées légales toujours plus courtes, des congés toujours plus longs.

La ruée vers la ville montre que le sens du progrès humain consiste en une amélioration permanente de son confort.

Ce confort se traduit par l’apparition du temps libre, qui permet, si on le souhaite, de se consacrer entièrement à la contemplation. Mais beaucoup ne savent pas quoi faire de ce temps libre, car la contemplation peut aussi bien être source d’émerveillement que d’angoisse.

Dans la ville, on a bien compris que le temps libre posait problème et c’est ce qui a donné lieu à l’invention et au développement du concept de loisir qui consiste à tuer le temps d’une manière ou d’une autre.

Mais les hommes de la ville ne peuvent pas consacrer leur temps libre uniquement aux loisirs, car ce temps libre leur pose le problème de leur raison d’exister alors qu’ils savent qu’ils vont finir par mourir, un problème qu’ils n’avaient pas le temps de se poser en travaillant durement aux champs. Exister signifie donc donner un sens aux actions entreprises dans le cadre du temps libre, alors que le temps consacré à travailler pour vivre n’a nul besoin d’être justifié, comme l’observe Hannah Arendt.

Pour exister, certains poursuivront leurs passions jusqu’au paroxysme, comme le facteur Cheval qui passa la moitié de sa vie à construire un palais issu de ses rêveries. En ce sens, lutter contre la laideur du monde en se consacrant à la défense de l’environnement ou en luttant contre la misère du quotidien est un moyen, quasi évident, de se donner l’impression d’exister.  

C’est bien cette volonté d’exister qui mobilise l’immense armée des personnes qui s’engagent, à commencer par des chanteurs et des sportifs en mal d'une raison de vivre, contre l’injustice provoquée par d’innombrables malfaisants, que ce soient des êtres humains, des façons de vivre ou des catastrophes naturelles.

Avoir de la considération pour les humains défavorisés, méprisés, maltraités, comme les handicapés, les personnes de couleur, les étrangers, les malades, les vieux, les jeunes, les banlieusards, les campagnards, les autistes, les homosexuels, les transsexuels, aider d’autres êtres humains à échapper aux maladies, les sortir de la pauvreté, élève celui qui s’en soucie, comme celui qui se penche sur le malheur des animaux. On constate ainsi qu’au fur et à mesure où l’homme parvient à échapper aux affres de sa survie personnelle, les raisons de s’engager contre le malheur des autres se multiplient. La moindre inégalité peut servir de terreau à une organisation militante et les villes regorgent d’individus ou de groupes d’individus à la recherche d’une cause à embrasser.

Ainsi l’homme, parce qu’il a réussi peu ou prou à se défaire de la première malédiction qui consiste  à devoir travailler pour survivre, se retrouve placé au pied du mur de sa seconde malédiction, la perspective de la mort, qui est d'autant plus insupportable qu'il a le temps d'y penser, grâce au temps libre que la libération de sa première  malédiction  lui a fourni. Et, de ce point de vue, la crise de la Covid 19 illustre bien l’hystérie collective qui a saisi l’humanité lorsque la perspective, même minime, de la mort, lui a fait signe.

 

FIN

 

Librement interprété d’après l’ouvrage de Bertrand Alliot, « Une histoire naturelle de l’homme », L’Artilleur, Paris, 186 pages, 2020

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PASSER DES AUSTRALOPITHÈQUES AUX HOMMES

21 Janvier 2021 , Rédigé par André Boyer Publié dans #PHILOSOPHIE

LUCY

LUCY

Parmi les Australopithèques, l'Australopithecus afarensis, est probablement l'espèce d'Australopithèque la plus célèbre, depuis qu’il a été découvert en 1974 par une équipe franco-américaine codirigée par Yves Coppens, Donald Johanson et Maurice Taieb sur le site de Hadar en Éthiopie, révélant un squelette complet à 40%, baptisé Lucy.

 

Cet australopithèque serait âgé de 3,2 millions d’années. C’était un être de petite taille, 1,10 mètres, avec une boite crânienne de la taille de celle d'un chimpanzé. Ses incisives centrales étaient larges comme celles des chimpanzés, les molaires étant plus massives que celles des grands singes africains et recouvertes d'un email épais, ce qui laisse supposer que cette espèce était adaptée à un régime composé de fruits plus coriaces que ceux qui entrent dans l'alimentation des grands singes.

Les proportions corporelles de cet A. afarensis se sont révélées très particulières, avec des membres inférieurs assez courts et des membres supérieurs assez longs. Son centre de gravité́ se situait assez bas, sans être toutefois identique à celui de l'Homme, et son mode de locomotion correspondait à une forme de bipédie un peu claudicante associée à un grimper arboricole.

Mais l’on a découvert d’autres espèces d’Australopithèques :

  • Australopithecus africanus en Afrique du Sud, qui date d’environ 3 millions d’années, un peu plus grande que A. afarensis (1,30 m) et un logiquement un peu plus lourd (40 kg environ). Bipède, cet Australopithèque pouvait encore grimper aux arbres et vivait dans un milieu assez humide.
  • Australopithecus garhi, mis au jour en Éthiopie. Il date de 2,5 millions d’années, avec des proportions huméro-fémorales qui se rapprochent de celles de l’homme, avec un bras raccourci et une cuisse allongée.
  • A. robustus est un peu plus récent puisqu'il daterait d'environ 2 millions d’année et ses vestiges ont été trouvés exclusivement en Afrique du Sud.

Ces trois types d’Australopithèque, dits « robustes », se distinguent par une ossature extrêmement massive et des superstructures fortement marquées avec une musculature masticatrice puissante. Les espèces les plus tardives sont plus grandes, 1,55 m en moyenne, plus lourdes, environ 50 kg et leur crâne est plus gros (535 cm3 en moyenne).

Il faut y ajouter la découverte en 1995 du premier Australopithèque au Tchad, hors de la province est-africaine, appelé Australopithecus bahrelghazali et baptisé Abel. Vieux de 3 à 3,5 millions d’années, il est représenté par une morphologie dentaire particulière. Cette découverte est exceptionnelle par sa localisation, à deux mille kilomètres de la région classique d'évolution des Hominidés anciens.

Quant aux premiers Hommes, ils sont présents depuis deux millions d’années ou peut-être même quatre millions d’années. Comme dans le cas des Australopithèques, plusieurs espèces ont été identifiées, Praeanthropus africanus, Homo habilis, Homo rudolfensis, Homo ergaster et Homo erectus.

Mais les premiers représentants du genre Homo ont été logiquement identifiés en Afrique orientale et en Afrique du Sud. Le Praeanthropus africanus a été décrit à la fin des années 1930 à partir d'un fragment de maxillaire trouvé en Tanzanie, proche d'Australopithecus anamensis (1995). La bipédie de cet Homme ancien est associée à une morphologie dentaire peu différente de celle des Australopithèques.

On a fait l’hypothèse que les modifications climatiques, qui ont entraîné le recul de la végétation forestière, ont peut-être obligé les P. africanus à chercher leur nourriture de plus en plus loin car il n'y avait probablement pas assez de fruits pour eux et les Australopithèques. Or les P. africanus avaient l'avantage de posséder une démarche bipède plus efficace qui leur permettaient de se déplacer plus loin et plus longtemps pour aller chercher leur nourriture et sans doute diversifier leur alimentation.

 

Quant aux Australopithèques, encore bons grimpeurs, ils sont restés sur place parce qu’ils étaient mieux adaptés aux environnements forestiers.

 

À SUIVRE 

 

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DE QUAND DATE LE PREMIER HOMME?

30 Décembre 2020 , Rédigé par André Boyer Publié dans #PHILOSOPHIE

DE QUAND DATE LE PREMIER HOMME?

On conçoit que l'évolution des êtres vivants en général et des Hominidés en particulier soit conditionnée par l'évolution de la biosphère,

 

Ainsi, on s’interroge sur la raison pour laquelle les plus anciens Hominidés seraient localisés en Afrique orientale, dans l’attente d’être démenti par des découvertes de fossiles dans d’autres régions du monde. Mais si cette origine géographique des Hominidés se confirme, elle pourrait être expliquée par des facteurs géologiques.

Il y a 18 millions d’années, la région est-africaine, lieu d’habitation des grands singes, a connu une forte activité́ tectonique qui se réactive aux alentours de 8 millions d’années et entraine la formation du rift dont les épaulements vont provoquer une barrière de pluie.

L'Homme serait-il né d'un phénomène tectonique qui aurait bouleversé le climat en Afrique orientale ? Les descendants des grands singes qui habitaient la région, vont se trouver peu à peu isolés. Ceux qui vivent à l'ouest de la cassure vont s'adapter à̀ la vie en forêt et évoluer vers des formes aujourd'hui bien connues, les chimpanzés et les gorilles ; ceux qui demeurent à l'est du rift vont devoir s'adapter à̀ des changements importants dans un milieu qui s'assèche progressivement et constituent peut-être les ancêtres les plus lointains des Hommes (voir l’East Side Story d’Yves Coppens).

De plus, la constitution de la calotte glaciaire vers 8 millions d’années aurait provoqué́ des changements climatiques qui ont à leur tour modifié la faune et la flore. Coppens avance que les premiers Hommes seraient nés d'un autre phénomène tectonique majeur, aux environs de 2,5 millions d’années. Le Rift oriental continue de bouger tandis qu’un effondrement majeur se produit plus à l'ouest, dans le Rift occidental, qui conduit à̀ l'établissement d'une deuxième barrière de pluie. C'est à ce moment-là̀, à quelques centaines de milliers d'années près, qu'apparaît un être tellement proche de nous que les paléontologues ont pu lui donner le nom d’Homo et que Coppens nomme cette apparition l’ «(H)Omo event » car elle est bien marqué dans les gisements de la vallée de l'Omo.

Cependant ce scénario a été remis en question à la suite de la découverte de Sahelanthropus tchadensis, qui a été trouvé à̀ deux mille kilomètres plus à l'ouest que tous les autres fossiles et qui est considéré́ comme le premier Hominidé. Mais les aspects chronologique et écologique de l'hypothèse de Coppens ne sont pas remis en question, à l’exception de leur lieu de déroulement.

Cependant la découverte en 2000 au Kenya d'Orrorin tugenensis, a bouleversé la vision d’une évolution linéaire des Hominidés, car il possède un mélange de caractères humains et simiesques, tout en restant plus humain que Lucy alors qu’il est trois millions d’années plus vieux que cette dernière. Cette découverte confirme l'idée que les Australopithèques ne seraient pas nos ancêtres directs, mais une branche latérale de notre arbre généalogique. Il faut donc envisager maintenant que la divergence entre les Hominidés bipèdes et les grands singes africains se situerait avant 6 millions d’années, probablement entre 8 et 9 millions d’années.

En juillet 2002, Michel Brunet et son équipe ont publié leur découverte, réalisée un an auparavant dans le désert de Djourab (Tchad), d'un crâne partiellement écrasé́, d'une demi-mandibule et de quelques dents isolées appartenant à un nouvel hominoïde du Miocène supérieur, vieux de 6 à 7 millions d'années, Sahelanthropus tchadensis, plus connu sous le nom de Toumaï. Ses inventeurs en font le premier Hominidé, en se fondant sur un certain nombre de caractèristiques physiques, mais qui peuvent en faire aussi un ancêtre des gorilles.

En dehors de Toumai, les plus anciens Hominidés proviennent du Kenya et de l'Éthiopie et datent de cinq millions d’années, que l’on dénomme Australopithèques. Les premiers ont été́ découverts dés 1924 dans le sud de l'Afrique, d’où leur nom. Puis de très nombreux spécimens ont été récoltés en Éthiopie, au Kenya, en Tanzanie et au Tchad.

Il s’y ajoute le cas particulier d’Australopithecus anamensis, une espèce découverte en 1995 sur les sites kenyans de Kanapoi et d'Allia Bay, qui serait vieille de 3,2 à 4,4 millions d’années. Cette espèce s’est révélée si humaine par le squelette postcrânien qui ne peut pas être distingué du crâne d’un homme actuel, mais dont les dents ne sont pas humaines. On peut considèrer A. anamensis comme l'ancêtre commun de tous les autres Australopithèques, ainsi que de l'Homme.

 

Mais certains considèrent cette espèce, en raison d’un squelette locomoteur très humain, comme un témoignage ancien d’une lignée exclusivement humaine qui aurait vécue il y a quatre millions d’années…

 

À SUIVRE

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PAUVRES KENYAPITHÈQUES!

5 Décembre 2020 , Rédigé par André Boyer Publié dans #PHILOSOPHIE

PAUVRES KENYAPITHÈQUES!

Quand est-ce qu’un grand singe s’est-il décidé à devenir un homme, un vrai ? Grande question ou mauvaise question ?  

 

Jusque dans les années 1980, en partant de changements biologiques effectués à vitesse constante, on estimait que la date de divergence entre les grands singes africains et l'Homme (veuillez noter le H) était comprise entre 2 et 4 millions d'années.

En affinant leurs calculs, les paléontologues et les molécularistes ont fini par se mettre d’accord pour situer la divergence entre les grands singes africains et les Hominidés aux alentours de 6 à 7 millions d’années. Puis, en l’an 2000, on a découvert Orrorin tugenensis, un hominidé âgé de quelque 6 millions d’années, ce qui démontrait que les Hominidés étaient encore plus anciens.

On s'est alors décidé à reculer de deux millions d’années la date de séparation entre les Hominidés et les grands singes que l’on a plaçé quelque part entre 8 et 9 millions d’années et, jusqu’à ce jour au moins, la découverte d'autres fossiles en Éthiopie et au Tchad a confirmé cette hypothèse.

Mais avant de se concentrer sur le moment de la divergence entre les grands singes et les hominidés, il faut s’intéresser aux premiers « vrais » grands singes, dont on a recherché les ancêtres, les grands singes primitifs. Tout ce que l’on sait aujourd’hui, c’est qu’entre 24 et 31 millions d’années, l’on n’a découvert aucun grand singe primitif, car ces derniers ne seraient apparus qu’entre 18 et 23 millions d’années. 

Parmi les plus anciens « vrais » grands singes, on a découvert, entre autres, Ugandapithecus, qui est de la taille d'un gorille femelle et Proconsul, qui est de la taille d'un chimpanzé. 

Puis autour de 15 millions d’années, un problème a surgi, avec les Kenyapithèquesapparus en Afrique orientale comme leur nom l’indique, dont on considéra d'abord  qu'il s'agissait d'Hominidés, ce qui changeait tout en matière d'apparition de l'homme. L’argument avancé était qu’ils présentaient un émail dentaire épais et de petites canines, comme l’Homme. Puis on observa que l'orang-outan asiatique possédait aussi un email épais et que les femelles des primates actuels présentaient des canines plus petites que celles des mâles, alors que tous les Kenyapithèquesque l’on avait observés étaient aussi des femelles. Exit l’argument dentaire pour les classer parmi les Hominidés.

Tout de même, les Kenyapithèques utilisaient des galets de basalte, mais ce ne fut pas considéré comme un critère suffisant pour les classer parmi les Hominidés puisque les chimpanzés de leur côté sont de bons utilisateurs d'enclumes et de marteaux et qu’ils n’en sont pas pour autant des Hominidés. Alors il a fallu se résoudre à reléguer les Kenyapithèques au statut médiocre d'ancêtre commun aux grands singes et à l'Homme.

Ces ancêtres communs aux grands singes actuels et aux hommes auraient donc vécus au Miocène moyen, c’est à dire aux environs de 15 millions d’années, avec des climats qui, comme toujours, évoluent et favorisent plus ou moins l’extension des faunes africaines.  Or, ce qui passionne les chercheurs, on se demande bien pourquoi encore qu’il me semble que cette obsession ait quelque chose à voir avec le fait que le chercheur soit lui-même un homme, est de saisir le plus précisément possible l’instant ou le singe se transforme en homme.

Les traces des grands singes qui s’apprêtent à devenir des hommes, que l’on appelle pour cette raison des Hominoïdes, ont curieusement presque tous été localisés en Afrique de l’Est. Presque, parce que l’on a découvert récemment Sahelanthropus tchadensis, au Tchad, bien sûr. Les prétendants au titre d'Hominidé se situent en Afrique orientale dans des niveaux datés de 5,2 à 7 millions d'années, avec Ardipithecus kadabba (5,2 à 5,8 Millions d’années) et Orrorin tugenensis (5,7 à 6,1 Millions d’années), sauf justement Sahelanthropus tchadensis (6 à 7 Millions d’années) que l’on a trouvé au Tchad et qui est plus vieux.  

 

Alors quelle est au juste cette date d’apparition des Hominidés? Et pourquoi les hommes auraient-ils émergés et pris le dessus sur les autres espèces ? Une raison climatique ? Un accident ? Le hasard ?

 

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LE SENS DU TANGO

16 Novembre 2020 , Rédigé par André Boyer Publié dans #PHILOSOPHIE

LE SENS DU TANGO

Voici un article réputé futile, en regard des graves sujets qui inspirent généralement ce blog. Notez aussi que je ne sais pas danser le tango et que je n’ai même pas essayé de le danser. Ceci précisé, je suis fasciné par l’image des danseurs de tango et encore plus par la passion de celles et de ceux qui le pratiquent, d’où ce billet.

 

Pour nous qui ne le dansons pas, le tango argentin a une image sensuelle, une danse entre une femme en talons hauts, robe moulante et un homme élégamment habillé. Derrière cette image se cachent des écoles de tango pour les passionnés qui savent que le tango a l’ambition de changer leur vie.

Le néophyte s’est souvent décidé à franchir le pas, c’est le cas de l’écrire, parce qu’un événement l’a obligé à se remettre en question et qu’il a choisi le tango pour « changer » de vie. Il ne vient pas forcément chercher une rencontre sensuelle, et s’il le croit, la nécessité, l’urgence même, d’accorder deux énergies différentes à travers la musique l’obligent à reconsidérer ses priorités.

Car il se trouve confronté à l’amorce d’un échange imprévisible qui exige d’être harmonieux, avant qu’il ne prenne conscience progressivement que cet échange  avec son ou sa partenaire est devenu profond, de manière inattendue.

Lorsque l’on observe une piste de danse dans une milonga*, l’on est frappé par l’impression d'intimité qui y règne. Un homme et une femme sont étroitement enlacés, agissant de manière synchrone, l’homme avançant et la femme le suivant en reculant. Le tango a en effet des racines culturelles selon lesquelles l’image masculine est celle d’un homme fier, séduisant, élégant et l’image féminine celle d'une femme sensuelle et insaisissable.

Mais le sens du tango va au-delà de ce que laisse voir son aspect technique et sensuel et c’est ce que découvrent progressivement les danseurs : tout d’abord, ils apprennent à avoir un contact physique étroit, sensuel, intime, mais non sexuel. En fixant des limites précises, le tango crée un espace sécurisant pour leur contact physique. De plus, le tango demande d'être soi-même, de montrer sa vulnérabilité et c’est le dévoilement de cette vulnérabilité qui crée une véritable intimité.

Or, en ce moment si spécial du Covid-19, il est pratiquement interdit de se toucher et même dans les conditions normales de notre vie d’individu urbanisé nous manquons tout à fait du genre de contact physique qu’offre le tango : nous osons à peine toucher nos amis, encore moins nos collègues, pas toujours nos enfants et notre famille, si bien que, si nous n’avons pas de conjoint, nous n’avons pratiquement pas de contacts physiques.

Aussi le succès du tango provient-il de ce qu'il comble en partie le besoin humain de se toucher et de bouger, sans oublier qu’il constitue un environnement propice aux rencontres sociales.

En outre, le tango oblige à agir spontanément, en vivant pleinement le moment présent. En effet, pour que la danse ait lieu, les deux partenaires doivent entrer dans un état de flux dans lequel ils sont entièrement présents, tout en communiquant constamment l'un avec l'autre par les mouvements de la danse.

De ce point de vue, on peut voir le tango comme une pratique dynamique de la conscience, qui oblige le danseur à se tourner vers lui-même, vers ses désirs, ses émotions et ses objectifs. Il s’agit d’une expérience de transformation de soi qui révèle ce que son "moi" considère de plus important, ce que l’on se permet de faire, de ressentir, de vivre. Ainsi, le tango conduit-il à se demander si l’on vit en harmonie avec soi-même et, si ce n’est pas le cas, à se demander ce qui doit être changé.

Enfin, à travers le mouvement de la danse, le tango permet de comprendre qu'une vraie connexion n'est possible qu'entre deux êtres véritablement indépendants, des êtres qui ont leur propre équilibre. Dans le tango, chaque partenaire, à tout moment, recherche activement à demeurer stable sans avoir recours à l'autre pour y parvenir. Sur la base de ces deux équilibres personnels, le tango devient possible à condition que les deux partenaires soient à tout instant à l'écoute l'un de l'autre pour  interagir harmonieusement.

Tout en se présentant comme un passe-temps agréable et une source de plaisir, le tango fournit donc le contexte d’un processus de développement personnel. Venant au tango individuellement, les danseurs découvrent  souvent leur peur d’une vraie intimité, leur dépendance émotionnelle ou leur manque de confiance en eux et les couples qui viennent ensemble au tango voient souvent se révéler de leur côté de subtils mécanismes de dépendance dans leur relation, des ressentiments enfouis ou leur propension à rejeter les fautes sur l'autre.

 

Ainsi, alors que, de l'extérieur, le tango ne semble être qu'une danse de couple synchronisée, les personnes qui le pratiquent ont le sentiment amphigourique de participer à une mystérieuse alchimie, métaphore de tous les contacts entre les êtres humains…

 

*Milonga :un bal où l'on danse une certaine forme de tango argentin.

 

Cet article a pour origine un papier publié dans un magazine féminin en ligne russe Matrony.ru traduit par Aimée Zuniga, très fortement réécrit et remanié par mes soins.

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