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Le blog d'André Boyer

LA MÉLÉE GRANDIT COMME UNE FLAMME

26 Novembre 2016 , Rédigé par André Boyer Publié dans #HISTOIRE

 

Plus à l’ouest et plus tard dans la saison, la bataille de Fort Frontenac a lieu du 25 au 27 août 1758, sur l'emplacement de la ville actuelle de Kingston dans l'Ontario.

Le fort occupait une position stratégique, à la jonction du fleuve Saint-Laurent et du lac Ontario. Après leur cuisante défaite de Fort Carillon le 8 juillet 1758, qui aurait du être le prélude à l’effondrement de la Nouvelle-France, les Britanniques cherchent à remonter le moral de leurs troupes par une victoire facile.

Avant même la bataille de Fort Carillon, le Major General John Bradstreet, un officier anglais né en Acadie, avait déjà eu l’idée d’attaquer le fort Frontenac qui constituait un centre important du commerce des fourrures entre les Indiens et les Français et qui gardait la route vers Fort Duquesne. Pour s’y préparer, Il avait commencé à recruter des battoemen, des colons armés et spécialisés dans la construction de barques de transport, avant d’obtenir plusieurs régiments, soit au total 3 082 hommes, composé de 135 soldats réguliers, le reste provenant de milices des États de New York, du Massachussetts, du New Jersey et de Rhode Island.

Le Fort Frontenac, reconstruit et aujourd’hui appelé Fort Henry, est solidement édifié en pierres de calcaire, mais il n’a qu’une faible garnison commandée par Pierre-Jacques Payen de Noyan et de Chavoy, une centaine de soldats, dont cinquante trois aptes au combat renforcés par quelques miliciens et indiens. La défense du fort avait en effet été sacrifiée pour faire face à l’attaque de Fort Carillon. On se souvient à ce propos que le Gouverneur Vaudreuil avait envoyé quatre cent hommes pour renforcer la défense de Fort Carillon sous le commandement de Lévis qui étaient initialement destinés à Fort Frontenac

Pour conquérir cette place forte dégarnie, Bradstreet rassemble une flottille qui traverse le lac Ontario et débarque sans opposition le 25 août  à deux kilomètres de Fort Frontenac. Le matin du 26 août, l’artillerie britannique ouvre le feu, les Français répliquent avec leur propre artillerie et cela dure toute la journée du 27. Le lendemain au matin, deux navires français tentent sans succès de s’échapper du port, ce qui décide Noyan à hisser le drapeau blanc. Aucun renfort n’étant annoncé dans l’immédiat et à un contre trente, il n’avait évidemment aucune chance de résister longtemps!

La capture de Fort Frontenac fut une aubaine pour les Britanniques qui saisirent soixante canons et de nombreuses munitions et marchandises. Le fort fut détruit, les prisonniers français libérés contre la promesse de la libération du même nombre de prisonniers anglais.

Les Français renforcèrent aussitôt un nouveau fort plus en arrière sur le Saint Laurent, le Fort de  La Présentation. De son côté, le Marquis de Vaudreuil fut accusé de n’avoir pas cru que les Anglais oseraient se risquer sur le lac Ontario où la Nouvelle-France avait des navires de guerre. Une des deux lignes de communication entre Montréal et les forts français de l'ouest fut coupé tandis que l'autre itinéraire, le long de la rivière des Outaouais, resta ouvert pendant toute la guerre. 

Plus tard et plus à l’ouest encore, le 12 octobre 1758, a lieu la bataille de Fort Ligonier. On se souvient que les Anglais attaquent sans succès Fort Duquesne à deux cent kilomètres au sud du Lac Erié, qui sera finalement évacué par les Français en raison de la supériorité numérique anglaise le 26 novembre 1758.

Le commandant de Fort Duquesne François-Marie Le Marchand de Lignery, après sa victoire sur James Grant et ses sept cent cinquante hommes, manquait d’approvisionnement d’autant plus que ses lignes de communication avaient été en partie coupées  par la capture de Fort Frontenac en juillet. Aussi ordonna t-il une attaque contre les positions britanniques de Fort Ligonier, à quatre-vingt kilomètres à l’est de Fort Duquesne, afin de ralentir l’avance britannique et surtout de s’emparer de leurs ressources. Il utilisa à cet effet la quasi totalité de la garnison de Fort Duquesne, quatre cent quarante troupes de marine et cent cinquante indiens Delaware, sous le commandement de Charles Philippe  Aubry.

Le 12 octobre 1758, les Français arrivèrent aux abords de Fort Ligonier, défendu tout de même par deux mille hommes ! Ils s’emparèrent des chevaux qui étaient parqués aux environs, repoussèrent une première force de deux cent hommes du Maryland envoyés par le colonel James Burd, commandant Fort Ligonier, puis un bataillon de Pennsylvanie mais furent arrêtés par les tirs de l’artillerie du fort.

Le lendemain, ils tentèrent de prendre une redoute mais durent se retirer devant l’impossibilité de prendre le fort de vive force, tout  en ayant saisi plus de deux cent chevaux qu’ils ramenèrent à Fort Duquesne. Ils avaient tués plus de cent soldats britanniques et fait sept prisonniers alors qu’ils n’avaient perdu que quatre hommes, ce qui montrait la faible capacité combative des troupes issues des colonies britanniques, qui constituaient l’essentiel de la garnison de Fort Ligonier.   

 

Si l’année 1758 avait montré l’extraordinaire combativité des troupes de la Nouvelle-France et la grande qualité du renseignement qui bénéficiait du soutien des Indiens, la supériorité quantitative des troupes anglo-américaines pesait de plus en plus lourdement. 

À SUIVRE

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LE BAPTÊME DU FEU

22 Novembre 2016 , Rédigé par André Boyer Publié dans #INTERLUDE

 

Dans le blog du 4 octobre dernier « Ma stratégie face au jury », j'ai conté la manière dont je me suis organisé pour me préparer au Concours d’Agrégation en Sciences de Gestion.

 

Finalement, la date de la première épreuve du Concours vint. Je pense que je fus convoqué au mois de mars 1980 afin de présenter mes travaux, le passage de cette épreuve étant nécessaire pour être admis à concourir pour les deux épreuves suivantes qui portaient sur les théories des Sciences de Gestion et sur une étude de cas dans le domaine de spécialité choisi par le candidat.

Le jury était présidé par le Professeur Jean-Guy Mérigot de l’Université de Bordeaux I, à qui je dois largement  d’avoir surmonté avec succès cette  première épreuve. Le jury comprenait également quatre professeurs, François Bourricaud (Paris IV), Paul Didier (Paris IX), Pierre Lassègue (Paris I) et Bernard Pras (Paris IX). Il s’y ajoutait deux professionnels, Michel De Boissieu (Cour des Comptes) et Jean-Jacques Leven (sans doute un chef d’entreprise ou un cadre supérieur).

Je ne connaissais pas et je n’ai aucun souvenir des interventions des professeurs François Bourricaud et Paul Didier comme de celle des deux professionnels.

En revanche, je connaissais le Président  Jean-Guy Mérigot et je l’aimais bien. C’était, et tous ceux qui l’ont connu le confirment, un gentilhomme bordelais d’autrefois, une sorte de Michel de Montaigne fourvoyé dans le monde impitoyable de la gestion universitaire. De plus, je craignais le Professeur Pierre Lassègue, qui, en tant que Président du CNU, s’était opposé à ce que je concoure à la qualification de Maitre de Conférence l’année précédente pour une affaire confuse de retard de ma date de soutenance. De plus, il avait été le Président du jury précédent en 1977 et il était le plus influent des membres du jury. Je connaissais aussi Bernard Pras, jeune agrégé du concours précédent et qui représentait la discipline que j’avais choisi pour l’épreuve sur cas, le marketing. Je jugeais qu’il serait plutôt indulgent et favorable à ma candidature. Je me trompais.

Le concours se déroulait Rue des Saints-Pères, dans les locaux de la Faculté de Médecine. Je me logeais la veille à l’hôtel Perreyve, rue Madame, à un quart d’heure de marche du lieu du concours. J’étais à pied d’œuvre le matin, confiant.

Devant un jury qui me semblait assez débonnaire, grâce au Professeur Mérigot, je présentais tranquillement mes travaux assez dispersés, sur la création d’entreprise, dix petits articles dans l’Encyclopedia Universalis, un article sur la fiscalité (sur un impôt, la Serisette, qui n’a jamais été mis en œuvre!),  quatre articles sur le marketing, dont deux en anglais grâce au Professeur Kristian Palda, qui étaient plutôt des articles de théorie microéconomique, deux articles sur la théorie des organisations et ma thèse qui présentait une analyse des effets de la fiscalité sur la firme.

Un patchwork.

Puis j’attendis (assez) tranquillement les questions sur ces divers travaux. Elles vinrent sans doute des divers membres du jury, sans que j’en garde un souvenir précis. Je me rappelle par contre douloureusement des questions du jeune agrégé Bernard Pras. Il ne m’interrogea pas sur mes articles, mais voulut tester mes connaissances du vocabulaire marketing, de préférence anglo-saxons. J’étais débordé, d’autant plus que j’entendais certains des termes qu’il énonçait pour la première fois de ma vie! Je bredouillais des réponses, je paniquais. C’est sans doute grâce aux questions posées par Bernard Pras que j’ai écris plus tard le dictionnaire de gestion qui illustre ce blog. J’avais l’impression qu’il avait pris à revers toute ma stratégie de préparation au concours en mettant à nu la superficialité de mes connaissances en marketing. 

C’est alors qu’intervint le Président du jury, le professeur Jean-Guy Mérigot, dans le rôle du sauveur. Il devait être agacé par la prétention du jeune agrégé à me faire la leçon, une manière indirecte de la faire aussi aux membres plus âgés du jury qui devaient ignorer encore plus que moi le sens des termes qu’il énonçait. Le Président l’admonesta ouvertement : «Laissez tranquille monsieur Boyer!». Cette injonction extraordinaire changea tout. Interloqué, Bernard Pras se tut et si je me souviens bien, les autres membres aussi.

L’audition était finie et je sortis de la salle rassuré. Je ne voyais pas très bien comment, après la sortie du Président du jury en défense, ma candidature serait rejetée.

 

Et en effet, j’appris rapidement que j’étais autorisé à poursuivre le concours.

 

À SUIVRE

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COMBATS DANS LA NEIGE ET EN ACADIE

18 Novembre 2016 , Rédigé par André Boyer

L’année 1758 est cruciale pour la Nouvelle-France. Les Français ont repoussé les Anglais à Fort Duquesne et ils ont remporté une incroyable victoire au centre du front, à Fort Carillon. D’autres batailles, moins importantes, ont été livrées la même année qui témoignent de la détermination des Anglais à s’emparer de la Nouvelle-France mais aussi des Français à la défendre.

Il fait très froid encore au mois de mars 1758, mais cela n’empêche pas Robert Rogers à la tête de ses Rangers d’attaquer, en prélude à la bataille de Fort Carillon, les troupes françaises et Amérindiennes près du lac Saint-Sacrement,  appelé aujourd’hui le lac George. Rogers conduit un groupe d'environ cent quatre vingt Rangers et troupes régulières depuis Fort Edward plus au sud pour reconnaître les positions françaises.

Le 13 mars 1758, Rogers et ses troupes marchent difficilement dans plus d’un mètre de neige lorsqu’ils constatent qu’un groupe, principalement composé d’Indiens, vient à leur rencontre. En effet, le commandant de Fort Carillon, averti du mouvement anglais, a envoyé une force composée de trois cent Indiens et de vingt Canadiens pour les rencontrer, avec à sa tête l’enseigne Durantaye. Ce dernier a divisé ses troupes en deux groupes, avec  en avant garde une centaine d’hommes qu’il conduit, précédent de cent mètres à peine le gros des troupes commandés par l’enseigne De Langy. Toute cette marche se déroule dans la neige épaisse.

Les hommes de Rogers les repèrent et leur tendent une embuscade qui oblige la compagnie de Durantaye à se retirer en désordre. Les anglais partent sans réfléchir à leur poursuite mais tardent à recharger leurs mousquets, occupés qu’ils sont de scalper leurs victimes. Aussitôt, les hommes de De Langy se mettent en embuscade et tuent environ cinquante hommes parmi les troupes de Rogers. Les survivants se battent avant de tenter de s’enfuir. Une partie d’entre eux finissent par se rendre mais ils sont tués et scalpés lorsque l’un des soldats de Rogers est découvert avec un scalp dans sa poche.

Au total, sur les cent quatre vingt hommes de Rogers, cent vingt sont morts. Rogers lui-même et soixante hommes parviennent à s’échapper dans la neige. Têtu, il reviendra en été attaquer Fort Carillon pour subir une nouvelle défaite.

Tout à fait à l’est de la Nouvelle-France au début de l’été, se déroule en Acadie un petit affrontement, abusivement appelé la bataille du Cran ou de Stoney Creek, entre les Britanniques qui voulaient déporter la population acadienne et ces derniers. 

Dès la bataille de Fort Beauséjour que j’ai relaté dans un blog précédent (1755, Batailles sur tous les fronts), certains Acadiens ont résisté face aux Britanniques pour éviter de se faire déporter. Un groupe composé de Canadiens, d'Acadiens et d’Indiens  malékites, sous le commandement de Charles Deschamps de Boishébert, attaqua les Britanniques dans la bataille de Petitcoudiac (à laquelle je consacrerai un prochain blog). De plus, Joseph Brossard dit Beausoleil, sous les ordres du gouverneur de Vaudreuil, arma un petit bateau corsaire qui réussit à faire quelques prises dans la baie de Fundy. La « bataille » du Cran est  livrée par un petit détachement britannique composé d’une centaine d’hommes, qui parvint à encercler et à tuer une vingtaine d’Acadiens et à détruire un village acadien, le 1er juillet 1758.

 

Ce n’était pas fini pour 1758, car la bataille se poursuivait plus que jamais à l’ouest, autour du Lac Ontario et du Lac Érié. 

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TRUMP'S LESSON

13 Novembre 2016 , Rédigé par André Boyer Publié dans #ACTUALITÉ

TRUMP'S LESSON

Le 21 septembre dernier, dans un blog intitulé « L’élection d’Hillary Clinton menacée par les déplorables », j’écrivais en introduction de mon blog : « À ce jour, il me paraît évident que Donald Trump est en capacité de remporter les élections US, n’en déplaise à l’ensemble des medias français qui le couvrent d’injures et de sarcasmes depuis qu’il a émergé en politique. »

 

C’est écrire qu'aujourd'hui je ne suis pas spécialement étonné de l’élection de Donald Trump à la Présidence des Etats-Unis.

Pourtant, il semblerait que cette victoire ait surpris les medias, mais je crois qu’il s’agit plutôt pour eux d’exprimer leur dépit, car la victoire d’Hillary Clinton était attendue et souhaitée par la totalité des bien-pensants, qui, certainement par hasard, sont aussi les détenteurs des pouvoirs politiques, économiques et médiatiques.

La fable des sondages qui auraient égaré les medias ne tient pas. Bien sûr, on ne pouvait pas savoir à l’avance que les sondages étaient biaisés, mais maintenant que le résultat du vote est tombé, on sait pourquoi : mettez vous un instant dans la peau d’un électeur de Trump (j’espère que ce n’est pas trop pénible pour vous) répondant à un sondage sponsorisé par un média américain. Il sait que 98% des medias sont hostiles à la candidature de Trump. Vous croyez qu’il va déclarer qu’il vote pour Trump, pour peu qu’il ait peur que cela ait un impact négatif sur lui ou qu’il veuille faire plaisir à l’interviewer ? C’est l’hostilité affichée des medias à Trump qui a provoqué sa sous estimation dans les sondages et non pas les sondages qui ont trompé les medias.

Je relève d’ailleurs que les journalistes français se sont gaiement joints à la meute. Ainsi dans une publication de L’Obs et de Rue 89, le 9 novembre 2016, c’est à dire après que soit connu l’élection de Donald Trump, une journaliste, Noiwen Le Blevennec, intitule explicitement son article : « Raciste, misogyne, complotiste : dix choses à savoir sur Donald Trump ». À quoi rime cette volée d’injures contre le Président élu des Etats-Unis sinon à se défouler ? En outre, l’article a, semble t-il, plu à ses 181 commentateurs qui ont affublé le Président élu de qualificatifs encore moins recommandables…

Pourquoi tant de haine ? Parce que la victoire de Trump apparaît comme celle de la populace ignare contre les élites éduquées, celles qui s’expriment dans les medias. Mais ces élites éduquées ont simplement oublié que la population ignare les haïssait aussi. Et comme ces élites éduquées n’ont pas été capables de trouver un candidat qui calme la population ignare, maintenant elles ont Trump sur le dos qui ne va surement pas les épargner.

Je comprends donc leur rancœur.

Par contre, je ne comprends pas leur surprise. Il était clair, deux mois avant le vote, que l’élection avait basculé en faveur de Donald Trump lorsque Hillary Clinton, le 9 septembre 2016, devant une audience LGBT, s’est fait applaudir à tout rompre en déclarant au sujet des partisans de Trump : « La moitié des électeurs de Donald Trump peuvent être regroupés dans un panier de gens déplorables, car ils sont racistes, sexistes, homophobes, xénophobes, islamophobes ! ».

Elle a ainsi, par ces qualificatifs méprisants, justifié pleinement la haine que les « déplorables » vouaient aux élites de Washington D.C. et qu’elle personnifiait parfaitement. Et les élites se sont comportées à l’unisson, en ayant un extraordinaire réflexe de classe. Savez-vous quel a été le pourcentage de vote en faveur d’Hillary Clinton dans le District of Columbia (Washington D.C.) ? Tandis que 3% allaient à Gary Johnson et Jill Stein, 92,8% (260223 votes) ont voté pour la chère Hillary contre 4,1% (11553 votes) pour l’horrible Trump ! Le pouvoir quasi unanime a choisi Clinton. Pour des raisons morales ? Réfléchissez à cela…  

 

Mais, allons plus au fond des explications. Après le Brexit, pourquoi la victoire de Trump ?

Tout le monde a compris maintenant que le processus de la mondialisation était en cause. Ajouté au déséquilibre démographique croissant en défaveur des pays occidentaux, personne n’a pu éviter qu’un certain nombre de pays, à commencer par la Chine, ne prennent leur envol.

Les Américains ont cru qu’ils avaient gagné le jackpot lorsque le système communiste s’est effondré en 1989, parce qu’ils estimaient ne plus avoir d’obstacles pour étendre leur influence au monde entier. Cela a semblé vrai pendant une vingtaine d’années, pendant lesquelles on croyait dur comme fer à la fin de l’histoire. Sous leur houlette, les élites américaines et européennes ont cru habile de passer un pacte qui favoriserait les exportations de produits fabriqués à bas prix par les filiales des grandes entreprises occidentales. Ils permettraient ainsi aux pays offrant des salaires bas comme la Chine de s’enrichir en exportant, tandis que les pays riches bénéficieraient de marchandises bon marché, conserveraient les productions à haute valeur ajoutée et accessoirement se débarrasseraient de leurs usines les plus polluantes. C’était la mondialisation heureuse, grâce à des centaines de millions d’esclaves enrôlés dans les nouvelles usines du monde. Des esclaves qui auraient au moins du travail, c'était l'excuse. 

Les multinationales gagnaient ainsi sur les deux tableaux, l’éthique et le profit. Du côté éthique, elles « aidaient » les pays à bas salaires et du côté profit, elles atteignaient des taux de rentabilité inégalés, puisque le taux autrefois fabuleux de 15% de rendement net des capitaux investis devint, avec la mondialisation, la norme pour les grandes entreprises cotées en bourse. Malheureusement, les multinationales américaines et européennes durent en même temps déshabiller leurs pays d’origine en délocalisant leur production vers la Chine, les dragons et autres tigres asiatiques, un déshabillage qu’elles justifiaient tranquillement par les nécessités de la concurrence…

À la tête de ces entreprises, de ces banques, et des États qui organisaient cette merveilleuse stratégie, les élites occidentales se sont habillées de pied en cap d’une idéologie mondialiste, libre échangiste et humanitaire qui leur a permis de profiter sans états d’âme de ce mouvement de transfert vers les pays émergents, en conservant leurs emplois hautement qualifiés, en augmentant leurs dividendes et leurs salaires avec les profits des multinationales, tout en faisant la morale à ceux qui payaient la note en termes de revenus, de chômage et de désordre.

C'est ainsi que la classe moyenne américaine a vu son niveau de vie baisser, tandis que celui des élites augmentait fortement. 

Les usines abandonnées, les banlieues à la dérive, la drogue omniprésente, les paysans désespérés, les petits boulots précaires, les files d’attente des chômeurs n’étaient vu et traités que comme des problèmes annexes à l’irrésistible mondialisation et ceux qui subissaient tout cela était tout d'un coup devenus invisible. Ils étaient peut-être devenus invisibles, mais ils avaient encore le droit de vote, ils l'ont utilisé. 

Du coup, les élites qui croyaient que cela allait durer toujours, viennent de découvrir que, comme d’habitude, elles se sont encore trompées pour Trump comme pour le Brexit, comme pour les Subprimes en 2008, comme pour la chute du mur de Berlin en 1989, comme  pour la crise du pétrole en 1973, et ainsi de suite en remontant dans le temps.

Simplement, un retour de balancier est en cours. À la mondialisation va succéder la fermeture, car en dehors des élites globalisées, tout le monde la réclame et, bien sûr, la classe dirigeante qui a présidé à la mondialisation sait qu’elle est disqualifiée pour procéder à sa fermeture, d’où sa hargne.

D’où le Brexit.

D’où Trump.

D’où la suite à venir.

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L'INCROYABLE VICTOIRE DE FORT CARILLON II

11 Novembre 2016 , Rédigé par André Boyer Publié dans #HISTOIRE

L'INCROYABLE VICTOIRE DE FORT CARILLON II

 

Le 7 juillet 1758, Abercombrie envoya un détachement commandé par le Lieutenant Colonel John Bradstreet le long du chemin de portage pour reconstruire le pont détruit. Le reste de l’armée suivit et s’installa prés de la scierie. Les éclaireurs et les prisonniers lui rapportèrent que Montcalm avait six mille hommes avec lui, alors qu’il n’en avait que la moitié. Ils ajoutèrent aussi que Montcalm attendait un renfort de trois mille hommes alors qu’il en attendait quatre cents qui pouvaient arriver à tout moment.

Abercombrie envoya son ingénieur, le Lieutenant Mathew Clerk, reconnaître les défenses françaises qui lui rapporta que ces dernières étaient faibles et qu’elles pouvaient être prises même sans artillerie. Il ne s’était pas rendu compte que les fortifications étaient camouflées par des branchages, car le jour même Montcalm avait fait installer des rangées d’abattis d'arbres dont les extrémités avaient été durcies au feu devant les retranchements du Fort Carillon.

Ce dernier, situé sur une pointe au sud du lac Champlain, était entouré d'eau sur trois de ses côtés tandis que, sur son quatrième côté, il était en partie protégé par un marécage et en partie fortifié, appuyé qu’il était par trois batteries de canon.

La faiblesse supposée du fort et l’arrivée imminente des supposés trois mille hommes de Lévis convainquirent Abercombrie d’attaquer dés le lendemain, tandis que Lévis ralliait le soir même le fort, avec quatre cent hommes seulement, mais qui constituaient cependant un renfort bienvenu.

Le matin du 8 juillet, deux précautions  valant mieux qu’une, Clerk entreprit d’observer à nouveau les défenses françaises et parvint à la même conclusion que la veille : la place pouvait être prise d’assaut.

Abercombrie avait décidé d’attaquer selon trois colonnes. L'infanterie légère du colonel Thomas et les Rogers’s Rangers commencèrent par repousser les  éclaireurs français  dans le Fort. Suivit l’avant garde constituée par les miliciens recrutés dans les États de New-York et du Massachusetts puis  trois colonnes de troupes régulières, celle de droite commandée par le colonel William Haviland, celle du centre par le lieutenant-colonel John Donaldson et celle de gauche par le  lieutenant-colonel Francis Grant à la gauche. En réserve, les milices du Connecticut et du New Jersey attendaient.

De son côté, Montcalm avait aussi organisé ses forces en trois brigades et une réserve. Il s’était réservé le centre du dispositif où il commandait le Régiment Royal-Roussillon et le Régiment de Berry ; à sa droite, Lévis commandait les Régiments de Béarn, de Guyenne et de la Reine et à sa gauche Bourlamaque commandait les Régiments de La Sarre  et de Languedoc. De plus, les canons des redoutes protégeaient les flancs, même si la redoute de droite n’était pas achevée. Enfin, l’espace découvert entre le flanc gauche de Bourlamaque et la rivière La Chute  était fermé par une milice de La Nouvelle-France et par les troupes de marine.

Abercrombie avait programmé le début des combats à 13 heures, mais les milices de New-York engagèrent le combat une demi-heure plus tôt. Cette précipitation poussa Haviland à attaquer aussitôt alors que ses troupes n’étaient pas encore en position, ce qui engendra désordre et absence de coordination.

La colonne de droite attaqua donc la première, suivie des colonnes du centre et de gauche et même d’une partie de la réserve, qui brulait d’engager le combat. L’abattis devint rapidement un cimetière et la première vague d’attaque se révéla un échec. Mais Abercrombie persista à lancer de nouvelles attaques, en  partant du postulat que les défenses françaises pouvaient facilement être prises d’assaut.

À 14 heures, il fit envoyer des barges britanniques avec de  l'artillerie lourde qui descendirent, contrairement au plan initial, le canal entre une île et la rive, ce qui les amena à portée des canons du fort qui coulèrent deux barges, ce qui fit battre les autres en retraite. En même temps, il ordonna aux réserves du Connecticut et du New Jersey d'entrer dans la bataille avant de les rappeler lorsqu’il devint clair que l’attaque avait échoué, mais une partie d’entre elles continua à attaquer.

À 17 heures, une offensive désespérée réussit finalement à atteindre le mur du fort où les soldats britanniques furent tués à la baïonnette. La tuerie continua jusqu'au coucher du soleil.

Au coucher du soleil, prenant acte du désastre, Abercrombie ordonna à ses troupes de se replier jusqu’à un espace dégagé sur le lac George. La retraite au travers de la forêt s’effectua dans la panique, car la rumeur courrait d’une attaque des Français.

De son côté, Montcalm, inquiet d’une contre-attaque anglaise et conscient de la fatigue de ses troupes après une longue journée de bataille, leur fit livrer des barils de bière et de vin. Ses troupes passèrent la nuit à se reposer et à préparer les défenses pour faire face à une éventuelle contre-attaque, qui ne vint jamais.

Le 9 juillet, l'armée anglaise remonta le lac George pour regagner sa base au coucher du soleil. Elle avait perdu environ mille hommes dans la bataille principale auxquels s’ajoutaient mille cinq cents blessés, sans compter la centaine de tués et de blessés de l’accrochage de Bernetz Brook contre les troupes du capitaine Trépezet. De leur côté, les Français avaient perdu cent quatre morts et deux cent soixante treize blessés dans la bataille principale auquel s’ajoutait la quasi perte du détachement Trépezet.   

 

Cette victoire inespérée à un contre quatre que remporta Montcalm retarda d’une année l’invasion de la Nouvelle-France. Mais il fallut, le 27 juillet 1759, évacuer le fort et le détruire pour défendre Québec menacé. Le fort fut occupé sans effort par Jeffery Amherst qui le reconstruisit et le nomma fort Ticonderoga, en iroquois « la place entre deux grandes eaux».

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L'INCROYABLE VICTOIRE DE FORT CARILLON I

6 Novembre 2016 , Rédigé par André Boyer Publié dans #HISTOIRE

LA ROUTE DES TROUPES BRITANNIQUES VERS FORT CARILLON

LA ROUTE DES TROUPES BRITANNIQUES VERS FORT CARILLON

En cette année 1758, les Anglais se préparent à attaquer la Nouvelle France avec des forces considérables, bien supérieures en nombre et en moyens à celles dont dispose le marquis de Montcalm.

C’est le résultat de la stratégie logique de William Pitt, qui a décidé de se mettre en position défensive en Europe, où les troupes françaises sont fortes, pour passer à l’attaque contre la Nouvelle-France qui est faiblement protégée. Trois axes d’attaque sont planifiés en même temps, Fort Duquesne à l’ouest, Louisbourg à l’est et Fort Carillon au centre.

À l’est, nous avons vu dans mon dernier blog sur ce sujet (La victoire française et l’évacuation de Fort Duquesne en 1758) que les Français, quoique vainqueurs, vont être contraints fin novembre 1758 d’évacuer la place stratégique majeure de Fort Duquesne, compte tenu d’un rapport de force d’un contre douze.

Au centre, Fort Carillon constitue le verrou qui empêche les troupes britanniques de monter vers Montréal, deux cent kilomètres plein Nord. L’offensive a été confiée au General James Abercombrie, secondé par le brigadier général George Howe. Ils rassemblent une énorme force de seize mille hommes,  dont six mille issus de troupes régulières et dix mille provenant de milices du Connecticut, du Massachusetts, de New York, de New Jersey et de Rhode Island.

Le 5 juillet 1758, ces troupes sont embarquées sur des navires qui naviguent de nuit pour les déposer au nord du lac George. Côté français, le commandant de Fort Carillon, le Colonel François-Charles de Bourlamaque, sait depuis le 23 juin qu’une offensive majeure est en cours contre lui et, par ses éclaireurs qui sont toujours bien informés, il connaît approximativement l’importance des troupes engagées.

Montcalm le rejoint le 30 juin et découvre une garnison de trois mille cinq cent hommes faiblement encadrés, avec des réserves de nourriture pour neuf jours de siége seulement.  Compte tenu de l’effectif impressionnant des troupes ennemies et des capacités de résistance limitées du fort, il opte pour une stratégie défensive élastique.

Pour ce faire, il détache immédiatement Bourlamaque et trois bataillons pour défendre le passage au nord du lac George, à 10 kilomètres au sud de Fort Carillon.  Montcalm lui-même installe un camp avancé dans une scierie, tout en faisant renforcer les défenses à l’extérieur du fort. Il demande aussi au Gouverneur Vaudreuil de lui envoyer en renfort les quatre cent hommes du Chevalier de Lévis qui devaient rejoindre les forts de l’ouest de la Nouvelle-France ; ils se mettent en route depuis Montréal vers Fort Carillon le 2 juillet. On le voit, Montcalm faisait feu de tout bois.

Le 5 juillet, Bourlamaque apprend l’arrivée de la flotte britannique et envoie le capitaine Trépezet avec trois cent cinquante hommes pour l’observer et dans la mesure du possible, l’empêcher de débarquer. Mais cette flotte est si importante qu’elle pourrait « couvrir tout le lac George », selon le rapport du capitaine Trépezet.

Il est donc impossible de s’y opposer frontalement et Montcalm ordonne aussitôt la retraite à Bourlamaque. Il doit même s’y reprendre à trois fois, car ce dernier croyait dur comme fer pouvoir résister à cette marée humaine avec quelques centaines d’hommes ! Mais Trépezet et ses trois cent cinquante hommes n’exécutent pas la retraite assez rapidement et se trouvent isolés, d’autant plus qu’ils sont abandonnés par les Indiens effrayés par l’immense flotte britannique.

Le 6 juillet les troupes françaises construisent des retranchements sur les routes qui conduisent au fort, un kilomètre au nord, tandis que les troupes britanniques débarquent sans opposition au nord du Lac George. Elles se mettent en marche aussitôt en passant par l’ouest du chenal qui relie le lac George et le lac Champlain, car elles ne peuvent pas emprunter sur le côté est le chemin de portage dont Montcalm a fait détruire les ponts.

Les troupes ont du mal à avancer en raison de l’épaisseur de la forêt. De plus, au lieu dit Bernetz Brook, elles se heurtent dans l’après-midi au détachement du capitaine Trépezet en pleine retraite. Le général Howe est immédiatement tué par une balle de mousquet, tandis que des miliciens du Massachussetts coupent la retraite des Français. Cent cinquante d’entre eux sont tués, cent cinquante capturés et cinquante s’échappent à la nage, dont Trépezet qui meurt le lendemain des blessures qu’il a reçues pendant la bataille.

C’était bien la peine de faire venir quatre cent hommes à marche forcée de Montréal pour en sacrifier trois cent cinquante dans l’affolement du repli !

 

De leur côté, les Anglais étaient démoralisés par la mort de leur commandant en second, le général Howe, qui était beaucoup plus capable qu’Abercombrie. De plus, ils étaient épuisés par la marche à travers les bois épais, d’autant plus qu’ils ne s’étaient guère reposés après avoir leur navigation de nuit. Ils décidèrent de dormir dans la forêt et de retourner le lendemain 7 juillet à leur point de débarquement.

 

À SUIVRE

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