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Le blog d'André Boyer

LA MARINE ROYALE FAIT JEU ÉGAL AVEC LA ROYAL NAVY

27 Février 2021 , Rédigé par André Boyer Publié dans #HISTOIRE

LA BATAILLE D'OUESSANT (1778)

LA BATAILLE D'OUESSANT (1778)

La guerre commence par une offensive anglaise : la puissante escadre anglaise de la Manche s’en prend le 17 juin 1778 à une petite division composée de deux frégates, d’une corvette et d’un lougre, qui patrouillent au large de Roscoff. La corvette réussit à s’enfuir et la frégate, la Belle Poule, livre cinq heures durant un combat acharné mais parvient à̀ regagner, ce qui soulève l’enthousiasme à Versailles.

 

Les données du conflit différent de la guerre de Sept Ans. L'Angleterre est contrainte de maintenir des forces navales et terrestres considérables en Amérique du Nord, ce qui lui fait perdre l’initiative dans ce conflit, laissant à Louis XVI, Sartine et Vergennes le choix de leur stratégie.

Sartine propose d’envoyer l'escadre de Toulon en Amérique du Nord et de faire combattre la flotte de Brest contre la flotte anglaise de la Manche. C’est obliger l’Angleterre à laisser des escadres sur la défensive à Halifax et à New York, tandis qu’il revient à la flotte de Brest de prouver que la Marine Royale est capable de tenir en échec la Royal Navy dans des eaux où cette dernière régnait en maitre depuis la guerre de Sept Ans.

Les ordres transmis par Sartine au comte d’Orvilliers, qui commande l’escadre de Brest, témoignent de la volonté́ offensive française :

« L’instruction de Sa Majesté́ qu’elle me charge expressément de vous faire connaitre, ainsi qu’à tous les officiers commandant, est que ses vaisseaux attaquent avec la plus grande vigueur et se défendent en toute occasion jusqu’à̀ la dernière extrémité́. »

Le 8 juillet 1778, les trente-deux vaisseaux et les huit frégates la flotte du Ponant quittent Brest à la recherche des trente vaisseaux et cinq frégates de Keppel que l’on sait croiser dans les parages. Après divers incidents, la puissance réelle de l'armée navale de Brest est réduite à̀ vingt-sept vaisseaux lorsque les deux escadres sont en vue l’une de l’autre le 23 dans l’après-midi, alors que la bataille est attendue avec anxiété́ par des Français qui n’ont pas accepté les défaites navales du conflit précèdent.

Le 27 juillet, après plusieurs jours d'approche, d'Orvilliers réussit à prendre le vent de son adversaire au large d'Ouessant, mais la météo se dégrade, ce qui donne une forte gite aux vaisseaux. Les vaisseaux français gitant vers l'ennemi, il leur faut fermer les sabords des batteries basses, qui sont les plus puissantes, tandis que les Anglais n'y sont pas obligés. Les Français ne peuvent donc engager que 1 934 canons contre 2 778 pour Keppel. La canonnade, violente, dure trois heures, mais Keppel s’estime en difficulté et fait retraite la nuit tombante, tous fanaux éteints.

En effet, les vaisseaux anglais ont beaucoup souffert, à commencer par le navire amiral, le HMS Victory, sévèrement bousculé par le Bretagne. Cette retraite peu glorieuse signe la victoire française :  Il y a eu 163 morts et 517 blessés côté français tandis que les Anglais ont perdu 407 hommes et 789 blessés, ce qui montre qu’avec 800 canons de moins, la flotte française a malgré tout fait jeu égal avec la flotte anglaise.

D'Orvilliers rentre à Brest pour y réparer ses avaries, avant de reprendre la mer le 17 aoutavec vingt-huit vaisseaux, tandis que la flotte anglaise reste dans ses ports. Le 18 septembre, l’escadre est de retour sur Brest tandis que La Motte-Picquet avec trois vaisseaux, longe les côtes anglaises et rentre le 25 novembre avec treize prises commerciales. L'absence de réaction à ces croisières de la Royal Navy montre que les Français ont acquis à l'été́-automne 1778 la maitrise des flots entre la Bretagne et le sud-ouest de l'Angleterre. Du coup, à Madrid, l’on accepte d'entamer les négociations en vue d'entrer dans la guerre.

Pour sa part, l’escadre de Toulon, douze vaisseaux et cinq frégates, doit franchir l’Atlantique afin d’obtenir un succès décisif qui pousserait l’Angleterre vers la table des négociations. Son commandement est confié́ à Charles Henri d'Estaing, qui bénéficie de la réputation qu’il a acquise grâce à ses victoires corsaires lors du conflit précèdent.

L'escadre appareille pour l’Amérique le 13 avril 1778, alors que la guerre n’est pas encore officiellement déclarée et D’Estaing dispose d’ordres qui lui laissent presque carte blanche. Mais la traversée est interminable. L’escadre met 33 jours pour atteindre Gibraltar puis encore 51 jours pour traverser l’Atlantique. Lorsque l’escadre arrive à̀ l’embouchure de la Delaware le 7 juillet, les équipages sont épuisés et l’effet de surprise est perdu et Howe s’est retiré́ le 28 juin.  

Le 29 juillet, la flotte se présente devant Newport. Le plan prévoit de bloquer la place par la mer tandis que les miliciens du général Sullivan doivent débarquer dans le Nord de l’ile de Rhode Island, mais ses troupes n’étant pas encore rassemblées, il faut se contenter d’assurer le blocus, tout en laissant Suffren et Albert de Rions entrer dans la baie le 5 aout pour détruire deux batteries côtières et cinq frégates anglaises. Mais l’arrivée des quatorze vaisseaux de Howe devant Newport oblige  D’Estaing à se replier à Boston, où les Français sont reçus avec méfiance.

En novembre, d’Estaing appareille vers la Martinique où il arrive le 9, après que le gouverneur général des Iles du Vent, le marquis de Bouillé, ait attaqué victorieusement l'ile de la Dominique.

D’Estaing, pour sa part, subit un sanglant échec devant Sainte Lucie, qui n’empêche pas un bilan positif sur la flotte de Toulon : l’Europe a pu constater qu’en 1778 les mers ne sont plus sous contrôle anglais, même si les premiers succès français ont lieu en 1779.

De janvier à mars 1779, Français et Anglais se disputent les iles secondaires. La guerre s’intensifie avec le renfort des divisions navales du comte de Grasse qui arrive de France, de Vaudreuil qui vient de s’emparer des établissements anglais sur la côte africaine et de La Motte-Picquet qui vient d’escorter jusqu’à̀ la Martinique un gros convoi marchand.

D'Estaing dispose au début de l'été́ 1779 de vingt-cinq vaisseaux et d'une dizaine de frégates, tandis que l’escadre anglaise du vice-amiral Byron dispose de vingt-et-un vaisseaux, sans compter les transports de troupes et les frégates. Avec ces forces, D'Estaing attaque l’ile de la Grenade le 2 juillet qu’il prend en deux jours, avant que ne se présente l’escadre de Byron qui engage un combat, connu sous le nom de la Bataille de la Grenade, qui tourne à son désavantage, puisqu’il perd quatre vaisseaux.    

Pendant ce temps, l’armée anglaise débarque en Géorgie, l’État le plus méridional des treize colonies. Avec vingt vaisseaux et 3 000 hommes, d’Estaing se porte devant Savannah pour aider les troupes du général Lincoln. Mais l’affaire se complique avec les ouragans et la résistance des troupes anglaises. Le 9 octobre, d’Estaing tente en vain un assaut contre la ville de Savannah Cependant son intervention annihile les menaces anglaises contre Charleston et la Caroline du Sud. Beaucoup plus au Nord, les Britanniques, inquiets du retour de d'Estaing auprès des Treize Colonies, ont évacué́ le Rhode Islaand, ce qui libère Newport.

D'Estaing quitte les eaux américaines en octobre 1779, mais la guerre se poursuit dans les Caraïbes. La Motte-Picquet parvient à sauver le plus gros d’un convoi qui arrive de France le 18 décembre, en attaquant avec trois vaisseaux et l’aide des batteries côtières, l’amiral Hyde Parker qui commande à treize vaisseaux.

La manœuvre, superbement menée, lui vaut une lettre de félicitations de la part de l'amiral anglais:

 

« La conduite de Votre Excellence dans l'affaire du 18 de ce mois justifie pleinement la réputation dont vous jouissez parmi nous, et je vous assure que je n'ai pas été́ témoin sans envie de la compétence que vous avez montré à cette occasion. Notre inimitié́ est passagère, et dépend de nos maitres, mais votre mérite a gravé sur mon cœur la plus grande admiration à votre égard.»

 

À SUIVRE 

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UN BLOCAGE MALGACHE

20 Février 2021 , Rédigé par André Boyer Publié dans #INTERLUDE

UN BLOCAGE MALGACHE

J’allais être en charge, avec Jacques Brisoux, de la mise en place de l’INSCAE de 1988 à 1992 et il a bien fallu tout ce temps pour que l’école devienne  opérationnelle. Vous allez voir pourquoi.

 

Pendant ces cinq années, je suis venu une à deux fois par an à Madagascar, pour des missions qui duraient en général deux semaines. Pendant ces périodes, j’étais engagé chaque fois dans un intense processus de négociation.

Le lendemain de mon arrivée, j’ai rencontré Jacques Brisoux, mon homologue canadien avec qui j’étais censé me confronter, d’après le Ministère de la coopération. Heureusement, il n’en a rien été. Jacques, c’est encore un ami aujourd’hui, partageait le même point de vue que moi. Il ne s’agissait pas de se disputer sur nos prérogatives réciproques, lui mettant en avant la virginité du Canada en matière de colonisation et son habileté organisationnelle, eux qui avaient emprunté aux anglo-saxons leur « pragmatisme » et moi me drapant dans  la suprématie française fondée sur une coopération ancienne qui s’enfonçait dans les soubassements coloniaux. Il s’agissait pour nous deux, ensemble, d’agir pour faire réussir le projet INSCAE, qui était essentiellement menacé par les agissements des Malgaches ou plutôt de certains Malgaches.

Tout d’abord, Jacques Brisoux était plus québécois que canadien, ce qui nous a permis de partager des valeurs communes francophones et plus ou moins indépendantistes. Rapidement il m’a offert un livre dont j’ignorais l’existence mais qui allait devenir un extraordinaire best seller, écrit par Stephen R. Covey et intitulé The 7 Habits of Effective People, un sommet de la pensée rationalisante à laquelle il n’est possible d’opposer que le romantisme ou le désordre de la pensée humaine pratique.

Le livre m’a beaucoup plu sur le coup, j’ai tout de suite pensé que les malgaches devraient s’en inspirer avant de comprendre progressivement que la démarche de Covey consistait à transformer l’homme en entreprise, une pensée bien en harmonie avec la vision américaine de la vie, avec la mondialisation, les start-up et tout cette agitation frénétique qui était justement aux antipodes de la vision malgache du monde, celle qui freinait nos projets.

Qu’est ce qui se passait dans l’INSCAE, dont nous imputions un peu vite la responsabilité à Flavien Tody, son directeur ? Les locaux étaient là, les étudiants ne demandaient pas mieux que d’assister aux cours, mais il manquait une bonne partie du matériel, chaises, tables, ordinateurs, automobiles et aussi, accessoirement (sic) des professeurs.

Il manquait la volonté de constituer une école qui s’insère dans le tissu économique et social malgache. Tody répugnait à prendre des risques. Acheter un bureau, à fortiori un véhicule, embaucher un professeur, tout l’inquiétait. Pourtant les crédits offerts par la Banque Mondiale et les postes mis à sa disposition par le Ministère de la Coopération lui étaient ouverts.

On le pressait d’agir, mais notre soutien ne lui paraissait pas déterminant, car tous ceux qui le conseillaient en ce sens n’étaient que de passage, y compris les membres des deux ambassades, françaises et canadiennes et les envoyés de la Banque Mondiale. Il était seul, lui le chinois face aux Merinas. Or ces derniers ne voyaient pas d’un bon œil la création de cette école, c’étaient les merinas qui étaient au pouvoir à Madagascar et qu’il devait affronter tous les jours.

L’hostilité diffuse des Merinas venaient de leur crainte que cette nouveauté ne dérange leurs affaires. Il n’existait que quelques experts comptables sur l’île, qu’allait-on faire de tous ces diplômés en comptabilité que l’on allait former par dizaines chaque année ? Les Mérinas qui se sentaient menacés par la création de l’INSCAE lui opposaient une résistance aussi farouche que passive. Ils excellaient dans cet exercice, qui leur avait permis et leur permettrait plus tard de torpiller la création d’une zone franche mauricienne qui suscitait beaucoup d’espoirs pour le développement de l’île, mais qui avait le défaut d’échapper à leur pouvoir.

 

Cette situation de blocage, nous ne l’avons pas saisi tout de suite. Nous avons cru superficiellement que Flavien Tody était le verrou qui bloquait le développement de l’INSCAE alors qu’il était pris en tenaille entre des forces et des exigences contradictoires. Lorsque nous l’avons comprise, il a fallu se résoudre à passer par la manière forte…

 

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VERS LA REVANCHE DE LA GUERRE DE SEPT ANS

15 Février 2021 , Rédigé par André Boyer Publié dans #HISTOIRE

CHARLES GRAVIER, COMTE DE VERGENNES (1719-1787)

CHARLES GRAVIER, COMTE DE VERGENNES (1719-1787)

Contrairement à Louis XV, Louis XVI accorde à sa Marine Royale des moyens qu'on n'avait plus vus depuis le règne de Louis XIV.

 

Le jeune roi, agé de 20 ans en 1774 à son avénement, veut laver les humiliations de la guerre de Sept Ans et refuse que le Royaume-Uni domine les mers. Il faut donc préparer une nouvelle guerre maritime contre la Royal Navy et s’en donner les moyens, comme le proposent les nouveaux ministres des Affaires étrangères, le comte de Vergennes, et de la Marine, Antoine de Sartine, mais auxquels s’oppose le ministre des Finances, Turgot qui craint qu'une nouvelle guerre ne mette à terre les finances de la monarchie.

Antoine de Sartine accomplit de nombreuses réformes afin de moderniser l’organisation de la Marine Royale. Il réorganise aussi les services d'espionnage pour disposer de rapports précis sur l'état des forces anglaises. Louis XVI suit avec attention les progrès accomplis et permet l’accroissement du budget de la Marine qui passe de 17,7 millions de livres en 1774 à 74 millions en 1778, l'année de l'entrée dans la guerre d'Amérique.

Le roi et son ministre se fixent comme objectif d’aligner quatre-vingt vaisseaux de ligne et soixante frégates. On s'active, « au prix d'un féroce entraînement », pour que les canonniers puissent égaler le rythme de tir de leurs confrères britanniques, mais il reste que la discipline n'est pas au niveau de la Royal Navy.

Louis XVI est très tôt averti du risque et des potentialités d’une guerre en Amérique. Dès la fin de la guerre de Sept Ans, Choiseul avait prédit dans un mémoire à Louis XV l’inéluctabilité d’une « Révolution d’Amérique », compte tenu des divergences croissantes entre les colons et le Royaume-Uni.  Louis XVI veillait à maintenir la paix en Europe continentale mais il cherchait aussi à contenir la volonté d’expansion mondiale de l’Angleterre. Il n’avait pas oublié la fourberie dont elle avait fait preuve pour endormir la France en 1754-1755, en faisant mine de discuter tout en préparant une guerre d’agression impitoyable qui avait jeté à terre l’empire colonial français. Il n’oubliait ni les centaines de navires raflés en pleine paix, ni les conditions de détention barbares sur les pontons qui avaient couté la vie à plus de 8000 matelots.

Le dossier de l’insurrection américaine arriva très tôt sur le bureau du Roi et de Vergennes. On se félicita en secret des difficultés anglaises qui ruinaient son commerce atlantique et lui coûtaient cher en hommes et en matériel. Cependant Louis XVI, soutenu par son Conseil, décida dans un premier temps de ne pas se mêler du conflit, d’autant plus qu’il était réticent à l’idée d’aider un peuple en révolte contre son roi légitime, et que, de toutes façons, en 1774-1775, la flotte n’était pas prête.

Mais dans les salons et cercles philosophiques, l’Amérique était à la mode et l’on poussait à la guerre ; de plus les pratiques dominatrices de la Royal Navy sur les mers faisaient évoluer la situation. Partout, de Terre-Neuve au canal des Bahamas, des Iles-sous-le-Vent aux côtes de Coromandel, on signalait les mêmes procédés outrageants sur les navires français, en violation des règles internationales les plus élémentaires et l’on constate ici que la pratique actuelle des sanctions extra-territoriales a des antécédents anciens.

Le 12 mai 1776, Louis XVI réagit à ces pratiques en ordonnant à ses navires de guerre de protéger les bâtiments des « insurgents » ou ceux des États neutres qui demanderaient la protection du pavillon français.

Au même moment, le débat sur l’opportunité d’une guerre ouverte contre le Royaume Uni fait rage au sein des ministères. Vergennes estime que si l’on ne fait rien, on court le double risque de voir les « insurgents » se réconcilier avec Londres, ou, si l’Angleterre perd la guerre, de la voir chercher à se dédommager en attaquant les îles françaises. Sartine et le ministre de la Guerre, Saint-Germain, appuient aussi l’idée d’aider les révoltés, mais pas le ministre des finances, Turgot, qui met en garde contre le coût de cette guerre et estime que de toutes façons les Américains vont conquérir leur indépendance avec ou sans l’aide de la France. Maurepas estime que l’Angleterre garde la maîtrise des mers, alors que le sort des armes reposera essentiellement sur les forces navales et que c’est seulement en additionnant les flottes françaises et espagnoles que l’on peut espérer l’emporter. Or Madrid se dérobe, car il craint les risques de contamination révolutionnaire dans l’immense empire espagnol.

Les Américains envoient en 1776 un premier émissaire vers la France, Silas Deane avec pour mission d’acheter des armes et du ravitaillement et, au début de 1777, trois navires chargés d’armes quittent la France, suivis de neuf autres en septembre. Bien que les autorités françaises aient interdit à tous les officiers de rejoindre les « insurgents », de nombreux jeunes seigneurs se portent volontaires pour partir outre-Atlantique, dont le marquis de La Fayette, qui quitte la France au printemps 1777.

Mais la situation militaire reste précaire pour les révolutionnaires américains. L’année précédente, New York a été prise par les trente-quatre mille hommes de William Howe, soutenus par la Royal Navy. L’armée de Washington en est réduite à une guerre d’usure, d’embuscades et de coups de main. Le Congrès américain, devant la gravité de la situation, envoie en Europe le responsable de sa diplomatie en personne, Benjamin Franklin, porteur d’une proposition de traité de commerce accolée à une alliance politique et militaire pour qui voudra bien la signer. Il arrive à Nantes le 17 décembre 1776, mais Louis XVI, qui garde une méfiance instinctive vis-à-vis de la rébellion américaine, ne le reçoit pas et reste pendant tout 1777 sur les positions définies l’année précédente, tandis que le débat continue au sein des ministères sur l’opportunité de la guerre. Sartine, boutefeu, estime que la flotte est prête désormais appuyé par le nouveau ministre des finances, Necker, qui assure au roi que la guerre peut être financée au moyen d'emprunts dont il garantit le succès sans qu'il soit nécessaire d'augmenter les impôts .

Le 4 décembre 1777, on apprend à Paris qu’une armée anglaise de plus de neuf mille hommes a capitulé avec toute son artillerie et son général à Saratoga, dans l’État de New York et que cette victoire a été obtenue, entre autres, grâce aux livraisons d’armes et de matériels français. À Londres, c’est la consternation.

Le gouvernement anglais fait des ouvertures de paix, alors que, devançant la France, les Provinces-Unies ont conclu depuis peu un traité de commerce avec la jeune République américaine mais ils n’en sont pas encore à une reconnaissance politique. Les Français craignent de plus en plus de voir les Anglais et les Américains se réconcilier. Si l’Espagne refuse toujours de soutenir les révoltés, Vergennes est désormais convaincu qu'il serait dommage de ne pas exploiter « la seule occasion qui se présentera peut-être au cours de bien des siècles de remettre l'Angleterre à sa véritable place » .

Après des semaines de négociations, les Français et les Américains signent deux traités, le 30 janvier et le 6 février 1778. Le premier, public, est un accord commercial mais dont le contenu est une véritable dénonciation des pratiques anglaises puisqu’il y est énoncé le principe de la liberté des mers et du droit des États neutres à commercer avec des nations en guerre, sauf pour des armes. Le roi de France y prend sous sa protection les navires américains, en cas d’attaque. Les deux nations se promettent d’accorder à l’autre la clause de la nation la plus favorisée et les Américains s’engagent à respecter les droits de pêche français sur les bancs de Terre-Neuve.

Cet accord commercial que la France va devoir faire respecter avec sa flotte de guerre constitue en soi un casus belli avec l’Angleterre. Le second traité, destiné à rester secret, est une alliance « éventuelle et défensive », au cas où une guerre éclaterait entre la France et la Grande-Bretagne. Une disposition importante prévoit qu’aucune des deux parties ne devra conclure de paix séparée avec la Grande-Bretagne sans avoir au préalable obtenu le consentement de l’autre, toutes deux s’engageant à ne pas mettre bas les armes avant que l’indépendance des États-Unis ne soit assurée. Il s’agit, par cette dernière clause, d’éviter une réconciliation anglo-américaine, la grande crainte de Louis XVI et de Vergennes.

Le 20 mars 1778, Benjamin Franklin, « ambassadeur des treize provinces unies » d’Amérique est reçu solennellement par le roi dans l’allégresse générale tandis que les relations sont rompues avec Londres. On apprit aussi que l'ancien Premier ministre William Pitt, artisan principal de la victoire anglaise pendant la guerre de Sept Ans, avait fait un malaise en pleine Chambre des Communes en apprenant la nouvelle de l'alliance franco-américaine et était décédé peu de temps après.

 

Pour la première fois de son histoire, la France s’engage dans une guerre exclusivement navale sans avoir à soutenir en même temps un conflit continental. Tout repose désormais sur les escadres françaises. Vont-elles tenir le choc ?

 

À SUIVRE


 

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L'AVÉNEMENT DE L'HOMO SAPIENS

10 Février 2021 , Rédigé par André Boyer Publié dans #PHILOSOPHIE

L'AVÉNEMENT DE L'HOMO SAPIENS

En 1960, sur le site d'Olduvai en Tanzanie, on découvre les restes d’un Hominidé ancien, Homo Habilis, plus évolué que l'Australopithèque, qui a vécu en Afrique orientale aux environs de 1,8 millions d’années.   

 

Puis on a trouvé une espèce encore plus ancienne au Malawi, Homo rudolfensis, qui date de 2,5 millions d’années, puis on a trouvé en Afrique des Homo erectus datant de 1,7 millions d’années, qui cohabitaient avec une autre espèce, Homo ergaster.

Contrairement à ce qui est généralement admis, le premier Hominidé à sortir d'Afrique n'est peut-être pas Homo erectus mais Homo habilis que l’on a découvert en Géorgie, dans des niveaux vieux de près de deux millions d’années. Cependant, Homo erectus semble bien s’être réparti dans tout l'Ancien Monde, ce qui montre qu’il s'est adapté à des milieux très différents, qu’ils soient chauds, tropicaux ou froids. À Java, les dernières datations sont dè 1,7 millions d’années. L'Homo erectus est peut-être présent en Israël aux alentours de 1,4 millions d’années. Puis il a été reconnu en Syrie dans des niveaux vieux de 550000 ans et aussi en Europe, notamment en Allemagne (700 000 ans), à Tautavel, en France, (450 000 ans), en Hongrie (300 000 ans) et en Chine (entre 200 000 et 400 000 ans).

Mais on cherche à savoir d’où est issu Homo sapiens, c’est à dire l’homme actuel, puisqu’à l’Homo erectus succède les premiers Homo sapiens. On ne sait pas avec certitude si les Homo sapiens trouvent leurs origines dans plusieurs endroits du monde, ou dans un endroit unique, l’Afrique de l’Ouest, ce qui serait confirmée par la découverte en février 2005 de deux crânes trouvés dans la vallée de l'Omo âgés de 198 000 à 104 000 ans.

La question se pose de savoir comment l’homo sapiens s’est répandu à travers le monde en remplaçant les populations anciennes. Le seul endroit où on a pu observer ce phénomène demeure l’Europe où, depuis 400 000 ans environ, les Homo sapiens primitifs ont évolué pour devenir les Hommes de Neandertal. Puis ces derniers ont été progressivement remplacés par les Hommes modernes venus de l'Est aux alentours de 40 000 ans, tandis que les Néandertaliens s'éteignaient vers 34 000 ans, leur présence la plus tardive étant attestée en Espagne et au Portugal.

Les Néandertaliens ont des caractéristiques proches de celles de l’homo sapiens, en d’autres termes que nous, à commencer par une capacité crânienne de 1 400 cm3 et la capacité de parler. Mais l'usure des dents laisse supposer que les Néandertaliens utilisaient leurs mâchoires comme des pinces, un peu à la manière des Inuits d’aujourd'hui qui tirent avec les dents sur les tendons des animaux.

Les Néandertaliens ont rencontré les Homo sapiens sapiens, nés au Proche-Orient, lorsqu’ils ont migré vers l'ouest et dont on a retrouvé les traces en France avec l’homme de Cro-Magnon. Si certains ont évoqué l'hypothèse d'un métissage entre l'Homme moderne et l'Homme de Neandertal, ils appartiennent bien à deux espèces différentes.  

Si l’homo sapiens sapiens devait être caractérisé par les outils qu’il invente et utilise, on sait aujourd'hui que de nombreux animaux, comme les chimpanzés  ou les loutres, manipulent des objets mais l'Homme reste toutefois le seul à travailler la pierre. La plus ancienne culture dite oldowayenne, parce que découverte à Oldoway, Tanzanie, date de deux millions d’années. Elle est représentée par des outils obtenus par simple percussion pour détacher des éclats, mais l’on retrouve des éclats de quartz ou de roches basaltiques dans des niveaux vieux de près de 3 millions d’années où l’on rencontre aussi bien des Hommes que des Australopithèques.

Les premières structures d'habitat remontent à 1,8 millions d’années environ et pourraient être l'oeuvre des premiers Homo et ils impliquent déjà une vie sociale organisée. Avec Homo erectus, apparaissent les premières industries acheuléennes à bifaces et les hachereaux, où l’on prépare un tranchant transversal; les abris s'améliorent, comme on l’a découvert au Lazaret à Nice. Puis, pour la première fois dans l'histoire de l'Homme, le feu est maîtrisé il y a 500 000 ans en Europe. Enfin, les industries de l'Homo sapiens sapiens sont représentées par des lames, des lamelles, des pointes, des perçoirs et par l’expansion de l'art pariétal et de l'art mobilier, par la naissance de la musique et de la couture.

L’évolution de l’homme, principalement physique jusqu'à l'arrivée d'Homo sapiens, devient ensuite purement culturelle. L'Homme, qui était partie intégrante du milieu naturel et intimement soumis aux évolutions de ce dernier, en devient progressivement le maître grâce aux développements des techniques.

 

L'histoire évolutive de l'Homme montrera plus tard jusqu’à quel point l’Homo sapiens sapiens parviendra à rester le maitre du milieu dans lequel il évolue où si son histoire  finira par rejoindre l’histoire des autres mammifères.

 

FIN

 

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MADAGASCAR

6 Février 2021 , Rédigé par André Boyer Publié dans #INTERLUDE

TANANARIVE

TANANARIVE

L’année 1988 fut celle de ma découverte émerveillée et désolée de Madagascar, où je fus envoyé pour une mission à priori toxique.

 

Ce fut aussi l’année de mon installation progressive à l’IAE de Nice, où j'allais rester en poste vingt-cinq ans jusqu'à la fin 2013, tandis que je continuais à effectuer une partie de mon service en TC à l’IUT où je conservais provisoirement mon bureau.

Or, un jour, dans cet entre-deux, je reçu la proposition de la part de la FNEGE qui, depuis le projet chinois, me faisait de plus en plus confiance pour l’organisation de programmes de gestion, d’être l’un des deux responsables, l’autre étant Canadien, de l’organisation  et du lancement de l’INSCAE à Tananarive. L’INSCAE (Institut National en Sciences comptables et Administration d’Entreprise) était une université privée malgache installée  qui s’était spécialisée dans les domaines de l’Administration et de la Comptabilité.

L’Institut avait été officiellement créé par une convention passée en 1981 entre la Banque Mondiale et le gouvernement de la République Malgache, mais l’accord n’avançait que très lentement et la Banque Mondiale s’impatientait, menaçant d’annuler les crédits alloués non utilisés.

Une fois que j’eu fait connaissance de la société malgache, je compris rapidement pourquoi cela n’avançait pas. Mais l’enjeu que l’on me présentait n’était pas simplement d’agir pour accélerer le projet. La FNEGE opérait pour le compte du Ministère de la Coopération (MdC) qui était l’un des deux interlocuteurs  de la Banque Mondiale, l’autre étant l’ACDI, l’Agence Canadienne de Développement International et le MdC craignait que l’ACDI, profitant des retards accumulés, s’empare de l’ensemble du projet au détriment de l’influence française à Madagascar.

J’avais donc pour mission a minima de réequilibrer le rôle de la France dans ce projet et au mieux d’en écarter l’ACDI, si j’en avais l’opportunité. J’acceptais naturellement la mission, tout en étant conscient qu’il s’agissait d’un contexte radicalement différent du projet en cours en Chine, sans même mentionner le contexte culturel, puisque je n’étais pas l’auteur du projet qui était déjà engagé et qu’il existait un opérateur concurrent avec lequel j’allais devoir me confronter.

Avec la FNEGE, nous préparâmes une mission à Tananarive, rassemblant des données sur les autorités malgaches impliquées dans le projet, sur la direction de l’INSCAE, sur les experts de la Banque Mondiale et finalement sur l’ACDI et son bras armé pour ce projet, le professeur Jacques Brisoux de l’Université du Québec à Trois Rivières (UQTR).

Je suis donc parti en mission pour Tananarive au printemps 1988 où j’ai été accueilli de manière originale par le Directeur de l’ISCAE, Flavien Tody, dans la mesure où il avait organisé une soirée dansante à mon arrivée et qu’il m’a accompagné jusqu’à l’hotel qui m’était réservé, le Hilton, en veillant à ce que je ne m’y ennuie pas. Dés notre première rencontre, j’ai commencé à apprendre l’histoire personnnelle de Flavien (voir mon billet « Coup de force à Madagascar ») et à découvrir les complexités malgaches.

Il faut distinguer les merinas (prononcez les « mernes ») originaires de Malaisie et d’Indonésie qui sont installés sur les hauts plateaux et qui dirigent depuis toujours le pays, les habitants de la côte, issus surtout de l’immigration africaine, pauvres et souvent exploités, puis les Chinois et les Indiens, des commerçants plutôt aisés, arrivés au gré des différentes vagues d’immigration et au milieu de ces quatre populations, les métis en tous genres, parfois issus des Français et des deux premières populations, merinas et habitants de la côte. En distinguant toutes ces populations, je veux mettre en avant les oppositions « naturelles » entre elles, et bien sûr je schématise forcément à l’excés en ne distinguant pas les 19 principales ethnies du pays

Mais ce qui frappe avant tout, c’est la pauvreté moyenne d’un pays qui regorge pourtant de ressources naturelles et qui offre une incroyable variété de paysages, depuis les plateaux que l’ont croirait issus de l’Auvergne à des régions tropicales et des déserts saisissants, du Nord à Antisranana, ex Diego Suares, à Taolognaro, ex Fort Dauphin, sur une superficie de 587000 km2, soit la France et la Belgique réunies, pour 27 millions d’habitants aujourd’hui, mais qui n’en comptait que 11 millions quand je l’ai visité en 1988.

Une population chrétienne à 40 %, divisée presque également entre protestants et catholiques à quel s’ajoute 50 %  d’habitants  qui pratiquent toujours la religion traditionnelle, remarquable par sa volonté de souligner les liens entre les vivants et les morts, question que je développerai ultérieurement.

Des pauvres installés dans un paradis terrestre laissé à l’abandon, voilà comment on pourrait caractériser la Grande Ile que je visitais pour la première fois au printemps 1988.

 

A SUIVRE

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