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Le blog d'André Boyer

DER WANDERER

31 Décembre 2017 , Rédigé par André Boyer Publié dans #PHILOSOPHIE

DER WANDERER

 

 

Déjà le joyeux murmure du moulin de mon père avait repris, et sa roue s’était remise à ronronner. La neige gaillardement dégouttait du toit. Les moineaux, de leurs gazouillis et de leurs ébats, s’associaient à toute cette activité. Quant à moi, assis sur le seuil, je me frottais les yeux pour en chasser le sommeil. Dieu ! Que je me sentais bien, au chaud sous le soleil.

 

C’est alors que mon père sortit de la maison, le bonnet de nuit de travers : depuis l’aube il n’avait cessé de s’agiter dans le moulin.

  • Hé, le propre à rien, me dit-il. Te voilà encore à te prélasser au soleil, tu t’étires à te rompre les os et tu me laisses toute la besogne ! Le printemps s’annonce, toi aussi sors un peu de ta coquille et va-t’en de par le monde gagner ton pain toi-même !
  • Bon, fis-je. Si je suis un propre à rien, je m’en vais courir le monde et y chercher fortune.

Ainsi commence le voyage du Wanderer depuis l’Allemagne, un vagabond qui part sans trop savoir où cela le mènera. Il n’a pas peur de prendre des chemins qui le conduisent loin, très loin par-delà les sommets, hors du monde, vers un pays mythique, l’Italie, le pays où poussent les oranges…

Pour tout viatique, il porte une grande veste, avec d’énormes poches dans lesquelles il stocke linge, rasoir et trousse de voyage. Il ajoute à ses bagages un violon qui lui permet de gagner un peu d’argent ou de nourriture.

Quand les autres rentrent chez leurs parents, les uns à cheval, les autres en voiture, je vais par les rues, mon instrument sous le manteau, je sors de la ville, et le monde tout entier m'est ouvert.

Il s’arme d’une vision optimiste du monde qui lui fait dire que, non, voyager comme les autres ne me tente pas le moins du monde : chevaux, café, draps frais, bonnets de nuit et tire-bottes, le tout commandé d’avance ! Alors que ce qui est magnifique, c’est justement de sortir de bon matin quand les oiseaux migrateurs passent haut dans le ciel et de ne pas savoir le moins du monde quelle cheminée fume déjà pour moi, ni à quelle aubaine m'attendre avant le soir.

Evidemment, il a parfois des doutes, des angoisses, des moments de dépression : brusquement, le monde me parut effroyablement vaste, et moi si perdu que j'en aurais pleuré toutes les larmes de mon cœur. Puis il reprend courage lorsque le calme revient dans sa tête pour observer que du reste, c’était un plaisir de marcher là, avec les feuillages qui murmuraient et le chant merveilleux des oiseaux. Je laissai donc à Dieu le soin de me guider, sortis mon violon et jouai d’affilée tous mes airs préférés.

Il lui arrive même de trouver un coche et de la compagnie et le voilà soudain tout revigoré: adieu donc, moulin, château, portier ! Cette fois nous roulions si vite que le vent me sifflait aux oreilles. A droite, à gauche, villes, villages, vignobles filaient à vous faire papilloter les yeux. A l’arrière, les deux peintres dans la voiture, devant, quatre chevaux et un superbe automédon. Et moi, juché tout là-haut sur le siège, à qui il arrivait de rebondir d’une aune.

Puisque son père l’a jeté sur les routes, il trouve que les valeurs de son milieu ne sont décidément pas bonnes : Il me suffirait d’être sobre, de ne pas regarder à la peine, de n’avoir point envie de traîner ni de me livrer à des activités futiles ou ne rapportant pas de pain si je voulais parvenir, avec le temps, à quelque chose.

Car on lui avait surtout appris à obéir.

Désormais, il ne se contente plus d’apprendre sans réfléchir ce que l’on cherche à lui inculquer, il regarde par lui-même, il observe : laissons les autres repasser leurs manuels ! Quant à moi, j'étudie dans le grand livre d’images que le bon Dieu a ouvert tout grand pour moi, la nature.

Ce n’est pas le moment d’avoir peur du présent, et de l’avenir. Sa liberté a un prix, il le sait, aussi le mieux est-il de s’en faire une philosophie. Qui sait de quoi demain est fait ? Poule aveugle trouve parfois son grain ; rira bien qui rira le dernier ; les choses arrivent quand on s’y attend le moins; l’homme propose, et Dieu dispose…

De plus, le Wanderer ne sait pas toujours où il est: à mon réveil, les premiers rayons de l’aurore jouaient déjà sur le tissu vert de mon baldaquin. Impossible de me rappeler où je pouvais bien être.

Et il finit par arriver à Rome, la ville rêvée, pareille aux nuages que je voyais passer au-dessus de moi, avec des monts et des gouffres prodigieux au bord d’une mer bleue, et des portes d’or, et de hautes tours étincelantes en haut desquelles chantaient des anges en robes dorées.

En vrai, il découvre une ville superbe : le soleil matinal jouait sur les toits et jetait mille feux dans les longues rues silencieuses : cette vue m’arracha un grand cri d’allégresse et je bondis sur le trottoir au comble de la joie.

C’est très beau Rome, il flâne un peu de-ci, de-là, pour voir le monde, mais le voilà lancé avec les bottes de sept lieues qui en quelque sorte me chaussent dès l’enfance, avec lesquelles je fonce droit et sans plus de façon sur l’éternité.

Certes, chacun s’est fait son petit coin sur terre, avec son poêle bien chaud, sa tasse de café, sa femme, son verre de vin le soir, bref tout va comme il veut !

Mais moi, je ne suis bien nulle part.

J’ai toujours l’impression d’être arrivé trop tard et d’être nul et non avenu en ce vaste monde.

......

Le monde est trop étroit pour lui, l’éternité trop courte…

 

D’après « Scènes de la vie d’un propre-à-rien », Joseph von Eichendorff (1826) qui a aussi inspiré la fantaisie Wanderer et le Voyage d’Hiver de Schubert, ainsi que le tableau reproduit ci-dessus de K.D. Friedrich, le Wanderer.

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LE SYSTÈME BITCOIN

21 Décembre 2017 , Rédigé par André Boyer

LE SYSTÈME BITCOIN

 

Le problème crucial du système Bitcoin est celui de la confiance dans son fonctionnement. Il le résout en s’appuyant sur les mineurs.

 

Le système Bitcoin est un projet de logiciel libre et open source, publié sous la licence MIT (Massachussetts Institute of Technology), une licence particuliérement ouverte puisqu’elle donne à toute personne un droit illimité d’utilisation et de modification.

On le voit, le système fonctionne sans autorité centrale grâce au consensus de l'ensemble des « nœuds » du réseau. Ces nœuds sont les clients Bitcoin accessibles depuis l'extérieur ; ce sont eux qui vérifient les transactions et qui, si elles sont valides, les ajoutent au pool de transactions et de les rediffusent.

Observons comment se réalise une transaction en bitcoins, qui demande deux étapes:

  • dans un premier temps, des nœuds du réseau (les mineurs) créent un nouveau bloc en regroupant des transactions récemment effectuées et en leur adjoignant un en-tête contenant notamment la date et l'heure, une somme de contrôle (hash) qui servira également d'identificateur unique du bloc et l’identificateur du bloc précédent.
  • Dans un second temps, après avoir vérifié la validité de toutes les transactions que ce nouveau bloc contient et leur cohérence avec les transactions déjà enregistrées, chaque mineur l'ajoute à sa version locale du registre, appelée chaîne de blocs.

L'historique complet de toutes les transactions peut être lu en consultant tous les noeuds du réseau qui gèrent la chaîne de blocs. La recopie de ces transactions peut faire apparaître des différences entre fichiers. Dans ce cas, pour que la chaine de blocs soit acceptée, il faut que ces différences soient analysées et corrigées par le logiciel d'accès,

Lorsqu’elles ont été validées, ces données sont non modifiables ad vitam aeternam. Aussi, avant d’inscrire définitivement une transaction dans la chaîne de blocs, le réseau effectue t-il un ensemble de vérifications à plusieurs reprises. Toute transaction est prise en compte instantanément par le réseau et confirmée une première fois au bout de 10 minutes environ ; ensuite, chaque nouvelle confirmation renforce la validité de la transaction dans le registre des transactions tenue par les nœuds, qui sont aujourd’hui un peu moins de dix mille.

Ceci écrit, il n’existe pas de garantie absolue que le système Bitcoin soit non décryptable, ce qui signifie que de « faux » bitcoins finiront par circuler mais cela ne détruit pas plus le système Bitcoin que les faux billets ne détruisent l’euro ou le dollar.

En résumé, les caractéristiques du Bitcoin sont les suivantes :

  • ses fonctionnalités sont mises en oeuvre par des logiciels mis à disposition sous la forme de logiciel libre.
  • L’utilisateur choisit son rôle dans le système, client ou « mineur », ainsi que les logiciels qu’il utilise.
  • L'autorité de confiance du système n'est pas centralisée mais répartie entre les ordinateurs qui sont compétents pour la construction et l'entretien de la chaîne de blocs.

C’est donc un système qui est à l’opposé de l’organisation d’une Banque centrale, qui décide de l’émission de monnaie en se fondant sur des calculs économiques et financiers.

Aujourd’hui, le système Bitcoin est encore marginal au sein du système financier mondial puisque sa capitalisation ne dépasse guère 200 milliards de dollars début décembre 2017, encore qu’elle varie fortement tous les jours,  soit un peu plus de 2% de la capitalisation boursière mondiale de novembre 2017. Il s’y ajoute cependant la capitalisation des crypto-monnaies concurrentes, comme Bitcoin XT, Bitcoin Unlimited, Bitcoin Classic, Bitcoin Cash et Bitcoin Gold. On peut donc penser que le système Bitcoin pourrait s’emparer assez vite d’une part significative des capitaux mondiaux et c’est pourquoi l’on s’y intéresse.

 

Que la mécanique du système Bitcoin soit rodée est une chose, c’en est une autre d’évaluer combien vaut sur le marché financier cette série de chiffres et de lettres dont l’acheteur de bitcoins est le bienheureux et inquiet propriétaire…

 

À SUIVRE.

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CRÉER DES BITCOINS?

17 Décembre 2017 , Rédigé par André Boyer Publié dans #ACTUALITÉ

CRÉER DES BITCOINS?

Pour créer et gérer les bitcoins, le système Bitcoin s'appuie sur un logiciel qui génère des bitcoins selon un protocole permettant de  rémunérer  les agents qui ont pris en charge les transactions.

 

Ces agents, grâce à leur puissance de calcul informatique, vérifient, sécurisent et inscrivent les transactions dans un registre virtuel, appelé « chaîne de blocs ». Alors que les autorités monétaires partout dans le monde créent de la monnaie à leur guise et ne s’en privent guère, comment se crée un bitcoin ?

Eh bien, de plus en plus difficilement.

L'entité de base de Bitcoin s'appelle un bloc. Les blocs sont reliés en une chaîne, d'où le nom de « chaîne de blocs ». Pour chaque nouveau bloc accepté, l'activité de vérification-sécurisation-enregistrement, appelée minage, est actuellement rémunérée par 12,5 bitcoins, soit actuellement prés de 200000$, auquel s’ajoute la rémunération des frais des transactions traitées.  

On imagine aisément  que la concurrence est rude entre les « mineurs » ou le plus souvent entre des coopératives de « mineurs » qui unissent leurs efforts pour résoudre les problèmes qui leur sont proposés.

Que peuvent donc bien calculer les mineurs de si précieux? Accrochez-vous : ils effectuent ce que les informaticiens appellent des « hashs cryptographiques » sur ce qu’on appelle un « entête de bloc ». Un bloc  est composé d'un en-tête contenant les informations uniquement nécessaire pour l'assemblage du blockchain, d’une taille fixe de 80 octets. Quant au hash, il désigne un moyen de replier un espace de données pour le faire entrer dans la mémoire de l'ordinateur. Lorsque ce hachage est à sens unique, c’est à dire lorsque le calcul de la fonction qui a permis de « caser » les données dans l’ordinateur est facile mais le calcul de la fonction inverse, depuis les données «pliées » jusqu’aux données d’origine est impossible, on se réfère à un « hachage cryptographique ».

Cette fonction de « hachage cryptographique permet, une fois les données pliées, de ne plus pouvoir les déplier ce qui évite les erreurs et les manipulations par des acteurs malveillants.

Dans le système Bitcoin, le « mineur » est chargé de créer un bloc valide (il creuse !). Mais ce n’est pas facile à créer, car dés le début, pour éviter la création d'énormes blocs contenant de fausses transactions et qui gonflerait la chaîne de blocs que tout les participants doivent conserver à perpétuité, Satoshi Nakamoto avait fixé une limite de 1 Mo pour chaque bloc nouvellement créé. Le nombre de transactions croissant rapidement, la limite de 1Mo pour chaque bloc s’est révélée insuffisante et elle est passée à 2Mo depuis le 1er août 2017. Quoi qu’il en soit, 1Mo ou 2Mo, le problème pour un mineur est de proposer une nouvelle liste de chiffres et lettres qui ne puissent pas être retrouvés par le calcul et qui ne dépasse pas désormais 2Mo.

Pour chaque nouveau hash, le logiciel de minage utilise un nombre aléatoire différent qu'on appelle le nonce.  Le contenu du bloc et la valeur du nonce déterminent le hash qui prend la forme d’une longue série de chiffres et de lettres.  Pour éviter que trop de hashs ne soient proposés, alors que de toute façon le système Bitcoin est conçu pour qu’un seul hash  en moyenne soit retenu toutes les dix minutes, une double difficulté est proposée aux mineurs :

  • D’une part le hash proposé par un mineur doit être inférieur à une série de nombres donnés, appelée difficulté cible.
  • D’autre part cette difficulté cible est modifiée toutes les deux semaines, pendant lesquelles le système Bitcoin permet la création de 2016 blocs.

Si vous êtes perdu par ce langage abscons, retenez au minimum que la quantité de bitcoins produite est automatiquement limitée par le système Bitcoin à un bloc toutes les dix minutes, qui a prévu de plafonner le nombre total de blocs du système Bitcoin à 21 millions vers l’année 2140.  Cette limitation fait que la valeur des bitcoins augmente tant que les opérateurs économiques lui accordent une valeur d’échange et cette augmentation provoque l’accroissement de l’activité de minage, de plus en plus rentable mais aussi de plus en plus lourde en calculs et c’est cette activité de minage qui assure la fiabilité et le contrôle du système Bitcoin.

Une boucle est créé, qui fait que les mineurs travaillent à la fois pour eux et pour le système Bitcoin, ce dernier ayant aussi prévu de compenser une éventuelle baisse de la rentabilité du minage par une augmentation progressive de la rémunération des mineurs liées par l’accroissement des frais de transaction.

 

Maintenant que nous avons (à peu prés) compris comment se créent les bitcoins, nous pouvons observer comment le système fonctionne.

 

À SUIVRE

 

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LE BITCOIN

13 Décembre 2017 , Rédigé par André Boyer Publié dans #ACTUALITÉ

LE BITCOIN

 

Le Bitcoin (de l'anglais bit : unité d'information binaire et coin « pièce de monnaie») est à la fois un système de paiement et une monnaie virtuelle, qui ont été inventés en 2008 par un inconnu caché sous le nom de Satoshi Nakamoto.

Le système de paiement Bitcoin permet d’effectuer des transactions d'un compte vers un autre, grâce à des logiciels appelés wallets, l'autorité surveillant la validité de la transaction étant assurée par des logiciels de vérification appelés mineurs.

Le principe de base consiste à garantir la validité d’une transaction (X a bien payé Y) à partir d’un registre accessible à tous les membres du réseau Bitcoin, appelé chaîne de blocs qui contient toutes les transactions en bitcoins depuis le début du fonctionnement du réseau en 2008 et qui ne peut être modifié par personne.  

Le point de départ du système Bitcoin est donc la sécurité absolue des transactions, alors qu’il est adossé au réseau Internet qui offre pourtant d’immenses possibilités de fraude. Pour faire partie du système Bitcoin, il suffit d’installer un logiciel approprié sur son ordinateur ou son smartphone, comme Bitcoin Core afin d’être payé ou de payer en bitcoins en rentrant en contact avec des courtiers en bitcoin. De plus des distributeurs et échangeur automatique de bitcoins sont progressivement installés dans le monde, mille sept cent environ, la majorité se trouvant aux Etats-Unis et quelques uns en France.

Aux Pays-Bas, des distributeurs de billets acceptent de grosses sommes d'argent liquide pour créditer le portefeuille virtuel des clients en bitcoins ou recevoir des Euros en échange de bitcoins. La machine accepte des versements en espèces de plusieurs milliers d'euros effectués par des particuliers et transfère ces sommes converties en bitcoins sur le portefeuille virtuel des clients, dans un quasi-anonymat. La commission moyenne des distributeurs atteint 6%, alors que celle des sites spécialisés dans le commerce de bitcoins s'élève à environ 0,25 % du montant de la transaction. Naturellement, on accuse ces distributeurs de faciliter le blanchiment d'argent sale et l’évasion fiscale, alors que la lutte des autorités se concentre sur les paradis fiscaux qui apparaissent démodé par rapport à l’apparition des monnaies virtuelles comme le bitcoin, qui ne relèvent par définition d’aucune autorité monétaire.

Au départ, pour acheter ou de vendre des bitcoins, il faut toutefois ouvrir un compte en bitcoins auprès d’une plateforme d’échange ou d’un site de vente qui vous demanderont les renseignements classiques pour l’ouverture d’un compte et d’effectuer un dépôt en Euros par carte bancaire, Paypal ou virement SEPA.

Vous serez alors crédité en bitcoins, avec une adresse de portefeuille bitcoin. Vous pourrez alors vous livrer aux joies et aux peines de la spéculation puisque la valeur du bitcoin est passée de 1000$ à plus de 15000$ pendant l’année 2017, avec naturellement de fortes variations prévisibles. 

Pour cela, vous pourrez acheter ou vendre, soit sur un site de vente qui vous fera son offre de prix, soit sur une plateforme d’échange qui met en relation des acheteurs et des vendeurs avec un prix qui est uniquement déterminé en fonction de l’offre et la demande,

 

Reste à comprendre le mécanisme de création de ce bitcoin que vous achetez, pour le garder ou le revendre.

À SUIVRE

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LA RACE PRÉDESTINÉE À EXPLOITER LE MONDE

4 Décembre 2017 , Rédigé par André Boyer Publié dans #HISTOIRE

LA RACE PRÉDESTINÉE À EXPLOITER LE MONDE

 

 

Le "modèle" britannique comme le "modèle américain" qui s’installe à la même époque, est exclusif, au sens où il est fondé sur la mise à l’écart de toutes les personnes inadaptées au système. Il faut en prendre conscience au moment où il s’impose aujourd'hui au monde entier.

 

Si l’on additionne les migrants, la plupart non volontaires, les personnes intégrées à l’armée ou enfermées dans les workhouses et les prisonniers, ce sont un million sept cent mille personnes qui sont mises à l’écart, soit plus de dix pour cent d’une population britannique qui ne dépasse pas seize millions d’habitants en 1831.

Au milieu du dix neuvième siécle, il en résultera des fractures sociales béantes dans les villes et les campagnes anglaises, tandis que dans les colonies, de petits groupes d’administrateurs, de commerçants, de planteurs et de militaires s’appuieront sur les élites locales pour exploiter, sous forme de travail contraint, les Chinois, les Indiens ou les peuples du Pacifique, envoyés dans les Caraïbes, en Afrique ou en Australie.

En Inde, ce système sera remis en question par la mutinerie de 1857.  En réaction au General Service Enlistment Act  du 25 juillet 1856, qui supprime les unités militaires composées de castes homogènes et impose l’utilisation de nouvelles cartouches enduites de graisse animale, ce qui révulse les hindous et les musulmans, quarante cinq régiments se mutinent sur les soixante quatorze que compte l’Inde. Pour châtier les mutins, les officiers britanniques ont spontanément recours à des traitements atroces, tels le tir au canon sur les condamnés, mais en même temps, avec un pragmatisme qui lui est coutumier, le gouvernement britannique procède à une réorganisation complète du gouvernement de l’Inde qui passe de la  Compagnie des Indes à la Couronne.

Puis l’Empire colonial britannique s’attaque à la Chine, à qui est imposée de force la politique dite de la « porte ouverte ». Après une première guerre de l’opium (1839-42), une seconde intervention en 1847 et une troisième entre 1856 et 1860, les Britanniques obligent l’Empire du Milieu à appliquer les nouvelles règles occidentales. Un nombre considérable de ports chinois sont ouverts au commerce européen tandis que des concessions jouissant de privilèges exorbitants sont implantées pour que les négociants européens y établissent leurs comptoirs et entrepôts. Des conseillers britanniques prennent même en charge certaines parties de l’administration chinoise, notamment les douanes et certaines administrations fiscales. On voit donc que l’ouverture de la Chine à l’Occident n’est pas une nouveauté.

La même politique d’ouverture commerciale est imposée à l’Empire ottoman, ce qui conduit à la banqueroute du gouvernement turc en 1875. Dominant le commerce extérieur et principal créancier du pays, le Royaume Uni finit par mettre l’Egypte sous tutelle financière en 1876, puis sous occupation militaire en 1882. En Afrique, la justification idéologique des interventions et de la conquête de futures colonies est celle de la lutte contre l’esclavage. On voit encore ici qu’il n’y a pas de nouveauté dans l’actualité récente, CNN assurant la relève des journaux britanniques de l’époque coloniale.  

Désormais, l’Empire fait partie intégrante de l’identité britannique. Joseph Chamberlain, secrétaire aux Colonies, proclame le 12 novembre 1895 : « je crois que la race britannique est la plus grande des races dirigeantes que le monde a jamais connue ». Quant à Cecil Rhodes, premier ministre d’Afrique du Sud et le fondateur de la Rhodésie, il en rajoute encore: « les Britanniques sont la meilleure race pour diriger le monde».  C’est apparemment toujours le cas, Washington ayant pris le relais de Londres.

Cette idéologie impériale s’appuie sur le darwinisme social : la réussite de l’Empire et la montée en puissance des Etats-Unis, sont la preuve « scientifique» de la supériorité des Anglo-Saxons qui se fonde sur une langue et une façon de vivre commune, l’attachement à la liberté et la volonté d’entreprendre. C’est toujours vrai.

Avec le temps, L’Empire voit grandir les menaces contre son hégemonie. À l’orée du XXe siècle, l’Allemagne dépasse la Grande-Bretagne pour la production d’acier et de charbon. Pire, elle oblige le Royaume Uni à une course aux armements épuisante pour maintenir sa supériorité navale. Pour le pouvoir britannique, l'Allemagne doit être mise au pas, comme le fut la France un siècle plus tôt.

De plus, à l’intérieur même du Royaume Uni, l’ordre politique libéral est fragilisé par l’incapacité de  Gladstone à mettre en place le Home Rule en Irlande, par la percée du nouvel unionisme parmi les ouvriers non qualifiés ainsi que par l’apparition de candidats travaillistes aux élections et par la montée du mouvement féministe.

La guerre d’Afrique du Sud (1899-1902) contre les Républiques boers, qui vise à établir une domination britannique stable sur une région stratégique pour ses richesses minières et pour sa fonction d’escale sur les routes orientales de l’Empire, permettra de resserrer les rangs. Cette guerre révèlera en effet l’existence d’une profonde fierté patriotique impériale qui montrera que la population britannique a intuitivement compris que la survie de l’Empire était essentielle pour le maintien de la puissance britannique.

Si la guerre impérialiste contre les Boers se veut une aide à la minorité britannique opprimée, la lutte contre l’Allemagne, rivale impériale potentielle avec l’expansion de sa flotte et de ses colonies, sera justifiée par l’invasion de la Belgique puis de la France.  Mais il s’agit toujours de préserver les fondations de la puissance britannique.

Avec la Première guerre mondiale, le monde britannique revit à l’échelle mondiale, la grande épreuve des guerres contre Napoléon, avec un effort humain et financier encore plus lourd qu’un siècle auparavant. L’Empire britannique n’en sort qu’en apparence renforcé, car ses anciennes fissures, en Irlande, en Inde et au Moyen Orient, se transforment en fractures et qu’un fort mouvement pacifiste s’implante au Royaume Uni.

 

 

L’Empire se repliera sur lui-même en attendant l’épreuve d’une seconde guerre contre l’Allemagne qui l’obligera à passer le relais à sa descendance, les Etats-Unis, qui évoqueront à leur tour, pour exploiter le monde sans complexe, une pseudo prédestination nationale à jouer un rôle mondial messianique.  

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