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Le blog d'André Boyer

Les leçons du classement

31 Août 2010 Publié dans #ACTUALITÉ

 

À l’exception du Japon, qui démontre par ce classement qu’il est un pays bien organisé, ce sont les petits pays qui tirent leur épingle du jeu : le Luxembourg, la Norvège, la Finlande, la Suisse, la Suède ne dépassent pas les dix millions d’habitants. Il faut noter à ce titre le tir groupé de TOUS les pays scandinaves : voilà une zone géographique où la réussite est au rendez-vous, et cela ne devrait pas nous étonner.

images-4-copie-1.jpegMais les Pays-Bas, l’Australie et le Canada, ces deux derniers sur d’immenses territoires, atteignent au plus 35 millions d’habitants. Si l’on fait abstraction des cas particuliers de chaque pays (la taille, le pétrole, la superficie…), leur  succès (le 11e étant encore le petit Danemark), devant les Etats-Unis, l’Allemagne, la Grande-Bretagne ou la France est troublant. Cela signifie que les petits pays européens sont plus efficaces, dotés de structures plus souples et qu’ils mobilisent mieux leurs populations que les grands, comme l’Allemagne. Pour la France en particulier, qui sait si bien gâcher ses ressources par son obstination idéologique à gérer le pays par la concentration des pouvoirs, c’est un appel à décentraliser sans relâche jusqu’à parvenir à une structure fédérale.

D’un autre côté, les grands pays comme l’Australie et le Canada offrent d’immenses possibilités à leur population, et enfin le Japon reste le modèle d’organisation pour un monde qui sera bientôt peuplé par neuf milliards d’habitants: comment vivre ensemble et réussir sur une île volcanique sans ressources quand on est très nombreux ?

Si l’on aborde le classement par zone géographique, on voit, en Asie qu’émergent la Corée du Sud pas très loin après le Japon, puis Singapour. Il faut ensuite aller très loin dans le classement (58e et 59e rang) pour voir apparaître la Thaïlande et la Chine, puis plus loin encore, les Philippines, le Sri Lanka, l’Indonésie et l’Inde (78e rang). Aucun doute que ces derniers pays vont grimper rapidement dans le classement, mais ils ne sont pas près de rattraper les trois premiers parce qu’ils souffriront longtemps du dualisme de leur société,  entre paysannerie pauvre et bourgeoisie moderne.

En Amérique Centrale et du Sud, le Chili (30e) apparaît en tête de la zone géographique au niveau des pays de l’Est de l’Europe comme la Pologne. Chacun devrait prendre enfin conscience qu’il est le pays le mieux organisé d’Amérique du Sud. Le Costa Rica, un pays très prometteur aussi en Amérique Centrale, le suit de prés (35e) puis le Panama, le Pérou (un pays très attachant), l’Uruguay, le Mexique, l’Argentine, la Jamaïque, le Brésil et…Cuba, (50e, au milieu de ce classement et juste avant son ancien mentor, la Russie). La première surprise est naturellement l’assez mauvaise place du Brésil, encore en raison du dualisme de sa société, les très riches et les très pauvres. La seconde surprise est inversement le classement assez bon de Cuba : n’y aurait-il pas que du mauvais dans le régime castriste ? notons qu’Haïti, un des échecs le plus spectaculaire de la France avec la Guinée et l’Algérie, n’est même pas classé parmi les cent pays retenus.

En Afrique, il existe sans surprise deux zones nettement séparées : l’Afrique du Nord et le reste de l’Afrique. En tête bien sûr, même si le classement en valeur absolue n’est pas bon, la Tunisie et le Maroc, pratiquement au même rang, 65e  et 67; loin derrière suit l’Algérie (85e) qui démontre à quel point la politique peut gâcher tous les avantages naturels que l’on possède.  Dans le reste de l’Afrique, il faut attendre les 80e  et 82e rangs pour voir apparaître le…Botswana et l’Afrique du Sud. On connaît le dualisme de l’Afrique du Sud, ses confrontations fondées sur la pauvreté et les différences de race, d’éducation, de culture et finalement de pauvreté, on s’intéresse moins au Botswana, On devrait. Ensuite la masse des pays africains, précédés par le Ghana (86e tout de même), un exemple de démocratie en Afrique comme le Bénin. Ce qui devrait inciter le monde entier à s’occuper de l’Afrique Subsaharienne, à commencer par la France, pour éviter au moins que ces populations malheureuses chez elles ne fuient le continent. Réalise t-on vraiment, par exemple, ce que signifie une espérance de vie de 40 ans en bonne santé en Zambie contre 76 ans au Japon ? trente-six ans de plus à vivre correctement, selon que l’on a eu la chance de naître japonais plutôt que zambien ? On est donc deux fois presque plus vivant au Japon qu’en Zambie. Et en matière d’éducation, on bénéficie en Finlande, en moyenne, de 17 années d’éducation tandis qu’à l’autre extrémité du classement (et encore doit-il y a avoir pire dans les pays non classés), on reçoit, en moyenne, 5 années de formation au Burkina Faso. Quelle chance a t-on de réussir dans la vie si on ne sait ni s’exprimer, ni comprendre ce que l’on vous dit, ni être capable d’apprendre, donc de s’adapter ?

C’est ainsi que les deux premières attentes que l’on peut avoir d’une société organisée par un État qui prétend lui dicter sa loi, c’est de faire ce qu’il peut pour que les gens survivent et de leur donner le maximum de moyens pour qu’ils soient capables de s’adapter au monde tel qu’il est. La santé et éducation sont par conséquent, dans le classement de Newsweek, plus important, à mon avis que la qualité de vie, le dynamisme économique ou le bon fonctionnement du système politique. Ces trois derniers critères n’étant pas toujours liés aux deux premiers, Cuba a un bon système d’éducation alors que son système politique est verrouillé tandis que le Cameroun est aussi mal classé, quels que soient les critères…

 

Il nous reste à examiner le sens des classements dans les autres zones géographiques et à regarder de plus prés ce que l’on peut tirer des critères retenus.

 

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Le meilleur pays du Monde?

27 Août 2010 Publié dans #ACTUALITÉ

Certains pays donnent à leurs citoyens de meilleures opportunités de réussir leur vie que d’autres. Dans le numéro du 23 août dernier de Newsweek, un classement des pays est proposé qui cherche à mesurer le bien-être offert par 100 pays à travers le monde. Cette étude m’a paru un bon à-propos pour ouvrir la rubrique SCENARIO de ce blog, qui vise à examiner les moyens et les opportunités d’améliorer le fonctionnement de nos sociétés.

UnknownSi des pays sont plus agréables à vivre que d’autres, pourquoi se déplacerait-on pour vivre ailleurs ? C’est une question plus importante aujourd’hui qu’autrefois puisqu’il est désormais techniquement possible de traverser le monde en 24 heures et qu’Internet permet de rester en contact permanent avec les personnes que l’on a quittées. De plus, la mondialisation engendre une certaine normalisation qui facilite l’adaptation. Seules les réglementations nationales freinent l’immigration légale, tandis qu’elles se révèlent quasiment impuissantes face à l’immigration illégale, produit de la misère, de la guerre ou de l’injustice.

Mais, même s’il est plus facile qu’autrefois de s’installer ailleurs, peut-on pour autant considérer un pays comme un produit sur un étalage ? Ce n’est pas aussi facile de changer de pays que de marque de lessive ou d’automobile, tant l’enracinement est un frein puissant à la migration des individus ou des familles. Déjà, changer de compte en banque est compliqué, alors changer de pays ?  Dès lors, à quoi bon se demander quel est le pays où l’on vit le mieux dans le monde si l’on n’est pas prêt à s’y installer pour ne pas changer d’habitude ? Ce refus de bouger est renforcé par les témoignages des immigrants qui confirment que leur nouvelle vie est généralement plus dure que ce qu’ils espéraient. Nulle part la vie n’est vraiment facile, l’accueil n’est pas toujours chaleureux, ces peuples que l’on admirait se révèlent plus durs et moins attractifs que l’on croyait. Voyez ces Japonais proches de la dépression lorsqu’ils découvrent le « vrai » Paris ! N’est-il donc pas vain de se poser la question de l’endroit où l’on vit le mieux dans le Monde, puisque de toutes manières, on ne bougera pas de l’endroit où l’on habite ? D’ailleurs, la satisfaction que l’on ressent à habiter quelque part est liée à de nombreux facteurs personnels. C’est très souvent le lieu où l’on a ses habitudes, ses repères, ses parents, ses amis, où l’on travaille, en d’autres termes l’endroit où l’on s’est enraciné. Du coup, un réflexe de défense primaire consiste à balayer d’un revers de main ces classements hiérarchiques entre les pays qui flattent l’amour-propre des premiers classés et humilie les autres.  Ce n’est pas, à mon avis, une bonne réaction car ces classements, comme ceux des universités mondiales, offrent l’occasion d’une double réflexion sur les diverses sociétés mondiales:

-       D’une part, ils démontrent qu’un pays qui a « réussi » n’est pas né d’hier. Il porte une très longue tradition, une culture, une façon de vivre, une organisation, un système politique, en somme des réponses spécifiques au défi de la vie qui remontent souvent à plusieurs siècles. En d’autres termes, la notion de « modèle » n’est pas adaptée car il est impossible de réunir ailleurs ce qui a bien réussi dans un cadre particulier.

-       D’autre part, le « succès » témoigne d’un certain type d’organisation, qu’il n’est certes pas possible de copier, mais qui porte en lui-même des leçons sur le coût et l’efficacité de tel ou tel système. Par exemple, faut-il donner la priorité à l’éducation des enfants pour « réussir » à bien faire fonctionner une société ? oui, bien sur, et c’est une indication importante mais la mise en place pratique des moyens pour réussir la formation des enfants ne consiste pas simplement à copier le système qui a bien fonctionné ailleurs mais à l’adapter aux conditions spécifiques du pays, à commencer par ses rigidités culturelles et administratives.

Muni de ces outils de réflexion, permanence sur le long terme des réussites et des échecs collectifs et recherche des possibilités d’adaptation des systèmes qui ont bien fonctionné quelque part, reportons nous aux classements proposés par l’hebdomadaire Newsweek du 23 août 2010. Il est entendu que les critères qu’a retenus le magazine sont présentés sur son site Internet et que nous nous abstiendrons de les critiquer, en partant de l’hypothèse que le classement de Newsweek est globalement valide.  Newsweek retient donc  cinq critères de bien être national, l’éducation, la santé, la qualité de la vie, la compétitivité économique et l’environnement politique. Pour le niveau d’éducation par exemple, Newsweek retient pour chaque pays, les % de personnes capables de lire et d’écrire et le nombre moyen d’années d’étude.

On voit ainsi apparaître le tableau suivant pour les 10 pays les mieux classés (pour plus de détail se reporter à Newsweek.com) :

 

Rang

Éducation

Santé

Qualité de la vie

Dynamisme

Économique

Environnement politique

Classement

global

1

Finlande

Japon

Norvège

Singapour

Suède

Finlande

2

Canada

Suisse

Suisse

États-Unis

Norvège

Suisse

3

Corée du Sud

Italie

Luxembourg

Corée du Sud

Pays-Bas

Suède

4

Singapour

Espagne

Finlande

Royaume-Uni

Nouvelle-Zélande

Australie

5

Japon

Australie

Danemark

Suède

Finlande

Luxembourg

6

Suisse

Singapour

Australie

Australie

Danemark

Norvège

7

Estonie

France

Allemagne

Suisse

Luxembourg

Canada

8

Royaume-Uni

Nouvelle-Zélande

Suède

Finlande

Autriche

Pays-Bas

9

Irlande

Pays-Bas

États-Unis

Luxembourg

Australie

Japon

10

Pays-Bas

Allemagne

Canada

Japon

Canada

Danemark

 

Le magazine attribue les rangs suivants à la France selon les rubriques :

 

Rang

14

7

11

18

16

16

 

On peut en tirer rapidement quelques leçons, à discuter bien sûr :

-       Ce sont les petits pays qui sont les mieux classés et de loin, à l’exception du Japon. Les pays nordiques, la Suisse, le Luxembourg, l’Australie et le Canada emportent la palme. Est-ce que les petits pays sont plus faciles à organiser, et à vivre, que les grands pays ? Avis à la France, le grand pays le plus centralisé du monde. Est-ce que les pays nordiques et la Suisse détiennent les secrets du succès ? 

-       En matière d’éducation, gage des performances de demain, notons l’émergence en dehors des pays nordiques et de la Suisse, de la Corée du Sud, de Singapour et de l’Estonie.

-       En matière de santé, derrière le Japon réputé pour la longue espérance de vie de sa population (grâce soit rendue à l’alimentation japonaise ?) notons encore la présence en Europe de l’Espagne, avant la France, ou celle de Singapour en Asie.

-       En matière de qualité de la vie, derrière les attendus pays nordiques et la Suisse ou le Luxembourg, notons la présence de l’Allemagne, des Etats-Unis et du Canada.

-       En matière de dynamisme économique, les pays anglo-saxons s’imposent en compagnie du trio des pays asiatiques développés, Singapour, la Corée du Sud et le Japon. On notera que la Suède, la Suisse et la Finlande sont toujours dans les dix premiers.

-       En matière d’environnement politique enfin, les pays nordiques s’imposent encore, en compagnie des Pays-Bas du Luxembourg et de l’Autriche pour l’Europe (la Suisse est 11e) et du couple Australie Nouvelle-Zélande.

-       Remarquons  qu’aucun pays d’Afrique et d’Amérique du Sud ou Centrale n’apparaît dans ce classement des meilleurs.

Quant à la France, elle n’est pas si mal classée au total, mais elle n’apparaît exemplaire qu’en matière de santé. Elle est dépassée en Europe, qui constitue une bonne base de comparaison, par les quatre pays nordiques, la Suisse et le Luxembourg, mais aussi par les Pays-Bas, l’Allemagne et le Royaume-Uni. Il y a donc des leçons à tirer de ce classement en l’approfondissant, comme nous pourrons le voir dans l’article suivant.

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Transition

23 Août 2010 Publié dans #INTERLUDE

Comme vous avez pu le constater, ce blog a pris avec moi quelques jours de vacances. En attendant de faire paraître dans quelques jours un nouvel article, je souhaite vous présenter les modifications que je vais lui apporter, en fonction de mes préoccupations et de mes sources de documentation.

bibliotheque.jpgDepuis le début, en janvier 2009, j’ai fait paraître dans ce blog 148 articles qui se répartissent comme suit :

49 articles dans la série « Trajectoire »

42 articles dans la série « Oligarchie »

34 articles dans la série « Actualité »

23 articles dans la série « Interlude »

Je considère que deux de ces séries, « Trajectoire » et « Oligarchie », ont désormais atteint leur terme et que la troisième, intitulé « Actualité » peut être intégrée à  un thème plus structuré. Pour les deux premières, il s’agit en effet d’articles qui étaient issus, après correction et adaptation, de deux ouvrages que j’ai écrit (et que je n’ai pas publié), intitulés respectivement « L’orphelin » et « Trente trois ans d’arrogance ». L’un concernait une réflexion autour de la notion de vérité, dans le cadre de ce que notre condition humaine nous permet de comprendre. L’autre était une réflexion menée sur la nature de la société française, à partir des événements politiques qui se sont déroulés depuis l’élection de Valery Giscard d’Estaing.

À partir du prochain blog, je présenterai mes articles autour des quatre thèmes suivants :

- Le premier intitulé « Scénarios » rassemblera les articles qui présenteront, notamment à partir de l’actualité mais pas seulement, les scénarios possibles qui pourraient permettre à nos sociétés humaines, la société française en premier lieu mais aussi les autres, d’évoluer vers plus d’harmonie et d’efficacité.

- Le second traitera de l’histoire, en particulier française, en vue de faire comprendre quels sont les soubassements de la situation actuelle, dans ses rapports de force et ses imperfections.

- La troisième traitera clairement de philosophie, pratique si possible, au sens de comment vivre, comment gérer au moins mal notre condition humaine.

- Le quatrième sera plus léger, heureusement, plus ouvert, il traitera de ce qui me viendra à l’esprit et qui sera souvent plus personnel, lectures, films, expériences, aventures. Il s’intitulera toujours « Interlude ».

À dans quelques jours, avec un article de la série « Scénario » sur les endroits où la vie est la meilleure.

 

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Finalement, assumer notre condition humaine

15 Août 2010 Publié dans #PHILOSOPHIE

Dans l’article que j’ai publié mercredi dernier, intitulé « la tolérance comme capitulation de l’esprit », j’ai situé la tolérance comme une des conséquences du doute qui a progressivement envahi la pensée scientifique. Ce doute, et cette tolérance vis à vis de la vérité de l’autre impliquent que si chacun détient sa propre  vérité, et que toutes les vérités sont également bonnes ou mauvaises, nous ne pouvons plus avoir de confiance dans notre système de pensée puisque sa valeur est limitée à un groupe restreint de personnes, voire à notre seule personne. Et que construire sur ces fondements incertains ?

y1pT Wrz7GZcj3Fo54E5HjLel4CU4g3BL8Tkj7wfxaXu2OAZIAonRLBXNMAutrefois les hommes vivaient dans l’idée que le monde tournait autour d’eux, ce qui leur donnait un sentiment de sécurité. Depuis environ vingt générations, la science a fait pièce à cette prétention. Il a fallu que l’espèce humaine chasse de son esprit les vérités léguées par ses ascendants et à peine s’y était-elle résolu que la science avoue les limites de sa capacité à comprendre le monde.  

Nous voilà à nouveau seuls au bord du chemin, nos dieux piétinés par cette science qui nous abandonne, incapables de retrouver le gîte qu’elle nous a convaincu de quitter. Il nous faut une troisième fois, après avoir adhéré aux religions monothéistes puis à la science, réévaluer notre situation sur cette Terre.

La science, à force de prétendre pouvoir tout comprendre, tout savoir, tout faire, nous avait érigé en démiurges. Nous sommes maintenant obligés de reconnaître que nous ne le sommes pas. La science nous a appris que n’avons aucun rôle particulier à jouer dans le monde et, pour faire bonne mesure,  mais elle ajoute désormais qu’elle se sent incapable d’éclairer pour nous le mystère de l’Univers, que ce soit celui de sa nature, de son existence ou de son origine.

Il reste que la conscience que nous avons du monde exige toujours que nous acceptions notre condition de mortels. Elle nous impose de prendre position sur le sens de notre présence dans ce monde. Ou bien nous refusons de lui en donner un et nous pouvons dès lors considérer que notre vie n’est qu’une illusion. Ou bien nous donnons à nos pensées, nos paroles et nos actes un sens, sur lequel nous avons donc à nous prononcer. Ce choix du sens de notre vie est la source du désarroi qui nous guette en permanence et qui menace notre capacité de changer, de progresser, de nous améliorer. Il explique pourquoi nous avons besoin d’un être qui nous guide, qui nous protège et qui justifie notre existence.

Il reste que la seule véritable expérience humaine est celle de la vie. Elle oblige l’homme à s’organiser pour y faire face, sans que la raison ne lui soit d’aucun secours. C’est elle qui nous crie à chaque instant qu’aucun système ne nous libérera du cachot dans lequel nous sommes enfermés. La seule liberté qui nous reste consiste à décider si nous acceptons ou si nous refusons notre condition. Alors même que nous tentons héroïquement de nous engloutir dans l’amour, la vie nous apprend que nous sommes par essence dans l’impossibilité de partager avec autrui notre expérience. C’est encore la vie qui nous rappelle sans cesse que nous ne pouvons pas nous passer de rechercher la vérité, notre vérité.

Car, sans lucidité, que pouvons-nous construire ? Nous savons que la raison et la science n’apportent aucune réponse au drame de la condition humaine. Nous savons que notre tentation naturelle consiste à fuir notre condition. D’autre part, la nécessité de nous organiser en société et l’exploitation de nos extraordinaires capacités techniques nous offrent toutes les opportunités de faire la fête en nous bouchant yeux et oreilles, afin de retarder le plus longtemps possible le moment du dernier acte.

Pouvons-nous pour autant nous satisfaire du mensonge et de l’indéterminé ? Si nous choisissons de nous approcher le plus possible de la vérité, ce qui fait la grandeur de l’esprit humain depuis l’origine de l’espèce, il nous faut accepter de la regarder en face, cette vérité unique, rebelle et magnifique. Car, plus nous saurons, et plus nous serons en mesure d’accepter notre condition. Plus nous accepterons notre condition, et plus nous saurons. Plus nous saurons…

…Cet article constitue le point final de la série intitulée « Trajectoires». Les articles de cette série sont extraits, après avoir été modifié, d’un ouvrage non publié intitulé « L’orphelin ». Je tiens cet ouvrage à votre disposition sous forme de document PDF.

 

 

 

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La tolérance comme capitulation de l'esprit

11 Août 2010 Publié dans #PHILOSOPHIE

Il y a un mois, plus précisément le 8 juillet dernier, j’ai écrit un blog intitulé « Que faire ? » dans lequel je soutenais que l’homme me semblait  fort capable de maîtriser les techniques qui lui permettront de survivre sur la Terre. En revanche, le fétichisme pour les outils intellectuels forgés dans le passé risque fort de freiner le nécessaire changement de vision du monde que cette adaptation aux nouvelles conditions de vie implique pour l’espèce humaine.

VirtualSubjectivity.jpgDans le passé, la pensée scientifique a représenté un extraordinaire bond en avant de la pensée humaine, puisqu’elle lui a permis de se libérer de tout préjugé sur ce qui est vrai ou faux. Avec elle, l’observation et la mesure sont devenus l’alpha et l’oméga de toutes les constructions scientifiques, au point d’être considérées comme indépassables. C’est tout juste si les scientifiques concèdent, à regret, qu’il subsiste quelques rares domaines, comme l’amour ou l’art, qui ne relèvent pas de la science. Et encore…   

Or, à partir du moment où la vérité ne peut être que scientifique, la démarche scientifique devient une doctrine. Mais cette doctrine est contredite par les scientifiques eux-mêmes. D’un côté, la pensée scientifique postule que tout, absolument tout, est explicable pour l’homme armé de sa conscience et d’un autre côté les scientifiques, armés de leurs méthodes, ont constaté avec beaucoup d’honnêteté et quelque stupeur, qu’ils étaient incapables de tout expliquer. Au cours du dernier siècle[1], ils ont en effet remis en cause l’objectivité de leurs expériences et de leurs découvertes en observant que les chercheurs choisissaient par convention les hypothèses qui leur convenaient, ce qui déterminait largement les résultats qui en découlaient. De plus, au cœur de l’outil scientifique, il est apparu que la logique était dans l’incapacité de déterminer si une proposition était vraie ou fausse. Aussi, les résultats scientifiques sont-ils devenus plus incertains, les conclusions que les scientifiques en ont tirés plus subjectifs, donc de plus en plus sujettes à caution. Les idéologies s’en apparent désormais fréquemment, comme en témoigne le débat scientifique suspect sur le réchauffement de la planète[2]. Il en résulte que la confiance dans les recherches scientifiques s’érode progressivement tandis que l’humanité est toujours sommée d’adhérer sans réserve à un raisonnement scientifique saisi par le doute. C’est faire fi du besoin profond, du besoin immémorial, du besoin fondamental de l’espèce humaine pour la vérité.

La vérité justement, c’est que la science domine toujours la pensée humaine parce que personne ne peut proposer de système alternatif pour la remplacer. Une autre démarche est pour le moment inconcevable pour nos esprits façonnés par la science, comme cela est déjà arrivé, pendant la Renaissance, aux esprits façonnés par la religion dont le principe central était la croyance : ils ont eu un mal fou à le remplacer par le principe d’expérience. 

Aujourd’hui, le monde actuel est entièrement façonné par la pensée scientifique. Où que l’on se tourne, la quasi-totalité des principes d’analyse et d’action qui nous sont proposés est directement issue de la pensée scientifique. Par exemple, et ce n’est pas un exemple mineur, il suffit d’observer que l’individualisme, si représentatif de l’état d’esprit moderne, est le pur produit de l’esprit scientifique. En effet, pour que l’individu s’affirme dans les mœurs et dans les lois, il a fallu que la science postule que l’esprit humain était capable, par la grâce de la raison, de faire la différence entre ce qui est juste ou faux et que la vérité émergeait de l’individu, et de lui seul. Il en est résulté, entre autres, la doctrine juridique des droits de l’homme et la doctrine économique du laissez faire ; cette dernière a engendré l’économie de marché actuellement qualifiée de mondialisation.

Lorsque le doute saisit la science, il contamine les systèmes qu’elle a forgé. Le postulat posant que l’individu est par définition doté de la raison n’est plus très solide, après trois ou quatre siècles d’expériences in vivo. Il a fallu admettre que l’individu pouvait être déraisonnable, ce qui remettait en cause la doctrine de l’individualisme. Or, personne ne sait au profit de quelle improbable raison collective il convient de la remplacer. C’est pourquoi il est apparu nécessaire aux scientifiques, pour maintenir un semblant de cohérence dans la vision de l’être humain qu’ils s’efforcent d’imposer à l’humanité, de mettre le concept de tolérance au centre du fonctionnement des sociétés. Il s’agit en effet d’accepter la déraison, la sienne et celle des autres, sans remettre en cause l’individualisme. C’est ainsi que la tolérance s’impose comme un élément du doute scientifique appliqué aux sociétés humaines. Elle fait que nous n’avons plus le droit de dire ce qui nous paraît juste ou faux, bon ou mauvais, parce qu’exprimer notre vérité, que plus personne n’ose affirmer comme étant LA vérité, offense la vérité de l’autre qui est, par définition, ni plus ni moins contingente que la nôtre.

Du coup, la confiance dans nos systèmes de pensée s’effrite et, par contrecoup, notre foi dans l’avenir s’effondre.

 

[1] Voir mes blogs précédents sur la notion de vérité, dans la série « trajectoire », notamment l’article intitulé « L’incertain scientifique », publié le 21 juin 2009.

[2] Voir mon blog intitulé « Coup de froid sur le réchauffisme », publié le 7 février 2010.

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L'éternel retour

6 Août 2010 Publié dans #INTERLUDE

Il y a trois jours, je vous racontais que le décès de M. FitzGeorge laissa Lady Slane dans une grande solitude, car elle avait noué avec lui de profonds liens d’amitiés.

dyn00412.jpgVivant comme un anachorète, elle n’attendait désormais rien d’autre de la vie que la paix. Cela ne l’empêchait pas d’observer de loin les faits et gestes de ses enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants, comme si, malgré son détachement, elle se sentait encore responsable de leur existence. Elle savait bien pourtant que tous finiraient par se couler dans le moule que le monde avait préparé à leur intention.

Alors qu’elle se rendait compte qu’elle perdait peu à peu le sens des réalités, elle reçu la visite inattendue d’une de ses arrières petites filles, Deborah.

Lady Slane était inquiète de cette visite, car elle craignait de ne plus disposer de l’agilité mentale pour participer à une conversation qu’elle imaginait banale, convenue et probablement  décousue. Elle ne s’attendait pas du tout à ce que Deborah commence par s’agenouiller à ses  pieds, et la remercie de sa décision de faire don de l’héritage de M. FitzGeorge aux hôpitaux. Trop émue pour prononcer un mot, elle se contenta de poser sa  main sur la tête de la jeune fille et de l’écouter.

Deborah s’épancha auprès d’elle. Ses fiançailles avaient été une erreur, expliqua-t-elle. Elle n’y avait souscrit que pour complaire à son grand-père. C’était lui qui rêvait de la voir un jour Duchesse, pas elle ! Cela n’avait aucun sens, alors qu’elle, Deborah, rêvait de devenir musicienne ! Bon, elle n’avait rien contre le mariage, à condition de partager sa vie avec un homme qui ait les mêmes valeurs qu’elle! Mais comment s’entendre avec quelqu’un qui ne visait qu’à une réussite matérielle ? Elle avait failli céder sous la pression de sa famille, mais le déclic qui l’avait fait réagir était venu de la décision de son arrière-grand-mère de renoncer à la fortune de M. FitzGeorge. C’était son arrière-grand-mère qui lui avait donné la force de rompre ses fiançailles !

Deborah continuait de se confier à son arrière-grand-mère. Ce qu’elle voulait, c’était prendre ses distances avec un monde qu’elle trouvait fou ! Elle avait l’impression que tous ces gens s’étaient mis d’accord pour lui imposer leurs idées, au lieu de l’écouter ! Au contraire, elle appréciait les rares personnes qui consentaient à l’écouter et à comprendre qu’elle était animée d’une foi qui donnait un sens à sa vie.

« Pourquoi devrais-je accepter les idées des autres ? Qui a raison, grand-maman, le monde ou moi ? »

Lady Slane se laissait bercer par le discours impétueux de son arrière-petite-fille. Dans son esprit, une confusion se produisait entre Deborah et elle. Elle rêvait que sa vie recommençait, qu’au lieu d’épouser Henry, elle  s’était enfuie de chez elle pour réaliser sa vocation. Elle murmura :

«  Continue, ma chérie, j’ai l’impression que tu parles à ma place.

-       Donc, grand-maman, est-ce moi qui aie tort, ou eux qui se trompent ? »

Dans le crépuscule qui envahissait son esprit, Lady Slane sentait une jeune fille décidée, ferme, invincible. Elle comprit confusément que Deborah n’attendait d’elle qu’un encouragement et trouva la force de lui répondre :

« Oui, ma chérie, c’est toi qui as raison. »

Elle perçut que Deborah se détendait en se laissant aller contre son arrière-grand-mère, qui semblait la protéger, la réchauffer pour lui donner la force de se lancer dans la vie. Faisant mine de rester lucide, elle se lança dans un confus soliloque ponctué de pénétrantes observations sur la vie, puis se tut.

Deborah craignit de l’avoir fatiguée : la vieille dame était endormie, le menton penché sur ses dentelles, ses mains fines reposant sur ses genoux. Elle se leva très lentement, quitta le salon silencieux, prenant bien soin de ne pas claquer la porte.

Un moment plus tard, apportant le plateau chargé d’une théière et de petits gâteaux, sa servante la découvrit morte…

Ce fut son logeur, Monsieur Buckrout qui fit son épitaphe, en observant qu’elle ne s’était jamais sentie à l’aise dans ce monde et que si elle avait eu tout ce qu’il y avait de mieux, en fait elle n’en avait jamais voulu.

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La vocation contrariée

3 Août 2010 Publié dans #INTERLUDE

Nous avons quitté Lady Slane, le 28 juillet dernier, alors qu’un vieux monsieur vient de lui faire une déclaration d’amour, avec un demi-siècle de retard.

peinture-artiste-copie-1.jpgEncouragé par le silence de Lady Slane, FitzGeorge n’hésita pas à lui asséner une « vérité » supplémentaire :

« Il me semblait que vous étiez mal assortis. Certes, vous jouiez votre rôle de manière admirable, si admirable que cela a éveillé mes soupçons. Franchement, Lady Slane, qu’auriez-vous fait de votre vie, si vous n’aviez pas épousé ce charlatan ? »

-      Un charlatan, Monsieur FitzGeorge ?

-      Je sais, il s’est  même arrangé pour être un très honorable Premier ministre! Il possédait plus de charme qu’aucun homme que j’ai connu, un atout dont justement tout homme  raisonnable évite d’abuser. Et lui en a largement abusé. Lady Slane, vous avez dû beaucoup en souffrir? »

Lady Slane se rappela combien cela avait été difficile de partager la vie d’un être aussi charmant, aussi truqueur, aussi glacial, et de l’aimer. Elle finit par avouer :

«  J’aurais voulu être peintre. 

-      Ah ! Merci. Vous me donnez la clef que je cherchais. Vous étiez donc une artiste ! Je comprends maintenant pourquoi vous aviez parfois l’air si tragique lorsque vous croyiez que l’on ne vous observait pas.

-      Mon cher Monsieur FitzGeorge ! s’écria Lady Slane, ne parlez pas de moi comme si ma vie avait été une tragédie ! J’ai eu tout ce dont les femmes rêvent : la situation, le confort, les enfants, un mari que j’aimais. Je n’ai à me plaindre de…Rien.

-      Sauf que vous avez été volée de la seule chose qui importait pour vous, puisque rien ne compte plus pour un artiste que l’accomplissement de ses dons ! Regardez les choses en face, Lady Slane ! Vos enfants, votre mari, votre belle situation n’étaient que les barrières qui vous détournaient de vous-même. Vous les avez choisis comme substituts à votre vocation. Le jour où vous vous êtes engagée sur ce chemin, même si vous n’en étiez pas consciente, vous avez péché contre votre propre vérité. »

Lady Slane mit ses mains sur les yeux. 

« Oui, dit-elle faiblement, oui, vous avez raison. Mais ne soyez pas cruel ! j’ai payé. Et ne blâmez pas mon mari !

-      D’accord. Il vous a donné ce que vous pouviez désirer. Il vous a presque tuée, c’est tout. L’homme tue la femme. La femme aime être tuée. Savez-vous que j’ai tout compris à Fathipur Sikhri ? Et cette conversation n’est que la conséquence de celle que nous n’avons pas eu autrefois »

Lady Slane chuchota :

« oui, une conversation interrompue pendant cinquante ans... 

-      Et que nous ne reprendrons plus jamais. Certaines choses doivent être dites. Celle-ci en faisait partie. Maintenant nous pouvons être amis. »

Ayant ainsi établi les bases de leur amitié, Monsieur FitzGeorge considéra comme acquis qu’il était le bienvenu, l’accompagnant dans ses lentes et incertaines promenades vers Hampstead Heath. Il sentait encore vivre l’amour qui aurait pu le détruire, s’il n’avait pas été assez sage pour y renoncer, mais en même temps assez fou pour y rester fidèle pendant cinquante ans.

Un jour, pour s’excuser de rappeler à Lady Slane un nouveau détail de leur lointaine rencontre, Monsieur FitzGeorge remarqua qu’à vingt, trente ou quarante ans, on peut encore remettre ce que l’on a à faire ou à dire au lendemain, mais qu’à partir d’un certain âge, remettre à plus tard ce que l’on doit faire aujourd’hui, c’est provoquer le destin.

En effet !

Il ne fallut pas attendre plus longtemps que le lendemain de cette ultime conversation pour que la nouvelle de la mort brutale de Monsieur FitzGeorge n'atteigne Lady Slane de plein fouet. 

Quand elle apprit qu’il lui avait légué toute sa considérable fortune, entièrement constituée d’œuvres d’art, elle comprit  que l’ultime cadeau qu’il lui faisait était celui de lui permettre d’être enfin elle-même, non en devenant riche mais en rejetant cet héritage tentateur. Ce qui fut fait au travers d'un don aux hôpitaux publics , au grand dam de ses enfants qui, en représailles, cessèrent tout à fait de lui rendre visite.  

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