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Le blog d'André Boyer

LE MONDE SELON MACHIAVEL

23 Février 2023 , Rédigé par André Boyer Publié dans #PHILOSOPHIE

LE MONDE SELON MACHIAVEL

Machiavel étudie l’homme sans passion, comme il étudie un problème de mathématiques, avec le seul souci de la vérité, une vérité qu’il ne faut jamais accepter sans preuve. Il ne retient que les certitudes.

 

Pour lui, Il ne s'agit pas de savoir ce que la morale approuve ou ce qu'elle réprouve. Cela, tout le monde le sait, et inutilement. Il s'agit de connaître avec précision la juste valeur de l'homme. Pour cela, il a eu entre les mains des âmes de roi, des âmes de pape, des âmes de républicains. Il a manié l'âme des gens qui veulent la paix, l’âme des gens qui veulent la guerre, l'âme des commerçants, des banquiers, des ouvriers l'âme collective du prolétariat, l'âme solitaire des chefs, l'âme réjouie des bourreaux, l'âme acide des suppliciés.

Il ne faut pas lui parler d'âme extraordinaire, il n'y en a pas, il n'y en a pas d'ordinaires non plus, mais elles sont toutes interchangeables. Le pouvoir gouverne toujours comme les gouvernés gouverneraient s'ils avaient le pouvoir. Il en a eu mille exemples. Le prince est partout et n'importe qui : la Terre n'est peuplée que de Princes. Les uns sont en exercice, les autres le sont en puissance.

L'homme qui tue n'as pas de nom propre : c'est l'homme. Mieux : il n'y a pas de monstres, comme l'observe aussi Hannah Arendt.

Cela n'empêche pas que nous tenons à l’idéal ; nous tenons surtout à une conception idéale de nous-mêmes. Nous y tenons tellement que nous sommes disposés à être imprudents, au point de faire confiance à l'autre considéré comme notre propre reflet. Et dès qu'une utopie se prémédite quelque part, on y voit affluer les hommes en mal d’angélisme qui embouchent la trompe pour sonner au bonheur de l'humanité.  

Il n'est pas question de bonheur de l'humanité chez Machiavel. Ce que l'on peut construire avec les hommes est très loin, évidemment, d'une construction angélique, mais, si nous en étions à notre première utopie, il faudrait prendre au sérieux la tragique gaucherie de nos gâcheurs d'hommes, avoir beaucoup de respect pour l'homme capable de croire, de se passionner et d'en mourir. Nous admirerions celui qui cherche l'espoir au-delà de sa valeur.

Mais nous voilà trompés une fois de plus et déjà la prochaine tromperie se prépare ; nous courons de l'une à l'autre, comme en extase, les reins chargés de notre intérêt personnel sous prétexte d'intérêt commun. Il faut en convenir: le temps de la mystique est fini.

Le souffle du lecteur suffit à chasser des textes de Machiavel la poussière du passé. L'encre luit comme si la phrase avait été écrite tout à l'heure. Des noms propres viennent aux lèvres. Les événements de la semaine, du jour même, se superposent aux événements de l'ancienne Florence et, miraculeusement, ils coïncident.

Nous lisons dans Machiavel le récit de nos erreurs et de nos révoltes; on nous explique pour quoi et par quoi nous sommes trahis à l'instant même où les faits du jour sollicitent notre confiance. Nous y perdons la foi, comme il se doit en notre époque crépusculaire, qui se situe à l'extrême confins de la Renaissance, depuis que tout est devenu possible et impossible en même temps, que tous les espoirs et tous les désespoirs ont été permis.  

Machiavel, c'est l'acceptation tranquille de l'horreur qui est inséparable de toute vie qui se perpétue. Rien n'est plus logique qu'un cadavre en plein champ. On sent tout de suite qu'il y est utile. C'est en tout cas là qu'il y est le moins déplacé. Car on tue dans chaque ferme avec simplicité ; on organise, on émonde, on abat, on arrache, on tond. Le paysan "gouverne" sa ferme, avec comme idée derrière la tête de défendre son intérêt personnel. Rien n'est plus naturel qu'un seau rempli de sang sur le seuil d'une ferme. Presque toujours, c'est un enfant, souvent une petite fille candide ,qui est chargée de battre ce sang avec un petit ballet de bruyère pour qu'il reste fluide et puisse faire du boudin.  

 

Un peu guindé, bourré de rois, de papes et de peuples, mais logique et précis comme un paysan dans ses vignes, Machiavel compose du haut de son cheval les Géorgiques des temps modernes, organise la dernière façon possible de fabriquer de la terre ferme pour des hommes qui vont, peut-être, trouver la machine du monde mais perdre sûrement le ciel ...

 

D'après Jean Giono en préface à Machiavel.

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DE LA ROUTINE À LA CHASSE AUX "COLD-CASES"

18 Février 2023 , Rédigé par André Boyer Publié dans #INTERLUDE

DE LA ROUTINE À LA CHASSE AUX "COLD-CASES"

Comment était dirigé l’IECS ? Le premier reproche que l'on me faisait, et à juste titre, était que ma présence à Strasbourg était limitée à trois jours et demi par semaine.

 

Car je me suis accroché aux cours que je continuais à donner à mi-temps à Nice, ce qui me permettait de garder mon poste à l'IAE de Nice. Un temps j'ai hésité à prendre un poste à Strasbourg. J'en ai même accepté un que j'ai ensuite refusé : on peut tout faire dans l'administration à un certain niveau de responsabilité. J'aimais Strasbourg, mais je craignais d'être totalement coupé de Nice et de sa région, qui reste ma région. C'est Maryse Martin qui m'a convaincue de ne pas transférer mon poste à Strasbourg en m'affirmant à juste titre :" si tu transfères ton poste, ils ne te laisseront jamais revenir!". Ils, c'étaient mes collègues qui siégeaient dans la Commission de Spécialistes, amis-ennemis, confrères-concurrents qui n'auraient pas résisté au plaisir de mettre des bâtons dans les roues de mon plan de carrière.

Donc chaque semaine, je quittais Nice le lundi matin pour arriver vers 13 heures à Strasbourg, après une escale à Lyon. J'ai raté de six heures le Lyon Strasbourg qui s'est écrasé le lundi 20 janvier 1992 sur le Mont Saint Odile en fin de journée.

Le lundi après-midi, je l'ai déjà écrit, je commençais par recevoir mon responsable commercial, moment un peu pénible car il me reprochait toujours, et à juste titre, de ne pas visiter assez d'entreprises, mais en revanche il m'apprenait beaucoup sur les entreprises alsaciennes. En outre, je ne m'en suis pas rendu compte sur le champ, il tenait beaucoup à ce rendez-vous où il se sentait reconnu et valorisé. C'est au point que mon successeur, le Professeur Hans Tümmers, qui ne lui accordait pas la même attention, provoqua sa démission au prétexte qu'il n'était plus écouté par le directeur, alors même qu'il recevait toujours un salaire fort important: on néglige souvent l'importance primordiale que les commerciaux accordent à être reconnus.

La suite de l'après-midi était consacrée à un autre rendez-vous rituel, qui résultait d'une sorte d'innovation managériale que j'avais tentée et qui a fonctionné de moins en moins bien, avec le temps. J'avais accumulé une série de problèmes qui n'étaient jamais réglé, parce qu'ils ne s'imposaient pas comme des priorités : par exemple, mettre des casiers à la disposition des vacataires ou passer un accord de coopération avec une université japonaise.

L'une de nos employés que je souhaitais garder étant libérée de son poste, je la chargeais de faire avancer, en mon nom, les problèmes non réglés, on dirait aujourd'hui les "cold cases". Elle devait harceler les personnels et les partenaires pour faire avancer des dossiers qui trainaient depuis longtemps et me rendre compte de leur avancement chaque semaine, le lundi après-midi.  Au début, cela a magnifiquement marché, les casiers ont soudain été mis à la disposition des malheureux vacataires qui se plaignaient depuis deux ans de ne pas en disposer ou l'accord avec l'Ambassade du Japon concernant une des meilleures universités de Tokyo a rapidement progressé, puis de semaine en semaine, bien que de nouveaux cas gelés remplaçaient les cas désormais résolus, j'ai vu l'enthousiasme de ma déléguée aux "cold cases" baisser régulièrement.

Je découvris qu'elle avait, elle aussi, ses préférences pour certains problèmes par rapport à  d'autres qu'elle évitait d'aborder et qu’elle avait finalement une sorte de tendresse pour un travail plus routinier, ou moins séquentiel. Je fis donc évoluer ses tâches, l'incluant dans une fonction plus régulière, en renonçant de fait à résoudre les questions qui rebutaient tout le monde, y compris celle qui était supposer les affronter tous : mon "innovation managériale" retombait un peu comme un soufflet.   

Vous pouvez en déduire qu'il s'agissait plutôt d'une fantaisie ou d'un luxe managérial, mais comme l’IECS était financièrement à l’aise, je pouvais me permettre de tenter des expériences.

Après les « cold cases » je recevais Kostas Nanopoulos, mon adjoint, pour faire le point sur l’ambiance et la stratégie de l’école. C’était aussi l’occasion de voir les personnes les plus impliquées dans son fonctionnement, comme Jean-Pierre Kennel, le secrétaire général, Sabine Urban l’ancienne directrice de l’IECS et concepteur de l’EME (École de Management Européen), Régis Larue de Tournemine et Jacques Liouville en charge de la formation, à l’époque pionnière, à la logistique. Il s’y ajoutait souvent des responsables de la Chambre de Commerce de Strasbourg, de passage à l’école. Bref, le lundi après midi était le moment privilégié, profondément amical, qui nous permettait de partager nos points de vue afin d’exercer une action commune au sein de l’IECS.

 

Toute cette activité ne parvenait cependant pas à cacher le malaise que je ressentais dans l’organisation de ma vie professionnelle : directeur pour quoi faire ?

 

À SUIVRE

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MASSACRE ET LIQUIDATION

12 Février 2023 , Rédigé par André Boyer

MASSACRE ET LIQUIDATION

Ce n'était pas un massacre gratuit. Ses bénéficiaires étaient Danton et leurs complices qui se débarrassaient d’opposants sans avoir à en porter directement la responsabilité. En outre, ce massacre terrifiait leurs adversaires, tout en compromettant leurs exécutants qui devenaient leurs obligés.

 

L'ambiance de ce mois de septembre 1792 est à la haine : l’ambiance est à la haine : un député de la Convention, le bon abbé Grégoire, déclare  qui le 21 septembre 1792 en séance : « Les rois sont dans l’ordre moral ce que les monstres sont dans l’ordre physique. Les Cours sont l’atelier du crime, le foyer de la corruption et la tanière des tyrans.

La Première République issue du coup d’État, n'est pas légitime. Elle s'arroge le mandat de modifier la nature du régime politique en remplaçant l’Assemblée élue par une Convention « chargée » par les putschistes d’établir une nouvelle constitution, qu’elle ne mettra d’ailleurs jamais en œuvre.

Le 10 août 1792, la Révolution s’engage ainsi vers le totalitarisme, un régime qui se prétend issu du peuple, qui se réclame de la volonté du peuple mais qui lui dénie le droit d’être consulté et encore moins celui de changer de régime.

Le 21 septembre, dès sa première réunion, la Convention décide d’abolir la royauté. Le 22 septembre 1792 est donc proclamé le premier jour de l’an I de la République qui devient le 1er jour de l'an 1.

Les sept cent cinquante députés de la Convention se répartissent en trois groupes : composée de politiciens provinciaux, la Gironde souhaite plus de libertés dans les départements. C’est ainsi que Lasource, député du Tarn, demande ingénument « que Paris soit réduit à un quatre-vingt-troisième d'influence, comme chaque département » ! On ne peut que constater que l’histoire ne lui ait guère donné satisfaction jusqu’à ce jour.

Face à la Gironde, la Montagne s’appuie sur la Commune insurrectionnelle. Malgré une participation au vote de dix pour cent seulement des électeurs, elle n’a même pas réussi à obtenir la majorité au sein de la Convention, c’est dire si elle est minoritaire, peut-être 3% des électeurs !

Entre les deux, certains députés se situent dans le Marais ou la Plaine. Les plus habiles d’entre eux, comme Sieyès, Cambacérès ou Boissy d’Anglas, sauront attendre que les deux premiers groupes s’entredéchirent pour s’emparer du pouvoir après le 9 Thermidor.

Le chef de file des Girondins est incontestablement Jacques-Pierre Brissot, ce qui fait que les Girondins ont aussi été appelés les « brissotins ». C’est Brissot qui a fondé en 1786 la Société des amis des Noirs  dont le but est de supprimer l’esclavage aux colonies et qui réussit à faire voter le 24 mars 1792, pour une fois avec l’accord de Robespierre, un décret accordant l'égalité des droits entre les  hommes de couleur libres et des blancs. On n’en est pas encore à l’abolition de l’esclavage, même sous la Révolution…

Il s’oppose tout de suite à Robespierre, Danton, Marat, Camille Desmoulins ou Hébert, au sujet de la déclaration de guerre aux puissances européennes. Lui en est fortement partisan afin de lutter contre les menées des émigrés, de propager la Révolution en Europe et de contraindre le roi à prendre parti. Ses adversaires craignent au contraire que la guerre ne signe la perte de la Révolution.

Réélu à la Convention, Brissot a tout de suite le courage de flétrir les massacres de septembre 1792 puis de s’élever avec énergie contre la condamnation à mort du roi, tout en se résignant à voter sa mort dans la mesure où ce vote lui paraît inévitable tout en l’assortissant de la condition expresse que le jugement ne sera exécutoire qu’après avoir été ratifié par le peuple.

Cette condition n’est nullement respectée et ne sert qu’à exaspérer les Montagnards. Accusé de royalisme et de fédéralisme, poursuivi par la haine de Robespierre, Brissot sera finalement arrêté le 2 juin 1793, condamné à mort le 30 octobre 1793, avec vingt-et-un de ses collègues girondins et guillotiné le lendemain, à l’âge de trente-neuf ans.

 

Louis XVI, qui ne se faisait aucune illusion sur l’issue de son procès, écrivit son testament la veille du début des audiences, le 25 décembre 1792.

 

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LA GUERRE OU LA GUERRE

8 Février 2023 , Rédigé par André Boyer Publié dans #ACTUALITÉ

LE FRONT

LE FRONT

Depuis mon dernier billet sur l'Ukraine, le 30 juillet 2022, j’ai pris le temps d’observer l’évolution de la guerre. Ses enjeux, son déroulement sont devenus plus clairs. Faisons le point.

 

Je n’adopterai pas l’angle d’attaque de LCI, façon western à l’ancienne, où les méchants sont les Russes et les bons, toujours gagnants à la fin, sont les Ukrainiens. Selon cet angle, mon billet serait très simple :

  • Poutine a tort. Zelenski a raison et avec lui les Américains et les Européens.
  • Puisque Poutine a tort, il va perdre. Reste à fournir à Zelenski aussi vite que l'on peut le plus de matériel possible jusqu’à ce qu’il écrase les Russes et reconstitue le territoire originel de l’Ukraine, Crimée comprise.
  • Viendra ensuite une Russie qui chassera Poutine (ou le tuera, à moins qu’il ne se suicide), deviendra démocratique, fera son mea culpa et obéira aux Américains et aux Européens.

Si vous croyez que ce scenario de western est le bon scenario, vous allez avoir quelques difficultés à me lire.

Tout d’abord, j’ai remarqué que les gentils sont toujours les vainqueurs, puisque ce sont eux qui distribuent les bons et les mauvais points. Attendons donc encore un peu pour les identifier, car je suis sûr, et sur ce point je pense avoir votre accord unanime, que la guerre est loin d’être finie.

En outre, toujours avec votre probable accord unanime, j’observe une montée régulière dans la fourniture, en quantité et en qualité du matériel fourni à l’Ukraine. Nous en sommes aux chars lourds, type Léopard. Zelenski nous demande, et jusqu’ici nous avons toujours fait droit à ses requêtes, de lui fournir des avions de combat et des missiles longue portée. Je me demande quand est-ce qu’il va nous demander de lui envoyer, pour l’aider, des forces constituées européennes, des brigades ou même des divisions ? C’est ici que se situera un point clé, parce qu’il s’agira d’un engagement coûteux en hommes et plus seulement en matériel.

Jusqu'ici je suppose que tous mes lecteurs sont d'accord avec moi, tant je suis purement factuel.

Allons donc un peu plus loin. Reprenez la troisième étape du western type LCI: "la Russie a perdu, elle chasse Poutine et vient un gouvernement qui fait son mea culpa et se soumet aux États-Unis et à l'UE". Si vous croyez à ce scenario, vous avez raison de pousser à la guerre pour qu'on en finisse le plus vite possible et que tout redevienne comme avant que le méchant Poutine n'envahisse la gentille Ukraine.

Pour ma part, Je ne crois pas à ce scenario rêvé, mais nous pouvons convenir que ce scénario n'est pas certain. Regardons donc l'autre hypothèse, celle qui imagine que les Russes résistent ou même, horribilis res, gagnent. J’ai aussi remarqué que c’était assez dangereux de sous-estimer l’adversaire et la guerre que mène la Russie contre l'Ukraine me rappelle assez celle qu'elle a mené en 1940 contre la Finlande, résistance héroïque des Finlandais, lent retour des troupes russes avant un traité de compromis. 

Pourquoi cette autre hypothèse pourrait arriver ? Regardons le processus qui serait susceptible de nous y conduire. 

Pour le moment, ce sont plutôt les Russes qui avancent en Ukraine, lentement d'ailleurs et nous dit LCI, qui ne s’informe qu’auprès des Ukrainiens, avec de lourdes pertes. Pourquoi les Russes l’emporteraient-ils ? Les Russes se battent avec détermination et les Ukrainiens aussi. Simplement, on trouve cent cinquante millions d’habitants en Russie contre trente-cinq millions dans la zone non occupée de l’Ukraine, moins les huit millions qui se sont réfugiés en Europe. Ce sera dur de mobiliser de plus en plus d’hommes en Ukraine, alors qu’un nombre croissant d’entre eux ont rejoint leurs femmes et enfants sur la Côte d’Azur où presque tout est gratuit pour eux, au point que les réfugiés des autres pays y voient une injustice : les délices de Capoue menacent l’héroïque légion ukrainienne.

Cependant il est possible que l'envoi de matériel supplémentaire permette aux Ukrainiens de contre-attaquer, peut-être pas.  S'ils n'y parviennent pas, soit on négocie, soit il faudra envoyer d’autres matériels, comme les avions demandés par Zelensky. Mais il faut du temps pour former des pilotes à de nouveaux avions, car ce ne seront probablement pas des Mig, et donc se posera la question d’envoyer des pilotes avec.

En outre, si les avions ne suffisent pas, il faudra envoyer des troupes constituées, sachant que l’on trouve déjà en Ukraine nombre de forces spéciales, surtout américaines et anglaises, plus des instructeurs et des volontaires.

Mais le point crucial sera celui de l’engagement des forces régulières européennes et américaines, ce qui équivaudrait à une déclaration de guerre officielle, par exemple entre la France et la Russie. Je ne suis pas sûr que les gouvernements se lanceront dans cette voie, d’autant plus qu’il est probable que les opinions publiques, même chauffées à blanc par LCI et les autres médias, seront enthousiastes pour se lancer dans une guerre directe contre la méchante Russie pour soutenir la gentille Ukraine. En Pologne sans doute oui? En France?

J’ajoute que les États-Unis seront les plus réticents de tous, car ils s’approcheraient fortement d’une guerre nucléaire.

À ce stade, soit on négocie sous la probable pression de l’opinion publique, soit les gouvernements européens, prêts à perdre leurs élections au profit d’une vague populiste, s’y lancent, nonobstant les pertes importantes de troupes. Pour les Français, il ne s’agira plus de 50 hommes en dix ans comme au Mali mais plutôt par jour.

Cependant, si l’on continue à raisonner selon ce mode pessimiste ou réaliste, rien ne prouve que les troupes occidentales l’emporteront, car si l’on peut envisager que les Russes effrayés par les troupes de l’OTAN capitulent, ils peuvent aussi se dresser dans un sursaut nationaliste et mobiliser quelques millions d’hommes. C’est alors que l’on peut encore décider soit de négocier, soit de se lancer dans une guerre nucléaire partielle. Si cette dernière échoue, ce sera donc une dernière chance de négocier avant de se lancer dans une guerre nucléaire totale, et à ce stade, je ne sais pas si cela vaut la peine de se risquer à en prévoir l'issue. 

Donc, à quelque étape que l’on se trouve, si les Russes l’emportent, ce qui serait logique compte tenu du rapport des forces, il restera toujours l’option de négocier, c’est-à-dire, ne nous le cachons pas, d’une manière ou d’une autre, de capituler.

Si cela vous parait insupportable, il ne vous reste plus qu’à prier pour que les Ukrainiens l’emportent ou à vous résigner à la guerre totale, quitte à tous mourir. Après tout l’Ukraine vaut bien le Dantzig de 1939 et « nous vaincrons parce que nous sommes les plus forts », comme disait Paul Reynaud, qui n’y a pas cru très longtemps. Mais, quand on est dans son bon droit, il faut aller jusqu’au bout, même si on n’est pas du tout sûr de l’emporter.

Cependant, vous voulez probablement connaitre mon avis, à moins que vous l'ayez déjà compris, puisque vous me lisez. Je pense que compte tenu des incertitudes de la montée aux extrêmes, où les Russes me paraissent plus à l’aise que nous, Européens, il vaudrait mieux négocier tout de suite, c’est moins glorieux mais moins coûteux pour les deux parties.

 

Et toutes mes excuses aux « consultants » de LCI et à leurs fidèles téléspectateurs (1,7 % du PAF), qui voudront bien me pardonner une conclusion aussi piteuse...

 

À SUIVRE (PROBABLEMENT)

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MACHIAVEL, LE MODERNE

3 Février 2023 , Rédigé par André Boyer Publié dans #PHILOSOPHIE

MACHIAVEL, LE MODERNE

MACHIAVEL, LE MODERNE

 

La Renaissance s'efforce de voir les choses telles qu'elles sont et non plus à travers l'illusion chrétienne. À partir de ce principe, Dieu ne créa plus les rois et Machiavel se résolut à écrire le Prince.

 

Il s'y résolut après une longue expérience des choses. Sur l'échiquier dont il parle et sur lequel il a joué de nombreuses parties, il n'y a pas de pièces vertueuses. En proie avec les tours, les cavaliers, les canons, les soldats et l'Assassin, le Roi ne peut pas se dégager en faisant appel à la clémence, la générosité ou la bonté de l'adversaire. Ces pièces morales n'existent dans aucun camp, car il s'agit de prendre possession d'un royaume qui n'est plus au ciel mais sur la terre ferme.

Pendant la Renaissance, on a découvert l'Amérique et la route des Indes par le Cap, et, de ce fait, les richesses ne sont plus fabuleuses. Auparavant, toutes les cailles que l'on avait manquées dans ce monde ci tombaient rôties dans l'autre. Maintenant, l'on sait qu'il faut s'occuper soi-même, le plus vite possible, de toutes les jouissances que l'on désire.

Plus de calendes grecques.

On est désormais entre êtres humains et rien d'autre.

Le monde est devenu petit.

Nous avons plusieurs façons de lire Machiavel. L'une d'elles consiste à chercher dans ses écrits un traité de politique. Mais, au fond, instruits par l'expérience et la masse d'information que nous recevons, nous en savons plus que Machiavel. Nous pouvons viser le même but que lui et plus vite que lui.

Simplement, nous avons moins de franchise, car, à vrai dire, c'est sa franchise qui nous étonne, pire encore, qui nous intimide.  

De nos jours, l'honnête homme parle volontiers des droits de l’homme. Il s'offusque lorsqu'ils ne sont pas respectés. Mais en réalité, ces droits nécessitent la contrainte pour ne pas être totalement bafoués.  Car, même sous la contrainte, la plupart du temps ces droits sont tournés, retournés, détournés. Déjà, dans les simples rapports de commerce, on a recours au contrat à chaque instant, on signe à qui mieux mieux, on multiplie les signes d'engagement, car on sait à quel point les engagements sont précaires.

Et que dire alors des contrats de travail, dont les procédures doivent être respectées à la lettre sous peine de nullité ? C'est que dans le domaine social, le contrat n'a jamais cessé d'être tourné, malgré toutes les protestations de bonne foi.

Il y a même certitude de mauvaise foi dès qu'il y a affirmation répétée de bonne foi.

Dans ce monde, un démenti confirme.

Sur ce point, Machiavel apporte une franchise d'acier. Dès que le contrat se discute, il déclare qu'il sera tourné et quand il est signé, il démontre que la signature ne vaut rien, qu'elle n'engage rien de réel, que l'on vient, tout simplement de perdre son temps. Il défend que l'on parle de bonne foi ; il a même la loyauté de proclamer, avant que les débats ne commencent, qu'ils seront essentiellement présidés par la mauvaise foi.

En cela, il ne s'occupe que de la stricte vérité et à ce titre il est le premier écrivain moderne.

Une autre façon de lire Machiavel est de l'accompagner dans son étude de l'homme, puisqu'il cherche à comprendre comment l'homme peut être gouverné par l'homme, Machiavel est logiquement amené à étudier l'homme et c’est sur ce chemin que nous pouvons aussi l’accompagner.

Pour qui subit la politique plutôt qu'il ne la fait, être berné est chose commune ; en revanche, ce qui importe est que nous croyons à un pouvoir sans limite de l'homme. Non seulement, nous croyons à une valeur de l'homme, mais à la valeur de l'homme. Nous dressons des plans pour une super-humanité, des plans orgueilleux. Nous sommes dans le paroxysme de l'ambition humaine.

L'homme de Machiavel, ce n'est pas le méchant, c'est n'importe quel homme dès qu'il pose en principe que le monde matériel perceptible par ses sens est la seule réalité et qu'en dehors de cette réalité, il n'y a rien.

 

C'est l'homme d'aujourd'hui.

 

À suivre.

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