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Le blog d'André Boyer

L'ancrage spirituel du renouveau, une leçon éternelle

31 Janvier 2009 Publié dans #PHILOSOPHIE

Des populations désemparées, qui ont perdu leurs points de repère. La situation ne date pas d’aujourd’hui, puisque l’histoire nous décrit l’adaptation progressive des hommes aux situations auxquelles ils doivent faire face. Aujourd’hui la crise, hier des peuples qui ne savent plus comment s’organiser alors que le monde est balayé par des vagues de peuples qui détruisent, pillent, mais n’ont aucun modèle à proposer. C’est alors que l’Église….

À la chute de l’Empire Romain, l’Église se trouve mêlée à un tissu social et politique complètement bouleversé. Elle prêche désormais à des peuples désemparés, ayant perdu leurs anciennes références païennes. Dès quatre cent trente après JC, Saint Augustin avait donné l’exemple d’un évêque priant, écrivant, enseignant et visitant les réfugiés dans Hippone assiégée par les Vandales.

Une nouvelle Église monastique et missionnaire émerge, à l’image de l’église irlandaise. Saint Benoît rend la lecture obligatoire dans son ordre monastique. L’Église enseigne la morale du Décalogue, auquel elle ajoute un message de force pour rassurer une population inquiète : Dieu est tout puissant, il protège son peuple. Le Christianisme exorcise l’angoisse, notamment par le symbole du cimetière associé à l’Église. Dans la nécropole proche de la maison de Dieu, les morts chrétiens partagent avec les vivants l’attente de la Résurrection. L’Église offre également un enseignement qui maintient les règles de vie en société au sein d’une population éclatée et traumatisée. À chacun, elle fournit des raisons d’espérer.

Au XIe siècle enfin, le danger collectif s’éloigne ; les raisons de vivre et de croire dépendent plus de ses actes personnels que des aléas de la guerre, de la famine et des maladies. Il faut désormais que l’homme se sente responsable de ses actes. L’Église se consacre à arracher les âmes au désespoir et à l’absurde. La Croix cesse d’être le signe de la gloire de Dieu, elle devient, ou redevient, le symbole du martyre du Christ. Le christianisme s’attaque au drame humain fondamental, celui de devoir assumer la certitude de sa propre mort, en glorifiant la mort du Christ sur le Croix, et elle relie la qualité des actes accomplis au cours de la vie avec la perspective de la mort inéluctable, mais acceptée et glorifiée. 

Dès lors, le fil du progrès matériel peut se renouer….

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La manifestation et l'oligarchie

29 Janvier 2009 Publié dans #ACTUALITÉ

Aujourd’hui il y a eu beaucoup de manifestations. Certains pensent qu’elles sont inutiles, ce ne sont pas elles qui vont résoudre la crise, et nuisibles, parce qu’elles perturbent la vie du pays et qu’elles créent beaucoup de difficultés pour les gens qui vont travailler. Ceux qui manifestent ne sont pas de cet avis. Ils crient leur colère, leur frustration et leur peur.

Colère de voir que les « riches » reçoivent des aides. Comment faire autrement leur rétorque le gouvernement ? Vous préférez que nous laissions les banques faire faillite et que le système financier dans son ensemble s’effondre ? D’ailleurs, tous les gouvernements ont fait de même dans le monde. Frustration d’être sans défense contre une situation qui leur échappe. Sur ce point, personne n’ose leur dire qu’ils ont choisi de ne pas prendre de risque en devenant salariés pour ne pas tomber dans un débat sans fin sur l’absence de choix réel qu'offre la société d’aujourd’hui. Peur de perdre son emploi ou au mieux de voir son niveau de vie menacé et sur ce point non plus personne ne répond parce qu’il n’y a rien à répondre, parce que ce n’est que trop vrai.

En désespoir de cause, les opposants aux manifestations ajoutent que les Français sont les seuls qui manifestent dans le monde. Ce n’est pas tout à fait exact si l’on songe à l’Espagne par exemple, mais il est vrai qu’il y a une spécificité française à faire grève et surtout à manifester.
Pourquoi donc ? Parce que les Français sont bizarres, qu’ils ont une culture spéciale consistant entre autres à manifester à tout bout de champ ? Je n’en crois rien. C’est tout simplement parce qu’ils n’ont pas d’autre moyen de se faire entendre de l’oligarchie. Alors ils descendent dans la rue, avec le vague espoir de se faire entendre, la certitude minimale de se défouler en défilant et le sentiment rassurant de ne pas être isolés puisqu’ils se retrouvent des milliers à faire de même. La fête, la chaleur humaine, la possibilité de crier des slogans hostiles à des gens dont on est convaincu qu’ils ne vous écoutent pas mais qui, face à la foule qui gronde, rembarrent leur morgue et se terrent dans les palais de la République au moins pour quelques heures, avant de reprendre les commandes du petit écran.

C’est que l’exclusivité du pouvoir que s’attribue l’oligarchie a de dangereuses conséquences pour la société française. Elle secrète un sentiment d’exclusion qui n’est pas limité aux banlieues : toute la société française est évincée par cercles concentriques du pouvoir. En temps ordinaire, faute de pouvoir accéder à d’autres fonctions, chacun élève des barrières, se claquemure dans son statut afin de préserver ce qu’il a obtenu parfois de haute lutte, parfois par piston. Tout est fermé, protégé, barricadé, pour éviter la concurrence. Du sommet de l’État jusqu’au plus modeste Rmiste, le mot d’ordre est à la défense des positions acquises. Observez comment depuis 1945, aucun pouvoir, de droite ou de gauche, n’a osé remettre en cause le pouvoir de la même CGT sur le comité d’entreprise d’EDF. C’est qu’en retour le pouvoir attend de la CGT la non remise en cause du statu quo social. Donnant, donnant.

Mais lorsque la pression est trop forte, on se retrouve pour quelques heures « tous ensemble » pour se donner l’illusion, au moins une après-midi, d’être tous solidaires face aux « gros ». Alors on  peut crier sa frustration devant le mur infranchissable que dresse devant soi une oligarchie verrouillée à double tour, une oligarchie qui s’offre alors le luxe chic de quelques frissons de peur et même de se mêler au peuple et plus fort encore, de faire semblant de crier avec lui . Puis les vulgaires, les croquants, les manants, ces malappris, ces pedzouilles, parmi lesquels se sont glissées quelques canailles, reprennent vaille que vaille le chemin de leurs petites niches douillettes, en espérant que le message est correctement passé la-haut: pas touche aux avantages acquis, compris ?


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Autour de l'an Mil, les ferments de renouveau

27 Janvier 2009 Publié dans #PHILOSOPHIE

Nous reprenons, après ces regards sur l’actualité, notre observation sur la marche du monde.

L’Empire Romain a disparu en Europe occidentale. Il n’y a plus d’organisation centralisée, ni de modèle. Seule l’Église offre une façon de voir le monde à laquelle s’accroche la partie de la population européenne qui a été romanisée. Après l’Empire Romain, dont personne n’oublie qu’il se survécut dans l’Empire Byzantin, sans oublier la continuité de la civilisation chinoise et des civilisations amérindiennes, il ne fait aucun doute qu’une autre période de l’histoire des civilisations commençait.

Les terreurs qui accompagnent le changement de millénaire symbolisent bien le changement de mentalité qui s’opérait dans une Europe qui se reconstruisait sur les décombres de l’Empire Romain. La croissance démographique va s’y accélérer progressivement ; elle s’accompagnera de la jonction, de gré et de force, entre l’Europe et le reste du monde. 

En l’an Mil, la Cité antique est morte étouffée, le monde romain est déchu. Aucune structure ne l’a remplacé, laissant l’impression d’un piétinement, d’un échec, d’un recul. En mille ans, la population mondiale a légèrement diminué, passant de 250 à 220 millions d’habitants. La régression collective se traduit par l’affaiblissement du langage, et en particulier de l’écrit. Seules, isolées, l’Irlande et la Grande-Bretagne parviennent à conserver un latin non abâtardi.

Du fond de l’effondrement de l’Empire apparaissent des indices de renouveau. La coupure des réseaux de communication a plongé les campagnes dans une léthargie réparatrice. La reconstruction sociale de l’Europe s’effectue autour des trois liens de vassalité, de seigneurie et de fief, élaborés entre le VIe et le XIIIe siècle.  L’Eglise y appose le sceau de la transcendance.

Toute la problématique de l’Europe post-romaine est centrée sur le besoin de protection. Le lien seigneurial s’est imposé comme un substitut à celui de la famille étendue. Le seigneur attend la fidélité et le service tandis que le vassal sollicite la protection. Le roi ajoute l’impôt à l’hommage et au fief, en échange d’une paix élargie. L’Eglise limite la violence comme moyen de règlement des conflits en la bornant aux combats entre les chevaliers et leurs auxiliaires. C’est elle qui va offrir, de fait, les réponses qu’attendent des populations désemparées…

 

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Imaginer un Barrack Obama français...

25 Janvier 2009 Publié dans #ACTUALITÉ

J’ai présenté dans le blog du 19 janvier dernier les carrières comparées de Barack  Obama et de Jacques Chirac, en insistant sur l’opposition de leurs deux parcours. Mais, alors que j’ai détaillé la carrière de Jacques Chirac, je n’ai quasiment rien dit de celle d’Obama, me contentant de qualifier sa carrière de « celle  d’un noir américain issu d’un milieu assez modeste, sans appui politique particulier et n’appartenant pas à « l’élite » américaine ».  Il est temps de donner plus de détails en invitant mes lecteurs français à essayer d’imaginer la carrière qu’aurait pu faire un « Obama français » dans des circonstances analogues.

Barack Hussein Obama est né le 4 août 1961à Honolulu (Hawaii) de parents étudiants. Son père, Barack Obama Sr., est kenyan et sa mère, Ann Dunham, vient du Kansas avec des origines irlandaises, écossaises et cherokees. Ses parents se séparent alors qu'il n'a que deux ans et Barak Jr. ne reverra son père qu'une seule fois avant le décès de ce dernier en 1971. Sa mère s'est entre-temps remariée avec un étudiant indonésien ; la famille s'installe à Jakarta en 1967 où naîtra Maya, la demi-soeur de Barack. Quatre ans plus tard, Barack  retourne à Hawaii chez ses grands-parents maternels pour faire ses études. Après le lycée à Honolulu, il étudie deux ans à Los Angeles à l'Occidental College puis à l’université Columbia à New York, une des meilleures universités américaines, dont il sort diplômé en science politique et relations internationales en 1983. C’est indiscutablement un étudiant brillant qui arrive sur le marché du travail en tant qu’analyste financier avant de choisir de travailler comme animateur social dans le South Side, le  quartier noir de Chicago, pour aider les églises à organiser des programmes de formation pour les résidents de ces quartiers pauvres. On peut difficilement imaginer un travailleur social devenir président de la République en France…

Jusqu'en 1987, il arpente le South Side pour aider les résidents à s'organiser dans la défense de leurs intérêts, pour obtenir le désamiantage des logement sociaux et l'ouverture de bureaux d'embauche. Il se rapproche alors de la Trinity United Church of Christ. Il quitte ensuite Chicago durant trois ans afin d’étudier le droit à Harvard Law School à Cambridge où il côtoie l’élite intellectuelle des Etats-Unis. À l'été de 1989, son charisme impressionne aussi  bien Michelle Robinson, avocate associée chez Fidley and Austin, le cabinet d'avocats où il fait son stage que ses collègues de la prestigieuse revue de droit Harvard Law Review dont il devient le premier rédacteur en chef afro africain. Il sort de Harvard Law School diplômé magna cum laude en 1990. Il revient alors à Chicago pour devenir entrer dans un cabinet juridique spécialisé dans la défense des droits civiques tout en enseignant le droit constitutionnel à l'université. Le 18 octobre 1992, il se marie avec Michelle Robinson à l'église de la Trinity United Church of Christ. Le couple aura deux filles, Malia Ann et Natasha, nées respectivement en 1999 et 2001.

En 1996, Barack Obama réussit à se faire élire sénateur de l’Illinois en tant que représentant de la circonscription du South Side de Chicago. En 2000, il ne parvient pas à se faire désigner candidat à la Chambre des représentants des Etats-Unis lors des primaires démocrates, mais quatre ans plus tard il récidive au Sénat, saisissant l’occasion de la retraite du Sénateur démocrate sortant. Son charisme joue à plein, puisqu’il est élu Sénateur le 2 novembre 2004 avec plus de 70% des voix face à son adversaire républicain, devenant le seul homme de couleur à siéger au Sénat. Son charisme et sa couleur jouent désormais ensemble en sa faveur et il devient à la mode. À partir de ce moment, son ascension aurait aussi été possible en France.

Lors d'une collecte de fonds pour les primaires démocrates en 2004, il rencontre John Kerry, qui lui demande d'intervenir durant la Convention démocrate de Boston. Le 27 juillet 2004, il prononce un discours programme qui enflamme les délégués du parti démocrate. La large couverture offerte par les médias nationaux lui ouvre la voie de la célébrité et le décide à briguer l’investiture du parti, investiture qu’il obtient le 28 août 2008 au terme d'une élection primaire longuement disputée avec Hillary Clinton. Il est élu, comme chacun le sait, par 53% des voix le 4 novembre 2008, avec un taux de participation exceptionnellement élevé de 66% des électeurs inscrits.

La suite de cette élection reste à écrire. Mais ce qui devrait troubler un citoyen français, c’est la possibilité offerte par le système américain à un Barak Obama issu d’une famille modeste et nullement représentative de l’Amérique profonde d’émerger depuis Hawaï. C’est celle de pouvoir progresser rapidement à partir une fonction d’animateur social jusqu’à une brillante carrière de juriste et d’être propulsé par  les électeurs de l’Illinois d’un poste équivalent à celui de conseiller régional à celui de Sénateur et de candidat à la Présidence des Etats-Unis. Même s’il est aussi avocat, s’il n’est pas non plus représentatif du Français moyen et s’il possède d’indéniables qualités personnelles, il a fallu beaucoup plus de fées sur le berceau de Nicolas Sarkozy pour qu’il soit élu Président de la République Française…

Bien sûr, vous ne croyez pas au fond de vous à un conte de fée aussi charmant, concernant Barrack Obama. Et vous avez raison. Nous en reparlerons dans quelques jours. Retenez juste un nom: Brezjinski. 

 

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L'affaire Battisti/Bruni

23 Janvier 2009 Publié dans #HISTOIRE

Très récemment, nous avons appris que le gouvernement brésilien avait accordé l’asile politique à Cesare Battisti. Les médias français ont mentionné l’affaire brièvement, mais l’opinion, la presse et la classe politique italienne se sont enflammées. L’affaire Battisti menace de devenir un incident diplomatique entre l’Italie, le Brésil et la France. Carla Bruni risque d’être poursuivie par les tribunaux italiens pour avoir œuvré afin de soustraire un condamné à la justice italienne.

Que s’est-il passé et surtout pourquoi un tel acharnement à soutenir Cesare Battisti de la part des cercles les plus élevés de la nomenklatura française ?

Rappelons nous les faits qui fondent cette affaire. Cesare Battisti, un ancien dirigeant du Mouvement des Prolétaires Armés pour le Communisme (PAC),   a été condamné pour quatre meurtres. Il a été jugé et condamné en mars 1993 à la réclusion à perpétuité par contumace lors de trois procès par la Cour d’Assise de Milan. L’absence de l’accusé au procès ne l’a cependant pas empêché, selon la loi italienne, d’être défendu par des avocats qui ont deux fois interjeté appel. Les Cours d’Appel ont confirmé les jugements rendus en première instance. Avant que ne commencent ses assassinats, Cesare Battisti avait déjà purgé une peine de prison pour des délits de droit commun. Caché à Paris, il est devenu gardien d’immeuble et surtout auteur de romans policiers, ce qui l’a introduit auprès de Fred Vargas, l’écrivaine bien connue de romans policiers.

C’est alors que François Mitterrand, pour se donner l’image d’un homme de gauche et de cœur, décide un jour de protéger les terroristes italiens réfugiés en France. Le 20 avril 1985 au congrès de la Ligue des Droits de l’Homme, il fait la déclaration suivante : « Prenons le cas des Italiens : sur quelque trois cents qui ont participé à des actions terroristes avant 1981, plus d’une centaine sont venus en France, ont rompu avec la machine infernale, le proclament et ont abordé une deuxième phase de leur vie. J’ai dit au gouvernement italien que ces Italiens étaient à l’abri de toute sanction par voie d’extradition… » .

On notera l’extraordinaire mépris de la loi professée par l’ex-avocat Mitterrand, alors Président de la République Française : « j’ai dit ». Ce « j’ai dit » suffira pour protéger Cesare Battisti : il avait été adoubé par le Président de la République, il faisait désormais partie de l’oligarchie, sa personne était sacrée. L’avocat Jean-Pierre Mignard, conseil de Mitterrand pour les réfugiés italiens, affirmera : « il s’agit d’une politique de l’État, qui a engagé la République, plusieurs ministres, les services de la justice, de la police, sous les gouvernements Mauroy, Fabius, Chirac, Rocard, Cresson, Bérégovoy, Balladur, Juppé, Jospin. Soit deux présidents de la République, trois septennats et neuf Premiers ministres. » Alors, peu importe la loi, pensez donc !

Entre-temps, l’Italie a demandé l’extradition de Battisti dés 1991. Les arguties juridiques commencent en France, toutes en faveur de Cesare Battisti. La Chambre d’accusation française refuse l’extradition au motif qu’elle est fondée sur des mandats d’arrêt et non sur une condamnation définitive. Cette dernière arrive finalement et le Garde des Sceaux demande au Parquet Général de Paris l’arrestation de Battisti, qu’il n’obtient pas. En février 2004, Battisti est finalement arrêté, puis remis en liberté sous contrôle judiciaire. Le 30 juin 2004, il comparait libre devant la Cour d’Appel de Paris qui ordonne son extradition. Battisti fait appel devant la Cour de Cassation, qui rejette son pourvoi. Du coup, il décide de se cacher jusqu’à ce qu’on le retrouve au Brésil où il est finalement arrêté, dans l’attente de son extradition. Entre-temps on n’avait pas consacré de gros efforts en France pour le retrouver.

Avec la recommandation de Nicolas Sarkozy, Fred Vargas s’adresse à Ignacio Lula da Silva Lula, le président du Brésil, puis comme cela ne suffit pas, Carla Bruni  intervient elle-même auprès du Chef de l'Etat brésilien. On imagine que l’affaire a été définitivement bouclée lors du voyage au Brésil du couple Sarkozy à la fin de l’année 2008 et le gouvernement brésilien, qui le détenait depuis mars 2007, a soudainement accordé « l’asile politique » à Cesare Battisti, comme si ce dernier était persécuté par une dictature !

La popularité de Carla Bruni  dans les cercles de l’oligarchie française en sort  heureusement renforcée. En outre, Elle a démontré aussi qu’elle était capable d’influencer son mari, assez pour qu’il accepte d’en subir les effets négatifs sur les relations avec l’Italie et d’en payer le prix auprès du Brésil, sans doute sous la forme de transferts technologiques.  Il faut convenir que cela vaut le coup, tant l’affaire Battisti suscite de passions au sein de nos élites. Alors il vaut mieux se fâcher avec l’Italie et céder au Brésil plutôt qu’être boudé par des gens que l’on fréquente quotidiennement.

Car ils sont furieusement entichés de ce terroriste romantique, nos oligarques ! Souvenons-nous : lorsque la Cour d’Appel de Paris demande l’extradition de Cesare Battisti, le 30 juin 2004, c’est un tollé général. Libération a raconté la scène : Jacques Bravo, le maire du XIe arrondissement est décomposé.  Fred Vargas est en larmes ; il faut dire qu’elle a écrit un livre pour défendre Battisti. Guy Bedos déclare que « le gouvernement vient de se déshonorer en faisant ce cadeau à Berlusconi ». Dominique Grange et Lola Lafon chantent, le poing levé. Un peu à l’écart, Philippe Sollers et Bernard Henry Levy s’indignent. Ils sortent du Théâtre de l’Oeuvre où les personnes citées s’étaient réunies avec, en autres, Danielle Mitterrand, les chanteurs Georges Moustaki et Lio et l’actrice Miou-Miou : tout un peuple indigné par la condamnation qui frappe l’un des leurs. Ils sont appuyés dès le lendemain par un communiqué des Verts qui «demandent solennellement au Premier Ministre de ne signer en aucun cas le décret permettant l’extradition de Cesare Battisti »

 C’est que l’un des membres coopté par l’oligarchie est en danger. L’Etat français et maintenant l’État brésilien, que l’on indemnisera au besoin, doivent voler à son secours. Dans une telle situation, l’État français n’a de compte à rendre à personne, ni à l’État italien, ni aux principes du droit. Nicolas Sarkozy s’inscrit dans cette tradition. Il a cru habile de se défausser sur le Brésil, la suite de l’histoire montrera si cette habileté fera long feu ou non.

Mais l’essentiel de cette histoire se situe dans l’obligation qu’il a, lui et son épouse, de rassurer l’oligarchie française. Il faut dire à ces gens qu’on les écoute même lorsqu’ils s’entichent pour un assassin. Il faut qu’ils sachent que, tant qu’ils font partie de l’élite et qu’ils ne trahissent pas le pouvoir en place, ils seront toujours protégés.

Après avoir écrit l’article ci-dessus, j’ai vérifié ma documentation et j’ai découvert l’article suivant de Cesare Martinetti, du Journal La Stampa, écrit dans le Monde du 16 janvier 2009, sous le titre « Cesare Battisti bientôt libre, l'Italie à nouveau offensée ». Je vous en livre quelques extraits, qui expriment bien ce que pensent la presse italienne :  « Après le président français Nicolas Sarkozy (qui, le 12 octobre, a refusé l'extradition de la brigadiste Marina Petrella), c'est au tour d'Ignacio Lula da Silva, président du Brésil, d'offenser l'Italie en refusant l'extradition d'un terroriste condamné à des sentences passées en jugement, à l'issue de procès réguliers tenus devant des jurys populaires et validés par la Cour de cassation. (…) Derrière l'opération Battisti, en effet, comment ne pas deviner la main de Sarkozy ? Depuis que le président s'est marié avec Carla Bruni, il n'est plus le même qu'avant. L'ex-mannequin italien, désormais première dame de France, a introduit à l'Elysée le virus de ce milieu intellectuel, bourgeois et gauchiste qui a accueilli, protégé et flatté les réfugiés italiens avec une fraternité inconnue aux quelques terroristes autochtones. (…) Quand, enfin, les juges ont accordé son extradition (été 2004), Battisti a été mis en condition de s'échapper. Quand, enfin, il a été arrêté au Brésil, Sarkozy a demandé à Lula de hâter la sale besogne (...) Cesare Battisti, un assassin condamné, peut recouvrer la liberté. La justice italienne est mortifiée. Les librairies du boulevard Saint-Germain se préparent à accueillir le nouveau roman du terroriste-écrivain. »

Monsieur Martinetti, vous oubliez qu’en France, la loi n’est contraignante que pour les faquins. Battisti, tout assassin qu’il est, a été adoubé par notre Président de la République: il peut dormir tranquille.



Libération du 1er juillet 2004, pages 4,6 et 7.

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Vous voulez faire partie de l'élite, pauvre hère?

22 Janvier 2009 Publié dans #HISTOIRE

Je signalais dans mon Blog de lundi 19 janvier, les trajectoires opposées des carrières politiques de Barak Obama et de Jacques Chirac. J’ai choisi l’exemple de ce dernier parce que son mode d’accès au pouvoir illustre jusqu’à la caricature la fermeture des élites françaises, par comparaison avec l’émergence d’un Barak Obama surgi des profondeurs de la société américaine. J’aborderai plus tard l’explication historique de la fermeture, et naturellement les possibilités d’évolution du système français de répartition des pouvoirs.

J’invoque la fermeture des élites. Imaginez un instant que vous, pauvre hère, vous donniez pour objectif d’entrer dans le cercle merveilleux des oligarques afin d’y vivre à votre aise, célèbre et célébré, sinon heureux. Il existe trois voies pour en approcher : le pouvoir politique central, la gloire, qu’elle soit artistique ou scientifique, ou l’argent. Mais, quelle que soit la nature de vos mérites, il vous sera indispensable de soutenir l’oligarchie par vos actes et par vos déclarations si vous voulez qu’elle ne vous élimine pas brutalement. Coluche l’a mesuré, Dieudonné le constate aujourd’hui. Pour être agréé, il est indispensable de ne pas scier la branche sur laquelle l’oligarchie est assise. N’attaquez pas le fonctionnement des institutions politiques. Ne vous offusquez pas du faible pouvoir du Parlement, de l’inutilité du Sénat, de l’omniprésence du Président, de la partialité du Conseil Constitutionnel. Trouvez les institutions de la République plutôt bonnes, même si vous pouvez toujours déclarer qu’elles sont perfectibles, bien sûr. C’est une remarque qui ne choquera personne.

En un mot, soyez Républicain.

Ne vous avisez pas de dénoncer les combines qui lient le pouvoir politique, le pouvoir économique, les medias et les célébrités. Emmanuelle Béart, Claude Bébéar sont de bonnes âmes. La speakerine Béatrice Schönberg a fait un mariage d’amour avec le Ministre Jean-Louis Borloo ; l’un et l’autre font leurs métiers respectifs en toute indépendance. Criez avec les loups, signez les pétitions, allez manifester pour les justes causes, celles qui consistent à dénoncer les injustices extérieures au système comme la faim dans le monde, les ségrégations, la lutte contre les maladies, l’intolérance. Alors vous aurez rempli quelques-unes des conditions nécessaires pour être accepté par l’oligarchie.

Ce n’est naturellement pas suffisant. Pour y pénétrer vraiment, il faudra en outre disposer d’amis d’école, habiter depuis longtemps dans les bons quartiers, avoir rendu des services et être en position d’en rendre de nouveaux. Au sein de l’oligarchie, chacun veille à ce qu’aucun trublion issu d’une lointaine province ou d’une quelconque entreprise ne vienne troubler le jeu. On sait comment les hommes politiques issus de la base comme Pierre Bérégovoy ou René Maunoury ont dû composer, limiter leurs ambitions et capituler face au noyau oligarchique central. Bernard Tapie a cru pouvoir y entrer en force ; sa manière d’agir n’a pas plu, et il s’en est trouvé exclu jusqu’au moment où il a accepté de se limiter au rôle d’amuseur public et où il a rencontré un ami puissant à la tête de l’Etat qui lui a permis de toucher le jackpot.

Une fois entré dans le cercle, il n’existe quasiment aucun risque d’en être ensuite éjecté. Certes, le combat entre les membres de l’oligarchie ne cesse pas pour autant. Il consiste à écarter les rivaux pour la fonction que l’on guigne. Pour les plus ambitieux, le pinacle peut être envisagé qui consiste à obtenir les postes de Ministre, de Premier Ministre voire de Président de la République. Les membres plus modestes du cénacle peuvent toutefois envisager des fonctions plus circonscrites, comme la présidence d’une organisation publique par exemple, qui ont tout de même le mérite de fournir des avantages substantiels et qui ne nécessitent pas de batailles trop farouches. Car si l’on veut s’approcher du cœur battant du pouvoir, la férocité est la règle et le combat occupe presque entièrement les esprits des oligarques qui s’y risquent.

Une oligarchie verrouillée à double tour, donc. Pour survivre, il lui faut se défendre collectivement, ce qui signifie qu’elle se doit de protéger ses membres lorsqu’ils sont attaqués. Et elle le fait avec une rare énergie même pour ses membres les plus indignes. En observant l’acharnement qu’elle y met, on peut mesurer la hauteur de la barrière qu’elle dresse entre elle et le peuple, un rempart qu’elle élève entre l’assassin défendu par « l’élite », l’escroc qui détourne des dizaines de millions d’Euros et n’est condamné qu’à une peine avec sursis, le haut fonctionnaire qui dilapide des milliards d’Euros et jouit tranquillement de la retraite, et ceux qui doivent acquitter tout de suite leurs contraventions pour excès de vitesse même si leur compte en banque est vide, qui perdent leur emploi parce qu’un imbécile a fait une erreur stratégique, ou à qui on inocule du sang contaminé pour faire des économies. Un mur infranchissable, vraiment.

J’en donnerai un exemple dans mon prochain blog, avec l'affaire BRUNI /BATTISTI avant d’en aborder les conséquences.

 


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Pour tout vous dire...

21 Janvier 2009 Publié dans #INTERLUDE

Aujourd’hui, comme je n’ai pas eu le temps d’écrire un article complet, vais-je en profiter pour exposer le but et les caractéristiques de ce blog.

J’ai commencé ce blog en début d’année, en faisant connaître graduellement à mes correspondants habituels son existence. Je le modifie en permanence, dans son écriture et dans sa composition. Les écrits que je publie sont soit écrits et publiés le jour même, soit extraits et adaptés de textes que j’ai écrits auparavant.

À ce jour j’ai défini quatre rubriques :

- Actualités, une rubrique qu’il n’est pas nécessaire d’expliciter.

- Trajectoire, (que j’ai appelé auparavant « Vérité ») est une rubrique qui s’appuie sur un ouvrage que j’ai écrit et non publié, intitulé « L’orphelin ». Je me propose de rappeler l’évolution de l’humanité dans ses actes (l’homme descend de l’arbre),   sa vision du monde (les religions), ses techniques (l’écriture), l’organisation du pouvoir (les empires). L’ensemble engendre une certaine conception de ce qui apparaît comme « la vérité »,   une vérité provisoire et en pleine évolution. Nécessaire à mon avis pour comprendre le passé et surtout penser le futur.

- Oligarchie. Je m’intéresse comme vous à l’évolution de la société française dans laquelle je vis. Mon diagnostic, qui m’a conduit à écrire un ouvrage non encore publié intitulé « Trente trois ans d’arrogance », est que la société française est dirigée par une oligarchie qui freine son épanouissement et son évolution, parce qu’elle empêche par définition un grand nombre d’acteurs potentiels d’agir.

- Interlude. Ce sont des textes, celui-ci en fait partie, qui visent à faire partager au lecteur une expérience de vie ou une réflexion d’ordre personnel comme celui-ci. Un moment de complicité…

Le blog, comme la vie, est en évolution permanente. Il m’arrive de réécrire certains articles, je l’ai fait pour l’article intitulé « la trajectoire »  ou de modifier  des titres (Barak, sans c, est devenu plus simplement Obama) et évidemment de corriger les fautes de français et d’orthographe que je relève. Je prévois de proposer de nouvelles rubriques, notamment une rubrique sous le titre de « gestion » qui sera consacrée à des réflexions liées à mon activité d’enseignant chercheur en sciences de gestion. J’ai en projet de vous proposer des analyses sur le cas très intéressant de Cesare Battisti, sans oublier la suite de ce que j’ai écrit sur « Obama et Chirac, deux styles opposés d’accession au pouvoir », sur la crise pas seulement économique, sur les prisons ou sur les universités, et évidemment sur ce que l’actualité offre de remarquable à mes yeux. Mon idée est de partager avec vous une certaine vision du monde, d’analyser les crises et la situation particulière de notre société, de comprendre ce qui se passe, de prévoir la suite des événements et de chercher de nouvelles voies.

Naturellement, j’essaie de tenir compte du dialogue que j’ai avec mes lecteurs, plus par mail actuellement que par réactions directes sur le blog. Je souhaite naturellement qu’il y en ait pour que les autres lecteurs en profitent. J’ai remarqué aussi que certains articles (comme celui sur Julien Dray) suscitaient plus d’intérêt que d’autres.

Jusqu’à ce jour, l’écriture régulière d’un blog s’avère une entreprise prenante mais tout à fait intéressante par le défi personnel qu’elle représente (écriture, analyse et continuité) et par le flux d’échange qu’elle génère.

 

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Rome, la cité globale qui finit par se disloquer

20 Janvier 2009 Publié dans #PHILOSOPHIE

La réponse à l’échec des grands États hypercentralisés, ce fut la création de l’espace politique de la cité, dans laquelle la vie politique se confondait avec la vie quotidienne. Cette réponse est bien oubliée aujourd’hui, alors que les décisions qui affectent le citoyen sont toujours prises ailleurs, sans sa participation. Seule son approbation passive est sollicitée. Les peuples comme leurs dirigeants ont toujours tort de vouloir ignorer la leçon de l’histoire.

La voici :

Il y a moins de trois mille ans, à l’ouest du continent euro-asiatique, la Cité restait l’unité politique de base. Elle constituait un espace d’environ mille kilomètres carrés, que l’on pouvait parcourir à pied depuis la périphérie jusqu’au centre en une journée. Dans cette enceinte se jouait la vie politique quotidienne, s’exprimaient les liens familiaux, tribaux ou linguistiques et se manifestait la présence des morts.

Rome est l’archétype de l’Empire qui se constitue en agrégat de Cités. Le lien entre la Cité et l’Empire se noue au travers d’un énorme réseau de communication qui est le vecteur de l’extrême centralisation du pouvoir Romain. Le secret du succès de Rome réside dans sa constance stratégique inébranlable et dans sa volonté politique hors du commun, symbolisée par le camp romain que les légionnaires construisaient en trois heures, à chaque étape.

Le point faible de l’organisation romaine se situe dans le coût énorme de ce réseau de communication. Dans la phase d’expansion, le réseau sera financé par les conquêtes. Puis, quand les frontières de l’Empire se figeront, l’impôt nécessaire à l’entretien du réseau deviendra de plus en plus lourd. Mais l’effondrement de Rome fut fondamentalement moral.

À partir du IIe siècle, à force de coups d’États, les Romains finirent par ne plus croire en la valeur unique de leur Cité, comme les Grecs, à force de querelles, s’étaient résignés à s’en remettre à la force plutôt qu’au droit. La Légion des citoyens cessera alors d’être invincible. Les Barbares sont logiquement attirés par la prospérité, fruit du labeur romain. Ils se pressent aux frontières, s’emparant progressivement des lambeaux de l’Empire. La prospérité disparaît sous leurs coups.

On a soutenu l’hypothèse que l’idéologie chrétienne avait rongé l’Empire de l’intérieur. Rome était déjà taraudée de doutes, lorsque Dioclétien prit en 303-304 les décrets de persécution des Chrétiens, soulevant aussitôt une résistance qui permit à la minorité chrétienne de prendre le pouvoir dès 312. À cette époque, la cohérence païenne de Rome, qui constituait son fondement idéologique, n’était plus défendue par ses citoyens. Les Chrétiens pouvaient accoler à Rome leur propre vision, qui ne permettait pas de défendre l’Empire.

Nous pouvons avancer que chaque structure a sa logique qui ne résiste qu'à un moment particulier de l'histoire des hommes. Cette histoire, en avançant, fragilise la structure des temps précédents, les fait disparaître avant d'en susciter de nouvelles. Le système des nations, des régimes parlementaires, de la démocratie représentative fait entendre des craquements qui annoncent sa fin selon une dynamique que nous ne pouvons pas anticiper.

Pour le modèle romain, vint donc l’invasion de l’Empire ; le monde occidental s’effondra comme le démontre la démographie. Entre 200 et 800 après JC, la population mondiale stagna autour de deux cents millions d’habitants. Au VIIIe et IXe siècle, la peste ravagea l’Europe. Elle ne s’arrêta que lorsque les routes furent désertées.

Et la vie reprit ses droits, de nouvelles structures émergèrent 


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Obama et Chirac, deux styles opposés d'accession au pouvoir

19 Janvier 2009 Publié dans #HISTOIRE

L’élection de Barack Obama suscite d’immenses espoirs, trop grands sans doute pour qu’ils ne soient pas déçus. Mais laissons l’espoir vivre encore un peu, un espoir qui provient de la nouveauté de cette élection, celle  d’un noir américain issu d’un milieu assez modeste, sans appui politique particulier et n’appartenant pas à « l’élite » américaine. Il est bien possible qu’un jour, la France ait un président de couleur ou issu de l’immigration, mais ce sera pour l’image, comme lorsque Nicolas Sarkozy est allé chercher le directeur d’Audencia, kabyle d’origine, pour en faire avec un succès mitigé, un préfet. C’était pour l’image. De même a t-il choisi Rachida Dati pour le symbole. Mais c’est lui qui l’a choisie, pas Rachida Dati qui s’est imposée à lui, encore que l’image commence, semble t-il, à échapper à son inventeur.

En France, on trouve déjà remarquable que Nicolas Sarkozy soit Président de la République alors qu’il n’est même pas Énarque. Mais il est tout de même issu du sérail. Il a fait ses classes auprès de Jacques Chirac tout jeune, à 22 ou 23 ans, et il a gravi depuis toutes les marches du pouvoir, sauf les toutes dernières, cornaqué par Chirac puis Balladur. Aussi serait-il extravagant qu’un outsider tel que Barack Obama devienne Président de la République Française sans avoir été au préalable adoubé par le haut personnel politique. Il faut en effet prendre conscience de la fermeture du système politique français. Lorsque l’on n’y est pas né, il n’est pas simple d’entrer dans cette oligarchie qui constitue une forme particulière de regroupement familial. La plupart du temps, on y accède à la naissance ou au plus tard à l’âge de vingt ans. Dans ce dernier cas, c’est l’accession aux grandes écoles qui ouvre la porte, à condition d’avoir aussi des relations dans l’oligarchie. Aujourd’hui, l’E.N.A. a pris la suite de l’Ecole Polytechnique, qui a glissé d’un corps d’ingénieurs à un corps de managers à dominante scientifique. L’E.N.A. sert de  paravent  à Sciences-Po Paris qui fournit comme par hasard l’essentiel de ses élèves, et dont on voit d’ailleurs le rôle éminent accordé par le pouvoir politique à son directeur, considéré comme une sorte de gourou.  C’est Sciences-Po Paris qui constitue le vivier des cadres du pouvoir politique français d’aujourd’hui et cette ambition ne serait pas outrecuidante si elle ne visait pas à éliminer toute concurrence. Essayez donc de devenir Directeur du Trésor sans être Enarque...

Pour illustrer par un exemple concret la fermeture du système politique français, il suffit d’observer l’ascension vers le pouvoir de l’un quelconque de nos présidents de la Ve République. J’ai choisi le cas de Jacques Chirac qui est encore frais dans nos mémoires sans être toutefois encore en place, ce qui nous évitera de tomber dans une actualité politique trop brûlante. Si vous croyez que Jacques Chirac est un enfant corrézien qui est monté à Paris, vous vous trompez du tout au tout. Il est issu d’une famille aisée qui habitait dans l’un des quartiers les plus huppés de Paris. Il a fait ses études aux Lycées Carnot et à Louis le Grand, l’un des lycées de l’élite parisienne où, dés l’adolescence, il a fait la connaissance de ses futurs condisciples de la haute société politique, administrative et économique. Il s’est inscrit  à l’IEP de Paris où il a retrouvé ses  condisciples du Lycée Louis le Grand, entre autres.

L’IEP de Paris constituait le marchepied idéal pour réussir l’ENA et pour y faire l’opportune rencontre d’une jeune fille dont la famille était très influente. Bernadette Chodron de Courcel, sa camarade de classe de l’Institut d’études politiques de Paris et sa future femme, est en effet l’une des nièces de l’aide de camp du Général De Gaulle pendant la guerre. Sortant de l’ENA à vingt-sept ans après son service militaire en Algerie, Jacques Chirac est nommé auditeur à la Cour des Comptes. Marcel Dassault prend alors en main la carrière politique du jeune Chirac qu’il connaît depuis l’enfance. En effet, les familles Bloch Dassault et Chirac étaient très amies depuis les années trente et le père de Jacques Chirac avait été le directeur général d’une des sociétés de Marcel Dassault. Il faut convenir que Marcel Dassault avait une bonne intuition politique puisqu’il avait confié en 1935 une partie de ses affaires à Edmond Giscard d’Estaing dont le  fils deviendra aussi Président de la République, comme par hasard. Pour le moment, Marcel Dassault s’engage à obtenir pour le fils Chirac un poste de secrétaire d’État à l’Aviation, comme par hasard aussi. L’opération n’aboutit pas, mais il obtient en compensation que Jacques Chirac soit nommé chargé de mission à l’aéronautique, aux transports, à la construction et à l’aménagement du territoire dans le cabinet du Premier ministre Pompidou, à l’age de trente ans. Beaucoup de jeunes gens de trente ans aimeraient qu’on leur confie seulement le centième des responsabilités que la République Française, confiante, octroya les yeux fermés au jeune énarque. 

Il ne lui restait plus qu’à recevoir l’onction du suffrage universel. Le cabinet du Premier Ministre, où il officiait, n’eut pas trop de mal à lui en trouver un, en le faisant d’abord entrer au conseil municipal de Sainte-Fereole sans même qu'il se soit présenté, puis en l’envoyant au combat contre l’opposition dans la circonscription d'Ussel en Corrèze. Bénéficiant du soutien de Marcel Dassault et de son journal, il battit en mars 1967 son adversaire communiste Georges Émon, en bénéficiant de la neutralité bienveillante d’Henri Queuille et du maire d'Égletons, le socialiste Charles Spinasse. Auréolé de cette belle victoire, il fut immédiatement appelé au poste de Secrétaire aux Affaires Sociales dans le gouvernement de Georges Pompidou. À 35 ans, n’ayant jamais eu aucune responsabilité au sein d’une entreprise ou d’une administration, il était chargé de l’ensemble des affaires sociales du pays. Un an plus tard, en mai 1968, il conduira sous la houlette de Georges Pompidou les négociations de Grenelle. Protégé par Marcel Dassault et par Georges Pompidou, Jacques Chirac était désormais en mesure de faire valoir son dynamisme, son appétit et sa capacité à écarter les concurrents de son chemin. Il ne décevra pas ses mentors.

L’ensemble du personnel politique français se reconnaîtra aisément dans le parcours de Jacques Chirac, car ils ont tous suivi, avec des fortunes diverses, le même processus d’accession au pouvoir que lui. Ce processus ne laisse pas beaucoup de place à des outsiders du genre de Barack Obama, de petits avocats de province (l’expression « province » est déjà éclairante) qui se feraient  élire députés puis brigueraient la Présidence de la République  sans avoir été adoubés par le Président de la République en place ou par les dirigeants du principal parti d’opposition. Je montrerai dans l’article suivant quelques-unes des  conséquences que cette fermeture des élites provoque sur la société française, sur son bien être et sur ses complexes.

  Mais pour aujourd’hui cela suffit. Réjouissons nous avec les Américains qu’un homme sans appuis ait réussi, par chance et par mérite, à devenir Président des Etats-Unis d’Amérique. C’est déjà ça. 

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Les racines du pouvoir et de sa désagrégation

17 Janvier 2009 Publié dans #PHILOSOPHIE

Avec la prééminence de la vie matérielle sur la vie spirituelle et le développement de l’agriculture qui en résulte, les premières villes font leur apparition. C’’est peut-être Jericho, cent siècles avant JC, Jéricho qui est la première ville de l’Histoire. On y trouve, vivants ensemble dans la même enceinte, le nombre fabuleux de mille personnes qui y apprennent la dure leçon de la promiscuité. Aussi la violence s'amplifie t-elle. Pour la maîtriser, les premiers citadins inventent une nouvelle structure, la Cité.

Aux portes de cette Cité, les pillards, les cavaliers et les nomades menacent. Depuis que le premier Australopithèque est descendu de l’arbre, aucune société humaine n’a jamais subsisté sans autorité. Le pouvoir politique a toujours été présent, que ce soit dans la bande, la horde ou la tribu. Avec la Cité et bientôt les Cités regroupées dans des Empires, le pouvoir se perfectionne pour répondre à la complexité croissante des agrégats humains.

Mais qu’est-ce que le pouvoir ? Ce n’est pas seulement la force. Il ne trouve sa légitimité profonde que dans le sacré. Le pouvoir ne peut se contenter de raisonner ses sujets, il a besoin d’être consacré. C’est pourquoi il lui faudra toujours invoquer la religion, les valeurs éthiques et la tradition. Aujourd’hui encore, il se réfère à des valeurs sacrées, aussi bien profanes que religieuses. C’est pourquoi la laïque République Française possède une trilogie de termes sacrés, « Liberté, Égalité, Fraternité » et elle ne s’interdit pas les commémorations liturgiques, à l’instar du deux centième anniversaire de la Révolution.

En Égypte, Pharaon parvient à détenir l’un des pouvoirs sacrés les plus spectaculaires de l’Antiquité. Il réussit, grâce à ce pouvoir, à fédérer les trente cités qui s’égrènent le long du Nil pour créer, deux mille cinq cent ans avant JC, un Empire Égyptien qui représentait, avec ses sept à huit millions d’habitants, quinze pour cent de l’humanité. De son côté, l’unité de la communauté chinoise est assurée par l’écriture. La Chine est gouvernée par les mandarins, la caste de ceux qui savent écrire. À la particularité de l’écriture, la Chine ajoute l’application systématique de la culture irriguée qui représente un extraordinaire progrès par rapport à l’efficacité de l’agriculture moyen-orientale et européenne. C’est ainsi que la Chine finira par constituer un empire huit à dix fois plus important que l’Empire Egyptien à son déclin.

Les deux grands Empires contemporains, le Chinois et l’Égyptien, avaient donc tous deux une écriture idéographique et un système centralisé. L’excès de concentration du pouvoir au sommet rendait de plus en plus difficile la gestion des conflits. La Chine a vu son pouvoir se dégrader, en conservant sa cohérence, tandis que l’Empire Égyptien s’effondrait sous la pression de ses assaillants. C’est ainsi que la centralisation tue le pouvoir. On ne devrait pas oublier la leçon en France, le pays le plus centralisé d’Europe, sinon du monde, dont le Président prétend à la fois s’occuper de l’avenir du capitalisme mondial et du moindre fait divers local. La leçon de l’histoire montre que le pouvoir s’y noie, que les structures se désagrégent et que les hommes partent à la recherche de pouvoirs plus raisonnables, donc plus légitimes… 

 

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