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Le blog d'André Boyer
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JAMES WOLFE (1727-1759)

20 Juin 2018 , Rédigé par André Boyer Publié dans #HISTOIRE

JAMES WOLFE (1727-1759)

 

Avant de relater la première et dernière campagne de James Wolfe en tant que major général, il paraît judicieux d’avoir une vision générale de sa carrière.

 

James Wolfe est  le fils du lieutenant général Edward Wolfe. À ce titre, il devint sous-lieutenant en 1741 dans le 1er régiment d’infanterie de marine dont son père était le colonel. À l’âge de 16 ans, il participa à sa première bataille en Bavière. En 1746, capitaine, il participe à la sanglante bataille de Culloden en Écosse.

En mai 1758, déjà colonel,  Wolfe reçoit le commandement d’une des trois brigades chargées d’attaquer Louisbourg sous  le commandement du colonel Jeffery Amherst. Nous avons raconté dans Les prémisses du siège de Louisbourg, le débarquement finalement réussi des troupes de Wolfe sur l’île Royale.

Après la chute de la forteresse, il reçoit la mission peu glorieuse de détruire les établissements et les pêcheries du golfe du Saint-Laurent. À Gaspé, Wolfe donna des ordres pour que tout soit brûlé, mais de retour de mission, il se critique lui-même en notant que « Nous avons fait beaucoup de dommages, répandu la terreur des armes de sa majesté par tout le golfe, mais nous n’avons rien fait pour en grandir la renommée. » Cela ne l’empêchera pas de récidiver durant le siège de Québec, en pire.

Le 12 janvier 1759, il est nommé major général et commandant des forces de terre de l’expédition contre Québec. On lui confie une excellente armée dont le noyau était constitué de dix bataillons d’infanterie de l’armée régulière anglaise déjà en service en Amérique. De plus, Wolfe se voit octroyer une grande liberté dans le choix de ses officiers.

On va le voir, le 27 juin 1759, Wolfe débarque du côté sud de l’île d’Orléans avec le gros de son armée, avec pour intention de  camper sur la rive nord du Saint-Laurent près de Beauport, à l’est de Québec, de traverser la rivière Saint-Charles et d’attaquer la ville par son côté le plus faible, mais il est assez lucide pour comprendre qu’il court à l’échec dans la mesure où le gros de l’armée française l’y attend.

L’objectif de Wolfe était d’amener les Français à combattre ouvertement, parce qu’il estimait, à juste titre, que ses troupes étaient mieux entrainées. Pour ce faire, Wolfe appliqua un régime de terreur contre Québec et les paroisses environnantes, si bien qu’à la fin de la campagne, les agglomérations situées sur les deux rives du fleuve, en bas de Québec, et du côté sud sur une certaine distance en amont de la ville, étaient en grande partie détruites. Dans la ville de Québec même, les bombardements depuis les hauteurs de Lévis semèrent la ruine et la destruction. Mais il n’obtint pas d’offensive de la part de Montcalm.

C’est pourquoi, il finit par se rallier au plan de ses officiers qui suggéraient de se placer entre les troupes de Montcalm et ses approvisionnements tandis qu’il choisit lui-même un lieu de débarquement inutilement risqué, à l’anse au Foulon.

Dès que le débarquement a lieu, Wolfe organise correctement ses troupes, attendant l’attaque française qui ne pouvait manquer de venir. Les erreurs commises par Montcalm sur le champ de bataille lui permirent d’emporter la victoire.

Lorsque les lignes anglaises se lancèrent à la poursuite des Français, Wolfe qui menait l’aile droite reçut deux balles en pleine poitrine auxquelles il ne survécut que peu de temps.

James Wolfe était un excellent officier régimentaire, d’une grande bravoure au combat et un commandant efficace sur le champ de bataille. Mais c’était un stratège peu efficace, hésitant et indécis. Il ne pouvait s’entendre ni avec les officiers de son état-major ni avec la Royal Navy. La seule attaque menée sur son initiative personnelle à Montmorency fut un coûteux échec.

Le plan qui réussit finalement était celui de ses  généraux de brigade, tandis que l’apport de Wolfe, le choix de l’endroit du débarquement, ne fit qu’ajouter un inutile élément de risque au projet.

 

Des circonstances favorables combinées à l’impéritie de Montcalm lui donnèrent en même temps la victoire et la mort.

 

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LES ÉTATS-UNIS, UNE SOCIÉTÉ D'EXCLUSION

16 Juin 2018 , Rédigé par André Boyer Publié dans #ACTUALITÉ

LES ÉTATS-UNIS, UNE SOCIÉTÉ D'EXCLUSION

 

Les Etats-Unis ont une conception particulière des notions de communauté et de solidarité, qui diffère de toutes les autres sociétés du monde. 

 

Selon le « rêve américain », l’idéal réside dans l’égalité des opportunités. Chacun a une chance de participer à la course au mérite, mais seuls les gagnants en tirent les bénéfices et non pas les perdants, naturellement. C’est ainsi que les gagnants amassent des fortunes dont le montant est au-delà des capacités d’imagination de la multitude : en 2017, Bill Gates, 86 milliards $; Warren Buffet, 75,6 milliards $; Jeff Bezos, 72,8 milliards $; Amancio Ortega (Espagne), 71,3 milliards $; Marc Zuckerberg, 56 milliards $ ; Carlos Slim Helu (Mexique), 54,5 milliards $; Larry Ellison, 52,2 milliards $ ; Charles Koch et David Koch, 48,3 milliards $ chacun; Michael Bloomberg, 47,5 milliards $.

Quant aux perdants, selon le « rêve américain », la responsabilité de leur échec doit leur être imputée car, tout simplement, ils ne disposaient pas des qualités individuelles nécessaires pour réussir.

Un tel satisfecit accordé à l’exclusion économique est unique  au monde. Il provient d'un mécanisme d’exclusion fortement inscrit dans la construction originelle du système étasunien, alors qu'actuellement, du fait de la mondialisation, cette vision étasunienne de la société influence de plus en plus fortement les autres sociétés.

Il est donc nécessaire de chercher à comprendre quelle est l’origine du système étasunien afin de juger de sa légitimité à s’imposer au monde.

Pour ce faire, on peut toujours prendre à la lettre la Déclaration d’Indépendance ou celle de Lincoln en 1863 : « L’Amérique est une nation, conçue dans la liberté, et dédiée à la proposition que tous les hommes sont créés égaux », encore que les évènements qui ont ponctué l’histoire étasunienne nous semblent plus révélateurs du système étasunien que les déclarations de principe. La culture d’un pays est le produit de son histoire et celle des Etats Unis est marquée par des spécificités qui tranchent avec celles du continent européen : la fondation de la Nouvelle Angleterre par des groupes protestants divisés, le génocide des Indiens, l’esclavage des Noirs, le déploiement d’un communautarisme associé aux vagues successives de migrations.  

Les groupes protestants qui ont été encouragé à émigrer de l’Angleterre du XVIIe siècle vers l’Amérique avaient développé une interprétation exclusive du christianisme, qui les a autorisé à partir à la conquête du continent nord-américain tout entier en éliminant les Indiens.

En 1763, après la conquête de la Nouvelle-France, les treize colonies hétérogènes régies par la Grande-Bretagne furent bornées par la Proclamation Royale, qui avait pour objectif de pacifier les relations avec les Amérindiens, en interdisant aux habitants des Treize colonies de s’installer et d’acheter des terres à l’ouest des Appalaches. Cette limite était un chiffon rouge agité devant des coloniaux avides de terres à s'approprier et brûlant de tuer le plus d'Indiens possible. Lorsqu’en outre le Parlement britannique décida, pour répartir le fardeau de la guerre livrée aux Français, d’imposer une série de taxes aux colons à partir de 1764, tout était réuni pour que les élites des treize colonies se révoltent.

Il restait à cacher cette soif sanguinaire de puissance derrière le brouillard des bonnes intentions; Que l'on en juge: lorsque le Congrès de Philadelphie se réunit le 5 septembre 1774, Thomas Jefferson proclama dans son Récapitulatif des droits de l’Amérique que la liberté du commerce était un droit de nature. Le 22 mars 1775, Edmund Burke prononça son célèbre discours sur la liberté : « Chez les Américains, l’amour de la liberté est la plus grande des passions ». Leur liberté, pas celle des autres, surtout pas celle des Indiens. Dans le Sens Commun (1776), Thomas Paine proclamait que la cause de ce qu'il appelait l’Amérique était « la cause de l’humanité toute entière », ce qui constitue encore aujourd’hui le credo officiel des Etats-Unis ; dans le même sens, en 1777, la Constitution de Virginie était précédée d’un Bill of Rights  qui se voulait à portée universelle : « tous les hommes naissent naturellement et également libres et indépendants, et possèdent certains droits inaliénables. Ce sont : la jouissance de la vie et de la liberté, l’accession à la propiété, la quête du bonheur et de la sécurité. ».

Tout le monde était beau et était gentil, mais en pratique, ce Bill of Rights ne concernait que les citoyens des treize colonies, et surtout pas les Indiens ni les esclaves provenant d’Afrique.

 

On le voit, les sources de l’idéologie étasunienne trouvent leur fondement dans une conviction messianique, à leur usage exclusif, puisée dans le puritanisme des Pères Pèlerins : ce nouveau monde était une nouvelle Jérusalem et les États-Unis un nouvel Israël qui était appelé à transformer le monde.

À SUIVRE

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SUPERPHÉNIX EN TERRAIN HOSTILE

12 Juin 2018 , Rédigé par André Boyer Publié dans #PHILOSOPHIE

SUPERPHÉNIX EN TERRAIN HOSTILE

La réussite du réacteur expérimental à neutrons rapides Phénix installé à Marcoule (1973) conduit la France à proposer à l'Allemagne et à l'Italie une association pour la réalisation en commun d'une centrale industrielle à neutrons rapides, à Creys-Malville, Superphénix.

 

Le projet consistait à anticiper une croissance soutenue des besoins énergétiques, alors que l’uranium se ferait plus rare. Le 13 mai 1974 est publié un décret autorisant la création de la société NERSA, issue d’une collaboration internationale entre EDF (51 %), la société italienne Enel (33 %) et la société allemande SBK (16 %). À l'origine, un réacteur rapide refroidi au sodium devait être construit dans chaque pays partenaire, projet qui fut abandonné après la catastrophe nucléaire de Tchernobyl.

Ce projet suscite rapidement une forte opposition des associations écologistes qui saisissent le tribunal en référé, le 2 mai 1975, pour interrompre les travaux déjà entrepris par EDF. Ces associations sont déboutées.

En avril 1976, le Premier ministre français Jacques Chirac autorise la société NERSA à passer commande de Superphénix. En 1977 est signé le décret d’utilité publique par le Premier Ministre Raymond Barre, tandis que se déroulent des manifestations hostiles, notamment le 31 juillet, qui entrainent la mort d’un participant. Le 18 janvier 1982, une attaque au lance-roquettes par un curieux militant écologiste suisse, Chaïm Nissim, vise le chantier de la centrale nucléaire de Superphénix.

Le remplissage en sodium du réacteur de la centrale nucléaire de Creys-Malville est effectué en 1984, puis la centrale est mise en service en 1985 et enfin couplée au réseau électrique le 15 janvier 1986, sans toutefois fonctionner à pleine charge.

Le 8 mars 1987 se produit une fuite de 20 tonnes de sodium liquide dans le barillet de stockage du combustible nucléaire, un incident classé 2 sur l’échelle INES (International Nuclear Event Scale), l’échelle allant de zéro (écart) à sept (accident majeur). Le redémarrage du réacteur est autorisé deux ans plus tard par un décret du premier ministre Michel Rocard. Selon les données de l'AIEA, la centrale produit alors 1,756 TWh en 1989 puis 0,588 TWh en 1990, soit un facteur de charge moyen de 11 %.

Alors que la centrale fonctionne, se constitue le Comité européen contre Superphénix, regroupant des dizaines d'associations et organisations de plusieurs pays. Le 26 avril 1990, des manifestations sont organisées dans plusieurs villes de France, de Suisse et d'Italie sur le thème «Tchernobyl 4 ans après, Malville aujourd'hui ».

Un deuxième incident de niveau 2 intervient le 29 avril 1990 : une fuite de sodium sur l'un des 4 circuits primaires principaux impose la vidange immédiate de l’ensemble du sodium du circuit incriminé et la purification corrélative du sodium qui dure 8 mois.

Le 8 décembre 1990, une partie du toit de la salle des turbines s’écroule sous le poids de 80 cm de neige, nécessitant de reconstruire la superstructure de la moitié du bâtiment.

Le 9 avril 1994, une marche Malville-Matignon contre Superphénix réunit les Européens contre Superphénix, le Comité Malville, Contratom (Suisse), la FRAPNA, Greenpeace, le GSIEN, WWF et plus de 250 associations de France, de Suisse, d'Italie et d'Allemagne. La même année, la mission initiale de Superphénix, qui était de produire de l'électricité, a été modifiée par la parution d'un décret qui le qualifie de « laboratoire de recherche et de démonstration ».

Fin 1994, se produit un quatrième incident majeur: une fuite d’argon dans un échangeur de chaleur sodium-sodium placé à l’intérieur de la cuve du réacteur lui-même. La remise en état durera 7 mois et Superphénix redémarre en septembre 1995.

Alors que l'année 1996 se révèle être la meilleure année de production électrique de la centrale, avec 3,392 TWh produit et un facteur de charge annuel de 31 %, commence en décembre 1996 un arrêt programmé de six mois pour une visite décennale des générateurs de vapeur, qui s’avérera définitif.

En février 1997, pendant que le surgénérateur est à l'arrêt, le Conseil d'État annule en effet le décret d'autorisation de redémarrage de Superphénix pris en 1994, au motif que la nouvelle mission qui lui est confiée à Superphénix justifie  une nouvelle enquête publique. À peine nommé Premier Ministre, le 19 juin 1997, Lionel Jospin annonce que Superphénix sera abandonné, ce qui se traduit par un arrêté ministériel du 30 décembre 1998. La raison invoquée est que le faible prix de l'uranium ne justifie plus ce type d’investissements dans la filière nucléaire, mais l’ambiance hostile résultant de Tchernobyl compte aussi dans cette décision.

Le 6 octobre 2000 est prononcée la dissolution de la société anonyme dénommée Centrale nucléaire européenne à neutrons rapides SA (NERSA), les actionnaires italiens et allemands sont indemnisés. Le 1er décembre 2015, Areva est chargé  du démantèlement des équipements internes de la cuve du réacteur Superphénix d'ici  l'année 2024.

 

L'image de l'industrie française à l'international a été fortement dégradée par le projet Superphénix, qui a été malheureusement mis en service au moment même de la catastrophe de Tchernobyl (avril 1986).

 

FIN

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DE L'UTILITÉ DE L'ABREUVOIR

6 Juin 2018 , Rédigé par André Boyer Publié dans #INTERLUDE

DE L'UTILITÉ DE L'ABREUVOIR

Pour des raison techniques, ce billet parait avec deux jours d'avance...

 

Une institution remarquable, à laquelle je participais chaque samedi lorsque j’étais à Dakar, se nommait l’Abreuvoir.

La légende de l’Abreuvoir racontait que ce club avait été créé dans les années 20 par des aventuriers qui parcouraient la ligne de chemin de fer Dakar Bamako à un moment où le risque de fièvre jaune était considérable. Ces aventuriers se soulaient ensemble le samedi pour oublier la redoutable maladie qui les menaçait tous.

La réalité vérifiée était plus prosaïque. Cette institution avait été créée par Maitre Paul Bonifay, qui s’installa au Sénégal dans les années 1930. Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, il se lança dans la politique locale. Elu maire adjoint de Dakar dans le sillage de Lamine Gueye, il  en devint de facto le premier magistrat. Il eut alors l’idée de convier à l’apéritif chaque samedi en fin de matinée, dans sa  petite villa de Dakar entourée de bougainvilliers, tous ceux qui jouaient un rôle de premier plan à Dakar.

En 1979, il rentra en France et son successeur, le docteur Jean-Claude Bernou, étendit alors le strict whisky pastis à un déjeuner offert à tour de rôle par les cent personnes qui composaient l’Abreuvoir.

En 1981, grâce à l’amical parrainage du Professeur Bernard Durand, je fus accepté parmi les happy few. Le déjeuner rassemblait effectivement des hommes d’affaires et des hauts fonctionnaires résident à Dakar, mais aucun Sénégalais, ce qui donnait à ces déjeuners un caractère un peu étrange.

Nombre de ses membres attendaient le repas du samedi pour régler directement leurs affaires et j’en fus, on va le voir, l’un des bénéficiaires. Très souvent ces repas avaient lieu dans des clubs de Provinces Françaises, avec une prédilection marquée pour le Club Corse, le plus assidument fréquenté, on se demande pourquoi.

Je dois reconnaitre que pendant les deux ans pendant lesquels je fus membre du club, je n’eus jamais le courage de lancer une invitation, en raison de mes nombreux déplacements. 

Les déplacements, parlons en justement. D’une part mon activité d’enseignement était limitée à Dakar. Il n’était pas question de faire des heures supplémentaires, d’une part parce que les enseignants sénégalais en avaient fort besoin et d’autre part parce qu’il n’existait que très peu de crédits à cet effet au Ministère de la Coopération.

J’avais aussi essayé d’organiser un séminaire de recherche qui n’avait pas eu le succès escompté. Enfin, mon épouse était retournée en France pour préparer  le concours d’agrégation, ce qui m’incitait à revenir en France pendant les vacances et j’avais plusieurs offres de missions dans des pays africains.

Mais voilà, l’ambassade de France à Dakar avait pour mission d'interdire aux coopérants de quitter le Sénégal. C’était logique, bien sûr, nous effectuions  notre coopération au Sénégal et pas ailleurs. Cependant ce n’était pas très réaliste de vouloir empêcher un universitaire de développer une activité tous azimuts, s’il en avait la volonté.  C’était même mission impossible, en raison de la nature même du métier d’universitaire qui ne rentrait jamais dans le cadre des règlements administratifs.  

Bref, j’étais en conflit ouvert avec le Directeur des services de la coopération à Dakar qui me soupçonnait, sans avoir totalement tort, je l’avoue, de saisir le moindre prétexte pour quitter le Sénégal. Ce Directeur prétendait supprimer mon indemnité de coopérant pour chaque jour passé ailleurs qu’au Sénégal, et pour cela, il avait demandé au Commissaire de Police français en poste à l’aéroport de Dakar d’y relever les dates de mes départs et arrivées.

Rien de plus facile, théoriquement. Mais le Commissaire de Police sollicité faisait partie de l’Abreuvoir. Il me prévint de l’intention maligne du Directeur à mon égard, m’incita à la modération et s’abstint de toute transmission d’information superfétatoire aux services de la coopération.

Ainsi fonctionnaient les réseaux dans ce petit monde qui se côtoyait et se heurtait sans cesse, jusqu’au jour où l’un de ses membres, au bout de deux à six ans généralement, changeait de pays ou revenait en France. Il organisait alors une belle réception, avant de disparaître tout à coup de notre vie  et de nos préoccupations.

 

Ces départs donnaient lieu à des pots qui réunissaient toutes les relations que l’on avait assidument fréquentées pendant ces quelques années. D’éloquents discours étaient prononcés, qui étaient parfois édités. Des cadeaux, quelquefois somptueux, étaient remis à ceux qui nous quittaient. Heureusement des liens indissolubles se créaient aussi, ce qui fut le cas pour notre part avec au moins  trois couples d’amis.

 

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QUÉBEC FACE À LA ROYAL NAVY

4 Juin 2018 , Rédigé par André Boyer

QUÉBEC FACE  À LA ROYAL NAVY

 

L’initiative, prévisible, des Britanniques en direction de Québec conduit Montcalm à y consacrer  la majorité de ses forces et à y pratiquer une stratégie presque entièrement défensive, orientée vers l'est de la ville, ce qui a pour conséquence d’abandonner des positions importantes sur la rive sud, comme à l'île d'Orléans et à Lévis.

 

À l'approche de la flotte anglaise en juin, les aides à la navigation au large de l'île d'Orléans sont remplacées par des faux, mais il suffit de quelques jours à la marine britannique pour reconnaître la « Traverse » qui est la voie de navigation du Cap Tourmente jusqu'au sud de l'île d'Orléans, et s’ouvrir la voie vers Québec.

Montcalm ordonne à la population de cacher les femmes, les enfants et les animaux au fond des bois, fait venir à Québec les régiments qui ont passé l'hiver à Trois-Rivières et à Montréal. Il fait également creuser une tranchée à Beauport, couler deux navires à l'embouchure de la rivière Saint-Charles pour bloquer cette voie d'accès et pour en faire des batteries. Enfin il prépare des brûlots, de petites embarcations remplies de débris inflammables qui seront envoyés contre la flotte britannique dans le but d'y mettre le feu.

Les efforts défensifs de Montcalm sont presque uniquement concentrés sur la rive nord du Saint-Laurent, ce qui amène à l’abandon aux mains de l’ennemi de positions importantes sur la rive sud, l’île d’Orléans et Lévis. C’est son idée de concentrer ses troupes pour une bataille à l’européenne et abandonner toute « petite guerre » ou guérilla. Le résultat sera la destruction des  villages et les pertes de subsistances qui en découleront.  De plus, Montcalm pense qu’aucun gros navire britannique ne pourra passer devant Québec et donc que les Britanniques ne pourrons pas prendre le contrôle du fleuve en amont de Québec. Moyennant quoi, il décide de mettre à l'abri les provisions et les munitions en les entreposant justement en amont de Québec, prés du Saint-Laurent, à Batiscan (70 milles de Québec) et à Trois-Rivières (100 milles de Québec).

Wolfe a préparé sa stratégie d’attaque avec l’aide d’un ingénieur de l’armée, le major Mackellar, qui a été prisonnier à Québec quelques années auparavant et qui a observé les défenses de la ville. Il envisage, comme Phips en 1690, de débarquer à Beauport puis de traverser la rivière Saint Charles avant Québec à l’est. C’est aussi contre cette éventualité que s’est préparé Montcalm.

Mais Wolfe, comme tous les chefs militaires de tous les temps, a préparé d’autres options,  comme celle d’attaquer à l’ouest et aussi celle d’échouer à prendre Québec. Dans ce dernier cas, il compte au minimum incendier la ville par des bombardements, brûler les récoltes et détruire les habitations alentours de façon à réduire la population de la région à la famine. C’est ce qu’il fera avant de réussir finalement à prendre la ville.

En pratique, le succés de cette campagne repose sur la Royal Navy et sa capacité à remonter le Saint-Laurent, qui est un fleuve très difficile à naviguer. Commandée par le vice-amiral Charles Saunders, la marine a contraint trois pilotes français prisonniers à les conduire, sous la menace de la pendaison,. De plus Montcalm n’a pas eu le temps de construire une batterie à Cap Tourmente et il s’est avéré impossible de bloquer la « Traverse »

 

Le 27 juin 1759, lorsque l'armée de Wolfe arrive en vue de Québec sur ses navires de transport, la côte de Beauport, l'endroit le plus vulnérable pour un débarquement, est protégée par des ouvrages militaires et par la majorité des hommes disponibles. 

 

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LE MONDE POST-MODERNE DES ÉTATS-UNIS

31 Mai 2018 , Rédigé par André Boyer Publié dans #ACTUALITÉ

SHANGHAÏ

SHANGHAÏ

 

Les Etats-Unis prétendent disposer d’une supériorité morale sur tous les autres pays du monde, provenant de la supposée supériorité de leur modèle de société qu’ils se croient autorisés  à imposer au monde. 

 

Leur problème, le notre par conséquent, est qu’ils ont modifié le modèle de société qu’ils proposent, un modèle moins attractif du point de vue social que le précédent.

Le projet du modernisme consistait à inclure toutes les personnes dans une société, par le truchement d’un contrat social fondé sur la citoyenneté qui comprenait non seulement des droits légaux et politiques mais aussi des droits sociaux tels que l’emploi, un minimum de revenus, l’éducation, la santé ou le logement. La société moderne était une société inclusive.

Le passage de la modernité à la postmodernité, voulu, conçu et imposé par les Etats-Unis a entrainé un mouvement inverse qui vise à fabriquer une société exclusive, par la transformation du marché du travail. Cette inversion a créé une société instable et provoqué la montée de l’individualisme.

En effet, le modernisme, dans son acception économique qu’est le Fordisme*, impliquait une production de masse avec un marché du travail de plein emploi et des situations professionnelles sûres. La croissance continue de la consommation constituait tout à la fois le marqueur du succès individuel et du progrès économique de la société.

Or l’économie postfordiste d’aujourd’hui conduit à la contraction quantitative du marché du travail, qui fait émerger une classe de personnes sans emploi, ou ne disposant que d'emplois partiels et provisoires. En réaction à ce marché du travail déstabilisé, monte un individualisme demandeur de plus de citoyenneté et d’égalité, qui cherche à résister à la montée d’un système méritocratique calqué sur le modèle américain de société. Ce système provoque en effet l’accroissement des inégalités** et engendre un sentiment de frustration chez les plus pauvres et un sentiment d’anxiété chez les personnes mieux loties.

Or, un tel système de société est instable***, puisque « travailler dur » n’est plus justifié par la sécurité de l’emploi et que  la culture de l’individualisme s’impose pour affronter la précarité économique et le sentiment croissant de frustration qu’il entraine.

Emerge alors une société pluraliste engendré par le déficit d’objectif personnel provoqué par une demande de travail de plus en plus aléatoire. Se pose en effet la question lancinante de la capacité de l’individu à s’insérer dans une société qui est de moins en  moins disposée à rémunérer ses services. 

Ce pluralisme provoque le questionnement permanent des croyances établies et une perpétuelle confrontation avec une diversité de croyances et de mondes. Une telle situation créé une insécurité individuelle de l’être, dont les systèmes de protection sont affaiblis et dont le sens de la normalité est désorienté par le relativisme des valeurs qui l’entourent.

Ainsi l’exclusion sociale produit une crise d’identité, qui en retour génère des groupes refuges. L’illustre la propension actuelle des élites à diffuser ce que l’on appelle la « pensée unique » ou le « politically correct », qui implique une faible tolérance aux pensées déviantes, une obsession du comportement comme du « parler » correct et la tentation d’une politique fondée sur des principes moraux.

Il est logique en effet qu’une société exclusive provoque des tensions internes croissantes en son sein et corrélativement des tentatives pour réduire ces tensions, ce que révèle clairement un indicateur tel que celui de la criminalité. En effet, en France, le taux de criminalité, à savoir le rapport entre le nombre de crimes et de délits constatés par les policiers et les gendarmes et la population observée, est passé de 14,06 pour mille habitants en 1949 à 54,64 en 2012.

 

En imaginant, en voulant et en impulsant la mondialisation, les Etats-Unis ont imposé dans le cadre global un modèle post-fordiste, correspondant à leur vision de la société. Ce faisant, ils proposent au monde d’adopter leurs conceptions très particulières de la communauté et de la solidarité.

 

* Sur le post fordisme, voir Boyer R., Durand J.P. (1998), L'après-fordisme, Paris, Syros.

** Sur les inégalités, voir Piketty T. (2013), Le Capital au XXIe siècle, Le Seuil.

*** Sur l’instabilité des sociétés post-modernes, voir Giddens A. (2000), Les conséquences de la modernité, L’Harmattan.

 

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LES RÉACTEURS À NEUTRONS RAPIDES

27 Mai 2018 , Rédigé par André Boyer Publié dans #PHILOSOPHIE

LES RÉACTEURS À NEUTRONS RAPIDES

L’ensemble de ces réacteurs est destiné à être remplacés, dans quelques dizaines d’années, par des réacteurs à neutrons rapides (R.N.R), qui n’ont jusqu’ici été construits que sous forme de prototypes refroidis au sodium.

 

Ces réacteurs utilisent l'uranium de manière plus complète que les réacteurs pressurisés à eau, grâce à la surgénération. Ils permettront de faire face à la prévisible pénurie de l'uranium, alors que, depuis l’accident nucléaire de Fukushima en 2011, le prix de l’uranium n’a cessé de baisser, empêchant toute nouvelle exploration.

Cependant le développement des capacités de production au niveau mondial n’a jamais été aussi important puisque 59 réacteurs sont en cours de construction dans 14 pays, la construction de 164 réacteurs est planifiée et plus de 350 projets sont actuellement dans les cartons. Les réserves actuelles permettent de répondre à la demande pendant 25 ans, mais si les prix de l’uranium, actuellement de l’ordre de 50 à 70$ le kg pour une demande mondiale d’environ 70000 tonnes, s’accroissent, la recherche reprendra et de nouvelles réserves devraient être mises à jour.  

Les réacteurs à neutrons rapides sont conçus pour faire face à la future pénurie d’uranium, en utilisant le plutonium produit par les réacteurs à eau actuels comme matériau fissile et l'uranium appauvri, sous-produit des usines d'enrichissement en uranium 235, comme matériau fertile. On estime que les matières nucléaires produites par le fonctionnement d'un réacteur à eau sur les 60 ans de sa durée de sa vie doivent permettre d'exploiter des réacteurs à neutrons rapides d'une puissance équivalente pendant 5 000 ans !  

Les réacteurs à neutrons rapides, qui se distinguent des précédents par l'absence de modérateur, ne fonctionnent qu'avec un combustible dont la teneur en matière fissile est supérieure à 15%. La faiblesse des captures parasites et le meilleur rendement en neutrons du plutonium 239 permettent à ces réacteurs d'être surgénérateurs avec le cycle uranium 238-plutonium 239.

Ainsi, alors que les réacteurs des autres filières ne tirent principalement leur énergie que de l'uranium 235 avec un appoint du plutonium formé in situ, les surgénérateurs, en transformant progressivement avec un meilleur rendement l'uranium 238 en plutonium, sont susceptibles de consommer l'uranium en totalité. Or l'uranium naturel contient 99,2745% d’uranium 238 et 0,720% d’uranium 235 !

Aussi un réacteur à neutrons rapides multiplie t-il le potentiel énergétique de l'uranium, comparé à un réacteur à neutrons thermiques, par un facteur compris entre 50 et 100, selon les effets parasites qu’il subit, ce qui permettrait de couvrir les besoins énergétiques de l’humanité pendant plusieurs siècles.

Si la capacité des réacteurs à neutrons rapides est connue depuis le  début de l'époque nucléaire, le développement industriel de ces réacteurs s’est révélé plus complexe que celui des réacteurs à eau. Les États-Unis, l'U.R.S.S, la Grande-Bretagne et la France, suivis  par l'Allemagne, le Japon, l'Italie, l'Inde, et plus récemment par la Chine ont chacun tenté de maitriser la technique de ces réacteurs.

 

Le cas du développement et de l’arrêt de Superphenix en France est révélateur des difficultés non seulement techniques, mais aussi politiques et stratégiques qu’entraine la mise en service d’un réacteur à neutrons rapides.

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POUR MAMADOU DIALLO

22 Mai 2018 , Rédigé par André Boyer Publié dans #INTERLUDE

POUR MAMADOU DIALLO

Notre vie ordinaire était parsemée d’évènements plus mineurs, tels que de fréquentes réceptions entre amis.

 

Les Français installés à l’étranger reprochent toujours aux Français de France de fort peu recevoir, mais ces réceptions entre amis au Sénégal s’imposaient du fait que nous avions fort peu de distractions et elles étaient d’autant plus aisées que nous avions tous embauchés un boy ou une fatou. S’y opposaient cependant certains de nos collègues qui considéraient qu’employer du personnel local était un acte typiquement colonialiste, auquel nous répondions, un peu hypocritement, que c’était une bonne action qui rendait service à l’embauché(e) et au Sénégal.

Un peu hypocritement, car la vérité était que nous étions bien heureux de disposer d’un employé toute la journée pour une somme modique, un luxe inouï que nous ne pouvions nous offrir qu'en Afrique. Nous nous passions les employés au rythme des départs et des arrivées, évitant de réduire au chômage un boy ou une fatou qui venait de passer plusieurs années au service d'une famille de coopérants. Certains de ces derniers continuaient à aider pendant des années des employés qu’ils avaient « abandonné » à Dakar, souvent parce qu’ils étaient trop âgés pour trouver un nouvel emploi.

Pour notre part, nous avions hérité d’un boy, Mamadou Diallo, originaire de Guinée, sans doute proche de la soixantaine, qui se chargeait à merveille de la cuisine, du ménage et du linge. C'était  un homme réservé, qui vivait seul à Dakar et qui avait son caractère. Il n’eut pas trop de travail à faire, en raison du retour rapide de mon épouse vers la France pour préparer le concours d’agrégation et de mes nombreux déplacements. Il aimait d’ailleurs modérément être commandé par une femme…

Je me souviens aussi de son agacement lorsque je décidais pendant une semaine de faire le Ramadan, qui tombait cette année là au mois de juillet, afin de vérifier les assertions de mes étudiants qui l’invoquaient pour justifier leur incapacité à réviser les examens. Je me levais vers 5 heures du matin pour déjeuner avant le lever du soleil et je m’abstenais de boire et de manger pendant la journée, sans respecter toutefois l’interdiction d’avaler la salive comme le recommandaient les Sénégalais les plus fervents.

À mon grand étonnement, malgré la chaleur, je ne souffrais pas de la soif, mais j’avais deux « coups de pompe » vers 11 heures et 15 heures. Il paraît que cette abstention d’avaler du liquide pendant toute la journée est particulièrement préjudiciable pour les reins. Le soleil se couchait vers 19 heures et souvent, malgré le jeune, je jouais au tennis à ce moment là, ce qui me faisait arriver à la maison vers 20 heures pour diner. Or Mamadou devait attendre de me servir ce diner avant d'aller lui-même festoyer avec ses copains ce qui faisait que ma fantaisie de respecter le Ramadan le retardait d’une bonne heure, d’où ses reproches à l’égard de mes simagrées.

Quand nous quittâmes le Sénégal au bout de trois ans, je le recommandais à mon successeur, un professeur en Sciences de Gestion particulièrement économe, puisqu'il vint m’acheter les couverts au prix d’un centime l’unité, qu'il reprit ma vieille voiture pour rien et qu'il prétendit contraindre Mamadou à effectuer les achats de son ménage sur les marchés africains.

Mais ce dernier n’avait pas l’habitude d’acheter de la viande et des légumes de seconde catégorie. Il se sentit dévalorisé, presque insulté et il quitta rapidement ce patron trop prés de ses sous.

 

Je me rappelle qu'après mon retour en France, il m’écrivit une fois, je lui fis parvenir quelque secours par un ami, puis que je n’eus plus jamais de ses nouvelles…

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QUÉBEC SE PRÉPARE AU SIÈGE

19 Mai 2018 , Rédigé par André Boyer Publié dans #HISTOIRE

QUÉBEC SE PRÉPARE AU SIÈGE

 

Alors que Montcalm ait été chargé de défendre la Nouvelle-France malgré son défaitisme affiché, la ville de Québec se prépare au siège qui commence le 26 juin 1759 et qui durera tout l’été, jusqu’à la capitulation de la ville le 18 septembre 1759.

 

La campagne de 1758 a permis aux Anglais de prendre la forteresse de Louisbourg et l’Ile Royale, ce qui leur ouvre l’accès au Saint-Laurent jusqu’à Québec. 

En 1759, trois attaques simultanées sont programmées par l’armée britannique commandée par l’ignoble général Jeffery Amherst, l’homme qui donna l’ordre de remettre aux Indiens des couvertures infectées par la variole.

Au centre, il s’agit de s’avancer jusqu'à Montréal  via le Lac Champlain, mais l’on a vu que l’opération va échouer (1759, la Nouvelle-France en peau de chagrin). À l’ouest, le brigadier général John Prideaux doit monter une attaque contre le Fort Niagara, attaque qui réussira (Le siège de Fort Niagara et la suite) et à l’est la flotte britannique, commandée par le vice-amiral Charles Saunders doit s’avancer dans le fleuve Saint-Laurent jusqu'à Québec pour y faire débarquer une force terrestre et faire le siège de la ville. James Wolfe, promu au grade de major-général, est chargé de conduire le siége. 

On a vu que la trêve imposée par l’hiver a été mise à profit par les défenseurs de la Nouvelle-France pour alerter le gouvernement français de l’extrême péril dans lequel se trouve la colonie d’être submergée par les troupes anglaises. Or, en donnant tous les pouvoirs à Montcalm, le gouvernement reconnaît implicitement que, sauf miracle, la partie est perdue, ce qui le dispense d’envoyer des renforts conséquents.  

Du coup, les renforts dépêchés par Versailles restent faibles, 400 soldats,  40 canonniers et ingénieurs  et quatre navires de munitions qui parviennent à atteindre Québec, car la British Navy ne parvient toujours pas, au printemps 1759, à assurer le blocus du Saint-Laurent et l'amiral Philip Durell est incapable de faire sortir sa flotte de dix vaisseaux de guerre et de trois transports de troupes du port d’Halifax avant le 5 mai.

Les Français en profitent. Une flotte de seize navires français atteint Québec le 16 mai et d'autres convois arrivent au cours des jours qui suivent, dont un navire de 430 tonneaux, La Chézine, qui transporte Bougainville, de retour de la Cour de France.

Six jours plus tard, Montcalm rallie Québec : ayant appris qu’une expédition anglaise se préparait contre la ville par le Saint-Laurent, il commence à diriger les travaux nécessaires à sa défense.  

Il faut se souvenir que Québec, qui domine de son promontoire le fleuve Saint Laurent au lieu où il se resserre, a l’habitude de devoir se défendre : Il a déjà été capturé par les frères Kirke en 1629 et rendu à la France en 1632, attaqué le 16 octobre 1690 par William Phips avec une flotte d’une trentaine de navires et plus de deux mille hommes. C’est à cette occasion que le gouverneur Louis de Buade, comte de Frontenac, répondit au messager de Phips venu le sommer de rendre la ville: «Je nay point de reponse a faire a vostre general que par la bouche de mes canons et a coups de fuzil...». Les troupes de Phips furent repoussées, perdant un millier d’hommes par le combat et la maladie.

Québec constitue en effet la clé de voute de la Nouvelle-France. Sa position géographique permet de contrôler la colonie, avec son promontoire et sa falaise abrupte face au fleuve qui en font une forteresse naturelle. Stratégiquement, l’étroitesse du fleuve devant Québec permet de contrôler la navigation, tandis que la baie de Beauport offre un havre aux navires. De plus, la ville  étant située au point de pénétration intérieure le plus avancé sur le Saint-Laurent, les navires qui proviennent d’Europe s’y arrêtent.

Québec compte 8000 habitants, une population importante à l’échelle de l’Amérique du XVIIIe siècle. Les villages, les champs et les pâturages entourent une ville fortifiée, unique en Amérique du Nord, dotée d’une architecture monumentale, de riches maisons mais aussi de rues boueuses et insalubres bordées de bicoques. Son port fait partie d’un réseau d’échanges commerciaux entre la France, les Antilles, l’Acadie et Terre-Neuve, les navires exportant fourrures et bois tandis qu’ils importent des produits européens et antillais. Les habitants des environs viennent s'y procurer des marchandises de France et vendre leurs surplus agricoles et de bois de chauffage aux deux marchés de la ville.

 

Dès le 24 mai, quelques 300 marins s’affairent donc à creuser des retranchements sur la rive droite de la rivière St-Charles de son embouchure jusqu'à une lieue au  nord tandis que le général Wolfe arrive avec deux mille canons destinés à détruire cette belle ville établie depuis un siècle et demi, afin que les Britanniques puissent enfin régner sans partage sur l’Amérique du Nord et à leur suite les Américains sur le monde…

C’est pourquoi la bataille de Québec est un tournant majeur de l’histoire.

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LES ÉTATS-UNIS, UN PAYS EXCEPTIONNEL

15 Mai 2018 , Rédigé par André Boyer Publié dans #ACTUALITÉ

LES ÉTATS-UNIS, UN PAYS EXCEPTIONNEL

Alors que l’influence des Etats-Unis dans le monde est en perte de vitesse, Mike Pompeo, le futur chef de la diplomatie étasunienne a fait une éclatante démonstration du sentiment d'exceptionnalisme qui règne envers et contre tout à Washington, lors de son audition au Congrès, le 12 avril 2018.

 

Pour ce dernier en effet, les Etats-Unis ont une supériorité morale sur le reste du monde, ce qui est une idée ancienne puisqu’elle remonte à la publication du pamphlet de Thomas Paine, Commun sense, le 10 janvier 1776.

C’est aussi un point de vue qui a toujours été contesté.

À titre d’exemple, dans un article datant de 1951, l’excellent historien Jacques Duroselle, analysant la politique étrangère des Etats-Unis, observait que les scientifiques étasuniens se posaient la question de savoir si la politique étrangère des Etats-Unis devait être inspirée par des considérations idéalistes ou par le sens de l’intérêt national dégagé de toute considération morale.

Il concluait son article* en citant George Frost Kennan, le père du concept du concept de containment pendant la guerre froide, qui écrivait ceci :  « Nous aurons, dit-il, la modestie d’admettre que notre propre intérêt national est tout ce que nous sommes réellement capables de connaître et de comprendre et le courage de reconnaître que si nos objectifs et nos entreprises particuliers ne sont pas abêtis par l’arrogance ou l’hostilité à l’égard d’un autre peuple ou par l’illusion de notre supériorité, alors la poursuite de notre intérêt national nous conduira infailliblement vers la réalisation d’un monde meilleur. »

C’est la même modestie et le même courage qu’il faut souhaiter à Mike Pompeo pour conduire la politique étasunienne, encore que je me place du point de vue des non étasuniens dont je suis et qui représentent 95% de la population mondiale.

De ce dernier point de vue, il semble avéré que les Etats-Unis veulent a minima dominer le monde, voire le façonner à leur avantage. S’il est vraiment nécessaire de démontrer cette évidence, voici quelques « faits » :

  • Avec 622 milliards de dollars de dépenses militaires en 2018, que le Président Trump souhaite accroitre encore de 84 milliards de dollars supplémentaires pour répondre aux menaces d’un monde « dangereux », le budget militaire étasunien représente 40% des dépenses militaires mondiales. En outre, deux cent mille hommes sont installés dans plus de 800 bases réparties sur tous les continents.
  • Au plan juridique, d’une part les Etats-Unis prétendent imposer leurs lois au reste du monde, comme le montre leur volonté d’interdire à tout pays tiers de commercer avec l’Iran, du moment qu’ils ont décidé que pour leur part, ils ne commerceraient pas avec ce pays ; d’autre part ils ont choisi de s’affranchir de nombre de contraintes juridiques internationales comme le montre leur refus de ratifier la Cour Pénale Internationale (CPI), la sortie du Pacte mondial sur l’environnement ou les agressions qu’ils se permettent de mener en dehors des règles de l’ONU, comme celles de l’Irak.
  • Il s’y ajoute, sans entrer dans les détails, les autres actions destinées à contrôler le monde, telles que l’utilisation du dollar à des fins de domination financière ou économique, l’utilisation systématique du soft power ou l’énorme effort de renseignement.  

Inutile donc de s’étendre sur la volonté et les moyens de domination, tant il s’agit d’un fait avéré que chacun peut observer quotidiennement au travers des actualités, de sa vie quotidienne et de l’histoire. C’est ce que l’on appelle en termes diplomatiques l’unilatéralisme étasunien, qui ne date pas de Donald Trump mais qui prend avec lui une forme abrupte.

 

Il s’agit  plutôt ici de s’interroger sur la question de savoir si les Etats-Unis évoquent à raison une supériorité morale sur le reste du monde, en d’autres termes de juger du bien fondé de leur volonté de domination du monde, vu par les non-étasuniens

 

*Duroselle Jean-Baptiste (1952), La politique étrangère des Etats-Unis, Revue française de science politique, 2 année, n°3. pp. 610-617.

 

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