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Le blog d'André Boyer

POUR MAMADOU DIALLO

22 Mai 2018 , Rédigé par André Boyer Publié dans #INTERLUDE

POUR MAMADOU DIALLO

Notre vie ordinaire était parsemée d’évènements plus mineurs, tels que de fréquentes réceptions entre amis.

 

Les Français installés à l’étranger reprochent toujours aux Français de France de fort peu recevoir, mais ces réceptions entre amis au Sénégal s’imposaient du fait que nous avions fort peu de distractions et elles étaient d’autant plus aisées que nous avions tous embauchés un boy ou une fatou. S’y opposaient cependant certains de nos collègues qui considéraient qu’employer du personnel local était un acte typiquement colonialiste, auquel nous répondions, un peu hypocritement, que c’était une bonne action qui rendait service à l’embauché(e) et au Sénégal.

Un peu hypocritement, car la vérité était que nous étions bien heureux de disposer d’un employé toute la journée pour une somme modique, un luxe inouï que nous ne pouvions nous offrir qu'en Afrique. Nous nous passions les employés au rythme des départs et des arrivées, évitant de réduire au chômage un boy ou une fatou qui venait de passer plusieurs années au service d'une famille de coopérants. Certains de ces derniers continuaient à aider pendant des années des employés qu’ils avaient « abandonné » à Dakar, souvent parce qu’ils étaient trop âgés pour trouver un nouvel emploi.

Pour notre part, nous avions hérité d’un boy, Mamadou Diallo, originaire de Guinée, sans doute proche de la soixantaine, qui se chargeait à merveille de la cuisine, du ménage et du linge. C'était  un homme réservé, qui vivait seul à Dakar et qui avait son caractère. Il n’eut pas trop de travail à faire, en raison du retour rapide de mon épouse vers la France pour préparer le concours d’agrégation et de mes nombreux déplacements. Il aimait d’ailleurs modérément être commandé par une femme…

Je me souviens aussi de son agacement lorsque je décidais pendant une semaine de faire le Ramadan, qui tombait cette année là au mois de juillet, afin de vérifier les assertions de mes étudiants qui l’invoquaient pour justifier leur incapacité à réviser les examens. Je me levais vers 5 heures du matin pour déjeuner avant le lever du soleil et je m’abstenais de boire et de manger pendant la journée, sans respecter toutefois l’interdiction d’avaler la salive comme le recommandaient les Sénégalais les plus fervents.

À mon grand étonnement, malgré la chaleur, je ne souffrais pas de la soif, mais j’avais deux « coups de pompe » vers 11 heures et 15 heures. Il paraît que cette abstention d’avaler du liquide pendant toute la journée est particulièrement préjudiciable pour les reins. Le soleil se couchait vers 19 heures et souvent, malgré le jeune, je jouais au tennis à ce moment là, ce qui me faisait arriver à la maison vers 20 heures pour diner. Or Mamadou devait attendre de me servir ce diner avant d'aller lui-même festoyer avec ses copains ce qui faisait que ma fantaisie de respecter le Ramadan le retardait d’une bonne heure, d’où ses reproches à l’égard de mes simagrées.

Quand nous quittâmes le Sénégal au bout de trois ans, je le recommandais à mon successeur, un professeur en Sciences de Gestion particulièrement économe, puisqu'il vint m’acheter les couverts au prix d’un centime l’unité, qu'il reprit ma vieille voiture pour rien et qu'il prétendit contraindre Mamadou à effectuer les achats de son ménage sur les marchés africains.

Mais ce dernier n’avait pas l’habitude d’acheter de la viande et des légumes de seconde catégorie. Il se sentit dévalorisé, presque insulté et il quitta rapidement ce patron trop prés de ses sous.

 

Je me rappelle qu'après mon retour en France, il m’écrivit une fois, je lui fis parvenir quelque secours par un ami, puis que je n’eus plus jamais de ses nouvelles…

À SUIVRE

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