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Le blog d'André Boyer

JOHN CONRAD

15 Juin 2017 , Rédigé par André Boyer Publié dans #CULTURE

JOHN CONRAD

Voici un billet inusuel, du point de vue des thèmes de mon blog, mais j’aime beaucoup l’écrivain Conrad. Il parvient en effet à faire partager à la fois le décor et les aventures de ses héros dans des cadres parfaitement exotiques et à exposer sa philosophie qui consiste à faire face aux hasards de la vie.

 

Joseph Conrad est un écrivain qui n’a cessé de se transformer. Bourgeois, il se transforme en marin; marin, il mute en romancier ; Polonais, il écrit en anglais et devient Britannique; romantique, il se cache derrière un pessimisme quasi nihiliste. Son idéalisme, qui l’incite à défendre les opprimés, est compensé par un conservatisme dénué d’illusions. Quant à ses héros, ils découvrent au bout de leur chemin une solitude absolue.

De son vrai nom Teodor Jozef Konrad Nalecz Korzeniowski, Joseph Conrad (1857-1924) est issu de la partie de la Pologne occupée par la Russie. En 1874, à l’âge de 17 ans alors qu’il est orphelin depuis l'âge de onze ans, il choisit le métier de marin, d’abord en France puis en Grande-Bretagne où il gravit les échelons jusqu'à celui de capitaine en 1888. Entretemps il a pris la nationalité anglaise et voyagé autour du monde, en Inde, à Singapour, en Australie, à Java, à Sumatra et au Congo (1890), ce dernier voyage le marquant profondément.

Il publie en 1894, Almayer's Folly, un ouvrage marqué par ses références littéraires, notamment françaises comme Flaubert et Maupassant, qui laisse transparaitre, derrière un exotisme flamboyant, la figure de Madame Bovary. Sa période d’apprentissage littéraire se poursuit avec An Outcast of the Islands (1896).

Il atteint sa maturité littéraire avec The Nigger of the Narcissus (1897) qui constitue une sorte de fable initiatique : l'équipage d'un navire doit affronter une subversion insidieuse qui met en danger son intégrité morale et le mène au bord de la désintégration. L’ouvrage est proche de Typhoon (1903), où le capitaine MacWhirr et son équipage ne doivent leur salut qu'aux vertus simples de la discipline et du sens du devoir.

Heart of Darkness (1899) est le produit de son expérience congolaise. Avec la médiation, pour la première fois, de Marlow le narrateur, le héros, Kurtz bascule d'un idéalisme missionnaire qui se brise sur les réalités de l'exploitation coloniale à la tentation mortelle d'un primitivisme où il ne trouvera que l'horreur.

C'est aussi Marlow qui raconte l'histoire de Lord Jim (1900), idéaliste romantique, qui est délivré de son acte de lâcheté au moment même où il le commet. Puis, lorsqu'il cherchera à se racheter de cette faute originelle, il deviendra victime de ses propres illusions.

Nostromo (1904) constitue à mon avis son chef d’œuvre, l’un des sommets de la littérature anglaise. Sur fond de révolution et de conflit pour des mines d'argent dans une république sud-américaine non identifiée, on assiste à l'entrecroisement de destins individuels tels que ceux de Charles Gould, le capitaliste philanthrope pris dans la spirale de ses propres illusions, de Decoud, l'intellectuel cynique mené à sa perte par le métal argenté, ou de Nostromo, le loyal serviteur devenu traître. Il s’y ajoute une forte méditation désabusée sur l’abime qui sépare les grands idéaux politiques des soubresauts sanglants de l'histoire. Son écriture est à l’unisson de son propos, avec des évènements relatés selon des points de vue contradictoires, qui sont relativisés par la partialité des points de vue.

On peut rapprocher The Secret Agent (1907) de Nostromo. Dans une atmosphère crépusculaire, agents doubles et anarchistes sont traités avec la même ironie sardonique que les dirigeants de la police. Par contre Under Western Eyes (1911) évoque Crime et châtiment, avec cette différence que le crime de trahison commis par Razumov n'est pas le point de départ d'une régénération spirituelle mais le début d'un calvaire dépourvu de sens, car, pour Conrad, les révolutionnaires exilés de Genève et la police tsariste de Saint-Pétersbourg obéissent à la même logique infernale.

Après 1911, la qualité de l'œuvre conradienne baisse. Avec The Shadow Line (1915) on retrouve à nouveau le conflit initiatique de ses premiers récits : la solitude d'un jeune capitaine confronté à une situation extrême qui lui fait franchir la ligne qui sépare l'adolescence de l'âge adulte. Curieusement, selon une ironie du sort bien « conradienne », l’auteur atteint la gloire avec l’un de ses romans sans doute les plus faibles, Chance (1914), qui relate la saga des épreuves d'une jeune femme.

Avec Victory (1915), on assiste, comme dans Lord Jim, à la défaite de l'idéalisme chevaleresque devant les ruses du mal. La faute du héros, Heyst, consistant à abandonner son armure de distance hautaine devant la vie et à nouer des liens affectifs, scellant ainsi son destin. Quant aux derniers romans de Conrad, ils laissent surtout percer une mélancolie nostalgique dés début, de la gloire ou de la jeunesse.

 

Ignorer Conrad, c’est passer à côté d’une découverte humaine et littéraire. Ses ouvrages sont en effet tout autant des romans d'aventures que le témoignage d'une solitude existentielle dans un univers en proie au non-sens et l’exploration de nos fantasmes, en somme une réflexion fort moderne…

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C
Salut Andre, ..Toujours aussi interessants ces blog on apprend toujours avec interêt. merci
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A
Merci Jean<br /> Amitiés <br /> André
M
MERCI ANDRE POUR AVOIR PARTAGE' TES CONSIDERATIONS SUR CONRAD: UN AUTEUR QUE JE CONNAIS ET QUE J'AI EU OCCASION D'APPRECIER
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A
Commentaire bien reçu <br /> Merci <br /> André