L’ISLANDE, DU BLOCAGE RÉFÉRENDAIRE AU REJET DE L’UE
30 Avril 2015 , Rédigé par André Boyer Publié dans #ACTUALITÉ
Donc les Islandais, par le biais de manifestations devant leur Parlement et de deux referenda, refusèrent d’être rançonnés par les créanciers internationaux, auxquels ils auraient dû verser, chacun, 100 euros par mois pendant huit années !
La crise financière de l'automne 2008 a déclenché un mouvement révolutionnaire non violent, appelé la révolution des casseroles, qui a entrainé la chute du gouvernement dirigé par le Parti de l'indépendance, de droite. L'Alliance sociale-démocrate et le Mouvement des verts formèrent un gouvernement de coalition intérimaire, avant de remporter une victoire historique lors des élections législatives d'avril 2009.
Dans leur programme figurait l’ ‘élection d'une assemblée constituante. Le 16 juin 2010, l’Althing, contre l’avis des partis de droite, adopta alors une loi constitutionnelle qui prévoyait l'élection d'une Assemblée Constituante formée de 25 représentants ayant pour mission de proposer des amendements à la Constitution du 17 juin 1944.
En octobre 2010, pour préparer le travail de l’Assemblée Constituante, une Assemblée nationale de 1 000 personnes tirées au sort fut chargée de produire un cahier des charges précisant les points qui devaient être traités par la nouvelle Constitution.
Parmi ces mille personnes, 522 candidats se présentèrent aux suffrages qui conduisirent à l'élection de quinze hommes et de dix femmes le 27 novembre 2010, avec une participation du corps électoral qui n’était que de 36%. Mais, le 26 janvier 2011, sur une plainte de trois membres du Parti de l'indépendance opposé au processus de révision de la Constitution, la Cour suprême d'Islande invalida l'élection des constituants en raison de plusieurs incertitudes concernant l'organisation et la confidentialité des votes.
La majorité élue passa outre et le 24 mars suivant, l’Althing décida de confier à un Conseil constitutionnel constitué des personnes précisément élues le 27 novembre la mission de produire des recommandations pour une nouvelle constitution. Ce Conseil Constitutionnel de vingt cinq personnes, qui n’était plus formellement une Assemblée Constituante, remit le 29 juillet 2011 ses recommandations à la présidente de l'Althing sous la forme d'un projet de constitution à soumettre au référendum populaire.
Le projet fut très mal reçu par la classe politique islandaise car les dispositions proposées leur étaient beaucoup moins favorables que le statu quo. Une consultation populaire fut prévue mais sa forme et son contenu firent l'objet de vifs débats. Finalement, le 20 octobre 2012, le référendum constitutionnel put se dérouler et confirma le soutien de la population aux réformes, avec une participation de 48,9% des inscrits.
Le gouvernement espérait obtenir un vote favorable de l'Althing sur le projet de réforme avant les élections du printemps 2013, sans quoi l'adoption de la nouvelle Constitution, qui devait être approuvée selon la Constitution islandaise de 1944 par deux législatures successives, serait retardée de quatre ans. Mais, en raison de l'obstruction des partis d'opposition, le projet ne put être soumis au vote du Parlement.
Or les élections législatives du 27 avril 2013 furent remportées par les deux partis d'opposition de centre droit, le Parti de l'indépendance et le Parti du progrès, ce qui entraîna la suspension sine die de la tentative de réforme constitutionnelle…
Le gouvernement de centre droit se concentra sur la remise en état de l’économie islandaise. Le secteur financier fut restructuré et l'économie repartit sur d'autres bases, avec le tourisme et la pêche comme piliers. Aujourd’hui, l'activité économique de l'Islande a dépassé son niveau d'avant la crise financière de 2008. Si la croissance économique a légèrement diminué en 2014 après 3,6% en 2013, la banque centrale islandaise table sur une reprise forte en 2015, avec 4,2%.
Mais, au plan politique, l’Islande a fait récemment encore parlé d’elle. À son arrivée au pouvoir en 2013, le Premier ministre islandais David Gunnlaugsson avait prévenu de sa volonté d'interrompre le processus d'adhésion à l'UE et c’est chose faite depuis le 12 mars 2015.
Ce jour là, l'Islande a annoncé, décision rarissime pour l’UE, avoir retiré sa candidature à l'Union européenne, alors que le gouvernement de gauche, élu après la crise de 2008, avait déposé sa candidature pour protéger son économie des risques monétaires. Mais, dès son accession au pouvoir en avril 2013, les partis de centre droit avaient mis un terme aux discussions, en raison de la question des droits de pêche. La pêche est en effet redevenue un secteur essentiel de l'économie islandaise, puisque 42% des exportations islandaises en est issu. Or, l'entrée dans l'UE aurait signifié l'adoption de quotas de pêche plus restreints.
Ainsi, l’Islande a réussi à ne pas se charger de dettes mais a échoué dans sa réforme constitutionnelle et vient de renoncer à entrer dans l’Euro. Ce pays de trois cent milles âmes qui réussit à maintenir sa spécificité au milieu de neuf milliards d’êtres humains, doit donc conserver toute notre attention…