COMPRENDRE LA PIEUVRE
29 Avril 2018 , Rédigé par André Boyer Publié dans #CULTURE
La pieuvre possède huit cerveaux reliés à un système central, grâce auquel elle se cache et résout des problèmes assez compliqués.
On croyait que seuls quelques oiseaux, mammifères et primates, sans oublier l’homme et sa fameuse pierre polie, étaient capables d’utiliser un outil. Mais des chercheurs ont surpris des pieuvres en train d’utiliser une noix de coco pour se cacher alors qu’elles passaient dans un espace à découvert.
Depuis un demi-milliard d’années, la pieuvre a en effet déployé toute son intelligence pour échapper à ses prédateurs. Avec son apparence visqueuse et ses formes lâches, elle a une capacité incroyable pour se fondre dans le paysage.
Analysant le décor, la pieuvre se concentre comme un sportif qui entre en action ou un mathématicien qui cherche à résoudre un problème complexe, avant de dévoiler un kaléidoscope composé de millions de cellules pigmentaires spécialisées. Des chromatophores, entourées de couronne de fibres musculaires, se dilatent ou se contractent pour faire apparaître les pigments qu’elles renferment selon leur densité choisie. D’autres cellules entrent en jeu et se combinent pour réfléchir la lumière ou former des taches.
En quelques secondes, la pieuvre s’immobilise et disparaît dans le décor.
Plus fort encore, une espèce particulière de pieuvre, la Thaumoctopus minimicus peut changer d’apparence en une fraction de secondes pour se transformer en crabe géant ou en sole ou en poisson scorpion ou encore en serpent tricot…
Il est vrai que la pieuvre est apparue durant l’ère primaire, bien avant les vertébrés. Elle a joui d’une grande tranquillité pendant quelques millions d’années avant que n’arrivent durant l’ère secondaire les poissons et les reptiles qui sont devenus ses prédateurs. Pour leur échapper, elle a du fournir d’exceptionnelles capacités de camouflage et développer une mémoire suffisante pour enregistrer les bénéfices de son expérience de survie.
Comment est-ce possible ? Ces capacités d’analyse et de transformation s’expliquent par le système nerveux de la pieuvre qui contrôle ces mouvements de textures et de coloration : ses huit tentacules disposent chacune de cinquante millions de neurones reliées au cerveau central qui en possède deux cent cinquante millions. Ce n’est pas énorme comparé au cerveau humain qui peut posséder jusqu’à cent milliards de neurones, mais ce dispositif reste très efficient. Il permet à la pieuvre d’être consciente d’elle-même et de résoudre les problèmes innatendus qui se présentent à elle.
Une pieuvre est ainsi capable de dévisser un bocal pour s’emparer d’un crabe qui se trouve à l’intérieur, de sortir d’une boite en choisissant en quelques secondes et aprés quelques palpations entre deux sorties, en quelques secondes et après quelques palpations, laquelle des deux n’est pas trop étroite pour elle. Pourtant le tube dans lequel la pieuvre se lance est long de plusieurs mètres, elle n’en voit pas le bout, mais sa capacité d’abstraction est suffisante pour qu’elle puisse imaginer une issue probable. Si on recommence l’opération avec la même pieuvre, elle n’hésite pas une seconde et parcourt le tube conduisant à la sortie à toute vitesse.
On a longtemps cru que les pieuvres étaient incapables d’apprendre des autres pieuvres, parce que la plupart des espèces veillent leurs couvées jusqu’à la mort, ce qui les empêcherait de transmettre le savoir acquis d’une génération à la suivante. En effet, les pieuvres, qui ont en général une espérance de vie de six mois, veillent pendant six semaines leurs oeufs pondus en grappes au plafond d'une niche rocheuse, les protège, les ventile et les nettoie. Lorsque les oeufs éclosent, la pieuvre meurt, affaiblie et amaigrie, sans toutefois mourir de faim mais de sécrétions endocriniennes qui sont la cause de sa mort génétiquement programmée.
Malgré cette fracture entre les générations, on a constaté que, lorsque l’on place deux pieuvres devant le même problème, l’ouverture d’une boite, la pieuvre novice observe comment procède l’autre pieuvre, plus expérimentée, et résout à son tour le problème.
On s’en doute, les pieuvres inspirent une bionique en plein développement. Une équipe de chercheurs a mis au point un matériau adhésif correspondant aux ventouses de la pieuvre commune. De même, les mécanismes de camouflage des poulpes ont inspiré une équipe de chercheurs qui ont conçu un matériau à base de fibre de verre et de silicone reproduisant la biophysique des papilles de la peau des poulpes.
Pour je ne sais quel usage, la prochaine étape consistera probablement à concevoir des poulpes robots, avec des amas de neurones dans leurs huit tentacules artificielles…