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Le blog d'André Boyer

LE COMMERCIAL, LA SECRÉTAIRE ET LE MALADROIT

23 Novembre 2022 , Rédigé par André Boyer Publié dans #INTERLUDE

LE COMMERCIAL, LA SECRÉTAIRE ET LE MALADROIT

Donc l’objectif synthétique de l’IECS Strasbourg consistait à faire embaucher nos étudiants le plus rapidement possible. Cet objectif était justifié, je le répète, par une conjoncture momentanément défavorable à l’embauche.

 

Pour agir clairement dans cette direction, il fallait prendre des décisions significatives. La plus importante d’entre elles, sans modifier les structures de l’École, a consisté à embaucher un excellent vendeur pour renforcer les relations entre l’IECS Strasbourg et le tissu économique alsacien. Par l’entremise de la Fondation IECS, j’étais mis en relation avec un commercial, Didier Kahn. Son salaire, payé par la Fondation IECS, était pharamineux puisqu'il représentait deux fois et demi le montant de mon propre salaire de Directeur. Je m’attendais donc à des résultats d’embauche tout aussi pharamineux et, Ô surprise, Didier Kahn se révéla à la hauteur.

Une mécanique implacable se mit en place. Il effectuait systématiquement des visites d’entreprises dans toute l’Alsace et la Moselle, en débordant même sur l’Allemagne Rhénane. Le lundi matin, il en tirait des synthèses et des recommandations, le plus souvent très sévères à mon égard, parce qu’il me reprochait de ne pas visiter assez les entreprises.  J’écoutais le récit de ses actions et la litanie de ses reproches le lundi après-midi entre 14 heures et 14 heures 30. Les embauches de nos étudiants étaient relevées et publiées mois par mois: elles se trouvèrent si fortement accélérées par ce travail de contact et de prospection systématique que 90% de nos étudiants étaient embauchés dans les trois mois qui suivaient leur diplomation.

Autour de l’effort relationnel avec les entreprises, toute une pratique s'édifia qui consistait à juger de la pertinence d’un cours, d’un programme ou d’un projet en fonction de ses effets directs, indirects ou nuls sur la future embauche des étudiants. Pour l'illustrer, voici une anecdote qui me semble significative de l’imprégnation des esprits à l’École sur le thème de l’embauche :

Un soir, vers 19 heures, une femme de ménage est venue cogner à la porte de mon bureau pour me signaler que le grand amphi était sale. Puis elle a ajouté « vous comprenez, Monsieur Pflimlin vient présenter son entreprise (Le Crédit Mutuel) ; si c’est sale, il aura une mauvaise impression de notre école et les étudiants ne seront pas embauchés ».

Je me suis dit que si même la femme de ménage avait compris que son travail était relié à l’embauche des étudiants, la bataille était gagnée en termes de motivation du personnel.

Néanmoins, tout n’allait pas pour le meilleur des mondes à l’IECS, notamment du fait de mes maladresses. Un soir, sortant vers 20 heures de l’École (oui, un Directeur d’École est obligé de travailler tard, car il passe sa journée à rencontrer le personnel, les étudiants et les partenaires), je rencontrais des étudiants qui sortaient de nos salles de cours. Le lendemain, je demandais des explications sur cet emploi du temps tardif. On m’expliqua que les six programmes de langue combinés à la multiplicité des choix effectués par des étudiants qui devaient apprendre trois langues en sus des cours de gestion, obligeaient à élargir exagérément le champ de l’emploi du temps des étudiants, qui s’étalait de 8 heures à 20 heures.

Je demandais de fournir un effort d’organisation de l’emploi du temps pour passer de 8 heures à 18 heures. Le Secrétaire Général, Jean-Pierre Kennel, mit en place une commission pour faire avancer la réorganisation de l’emploi du temps. Hélas, et ce ne fut pas la faute de J-P Kennel, comme toutes les commissions, elle s’endormit sur le sujet jusqu’à ce que je m’en inquiète auprès de l’une des secrétaires chargées de l’emploi du temps qui m’affirma tout de go, que, si elle avait été consultée, elle aurait fait savoir comment résoudre le problème de l’étalement excessif des cours.

Interloqué, je la chargeais aussitôt de proposer une nouvelle organisation de l’emploi du temps, qui s’avéra en effet bien meilleure que celle que nous utilisions.

C’est alors que je fus maladroit, en termes de management. Enthousiasmé par ce résultat, je décidais d’augmenter le salaire de la secrétaire à l’origine de cette amélioration et aussitôt je provoquais une protestation générale sur le thème "nous aussi nous menons des actions extraordinaires ; nous aussi nous avons droit à une augmentation !"

En distinguant par une augmentation cette secrétaire qui méritait effectivement une récompense, j'avais commis une erreur. J'avais suscité un sentiment de jalousie et provoqué une frustration, les deux bien naturels. De ma part c'était sans malice, c'était même sans assez de malice.

 

Je fus donc contraint d'octroyer, au grand dam du conseil d'administration de la Fondation IECS, des avantages nouveaux au personnel, tout en me promettant de ne plus me laisser entrainer dans le rôle du Père Noël ou du Bon Samaritain qui m'avait déjà conduit à quelques déconvenues inattendues dans le passé...

 

À SUIVRE

 

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