RENAISSANCE DE SUPERPHENIX?
29 Mai 2025 , Rédigé par André Boyer Publié dans #ACTUALITÉ
Superphenix est le premier outil du parc énergétique nucléaire qui a été sacrifié sur l’autel des accords électoraux avec les partis écologistes, suivi par le projet Astrid* et par la centrale de Fessenheim.
À la fin des années 1950, la France choisissait de compléter sa filière nucléaire civile par un surgénérateur, un Réacteur à Neutrons Rapides (RNR). Le premier, un petit réacteur expérimental, Rapsodie, a été mis en service en 1966 et arrêté en 1983. Son successeur, Phenix, un premier et excellent surgénérateur de démonstration, est achevé à Marcoule en 1972.
Ce surgénérateur rallie tous les suffrages, car un surgénérateur apporte un avantage considérable à la production de l’énergie nucléaire. En effet, dans un réacteur classique, seulement 0,7% de l’uranium naturel, principalement l’isotope U-235, est utilisé. Avec la surgénération, la totalité de l’uranium participe à la production d’énergie, ce qui résout la question des déchets nucléaires puisqu’il n’y en a presque plus.
Or, après le choc pétrolier de 1973, la France avait décidé de se doter d’une production d’électricité nucléaire lui permettant de s’affranchir de sa dépendance aux énergies fossiles, tandis que l’Allemagne de l’Ouest s’appuyait sur sa production de charbon.
À la construction accélérée d’une série de réacteurs classiques pour les besoins immédiats, s’ajoutait le chantier Superphénix lancé en 1976 sur la commune de Creys-Mépieu, au lieu dit Malville, en Isère. Le projet était porté par EDF et ses homologues allemands (RFA) et italiens.
Des manifestations violentes contre ce projet eurent lieu en juillet 1977, faisant un mort. Mais le chantier suivit tout de même son cours et fut couplé au réseau électrique en janvier 1986.
Trois mois plus tard, la centrale de Tchernobyl explosait, donnant un nouveau souffle, si je puis l’écrire, à la contestation anti-nucléaire, qui craignait que la réussite des surgénérateurs la prive, sur le plan politique, de son argument principal, à savoir la gestion des déchets nucléaires, qui disparaitraient avec ces nouvelles centrales.
Il fallait donc, du point de vue de l’écologie politique, arrêter ce projet le plus vite possible avant qu’il ne s’impose par son succès industriel. Heureusement pour les Écologistes et malheureusement pour l’industrie nucléaire française, Chirac se chargea de porter un coup fatal à Superphénix : il décida de dissoudre l’Assemblée Nationale en 1997 afin de faire venir au pouvoir une majorité de gauche à l’Assemblée Nationale, dont il espérait, à raison, qu’elle lui permettrait, par son impopularité à terme, de se faire réélire en 2002.
Lionel Jospin, à la tête d’une coalition qui comprenait les Verts de Dominique Voynet, la nomma Ministre de l’Environnement. Elle n’aura dés lors de cesse de contraindre Lionel Jospin à tenir sa promesse de campagne, reprise dans son discours de politique générale du 15 juin 1997, en prononçant l’arrêt de mort de Superphénix.
Cet arrêt de mort fut prononcé par le comité interministériel du 2 février 1998. On peut donc écrire, sans risque d’être sérieusement démenti, que Chirac, Jospin, Voynet ont agi, chacun pour leur part et pour des raisons politiciennes subalternes, contre les intérêts fondamentaux de la politique énergétique de la France. Poursuivant sur la lancée de ces petits arrangements, leurs successeurs, Hollande qui le décida en 2015 et Macron qui exécuta la décision en 2020, décideront de fermer la centrale nucléaire de Fessenheim.
Mais aujourd’hui, le vent souffle en sens inverse. Un rapport du Sénat du 4 juillet 2024 recommande de « préparer l’avenir en relançant dés à présent les études et recherches sur un prototype de réacteur à neutrons rapides avec pour objectif la mise en service d’un premier réacteur d’exploitation en 2050 ».
Bis repetita, cinquante-cinq ans plus tard ! Car les enjeux n’ont pas changé : assurer l’indépendance énergétique de la France, faire progressivement disparaitre les déchets nucléaires et fournir à terme une énergie bon marché.
Dans le sens du nouveau vent, Le Président Macron n’a pas hésité à se renier le 10 février 2025 à Belfort, en relançant le programme nucléaire français.
Afin d'ajouter vers 2050, 25 GW supplémentaires au parc actuel de 61 GW d'énergie nucléaire, il s’agirait de construire six EPR 2, d’ici à 2035, auxquels pourra s’ajouter le lancement éventuel de huit réacteurs supplémentaires. Ce plan inclut aussi le développement de petits réacteurs modulaires (SMR) et, grande nouvelle, après avoir abandonné cette filière en 2019 avec Astrid, la France intégrerait à nouveau les réacteurs à neutrons rapides (RNR) dans sa stratégie de développement nucléaire par un assez modeste investissement de 500 millions d’euros dans le projet NUWARD.
Ainsi, timidement, Superphenix renait-il peut être de ses cendres, après de multiples retraits nourris au sein de la culpabilité écologique, pour offrir à la France une énergie atomique sans déchets et sans besoins de matière première autres que les déchets déjà disponibles.
*Astrid (Advanced Sodium Technological Reactor for Industrial Demonstration) est un projet de prototype de réacteur nucléaire français de quatrième génération porté par le CEA (Commissariat à l’Énergie Atomique) dans les années 2010 et arrêté en 2019.
NB : voir les nombreux billets que j’ai précédemment écrit sur l’énergie nucléaire et ses centrales.