FRANCO SELON MICHEL DEL CASTILLO
26 Février 2015 , Rédigé par André Boyer Publié dans #CULTURE
Le 1er avril 1939 le général Franco proclamait la victoire des armées nationalistes sur les armées républicaines.
Dans son ouvrage « Le temps de Franco », Michel del Castillo ne porte pas spécialement Francisco Franco dans son cœur, d’autant plus qu’il a personnellement souffert de la guerre d’Espagne. Mais cela ne l’empêche pas de présenter Franco comme un guerrier courageux, doté d'un sens extraordinaire de l'organisation, véritable meneur d'hommes, sachant imposer une discipline féroce, se montrant impitoyable et sévère, mais juste, affichant une impassibilité glaciale et ayant une redoutable intelligence politique. Il s'interroge encore sur le charisme indéniable, et inexplicable, que possédait ce petit homme dénué de prestance et à la voix incertaine.
Il dresse le portait du généralissime, qui n'était pas un fasciste mais un catholique de tradition, qui a bénéficié de l'aide de Hitler et de Mussolini, tout en se gardant bien de leur rendre la pareille.
L'air du temps de l'Espagne lors de la naissance de Franco est celle d'un pays au glorieux passé mais au présent terne, en plein marasme économique, perdant guerre coloniale sur guerre coloniale, avec un pouvoir monarchique incompétent, enfonçant le pays dans le conservatisme social, avec de brèves et violentes révoltes.
Né dans une famille de militaires, élevé dans une ville de garnison, dans un pays pauvre et conservateur, Franco est un militaire « chimiquement » pur. Mais la famille de Franco est désunie, son père vivant en couple avec une autre femme. Il se destine à la carrière d'officier de marine, comme son frère aîné, mais l'académie navale ferme ses portes l'année où il devait y entrer. Il se résigne donc à une carrière d'officier d'infanterie où il ne bénéficie d’aucun appui familial.
Pendant ce temps, la République espagnole est fondée en 1931, après des années de dictature de Primo de Rivera.
En 1934, la droite emporte les élections législatives, mais se voit refuser de diriger le gouvernement. Il s'ensuit une période troublée, avec un Etat faible, incapable de maintenir l'ordre républicain, même si, à la demande du gouvernement légal, Franco réprime durement un soulèvement ouvrier dans les Asturies. Puis en 1936, une coalition de Front populaire emporte les élections de façon étriquée. Au sein de la coalition de gauche, les éléments les plus radicaux ne sont pas majoritaires aux Cortès, mais contrôlent le gouvernement, dans un climat de violences sociales et politiques effrénées.
Jusqu’à cette date, Franco n'aspire à rien d'autre que servir un ordre, fusse-t-il monarchique ou républicain. Mais le gouvernement de Front populaire laisse s'installer une situation prérévolutionnaire dans laquelle les pouvoirs institutionnels perdent la réalité de leurs pouvoirs, au profit des polices et des justices aux mains des communistes ou des anarchistes, si bien que la guerre d'Espagne ne correspond pas à la lutte d’un gouvernement légal contre un coup d'Etat fasciste mais plutôt à une guerre à mort entre deux projets politiques radicalisés.
Après la sanglante guerre civile qui voit des massacres perpétrés des deux côtés, le Caudillo s’installe au pouvoir et l’exerce avec prudence. Michel del Castillo rapporte ainsi l'agacement d'Hitler après sa rencontre avec Franco en octobre 1940 : « je préfèrerais me faire arracher trois dents que de reprendre un tel dialogue avec lui ». Au final, l'Espagne restera neutre pendant la guerre de 1940-1945. Il a la même prudence quand il s'agit de régler la question de la nature de l'Etat. Franco restera Chef de l'Etat, tandis que la restauration de la monarchie se fera très lentement au profit de Juan Carlos.
Au final, Michel de Castillo dresse le portrait d'un dirigeant qui aurait agi en 1936 pour éviter une dictature stalinienne sur l'Espagne et qui se serait maintenu au pouvoir pour empêcher la résurgence de ce danger. Il souligne aussi que la démocratie s'est installée au terme d'une transition, et non d'une rupture avec le franquisme, menée par l'héritier même de Franco, avec un gouvernement dirigé par un ancien dirigeant franquiste.
Et il conclut son ouvrage en invitant les Espagnols à accorder à leur propre histoire, la lucidité et l'équanimité.