Contre le sport
27 Juin 2012 Publié dans #ACTUALITÉ
Comme après le dernier match calamiteux de l’Équipe de France de football à l’Euro 2012, nous sommes souvent surpris voire agacés par la place prise par le sport dans nos medias. Dans les journaux, des cahiers entiers sont consacrés au sport et leurs pages locales débordent des moindres exploits sportifs des équipes de quartier ou de village.
Aujourd’hui, il est en effet tout aussi impossible d’échapper au sport qu’il était jadis chimérique d'esquiver la propagande en URSS. Cette omniprésence médiatique du sport usurpe la place des autres formes de la création humaine. Où sont les pages quotidiennes des medias sur la poésie, le théâtre, l’opéra, la philosophie, l’architecture, la peinture, les mathématiques ?
Plus grave encore, l’emprise sportive ne s’exerce pas que sur nos pensées, elle s’exerce aussi sur nos corps. Du berceau au trépas, notre société prétend nous contraindre à avoir une activité sportive. On voit de jeunes enfants déformer leurs corps par la pratique asymétrique du tennis ou des vieillards s’efforcer de hâter leur fin en se forçant à courir chaque matin des quelques jours que Dieu leur a généreusement octroyés.
De fait, le sport est une idéologie qui nous oblige à faire de la compétition et de la performance l’alpha et l’oméga de nos existences. Il s’empare des oripeaux de la religion comme en témoignent l’institution d’un calendrier cyclique, l’annuel Tour de France, les Jeux Olympiques toutes les années bissextiles, le championnat de France de Football impatiemment attendu fin juillet, la communion des foules dans les stades, la ritualisation de la compétition, les coupes soulevées tels des calices…
Le sport se revendique aussi comme une morale de la vie en société. Ce n’est pas par hasard s’il exalte la loi du plus fort et le mépris des faibles ou si on y célèbre la tricherie selon le principe du « pas vu pas pris », au point que même notre Président de la République a glorifié la main de Thierry Henry qualifiant iniquement l’équipe de France de football aux dépens de celle d’Irlande.
Enfin le sport exalte des valeurs comme celles du désir de domination, de l’enflure du moi et de la cupidité. C'est ainsi que personne ne s’étonne, en matière de sport, de voir des mercenaires immatures et voraces tapant dans un ballon élus au rang de divinités, tandis que les poètes, les penseurs, les savants, les peintres, les sculpteurs sont repoussés dans la marginalité.
Alors contre le sport ?
Oui, contre le sport comme idéologie, comme religion, comme morale. Contre le sport excessif que nous pratiquons parce qu’il serait malséant de ne pas être sportif.
Si vous partagez ce point de vue, voici quelques citations utiles lorsque vous jugerez bon d’affronter le totalitarisme sportif de vos contemporains endoctrinés :
- Si vous voulez parler d’autre chose que du sport, citez Amélie Nothomb: « Pour la plupart des gens, aimer est un détail de l'existence, au même titre que le sport, les vacances, les spectacles. »
-Si vous voulez lancer une discussion sérieuse, citez Georges Orwell : « Pratiqué avec sérieux, le sport n'a rien à voir avec le fair-play. Il déborde de jalousie haineuse, de bestialité, du mépris de toute règle, de plaisir sadique et de violence ; en d'autres mots, c'est la guerre, les fusils en moins. »
- Si vous voulez susciter la réprobation générale, citez Georges Bernard Shaw : « Le seul sport que j'ai jamais pratiqué, c'est la marche à pied quand je suivais les enterrements de mes amis sportifs. »
- Si vous voulez avoir le mot de la fin, citez Winston Churchill, qui, lorsqu’il approchait de son 90e anniversaire, déclara au journaliste qui l’interrogeait platement sur le secret de sa longévité : « Sport…I never, ever got involved in sport. »
Vous voilà armé pour le débat : ça va être du sport !
PS : ce blog m’a notamment été inspiré par l’ouvrage du philosophe Robert Redeker « L’emprise sportive », François Bourin éditeur, 2012.