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Le blog d'André Boyer

BOURDE STRATÉGIQUE EN AMÉRIQUE DU NORD

28 Juin 2020 , Rédigé par André Boyer Publié dans #HISTOIRE

BOURDE STRATÉGIQUE EN AMÉRIQUE DU NORD

Ce n’est pas seulement l’enthousiasme en faveur de l’Indépendance des Treize Colonies qui est la cause de l’engagement de la France aux côtés des Insurgents, mais aussi le désir de tirer quelque avantage des difficultés du gouvernement britannique. 

 

Dans les milieux militaires, l’envie de venger la perte du Canada était manifeste, comme chez le marquis de la Rouërie qui avait rejoint l’armée de Washington en 1776. Mais la Cour n’avait aucunement envie de s’engager dans une opération aussi lourde que la réoccupation du Canada. Elle en avait fait son deuil. 

Aussi, non seulement le traité d’alliance et d’assistance militaire signé avec les Insurgents contenait-il explicitementle renoncement de la France à toute reconquête en Amérique, mais une clause secrète prévoyait même que la Province de Québec devait demeurer sous la souveraineté britannique. 

Le machiavélisme à la petite semaine de Vergennes perce dans la note secrète qu’il adressa au sieur Gérard, Ambassadeur de France à Philadelphie, selon laquelle le Canada devait « demeurer colonie britannique, afin de constituer dans le voisinage des États-Unis une menace permanente qui les contraigne à rester fidèles à l’alliance et permettre à la France de jouir de son assistance politique et militaire, c’est-à-dire l’acquisition du plantureux commerce que la Grande-Bretagne aura perdu par l’indépendance américaine. » 

Que de calculs subtils pour habiller la capitulation de la France face aux Insurgents qui ne voulaient à aucun prix du retour de la France au Canada ! 

C’était pourtant le momentum parfait pour négocier le retour de la France au Canada en échange de l’aide qui permettrait aux treize colonies de devenir indépendantes. Mais d’une part il ne fallait attendre aucune complaisance de la part des colons, Washington en tête, qui s’étaient révélés être les pires ennemis des Canadiens,  et d’autre part la volonté de reconquête manquait totalement du côté de la Cour de France.  

S’ils avaient su tout cela, les Amérindiens auraient été profondément déçus, eux qui attendaient tant du retour du Grand Onontio, qui seul pouvait leur permettre de faire barrage à l’expansion anglo-américaine. Ils le crurent un moment, mais lorsqu’ils apprirent que la France s’était alliée aux Colonies contre les Anglais, ils jugèrent qu’elle s’était trompé d’alliés, car les colons américains n’avaient pas changé d’idée à l’égard des Amérindiens : ils cherchaient toujours à les exterminer et l’Indépendance avait entres autres pour but de les tuer sans entraves. 

Il y avait mieux à faire pour la France que de signer un traité léonin en faveur des Insurgents, car sa marine redevenue puissante ajoutée à l’alliance espagnole, lui offraient le choix des objectifs et des moyens pour saisir l’occasion d’un Royaume Uni empêtré dans une guerre avec ses colonies américaines. 

Tout d’abord, l’aide aux Insurgents ne pouvait se concevoir sans la reconnaissance de la souveraineté sur la Nouvelle-France reconstituée, du Canada jusqu’à la Louisiane. 

Si les Insurgents s’y refusaient, comme c’était probable, il fallait que le Royaume de France refuse de les aider, tout en saisissant l’opportunité de l’affaiblissement britannique pour reprendre au moins une partie des Colonies cédées en 1763 au Royaume Uni : en Amérique du Nord, les îles du Cap-Breton et de Saint Jean, la partie orientale de la Louisiane jusqu’à la rive gauche du Mississipi, aux Antilles, la Dominique, la Grenade, Saint Vincent et Tobago, en Afrique, Saint-Louis du Sénégal, en Inde, reprendre la position prépondérante qu’elle avait abandonné et en Europe, l’île de Minorque. 

Le Royaume de France avait les moyens d’une revanche sur la guerre de Sept Ans, comme le révélèrent les victoires de sa Marine aux Antilles et devant Yorktown. Ainsi la guerre aurait eu un objectif recevable pour le Royaume : récupérer ses colonies au lieu de livrer une guerre à moitié idéologique en faveur de la liberté et à moitié intéressée pour affaiblir le Royaume Uni. 

C'est ainsi que Louis XVI s’alignant sur le Marquis de Lafayette pour soutenir l’indépendance des États-Unis me rappelle Sarkozy se mettant dans les pas de Bernard Henri Levy pour détrôner Kadhafi en Libye. Dans les deux cas, faute de vision stratégique, ce furent des bourdes phénoménales. 

 

Pour nous en convaincre, voyons l’énormité de l’effort militaire gracieusement consenti par le Royaume et les coûts considérables qu’il a engendrés pour le Trésor Royal, entrainant la convocation des États Généraux en 1789 et la Révolution…

 

À SUIVRE


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