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Le blog d'André Boyer

LES ORIGINES DU TOTALITARISME

29 Janvier 2025 , Rédigé par André Boyer Publié dans #PHILOSOPHIE

LES ORIGINES DU TOTALITARISME

L'ouvrage Les Origines du totalitarisme, écrit par Hannah Arendt en anglais et non en allemand qui est sa langue natale*, paraît pour la première fois aux États-Unis en 1951.

 

Écrit après quelques années d'exil aux États-Unis, la philosophe établit dans son ouvrage la généalogie des régimes totalitaires dont elle a été le témoin et la victime. Pour elle, l’émergence du totalitarisme** constitue l’événement central du XXe siècle. L'œuvre d'Arendt s'inscrit dans un mouvement visant à repenser la politique et la philosophie politique à la lumière des événements traumatisants du XXe siècle.

H. Arendt explore les mécanismes par lesquels les sociétés peuvent glisser vers des formes extrêmes de gouvernance. Les fondements du totalitarisme se trouveraient dans l'antisémitisme qui est progressivement devenu un élément central dans l'idéologie des régimes totalitaires et les dynamiques impérialistes qui ont favorisé la désintégration des frontières et la dévalorisation des valeurs humaines.

C’est alors que les mécanismes du totalitarisme, de par la nature oppressive de ce régime, son contrôle sur la pensée, la suppression de la vérité et l'instrumentalisation des institutions, entrainent la transformation des individus en masses apathiques, déshumanisées et soumises à l'autorité.

Les Origines du totalitarisme comprennent trois parties, consacrées successivement à l’antisémitisme, à l’impérialisme et aux mécanismes du totalitarisme. 

Dans une première partie, Hannah Arendt remonte aux racines historiques de l'antisémitisme, dévoilant l'évolution des préjugés qui ont nourri cette idéologie afin de créer un bouc émissaire utilisé comme un outil pour détourner l'attention des problèmes sociaux, économiques et politiques.

Dans une seconde partie qui parcourt les racines du colonialisme et de l'expansionnisme, Arendt remonte aux débuts de l'ère moderne pour examiner comment les empires européens ont émergé, exploitant des territoires lointains et justifiant leur expansion par des idéologies de supériorité culturelle permettant de couvrir un capitalisme en quête de ressources et de marchés. Elle explore comment l'impérialisme a contribué à déshumaniser les peuples colonisés, les traitant comme des possessions plutôt que des individus ayant des droits inaliénables.

La troisième partie de l'ouvrage est dédiée à l'analyse approfondie des mécanismes des régimes totalitaires. Hannah Arendt distingue le totalitarisme des autres formes de gouvernement autoritaire en montrant sa capacité à s'immiscer profondément dans la sphère privée des individus tout en organisant un contrôle absolu de la sphère publique. Elle montre comment ces régimes exploitent la désorientation sociale pour instaurer un climat de peur et d'incertitude, facilitant la manipulation des masses.

La suppression des droits individuels, la création d'institutions de surveillance omniprésentes et l'utilisation de la violence politique deviennent les éléments centraux de leur stratégie de contrôle, permettant de détruire les structures sociales traditionnelles et érodant les bases de la confiance interpersonnelle.

La lecture de l'ouvrage de Hannah Arendt permet de distinguer trois axes d'analyse, philosophique, idéologique et politique :

Au plan philosophique, elle met en évidence les aspects de la psychologie humaine qui peuvent favoriser l'émergence de mouvements autoritaires, tels que la propension des individus à se conformer aux attentes de la société et des autorités, comme la crise du COVID qui a montré de quelle manière la tendance à la conformité pouvait être exploitée pour manipuler les masses et mettre hors-jeu la dissidence en l’accusant de diffuser des fake-news et de pratiquer le complotisme.

Elle met également en garde contre l'effritement de l'espace public, où les individus peuvent débattre, partager leurs opinions et participer activement à la vie politique. Ainsi, on observe actuellement le combat que mène le pouvoir politique et les médias affidés contre les opinions librement exprimées sur les réseaux sociaux, sous prétexte de lutter contre la « haine ».

Arendt observe aussi comment la modernité contribue à la montée de la solitude et de l'isolement, ce qui rend les individus vulnérables aux manipulations idéologiques qui prétendent offrir en contrepartie un sentiment d'appartenance.

Elle introduit enfin le concept de la banalité du mal, qui se manifeste lorsque des individus, motivés par le désir de conformité sociale ou professionnelle, participent à des actions cruelles sans remettre en question la moralité de leurs actes, comme le montre l'expérience de Milgram (voir mon billet à ce sujet).

 

Il nous reste à examiner dans Les Origines du totalitarisme la pensée d’Hannah Arendt aux plans idéologique et politique.

* L’ouvrage n'est proposé au public francophone sous sa forme originelle qu'en 2002, cinquante et un ans après sa première publication en anglais !

** Compte tenu du contexte historique de l'ouvrage, Arendt réserve l’appellation de totalitarisme qu'à deux régimes: le nazisme entre 1939 et 1945, et le stalinisme, entre 1930 et 1953, oubliant la période léniniste qui l'a précédé. 

À SUIVRE

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HANNAH ARENDT (1906-1975)

22 Janvier 2025 , Rédigé par André Boyer Publié dans #PHILOSOPHIE

HANNAH ARENDT (1928)

HANNAH ARENDT (1928)

Il nous parait utile de présenter les principaux traits de la vie d’Hannah Arendt avant d’analyser son œuvre proprement dite, car son parcours de vie est révélateur des principaux thèmes qu'elle développe dans son œuvre.

 

Née à Hanovre au sein d'une famille cultivée de juifs réformés, Hannah Arendt se définissait elle-même comme « Femme, juive, mais pas Allemande ».

Philosophe, théoricienne du politique, journaliste, marquée par des "temps sombres", Hannah Arendt était consciente de la relation étroite de son œuvre avec sa vie.

Dès l’âge de 18 ans, Hannah Arendt étudie la philosophie, la théologie et la philologie classique, successivement dans les universités de Margbourg, Fribourg et Heidelberg. Ces études la mettent en contact avec de grands philosophes de l'époque comme Edmund Husserl, Martin Heidegger et Karl Jaspers, sous la direction duquel elle soutient son doctorat sur Le Concept d'amour chez saint Augustin.

Sa vie sentimentale la conduit à avoir une liaison avec Martin Heidegger, avant d'épouser Günther Anders Stern, un jeune philosophe. Grâce à une bourse d'études, elle se consacre jusqu'en 1933 à la biographie de Rahel Varnhagen, une figure du romantisme allemand, ce qui lui permet aussi de regarder en face sa propre condition juive.

La menace hitlérienne fait prendre conscience à Hannah Arendt qu'il lui faut s'engager dans l'action, qui consiste en ce qui la concerne en une mission pour le compte de l'Organisation sioniste, qui consiste à recueillir des témoignages sur la propagande antisémite. Elle sera arrêtée par la Gestapo qui la relâchera faute de preuves, mais elle en conclut qu'il est temps de fuir. Elle s'exile à Paris où elle passe huit années, travaillant au sein de différentes organisations sionistes et fréquentant l'intelligentsia parisienne comme Raymond Aron ou Alexandre Koyré et des émigrés allemands comme Brecht ou Zweig.

En mai 1940, elle est internée au camp de Gurs en tant qu’«étrangère ennemie », mais elle réussit à s'en échapper et, dès la proclamation du statut des Juifs en octobre 1940, elle gagne Lisbonne avec son second mari, Heinrich Blücher, un autre philosophe allemand, ville où elle obtient un visa pour les États-Unis qui lui permet d'arriver à New York en mai 1941.

À son arrivée, Hannah Arendt se consacre logiquement à l'apprentissage de l'anglais tout en publiant son premier grand article : « De l'Affaire Dreyfus à la France d'aujourd'hui ». Éditorialiste au journal Aufbau, destiné aux réfugiés de langue allemande, elle défend l'idée de la constitution d'une armée juive et s'interroge sur la solution à apporter à la question judéo-arabe.

En 1944, nommée directrice de recherche de la Commission pour la reconstruction de la culture juive européenne, elle est chargée d'étudier les moyens de récupérer les trésors spirituels juifs, ce qui lui permet d'effectuer en 1949 son premier voyage de retour en Europe et de renouer avec Heidegger et Jaspers.

En 1951, année pendant laquelle elle choisit la nationalité américaine, elle publie Les Origines du totalitarisme, ouvrage qui s'efforce de répondre aux trois questions  suivantes:

- Que s'est-il passé ?

- Pourquoi cela s'est-il passé ?

- Comment cela a-t-il été possible ?

Au travers de l'ouvrage, Hannah Arendt s'efforce de comprendre le caractère inédit du totalitarisme qui tient dans l'existence de crimes impardonnables et dans la révélation d'un « mal absolu ». Elle estime que ce nouveau type de régime naît de la crise des valeurs sur lesquelles était fondée l'ancienne notion de politique autour de quatre diptyques : « liberté et justice, autorité et raison, responsabilité et vertu, pouvoir et gloire ». Le totalitarisme engendre un homme nouveau, composante anonyme d'un ensemble d'individus interchangeables et la terreur devient son principe central.

À la suite de la publication des Origines du totalitarisme, Hannah Arendt enseigne la philosophie et les sciences politiques dans les plus prestigieuses universités américaines. Elle publie dans le même temps  La Crise de la culture (1954) puis La Condition de l'homme moderne (1958) qui abordent les questions de la crise de la culture, de la crise de l'éducation ou de l'avènement du mensonge en politique.

En 1961, lorsqu'elle couvre le procès Eichmann pour le New Yorker, elle en tire le livre Eichmann à Jérusalem, dont le sous-titre, Rapport sur la banalité du mal, ainsi que les quelques pages où elle relate le rôle des conseils juifs dans la « solution finale » des Juifs européens déclenchent contre elle une véritable cabale. Pour Hannah Arendt en effet, le seul crime d'Eichmann, consistait à ne pas avoir pensé ce qu'il faisait, à n'avoir pas imaginé les conséquences de ses actes.

De 1963 à 1968, Hannah Arendt enseigne à l'université de Chicago avant d'être nommée professeur de philosophie politique à la New School for Social Research à New York. Les victoires d'Israël durant la guerre de Six Jours l'enthousiasment et la révolte étudiante à Columbia, en avril 1968, lui fournit l'occasion de réfléchir sur les concepts de pouvoir et de violence, sujet qu'elle reprendra dans Du mensonge à la violence (1969).

Fidèle en amitié, Hannah Arendt prononce en 1958 un discours à Francfort en l'honneur de Karl Jaspers et, en 1969, accepte de contribuer aux « Mélanges » dédiés à Martin Heidegger à l'occasion de son quatre-vingtième anniversaire. Les écrits rassemblés dans Vies politiques (1968), consacrés notamment à Jaspers, Heidegger, Broch, Benjamin, Brecht, sont un autre témoignage de sa fidélité.

En 1973, elle accepte d'assurer les conférences Gifford à Aberdeen. C'est l'occasion pour elle d'annoncer son projet sur La Vie de l'esprit, dont trois volumes étaient prévus : La Pensée, Le Vouloir, Juger et qui parurent après sa mort à New-York, advenue le 4 décembre 1975 à la suite d'une crise cardiaque.  

 

Sur sa tombe, Hans Jonas, l'ami d'une vie, acheva l'éloge funèbre de cette « passagère sur le navire du XXe siècle » par ces simples mots : « Sans ta chaleur, le monde s'est glacé. Tu nous as quittés trop tôt. Nous allons tenter de t'être fidèles. »

 

À SUIVRE

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MISSION ACROBATIQUE EN INDE

18 Janvier 2025 , Rédigé par André Boyer Publié dans #INTERLUDE

MALLAKHAMB

MALLAKHAMB

À la fin de mon dernier billet sur mes actions universitaires à l’étranger ( Survoler l’Afrique de la gestion, 3 octobre 2024) j’indiquais que j’avais accompli une mission en Inde sous l’égide d’Edufrance fin 1998, dont j’attendais beaucoup).

 

On se souviendra peut-être que je m’étais donné comme mission à moi-même, sans attendre ni l’accord ni la reconnaissance d’aucune autorité, universitaire ou politique, de contribuer aux échanges entre la France et les principaux pays en voie de croissance et au développement des entreprises françaises à l’étranger, en créant des centres de formation en Chine, Indonésie, Inde et Brésil, tout en étant prêt à agir ailleurs et autrement en fonction des circonstances.

C’est ainsi que j’étais intervenu aussi en Bulgarie, Tchécoslovaquie, Madagascar, Algérie ou au Maroc, dans des cadres différents, le plus souvent avec l’appui de la FNEGE qui partageait une grande partie de mes objectifs.

L’Inde était donc le troisième objectif successif de mon plan initial. Pour ce faire, je saisissais l'opportunité de l’organisation par Edufrance d’une série de forums de promotion de l’enseignement supérieur français en Inde entre le 29 novembre et le 6 décembre 1998, destiné à « vendre » aux Indiens des formations à la gestion en France, pour me glisser parmi les organisations qui offraient leurs formations.

Une cinquantaine d’écoles y participaient qui avaient été assez artificiellement classées en trois catégories, Management, Engineering, Tourism et Hotel Management. Le Ceram (le futur Skema et l'ex ESC Nice*) y était représenté dans les trois catégories. Mais on trouvait également l’ESSEC ou l’Institut pour l’Aéronautique et l’Espace ou l’Institut Vatel. Tout ce monde se flattait de fournir des programmes en anglais en France, ce qui n’était pas tout à fait vrai à l’époque, mais qui est aujourd’hui une banalité. L’IAE de Nice, que je représentais avec une assistante de recherche, prétendait offrir l’inverse, à savoir une formation à la gestion française en Inde qui n'était encore qu'un projet, autant dire que nous faisions tâche dans le tableau.

Je me dois de souligner que cette mission était exceptionnellement financée par l’IAE de Nice, grâce à sa directrice de l’époque Maryse Martin, à la fois ma collègue et ma compatriote pugétoise. Jusqu’à cette dernière mission, jamais en effet, l’IAE de Nice n’avait soutenu la moindre de mes actions à l’étranger, pour des raisons qu’il ne m’appartient pas d’analyser ici.

Le programme comprenait trois expositions dans trois ville successives, avec, classiquement, des séminaires d’information autour de sujets tels que « Pourquoi faire des études de management en France ? » qui étaient directement contradictoires avec mes propres objectifs, mais que je pouvais comprendre. Nous nous sommes ainsi rendus à Delhi, à Bangalore et à Bombay, accompagnés, ou encadrés, par divers officiels français, comme Ségolène Royal, Ministre déléguée à l'enseignement scolaire, Claude Blanchemaison, l’Ambassadeur de France en Inde, Jean-François Poncet, Jérôme Monod (Suez) ou René Blanchet, Recteur de l’Académie de Paris.

À posteriori, la présence simultanée au cours de cette mission en Inde de Ségolène Royal, avec qui j'avais eu maille à partir au sujet des subventions de l'IFTG (Prague) et de Claude Blanchemaison qui, en tant qu’Ambassadeur de France au Vietnam et diplômé d'HEC, s'était opposé à la création d'un Institut de Gestion Français à Hanoï sous l'égide de l'université française que je présentais pour favoriser la Chambre de Commerce de Paris, aurait dû m'alerter: l'Ambassade de France en Inde ferait tout ce qui était son pouvoir pour me mettre des bâtons dans les roues, sans se préoccuper une seconde de l'intérêt du projet pour la France en général et pour les entreprises françaises en particulier. Et c'est exactement ce qui se passa.

Comme on l’imagine, les rencontres ponctuées d’échanges de cartes de visites et de discussions, les cocktails et les repas se succédèrent sans discontinuer pendant ces huit jours qui furent loin d’être désagréables, quoique parfaitement épuisants.

Mes lecteurs savent, depuis le récit de ma mission en Indonésie, que ces déplacements et ces mondanités ne pouvaient en rien me distraire de mon objectif, créer une formation en gestion en Inde en français, dont je conviens qu’elle consistait à clairement détourner de son objectif le programme organisé conjointement par Edufrance et l’Ambassade de France en Inde. 

Pour obtenir gain de cause, je rencontrais près de trois cents prospects en six jours de rencontre, soit un nombre énorme de dirigeants d'écoles, de professeurs et de toutes sortes de responsables de formation à la gestion en Inde. La plupart du temps, je recevais un excellent accueil dont je me méfiais un peu, la culture indienne n'étant ni la culture chinoise, presque brutale, ni la culture indonésienne, ouverte derrière ses silences. En Inde, le business était roi et les promesses n'engageaient que ceux qui y croyaient, comme le professait Charles Pasqua.

 

Progressivement, je me faisais néanmoins une idée de plus en plus précise sur les acteurs indiens qui pourraient être associés à notre projet de programme.

 

* Je pourrais écrire un billet entier sur la manie, souvent stupide, des Écoles de Commerce de changer de nom, mais je vous en dispenserai pour ne pas lasser votre patience...

 

À SUIVRE

Prochain billet : HANNAH ARENDT

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UN CONCORDAT DIFFICILE À SIGNER

7 Janvier 2025 , Rédigé par André Boyer

ON RECONNAIT NOTAMMENT PIE VII AUTOUR DE LA TABLE

ON RECONNAIT NOTAMMENT PIE VII AUTOUR DE LA TABLE

UN CONCORDAT DIFFICILE A SIGNER

 

Le Consulat est officiellement installé le 1er janvier 1800.

 

Bonaparte nomme deux nouveaux consuls qui se situent aux deux extrémités d’un balancier politique qui oscille autour du Premier Consul. Ils sont en effet à l’opposé sur le plan politique : Cambacérès, régicide, a été député de la Convention et un spécialiste du droit. Lebrun est un partisan de la monarchie modérée et un spécialiste des finances.

Le Sénat, présidé par Sieyès, coopte les sénateurs et choisit les députés qui n’ont pas pu encore été élus, fautes de listes de notabilité établies. Il faut noter que le choix du Sénat se porte sur des députés de sensibilité révolutionnaire qui sont plutôt opposés au Premier Consul.

Dès février 1800, Bonaparte s’est installé aux Tuileries. Il affiche immédiatement sa volonté de réconciliation nationale. Avant même d’être officiellement installé, il prend en quelques semaines de nombreuses mesures d’apaisement:

- Le 13 novembre 1799 : Abrogation de la loi des otages.

- Le 23 novembre : suspension d’armes dans l’Ouest.

- Le 29 novembre : suspension des peines de déportation des prêtres réfractaires.

- Le 23 décembre : suppression de la célébration de l’exécution de Louis XVI.

- Le 25 décembre : abrogation des lois privant les parents d’émigrés des droits civiques.

- Le 26 décembre : les royalistes déportés après le 18 fructidor an V sont autorisés à rentrer en France.

- Le 28 décembre : l’amnistie est accordée aux insurgés de l’Ouest qui acceptent de déposer les armes.

- Le 30 décembre : les honneurs sont rendus à la dépouille de Pie VI, qui avait été emprisonné à Valence.

Mais Bonaparte a des difficultés à signer un Concordat avec le Pape Pie VII, les objectifs de ce dernier étant radicalement différents de la démarche purement politique de Bonaparte qui veut obtenir un accord avec les autorités catholiques malgré la résistance des assemblées qui s’opposent au retour de la religion sur la scène publique.

Ce Concordat reconnaît le gouvernement consulaire. En contrepartie, le Pape obtient l’acceptation par l’État français de l’autorité spirituelle du pontife romain et de son droit à nommer les évêques, en accord toutefois avec l’État français.

Vaguement déiste, Bonaparte convient que le catholicisme lui paraît efficace pour rendre la société plus cohérente, puisque ce dernier prêche le respect de l’autorité. L’avantage du Concordat est aussi que le parti royaliste ne pourra plus mobiliser au service de sa cause les prêtres réfractaires et leurs fidèles.

Autour de ce Concordat, la bataille diplomatique entre Pie VII et Bonaparte porte surtout sur deux articles qui concernent la condition de la religion catholique en France et la liberté du culte à l’extérieur des églises. Comme, pour les théologiens de l’Église, la religion catholique devait être reconnue religion d’État, on trouva une formule qui permettait une reconnaissance de facto de la religion catholique, et non de jure, en utilisant l’expression : « religion de la majorité des Français ».

En outre, à l’opposé du Directoire qui avait confiné les cérémonies religieuses à l’intérieur des églises, les mêmes théologiens insistaient pour que la religion catholique s’exerçât au grand jour. On convint que le culte serait public, tout en se conformant aux règlements de police exigés par la tranquillité publique.

L’accord fut plus facile sur les nouvelles circonscriptions des diocèses, sur la nomination par le Premier consul des évêques, nomination confirmée par le Pape, sur le serment de fidélité des évêques et des curés au gouvernement et non à la Constitution, sur l’autorisation de recevoir des fondations et sur les prières officielles pour les Consuls.

Pie VII renonça de fait à la restitution des biens d’Église vendus comme biens nationaux, sans reconnaître de jure au pouvoir civil le droit d’en disposer : il s’engagea simplement à ne pas inquiéter les acquéreurs.

Les pourparlers entre Pie VII et Bonaparte s’éternisèrent, en raison de la volonté de ce dernier d’instrumentaliser l’Église en usant de rouerie et de menaces. Il ne faudra pas moins de neuf versions différentes (sic) pour que le Concordat soit symboliquement signé le 14 juillet 1801, et difficilement ratifié par les deux parties.

Après la paix d’Amiens, Bonaparte usa d’une dernière fourberie lorsqu’il promulgua le Concordat le 8 avril 1802, en y rajoutant de son propre chef les Articles Organiques qui rendaient l’Église de France étroitement dépendante de l’État, malgré les protestations de Pie VII contre cette adjonction unilatérale.

En politique internationale, dans le cadre de ses efforts pour stabiliser la position de la France, Bonaparte essaya, au-delà de la pacification religieuse, d’obtenir une paix qui permette à la France de digérer ses conquêtes en Europe.

 

Malgré sa volonté inébranlable, malgré son génie de négociateur et malgré la force coercitive de son armée, il n’y parviendra pas.

 

À SUIVRE

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2025

1 Janvier 2025 , Rédigé par André Boyer Publié dans #ACTUALITÉ

2025

2025 ? Ce matin frais de fin décembre 2024, je m'étais assis au bord de la mer. Il faisait beau, comme souvent ici.

 

Les cris stridents des goélands étaient largement couverts par le grondement presque incessant des véhicules qui s'élançaient vers l'est, de feu vert en feu vert.  

J'étais assis sur des galets que la mer roulait avec un chuchotis apaisant et un rythme immuable. Pour une fois, je n'allais pas me lancer dans des vœux lénifiants ou des prédictions utopiques, mais je voulais traiter d'un sujet explosif. Cette perspective me faisait courber la tête vers les galets dont me parvenait l'odeur iodée.

2025 ? Comment me fier à mes impressions ? Quand j'avais appris que l'État français, mon État, empruntait, chaque jour, un milliard d'Euros pour rembourser les emprunts qu'il avait contracté précédemment et pour payer les intérêts des dettes en cours, j'ai cru, personnellement, ployer sous le poids de la dette. Ainsi, ils empruntaient chaque jour 15 euros sur mon dos, qu'il faudrait rembourser un jour ou l'autre. Ou jamais. Mais jamais, je n'y croyais pas : l'argent gratuit, cela n'existe pas.

Livré à moi-même sur cette plage, j'imaginais que la charge de plus en plus écrasante de la dette pèserait sur mes épaules, tandis que mes concitoyens, inconscients de cette machinerie impitoyable, continueraient à vaquer à leurs occupations sans se rendre compte qu'ils avaient emprunté chaque jour 15 euros, à cause des emprunts que nous avions accumulé tous ensemble, à force de subventions, d'allocations, de dépenses bureaucratiques, de gaspillages, d'erreurs, bref de tout ce qu'une société génère d'actions incontrôlées, de droits, d'incompétences, de mouvements browniens et de frottements.

Et je voulais livrer cette sinistre nouvelle à mes lecteurs, pour le jour de l'an 2025 ?

Ça ne plairait pas.

Ce que j'espérais en m'obstinant à le proclamer, c'était de contribuer à ce qu'un jour, que j'escomptais pas trop lointain, nous serions si nombreux à en prendre conscience que nous pourrions trouver, tous ensemble, la force de chercher une solution, une fois que nous nous serions bien défoulés sur les boucs émissaires que nous jugerions responsables de cette catastrophe.

La solution ? J'étais certain qu'au nom des injustices que les niais prétendaient faire disparaitre de la surface de la Terre, certains esprits pervers recommanderaient d'augmenter les impôts. Après tout, il suffirait d'augmenter la charge fiscale de tout un chacun, en modulant sévèrement les taux en fonction du revenu, pour faire disparaitre le déficit.

Mais ces niais omettaient l'effet déflationniste de l'augmentation des taux d'imposition, qui engendrerait une baisse du rendement des impôts et obligerait à augmenter à nouveau la charge fiscale, jusqu'à ce qu'elle atteigne 100% de revenus qui se seraient entretemps effondrés. Finalement, 100% de rien.

Car, depuis les analyses fondées sur la courbe de Laffer, on savait que l'augmentation indéfiniment poursuivie de la fiscalité n'était qu'une voie sans issue.  

Si je voulais sauver ce billet de l'opprobre, il fallait absolument proposer une solution. L'évidence inverse de l'augmentation des impôts serait de les baisser et pour cela de baisser les dépenses, ce qui impliquerait des coupes claires dans la redistribution pratiquée sous l'égide de l'État. C'était un processus long et délicat, qui pouvait conduire, selon les circonstances, à la dislocation de l'État.

Bon, mais enfin c'était la voie. Encore que pour conduire une telle action, douloureuse et pénible, qui ne pouvait que susciter une forte contestation de tous les groupes lésés, il faudrait que se dégage un large consensus sur la nécessité de réduire le déficit public et que s'impose une équipe, reconnue et portée par la grande vague de l'opinion publique. Ce n'est qu'ensuite que cette équipe pourrait mettre en œuvre les mesures appropriées, qui mettront du temps à produire leurs effets.

Nous n'en étions pas là, puisque j'étais le seul à m'inquiéter. Je rangeais dans les dossiers à expulser de mon esprit les fuites en avant, du genre plus de croissance ou plus de travail. La première ne se décrétait pas, la seconde était suicidaire pour l'équipe chargée de réparer le budget.

Oui, nous n'en étions pas encore là, mais le spectacle donné par les politiciens impuissants de 2024 pourrait bien avoir la vertu, en 2025, de provoquer un réflexe susceptible de déclencher le processus de lutte contre le surendettement.

Je quittais les galets des yeux pour regarder la mer impavide. En tout cas, quelles que soient les aventures du budget, la mer resterait et le soleil aussi. Et puis, la dette ne durerait que le temps de nous apprendre à vivre avec ce que nous produisons. Une affaire de quelques années.

C'est ainsi que je me rassurais.

J'espérais avoir aussi rassuré mes lecteurs.

 

Si j'y parvenais, comme ce ne serait sûrement pas plus difficile de redresser le budget de l'État que de les rassurer, mes lecteurs, nous serions sur la bonne voie...

 

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