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Le blog d'André Boyer

L'ultime victoire de la Grande Armée

28 Mai 2011 Publié dans #HISTOIRE

Pour traiter de l'affaire DSK, nous avons délaissé quelques jours le récit de l'extraordinaire aventure de la Bérézina.  Rappelons nous que les dernières troupes organisées de la Grande Armée traversent les deux ponts de la Bérézina le 27 novembre 1812, tandis que deux armées russes se rapprochent, l'une sur la rive droite commandée par Tchitchakov  et l'autre talonnant l'arrière garde de Victor sur la rive gauche, commandée par Wittgenstein. 

 

berezina6.jpgDans la nuit du 27 au 28 novembre, c'est le désordre: des militaires isolés traversent, ainsi que de l’artillerie et des bagages, mais dans le désordre. Désarmés, regroupés autour de leurs feux, cachés dans leurs cambuses auxquelles ils s'accrochent, les trainards ont enfin compris qu’il fallait bouger lorsqu'ils entendent le son des canons russes. Une horde compacte se rue sur les ponts, alors que la nuit précédente personne n’avait traversé.

Napoléon a décidé de garder les ponts encore ouverts dans la journée du 28 novembre pour permettre au maximum de troupes, de trainards, de civils et de bagages de s’enfuir. Face à l’armée de Wittgenstein qui attaque, quatre mille hommes de Victor restent sur la rive gauche pour protéger le passage, appuyés par trois cent cavaliers et l’artillerie de la Garde positionnée dans les marais sur la rive droite.

Le 28 novembre 1812 se déroule la dernière bataille de la campagne de Russie, et cette bataille est encore victorieuse pour la Grande Armée, aussi affaiblie soit-elle. Ce ne sont pas moins de deux batailles simultanées qui se déroulent. En effet, pendant que Napoléon prenait des dispositions pour permettre le franchissement des attardés, Tchitchakov l’attaque avec toutes ses forces sur la rive droite. Pour l’affronter, Oudinot et Ney réunis ne disposent que de huit mille cinq cent hommes, dont mille cinq cent cavaliers. 

Le terrain est couvert de bois clairs et de champs. Depuis le Nord, le vent chasse une neige épaisse, les mains engourdies des soldats  privés de vivres ont du mal à tenir le fusil. Oudinot est blessé. Le combat dure depuis deux heures sur la rive droite quand Wittgenstein attaque Victor sur la rive gauche. La foule des trainards se rue alors vers les ponts, formant une multitude compacte de cent hectares! tout en se défendant à un contre cinq, Victor réussit malgré tout à s’emparer d’un bois d’où l’artillerie russe, semant la terreur, tirait sur la foule massée à l’entrée des ponts. L'image que la postérité a retenu de cette bataille, c'est ce moment où les hommes et les chevaux se noient dans la Bérézina, les voitures se renversent, les fuyards éperdus courent en tous sens sous les boulets…

Sur la rive droite, les attaques de Tchitchakov sont repoussées par l’artillerie et par les cuirassiers de la Grande Armée. Il n'est même pas nécessaire de faire donner la Garde pour l'emporter. Mais c'est un combat très sanglant, car, lorsque la nuit sépare les combattants, la moitié des officiers et des soldats qui ont combattu dans la journée ont été blessés. Quant aux autres, ils sont presque tous malades.

Le soir du 28 novembre, Eblé fait pratiquer une sorte de tranchée dans l’encombrement, par laquelle les troupes de Victor, à l’exception d’une arrière garde au contact de l’ennemi, se fraient un chemin sur l’autre rive entre 21 heures et une heure du matin. Il se passe alors un événement extraordinaire : les ponts sont libres mais personne, ou presque, ne passe. Il y a pourtant sur la rive gauche un grand nombre de soldats isolés, d’employés, de domestiques, de familles fugitives. Mais l’apathie les a gagnés, à force de fatigue, de maladies et de blessures. Aussi, dans la nuit, malgré les efforts de Victor et d’Eblé, la plupart refusent de  quitter leur bivouac

Le 29 novembre à six heures et demi du matin, lorsque Victor fait passer son arrière garde sur l’autre rive, la multitude prend enfin conscience qu’il faut quitter les lieux et se précipite vers les ponts. Deux heures plus tard, Eblé doit se résoudre à faire détruire les ponts alors qu’il reste encore cinq mille personnes sur la rive gauche, hommes, femmes et enfants qui hurlent leur désespoir. À neuf heures, les cosaques les entourent et les font prisonniers. À neuf heures et demi, Eblé achève la destruction des ponts tandis qu’apparaissent les premières troupes de Wittgenstein.

La suite n’est qu’une longue fuite vers Vilnius puis vers Königsberg, au cours de laquelle la Grande Armée se désagrège en quasi totalité. Déjà, à peine trois jours après avoir franchi la Bérézina, elle ne compte plus que huit mille quatre cent combattants !

Quant à Napoléon, il quitte l’armée six jours plus tard, le 5 décembre, pour rejoindre Paris via Vilnius. Il rejoint la capitale le 19 décembre.

Il y aurait beaucoup à conter encore, notamment sur l’odyssée des troupes que Napoléon laisse au débouché de la Bérézina ou  sur le changement radical qui se produit en Europe lorsque l’on découvre que le grand conquérant a perdu son armée.

Mais arrêtons nous à la Bérézina, car ce récit avait pour objectif de décrire les efforts inouïs que Napoléon, ses généraux, ses officiers et ses troupes ont déployé pour survivre face à la faim, à la marche, au froid et bien sûr face aux troupes russes. Lorsque, pratiquement encerclée, la Grande Armée se retrouve contrainte de traverser la Bérézina en catastrophe, l'extraordinaire réside, dans sa capacité collective à s’organiser, à tromper l’ennemi, à combattre et finalement à passer.

 

Une leçon de courage, de volonté de courage, une victoire vraiment… 

 

PS: parmi les ouvrages dont je me suis inspiré pour écrire cette série sur la Bérézina, je vous recommande l'ouvrage, téléchargeable sur Google, du Général Georges de Chambray, Histoire de l'Expédition de Russie, 1823, dont le récit me semble particulièrement proche des événements qui se sont effectivement déroulés. 

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