ESCALES À BAMAKO
27 Novembre 2018 , Rédigé par André Boyer Publié dans #INTERLUDE
De retour, j’ai pris le vol direct Abidjan Dakar, assuré par Air Afrique avec un vieux DC8. Le vol durait environ trois heures. Finalement nous mirent plus de trois jours pour rejoindre Dakar.
En effet, au bout d’une heure et demie, un des quatre réacteurs prit feu. Les extincteurs étouffèrent rapidement les flammes mais une longue colonne de fumée noire, puis blanche, s'étirait gracieusement derrière nous.
Il fallut quelques longues minutes pour que le commandant nous explique qu’il allait devoir dévier l’avion de sa route et faire un atterrissage d’urgence à Bamako, sans qu’il ait vraiment besoin de nous expliquer pourquoi. Dans mon souvenir (1982), cela ne prit pas trop de temps, quoique nous ayons craint sur le coup qu’un deuxième réacteur ne s’enflamme.
Il est vrai que la compagnie Air Afrique (1961-2001) n’était réputée ni pour la fiabilité de ses appareils, trop vieux et, disait-on, mal entretenus, ni pour l’amabilité de ses hôtesses qui se prenaient, si j’en juge par mon expérience, pour des princesses en exil contraintes de servir des gueux.
Nous fîmes un tour au-dessus du coquet, mais à l’époque petit, aéroport de Bamako où l’on vit distinctement que les camions de pompiers avaient été mis en alerte. L’avion parvint à se poser, un peu violemment, mais sans encombre. Nous nous retrouvâmes dans un aéroport qui ne nous attendait pas, ce qui se traduisait par l’absence de climatisation. Dans ce four où nous étions en attente, Air Afrique nous fit savoir qu’il attendait les instructions de Paris pour prendre une décision à notre égard.
Cette perspective nous indigna.
Les passagers les plus expérimentés comprirent que la situation risquait de durer et ils nous proposèrent de nous installer d’autorité dans l’Hôtel de l’Amitié, un hôtel de luxe situé à une demi heure de l’aéroport. Nous y restâmes trois jours aux frais d’Air Afrique. La partie la plus marquante de ce séjour impromptu, en dehors d’une brève visite du marché de la ville, fut l’incursion au zoo de Bamako, en compagnie d’un suédois rubicond qui eut à peine le temps d’apercevoir le dos des hippopotames qui fuyaient la chaleur accablante en s’immergeant dans un bassin, avant de s’effondrer, victime d’une insolation doublée d’un excès de bière. Le chauffeur et moi eurent le plus grand mal à trainer son quintal inerte dans le taxi pour le remettre au médecin attaché à l’hôtel.
Après cette petite aventure et cette première rencontre avec Bamako, j’eus encore l’occasion en février 1997 de découvrir la ville lorsque mon frère et ma belle sœur y séjournèrent. Ville africaine animée, avec une architecture sahélienne typique par endroits, Bamako était une excellente base pour visiter les villes de l’intérieur. C’est ainsi que j’ai pu atteindre, à deux cent cinquante kilomètres de Bamako, Ségou, la capitale des Bambara. L’hôtel qui nous abritait, modeste mais confortable, était tenu par un jeune libanais qui s’y dépensait sept jours sur sept, de six heures du matin à minuit et au delà. Il m’exprima sa philosophie de la vie, travailler comme un fou jusqu’à cinquante ans, seul au milieu de ses employés locaux, passer ensuite l’hôtel à un membre de sa famille pour partir loin de Ségou et du Mali et se reposer le reste de sa vie : chacun a besoin d’un mythe pour tenir le coup à long terme.
Nous allâmes ensuite jusqu’à Djenné, à six cent kilomètres de Bamako, sur une ile entre deux bras du Baní, un affluent du Niger. Les habitations qui sonten terre séchée montraient bien que la ville est à la charnière du monde nomade et sédentaire.
Le retour à Bamako fut terrible. Notre conducteur et ami ayant de plus en plus de mal à conduire, je dus prendre le volant alors que la nuit était tombée. La route sombre, où circulaient hommes et animaux, fut un véritable cauchemar d’automobiliste, avec la peur à tout moment de renverser quelqu’un…