philosophie
ARTHUR SCHOPENHAUER ET L'AMOUR
Arthur Schopenhauer et l’amour
Schopenhauer présente ce qu'il appelle "le théâtre de la manifestation de la volonté" sous un jour lugubre, dans lequel il n'est question que d’efforts sans fin, d’une histoire qui se répète en boucles et tout ceci sans raison.
Heureusement, Schopenhauer ne se résigne pas à cette contemplation sinistre de la vie ; il cherche à la compenser par des consolations philosophiques, celle du plaisir esthétique dont il reconnait le caractère provisoire, avant qu’il n’aborde ce que l’on peut qualifier de laconsolation fondamentale face à la mort.
Aussi Schopenhauer ne voit-il dans l’amour qu’une ruse de la nature qui se traduit par la force irrationnelle poussant les individus à se reproduire. Il ne s’agit pour lui que d’un mécanisme biologique destiné à assurer la survie de l'espèce, au sein duquel les émotions passionnées ne sont que des manifestations superficielles de cette volonté, analyse qu’il corrobore par l’importance de la beauté physique dans l’attraction amoureuse, une attraction guidée par des critères biologiques qui échappent à notre conscience.
En somme, la vision de Schopenhauer sur l'amour est marquée par un pessimisme fondé sur les mécanismes biologiques et égoïstes qui sous-tendent pour lui nos désirs amoureux, ce qui l’incite à critiquer les illusions romantiques qui imprègnent la culture populaire.
Pas d’illusion[1] donc, « toute passion, quelque apparence éthérée qu’elle se donne, trouve sa racine dans l’instinct sexuel » et rien de plus. En 1851, Il propose même, dans « Parerga et Paralipomena » le « dilemme du hérisson » : cette métaphore décrit un groupe de porcs épics qui, cherchant à se réchauffer mutuellement durant l’hiver glacial, sont malgré tout contraints de maintenir une distance prudente entre eux pour éviter de se blesser avec leurs piquants.
Une fois réglé la question de l’amour, assez abruptement il faut l’avouer, l’homme qui parvient à s’en affranchir peut se tourner vers la relation qu’il entretient avec la vie et avec la mort.
À SUIVRE
[1] Ne soyons pas naïfs, la philosophie de Schopenhauer est fondée, en partie, sur l’observation de lui-même, de ses expériences et de ses échecs, en particulier dans le domaine amoureux.
De ce point de vue, à 21 ans, alors qu'il est étudiant à Gotha, Arthur Schopenhauer brûle d'un amour passionné pour Caroline Jagemann, actrice de théâtre et maîtresse du duc Charles-Auguste. Le jeune Arthur déclare alors à sa mère : « J'épouserais cette femme, même si je la trouverais au bord d'une route en train de casser des pierres ». Mais Caroline Jagemann est anoblie par le duc, ce qui ne laisse aucune chance au jeune Arthur. Il tente néanmoins sa chance en lui dédiant, sans succès, un joli poème.
Il se rabat alors sur une autre actrice, Caroline Medon, avec qui il entretient une liaison secrète à partir de 1821. Cette seconde Caroline a des relations avec plusieurs amants, que lui permettaient sa beauté et le milieu très libre du théâtre dans lequel elle se trouvait.
En mai 1822 dix mois après le départ de Schopenhauer pour un second voyage en Italie, Caroline Medon mit au monde un enfant d’un autre homme. Schopenhauer, qui gardera de l’affection pour elle jusqu’à la fin de sa vie au point de la coucher sur son testament, en voulut toujours à cet enfant de la trahison. C’est ainsi qu’en 1831, Schopenhauer souhaita quitter Berlin avec Caroline Medon, mais le projet échoua car il refusa d’emmener avec eux son fils de Caroline comme elle l’aurait souhaité et il déménagea seul à Francfort, déçu et vexé (Sur les amours contrariés de notre philosophe, voir également mon billet, « L’orgueil angoissé de Schopenhauer », 23 octobre 2023).