COMMENT SORTIR DE LA CRISE GRECQUE?
29 Janvier 2015 , Rédigé par André Boyer Publié dans #ACTUALITÉ
Une étude fondée sur des articles scientifiques a fait la synthèse des conséquences des crises financières sur la croissance économique en janvier 2012 (document attaché ci-joint). Les auteurs de cette étude observent que le partage des pertes entre créanciers et débiteurs permet de sortir plus rapidement d’une crise financière que lorsque toute la charge de la crise est supportée par les emprunteurs. Il m’a inspiré les réflexions suivantes :
La crise des pays du sud de l’Europe tourne autour de leur capacité à rembourser leurs dettes. La Grèce a bénéficié d’une remise conséquente de ses dettes, mais ces dernières restent si importantes que l’on doute fort qu’elle pourra jamais les rembourser. On a pressé les Grecs de mettre en place des réformes qui permettent de rembourser plus de dettes tout en sachant que la croissance déjà négative en pâtirait encore et donc réduirait leur capacité de remboursement.
On imagine des réformes structurelles qui permettraient d’augmenter la production grecque, mais sans accroître la consommation, comme si l’augmentation de leur pauvreté pourrait être la solution. Enfin l’odieux l’a disputé au ridicule lorsqu’on les a menacés en 2012 de mesures de rétorsion s’ils ne votaient pas en faveur des partis qui prônent des mesures d’austérité, comme ont cru le faire à l’époque Christine Lagarde ou François Hollande dans leurs adresses aux Grecs.
Comme on peut le constater aujourd’hui, les Grecs ont choisi de dire non aux menaces des hiérarques européens, afin d’obtenir une chance d’échapper à leur appauvrissement continu.
Or l’on sait, par le biais d’études scientifiques non encore contestées, que l’annulation des dettes et l’inflation permettent de sortir plus rapidement d’une crise économique que le remboursement des dettes ou la stabilité des prix.
Tout le problème se situe dans le processus politique qui permettrait de transférer la charge de la dette des débiteurs aux créanciers. Comment l’Union Européenne peut-elle se résoudre à annuler les dettes de la Grèce ? Impossible sans mettre en danger tout le système financier européen qui ne pourrait plus trouver de prêteurs. Impossible sans transférer la charge sur les contribuables européens, d’où les appels à la mutualisation des dettes largement relayés par les créanciers, une solution qui ne reviendrait qu’à diffuser la crise et non à en sortir.
Mais en définitive, tout le monde sait, pressent ou devine que la sortie de la Grèce de la crise passe par la quasi-annulation de sa dette et par l’inflation.
On cherche les responsables politiques qui sont prêts à en assumer le risque de la décision d’annuler la majeure partie de la dette grecque, parce que les crises de l’endettement et des monnaies, les difficultés des banques et la quasi-déflation conduisent à des conflits idéologiques qui entraînent le fractionnement voire l’éclatement des forces politiques.
D’ailleurs, les études historiques citées dans l’article en référence montrent que le blocage politique après une crise financière est la norme plutôt que l’exception, car l’impact des crises sur les croyances des électeurs vis-à-vis des solutions économiques qui leur sont proposées a pour effet de les remettre en question en s’interrogeant sur la mondialisation et le libéralisme qui ont permis qu’une telle crise est lieu.
De plus, la crispation des débiteurs qui se trouvent dans l’impossibilité de rembourser, comme celles des créanciers qui ressentent l’impérieuse nécessité de se faire rembourser dans des situations de crise rendent les solutions de compromis particulièrement délicates à faire accepter par les deux parties.
Cette montée des conflits entre créanciers et débiteurs s’observe aujourd’hui entre l’Allemagne et le Sud de l’Europe. Elle a aussi caractérisé la grande crise de 1929, opposant fascisme et socialisme jusqu’à la guerre de 1940-1945. On a vu récemment les créanciers de l’Argentine lui refuser obstinément tout accès au crédit international de peur d’une contagion du non-remboursement des dettes, aux dépens du développement de l’économie argentine. On a vu, avec moins de succès, l’Islande subir les mêmes menaces et aujourd’hui la Grèce essuyer les mêmes foudres si jamais elle s’avisait de cesser de rembourser ses dettes.
Et pourtant l’annulation des dettes argentines et islandaises, pour ne citer que ces deux pays, a indubitablement favorisé leur redémarrage économique. Mais n’allez pas demander aux créanciers d’acquiescer ! Le risque est donc que l’absence d’accord de compromis n’approfondisse et ne prolonge la crise économique qui succède à la crise financière, entraînant dans un cercle vicieux des tensions politiques qui rendent encore plus difficiles la mise en place d’une solution de compromis entre créanciers et débiteurs. Jusqu’à quel séisme faudra t-il aller, qui rassemblera enfin les protagonistes autour d’une solution de survie commune?
J’ai publié le blog que vous venez de lire, mot pour mot, à l'exception de quelques détails d'actualisation, la 14 juin 2012, il y a donc deux ans et demi. On constatera que le blocage que j’observais à l’époque est toujours en vigueur, sauf que la situation poitique grecque a changée. Les verrous vont-ils sauter ? À suivre...
Resolving Debt Overhang: Political Constraints in the Aftermath of Financial Crises*