GUERRE TOTALE EN INDE
29 Mai 2021 , Rédigé par André Boyer Publié dans #HISTOIRE
Mais le combat du 3 septembre 1782 se révèle tout aussi acharné et confus que les précédents.
Les Français ont beaucoup de mal à former leur ligne et à suivre les ordres de Suffren qui veut profiter de sa supériorité pour envelopper l’arrière-garde de Hughes, qui essuie de gros dommages mais fait retraite en bon ordre et sauve de nouveau son escadre.
L’explication qui s’ensuit entre Suffren et ses officiers provoque une deuxième purge dans l’état-major avec quatre démissions de capitaines.
Cette première partie de la campagne des Indes montre un Suffren offensif, mais mal obéi ou compris à cause des insuffisances de ses subordonnés mais aussi de son caractère difficile.
Elle révèle aussi les qualités de Suffren qui, outre ses qualités militaires, sait s’improviser diplomate et logisticien. Il noue un partenariat stratégique avec le gouverneur néerlandais de Ceylan, Iman Willem Falk qui comprend qu’en combattant Hughes, il protège l’immense empire néerlandais des Indes. Suffren passe aussi des accords militaires avec le nabab Haidar Alî, qui apporte aux troupes françaises qui débarquent à Porto Novo, fourrage, vivres et argent.
Outre ces alliances, Suffren s’affirme comme le roi de la récupération et du bricolage, adaptant hommes et matériaux aux besoins de sa stratégie. Trinquemalay se transforme en chantier naval improvisé pour redonner de la voilure aux trois bâtiments endommagés lors du combat devant le port.
Suffren utilise aussi ses bâtiments les plus rapides pour ratisser les cô̂tes et capturer plus de cinquante navires de commerce, apportant à son escadre vivres, poudre, boulets et matériel divers. Cette active campagne corsaire permet à Suffren de vivre littéralement sur le dos des Anglais, au point de ne plus savoir quoi faire des prisonniers que l’on est contraint de confier à la garde d’Haidar Alî.
La question la plus délicate est celle de la gestion des équipages, dont on ne peut combler les pertes. Suffren résout le problème comme il peut en faisant tourner les équipages selon les missions et en embarquant des matelots tirés des navires de transport ou des soldats, voire des ouvriers du port et comme cela ne suffit pas, il utilise des marins locaux, les Lascars, ou les Cipayes que lui fournit Haidar Alî.
Suffren gère au mieux ses possibilités. Du 3 novembre au 20 décembre 1782, il fait hiverner sa flotte à Sumatra, dans le port d'Aceh, bien abrité, qui reçoit facilement du ravitaillement des postes néerlandais voisins de Batavia et de Malacca et qui n’est qu’à vingt jours de navigation de la côte de Coromandel. Cette proximité lui permet de maintenir une pression maximum sur les Anglais. Le 8 janvier 1783, il est de retour sur les côtes indiennes et capture par ruse une frégate anglaise. Son absence n’a pas duré trois mois et sa campagne hors norme suscite l’admiration des Anglais.
Les rapports rendus par Suffren montrent que la France peut espérer retourner la situation aux Indes à son profit et porter un coup terrible à l’économie anglaise qui tire de très gros revenus de cet immense pays. Aussi le ministre de la Marine, de Castries, s’active pour y expédier des renforts.
Mais l’acheminement de ces derniers connait de multiples déboires. Le premier convoi quitte Brest le 11 février 1782 et traverse l’Atlantique sans encombre. Le second convoi, beaucoup plus faiblement protégé, voit treize des dix-neuf transports ainsi que deux de ses trois vaisseaux capturés le 21 avril 1782, deux jours après leur sortie de Brest. De plus, la croisière doit s’arrêter longuement au Cap car une grosse épidémie s’est déclarée à bord et elle rallie difficilement l’Île-de-France, ne permettant de faire passer à Suffirent qu'un petit effectif en août 1782, peu avant la prise de Trinquemalay.
Le plus gros des renforts arrive le 11 mars 1783, trente-cinq voiles portant environ 2 500 hommes de troupes escortés par trois vaisseaux et une frégate avec 5 millions pour le financement des opérations futures. Les soldats sont rapidement transférés sur la côte indienne, où les attend avec impatience TipûSâhib, qui a succédé à Haidar Alî, décédé.
Mais cette troupe, qui s’agrège à celle débarquée par Suffren un an auparavant, subit des aléas de commandement : le premier chef, le général Duchemin décède. Son successeur, M. d’Hoffelize, perd des mois en inaction. Le chef suivant, Bussy-Castelnau, est devenu en 1783 un vieillard impotent, qui reste inactif à Gondelour avec ses 5 000 hommes.
L'initiative repasse donc aux Anglais qui ont reçu des renforts et, au mois de mai 1783, une forte armée de 15000 hommes aux ordres du général Stuart engage l'offensive depuis Madras et vient mettre le siégé devant la place. Au large, les forces de Hughes assurent le blocus naval.
À Trinquemalay, l’escadre française est désormais inférieure à l’escadre anglaise. Hughes dispose maintenant de dix-huit vaisseaux, tous doublés de cuivre, alors que Suffirent n'en a que quinze, dont sept seulement sont doublés. En outre, Suffren n'a qu'une confiance incertaine dans les capacités de ses capitaines, et même s’il dispose désormais d’un bon chef d'escadre, les équipages manquent.
Cela n’empêche pas Suffren de lancer son escadre à l’assaut de celle d’Hughes. Il lève l’ancre le 11 juin 1783 pour sauver l’armée de Gondelour pressée par terre et par mer ».
À SUIVRE