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Le blog d'André Boyer

interlude

LA PIRE TÂCHE UNIVERSITAIRE, QUOIQU'INDISPENSABLE

12 Mars 2025 , Rédigé par André Boyer Publié dans #INTERLUDE

CANDIDATE ENSEIGNANTE-CHERCHEUSE

CANDIDATE ENSEIGNANTE-CHERCHEUSE

Au printemps 2000, je comprends que le projet de création d’un IAE en Inde n’aura pas lieu.

 

Ce fut une déception de ne pas mettre en œuvre un projet qui me semblait bénéfique pour la France et pour l’Inde, du fait du manque de vision de nos représentants dans ce pays. Cela mettait un coup d’arrêt définitif à mon grand projet « Chine-Indonésie-Inde ». Seuls les deux premiers auront été réalisé, ce qui n’est déjà pas si mal compte tenu des nombreux autres projets que j’avais mis aussi en route à l’étranger sans les avoir programmés au départ, Bulgarie, Madagascar, Algérie, Tchécoslovaquie, Maroc (voir mes billets précédents).

J’en réaliserai d’autres par la suite, mais celui de l’Inde me tenait à cœur. Dans mon for intérieur, je savais que je n’y avais pas mis toute l’énergie nécessaire car je commençais à être las des obstacles picrocholins que s’ingéniaient à mettre sur ma route tous ceux qui bloquaient toutes les initiatives susceptibles de leur demander de s’impliquer. Cependant je n’arrêtais en rien mes activités d’enseignement à l’étranger pendant cette période, ni à Prague, ni à Abidjan, ni à Casablanca, ni à Tunis, ni tout prés de chez moi, à Cuneo.

Ceux qui estiment que les professeurs d’université ne travaillent pas assez se trompent lourdement, sauf pour quelques rares cas particuliers. En revanche, ils peuvent envier un métier qui offre des possibilités exceptionnelles d’agir, d’apprendre et d’échanger en toute liberté, encore que, je rassure les jaloux, aucun métier n’est exempt d’épines.

L’une des plus redoutables d'entre elles est celle qui se cache dans la Commission de Spécialistes, dont la tâche, vitale, consiste à recruter les enseignants de sa discipline pour son propre établissement, en l’occurrence l’Université de Nice.

Pour ma part, en sus des cours à donner, des thèses à diriger, des articles et ouvrages à écrire sans compter les formations à l’étranger que je m’étais donné mission de créer, j’avais été élu pour trois ans en 1998 Président de la Commission de Spécialistes de Sciences de Gestion de l’Université de Nice Sophia-Antipolis.

Je n’ai jamais connu de pire fonction que cette Présidence. Imaginez la situation : vous présidez un collège d’une vingtaine de collègues, professeurs et maitres de conférences que vous connaissez souvent depuis des lustres. Il faut ajouter que la Commission comprend aussi une part non négligeable d’enseignants extérieurs à l’Université, supposés impartiaux.

Il s’agit pour la Commission, parmi parfois des dizaines de candidats issus de toute la France, de classer les impétrants par ordre de préférence, sachant que, si le poste est convoité, le premier de la liste deviendra votre collègue l’année suivante et pour le reste de sa carrière universitaire.

Lourde responsabilité que celle d’offrir une carrière à quelqu’un ou au contraire de l’en exclure! D’autant plus que, souvent, vous connaissez personnellement le candidat, qui a quelquefois fait sa thèse sous votre direction. 

La compétition est féroce, car, on le comprend, l’enjeu est immense pour les candidats, mais important aussi pour les membres de la Commission. Si ces derniers ne parviennent pas à faire nommer leurs poulains, leur incapacité à soutenir leurs candidats signifie pour les candidats docteurs qu’il vaut mieux éviter de faire une thèse sous leur direction.

Être membre de la Commission de Spécialistes n’est donc pas une sinécure, quoiqu’elle s’impose en général à vous, alors qu’en être le Président est certes un honneur et une marque de confiance, mais surtout une torture !

La date de convocation, le choix des rapporteurs, l’organisation des débats, tout pose problème. Or le Président est en même temps l’organisateur de la Commission et l’un de ses acteurs, si bien qu’on le soupçonne souvent de partialité. Comme dans la Commission, en raison du faible nombre de votants, tout le monde sait parfaitement pour qui vous votez malgré son secret théorique, une grande tension s’installe au sein de la petite assemblée où les rapports scientifiques sur les candidats cachent parfois les préférences partisanes.

Bref, une ambiance souvent lourde règne lors des réunions et les résultats des votes sont forcément contestables.

J’ai donc dirigé cette Commission avec un sentiment de malaise, commettant des erreurs, générant des injustices involontaires qui sont apparues après coup et effectuant des calculs maladroits. Je ne vous donnerai naturellement aucun exemple du déroulement de la Commission que je présidais, sauf le résultat de ma dernière initiative parce qu’elle parvint à un résultat aussi loufoque que touchant :

Il s’agissait d’accorder le statut de Professeur Émérite à un collègue qui partait à la retraite. L’impact de cette décision de la Commission était purement honorifique, si bien que son accord me paraissait acquis d'avance. Or, contre toute attente, la Commission s’y refusa.

J’en étais peiné pour mon collègue futur retraité qui, certes n’avait pas été irréprochable, mais fallait-il attendre le jour de sa retraite pour lui en faire le reproche ? Indigné de ce procédé, je refusais de transmettre le procès-verbal de la réunion que j’annulais de facto et j'en convoquais une nouvelle en priant mes collègues d’y venir nombreux. Cette fois-ci, qui était la dernière réunion que j'organisais en tant que Président, la Commission lui accorda le statut de Professeur Émérite. Mais il fallait encore l'approbation du Conseil Scientifique de l'Université.

C’est alors que la situation devint loufoque. Quelques semaines après la réunion de la Commission de Spécialistes,  le Président du Conseil Scientifique de l'Université, qui était aussi dans notre Commission de Spécialistes le plus acharné à refuser à notre collègue le statut de Professeur Émérite, m'annonça, triomphant, qu'il avait réussi à arracher à son Conseil Scientifique l'approbation de ce statut pour notre collègue !

 

J'en suis encore interloqué.

Et j'en ai conclu que souvent, l'humanité et le bon sens triomphent, au moment où on ne l’attend plus...

 

À SUIVRE

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