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Le blog d'André Boyer

Une science sans signification?

31 Juillet 2011 Publié dans #PHILOSOPHIE

À la découverte de la puissance du concept comme outil scientifique par les Grecs, s'associe par la suite le deuxième grand instrument du travail scientifique, enfanté cette fois par la Renaissance: l'expérimentation rationnelle.

 

dyn00412Des expériences avaient eu lieu bien avant la Renaissance, comme les expériences mathématiques dés l’Antiquité grecque à des fins militaires  ou au Moyen Age en vue de l'exploitation des mines. Mais ce fut la Renaissance qui éleva l'expérimentation au rang d'un principe de recherche fondamental. Elle s’est imposée comme le moyen de preuve dont avait besoin la science empirique moderne pour être reconnue.

L’expérimentation s’est d’abord développée dans l’art, avec Léonard de Vinci, avant de s’enraciner dans les sciences, sous l'influence de Galilée et de Bacon pour s’étendre à toutes les sciences dites exactes dans les universités italiennes et bataves.

À cette époque, on attendait des miracles de la science. C’est ce qui fait écrire à Swammerdam : "Je vous apporte ici, dans l'anatomie d'un pou, la preuve de la providence divine." La tâche du travail scientifique consistait en effet à trouver le chemin qui conduisait à Dieu. La théologie piétiste de ce temps, notamment celle de Spencer, savait que l'on n'arri­verait pas à Dieu par la voie qu’avaient emprunté les penseurs du Moyen Age. Au moment de la Renaissance, on admettait que Dieu était caché, que ses voies et ses pensées n’étaient pas celles des hommes. Mais on espérait que les sciences exactes permettraient d'appréhender physiquement ses œuvres, de découvrir les traces de ses intentions dans la nature…

Qui, aujourd'hui, croit encore que les connaissances astronomiques, biologiques, physiques ou chimiques pourraient nous enseigner quelque chose sur le sens du monde ou même nous aider à trouver les traces de ce sens, si jamais il existe? Au contraire, si l'on cherche des connaissances qui peuvent extirper jusqu'à la racine la croyance en l'existence de quoi que ce soit res­semblant à une « signification » du monde, ce sont précisément les connaissances scientifiques. En effet, comment la science pourrait-elle nous conduire à Dieu? N'est-elle pas spécifiquement a-religieuse? Si bien que la présupposition fondamentale de toute croyance en Dieu  implique désormais de s'émanciper du rationalisme et de l'intellectualisme de la science…

Enfin, il est loin le temps où un optimisme naïf célébrait la science, ou plus précisément la technique de la maîtrise de la vie fondée sur la science, comme le chemin qui conduirait au bonheur[1]!

Quelle est en définitive le sens de la science en tant que vocation, puisque toutes ces anciennes illusions qui voyaient en elle le chemin qui conduit à l'« Être véritable », à la vraie nature », au « vrai Dieu » ou au « vrai bonheur » se sont écroulées au cours du temps? La réponse la plus simple est de convenir que la science n’a pas de sens, puisqu'elle ne donne aucune réponse à la seule question qui importe : « Que devons-nous faire? Comment devons-nous vivre?».

 

Pour donner toute sa signification à ce « non-sens » de la science, il reste cependant à se demander en quel sens elle ne nous donne «aucune» réponse?


(Adapté de Max Weber, « le métier et la vocation de savant »)

[1] Sur ce point, il suffit de renvoyer le lecteur de ce texte à la critique dévastatrice que Nietzsche a faite des « derniers hommes » qui « ont découvert le bonheur ».

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