La Terreur pour quoi faire?
31 Août 2013 Publié dans #HISTOIRE
« L’égalité par la guillotine », tel est le titre de mon blog historique du 27 août dernier. Comme tous étaient menacés d’être guillotiné, soixante-quatre mille personnes en neuf mois tout de même, tout souriait au régime politique de ces exécuteurs, pour lesquels certains ont encore aujourd’hui de la tendresse.
Mais la Terreur pour quoi faire ?
La Terreur pour la terreur ? L’enchaînement des faits menait à grands pas vers cette extrémité…
La prétention de la Montagne d’être bienfaisante pour le peuple était démentie par l'accroissement de la misère.
Lorsqu’en février 1793, une délégation des quarante-huit sections de Paris réclama l'établissement d'un maximum pour le prix du blé à la Convention, cette dernière fit la réponse suivante aux affamés :
« La ruine du despotisme, le règne de l'égalité, le triomphe des principes de l'éternelle justice reconnus, voilà une partie de nos dédommagements »
En d’autres termes, contentez-vous de l’égalité pour nourriture !
Trois mois plus tard, sous la pression de l’émeute, La Convention finissait cependant par céder, en instituant un maximum pour le prix du grain. Par cette loi, tout achat ou vente de grain au-dessus du prix imposé était passible d'amende et de la confiscation des marchandises, tout détenteur de grains était également tenu d'en faire la déclaration et l'autorité pouvait requérir tout détenteur de grains d'en apporter au marché la quantité jugée nécessaire.
Déjà l’illusion de régler les problèmes économiques par décret, une illusion qui nous est familière !
Aussitôt les paysans cessèrent d'apporter leurs produits sur les marchés, augmentant encore la pénurie, et provoquant en retour de la part de la Convention un prurit réglementaire encore plus violent, qui se traduisit par la loi du 29 septembre 1793. Cette loi instituait le maximum général sur toutes les denrées de première nécessité et les salaires.
Le blocage des salaires ne fut évidemment pas populaire auprès des ouvriers, qui en voulurent, comme on en vit les conséquences plus tard, au Comité de Salut Public et à Robespierre.
À l’automne 1793, ce furent des femmes du peuple qui attaquèrent les chariots chargés de nourriture entrant dans Paris. La Convention y répondit par l’invention des cartes de rationnement qui bénéficiaient en priorité aux patriotes, deux mois après avoir institué les « cartes de civisme », qui attestaient de la pureté révolutionnaire du détenteur.
Les autorités locales reçurent les pleins pouvoirs pour enquêter, perquisitionner et appliquer la peine de mort pour les thésauriseurs.
Dans ses mémoires, la marquise de La Tour-du-Pin observe l’arrivée de la « carte » à Bordeaux :
« Pour éviter toute fraude dans la distribution des cartes, on ordonna que, dans chaque maison, on placarderait sur la porte d’entrée une affiche, délivrée également à la section, sur laquelle seraient inscrits les noms de toutes les personnes habitant la maison. Cette feuille de papier, entourée d’une bordure tricolore, portait en-tête : « Liberté, Égalité, Fraternité ou la mort ». Le pain de section, composé de toute espèce de farines, était noir et gluant et l’on hésiterait maintenant à en donner à ses chiens. Il se délivrait sortant du four, et chacun se mettait « à la queue », comme on disait, pour l’obtenir…
Quand deux ou trois cents personnes, chacune attendant sa livre de viande, étaient rassemblées devant la boucherie, les rangs s’ouvraient sans murmure, sans une contestation, pour donner passage aux hommes porteurs de beaux morceaux bien appétissants destinés à la table des représentants du peuple, alors que la plus grande partie de la foule ne pouvait prétendre qu’aux rebuts. »
Les listes d’habitants affichées à l’entrée des maisons n’empêchaient pas les perquisitions des commissaires du peuple, prétextant la recherche de nourriture stockée. Les contemporains décrivent comment les inspecteurs fouillaient dans tous les coins, forçant les coffres-forts, brisant les sceaux des lettres, des testaments, sautant sur la moindre feuille de papier dont les phrases banales étaient censées dissimuler des codes secrets, saisissant les assignats, l’or, l’argent, les bijoux.
La plupart des perquisitions étaient fondées sur la délation, comme sous l’Occupation, une délation encouragée dans les termes suivants par le député de la Convention, Jean-Pierre André Amar, ce riche reconverti dans la surenchère terroriste : « Dénoncez, dénoncez ! le père doit dénoncer son fils, le fils son père. Il n’y a pas de patriotisme sans dénonciation ».
Où l'on constate que la bonne conscience ne connaît pas de bornes !
Mais la famine menaçait le pouvoir de la Montagne, comme l’absence de croissance et le chômage menacent le gouvernement Jean-Marc Ayrault.