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Le blog d'André Boyer

Grande Fratello Monti

3 Janvier 2012 Publié dans #ACTUALITÉ

D’habitude, on ne prête pas beaucoup d’attention à ce qui se passe en Italie, comme si cela ne nous concernait que très peu. On a tort, comme ce blog devrait vous en convaincre, à mon avis.

mario-monti.jpgLe gouvernement de Mario Monti vient en effet de faire approuver par le Sénat un budget d'austérité qui doit théoriquement aider l'Italie à sortir de la crise financière. Ce dernier, qui n'est que le troisième en date pour l'année écoulée,prévoit 20 milliards d'euros d’économies et de hausses d’impôts destinées à réduire le déficit de l’État  dans le cadre d’une économie qui est déjà en récession.

Le contenu du « plan » est aussi triste que  classique. Il  se propose de retarder d’un an le départ à la retraite, de geler pour deux ans les salaires au-dessus de 1400 euros par mois, de rétablir les impôts, abolis en 2008, sur la résidence  principale, d’augmenter de deux points le taux de TVA qui sera porté à 21 %, de ponctionner à nouveau les capitaux rapatriés de l’étranger en 2008, d’accroître les taxes sur les carburants et sur le tabac comme de toute une série d’impôts sur les biens de consommation.

 Ces mesures d’une inventivité réjouissante, qui conduisent le patronat italien à prévoir un recul du PIB italien de 1,6 % et 800.000 pertes d’emplois en 2012, sont enrobées par un discours classiquement grandiloquent. C’est un plan « d'extrême urgence » qui va permettre à l'Italie d'« affronter la tête haute la très grave crise européenne ». Même s'il avoue que la situation reste « très critique », Mario Monti n’hésite pas à déclarer que « nous devons avoir confiance en nous-mêmes ». En effet, Il s’agit de « poursuivre l'objectif de la croissance durable, de l'emploi, de la cohésion », même s’il ne faut pas se cacher qu’« il reste un travail énorme pour libérer l'économie italienne des freins qui depuis trop longtemps ont ralenti sa croissance ». Le président de la République Giorgio Napolitano n’a pas hésité à en rajouter en exhortant les Italiens à consentir des sacrifices, «y compris de la part de ceux qui possèdent le moins» ! On croirait lire les discours du Maire de Champignac dans Spirou…

Derrière ces proclamations mélodramatiques se cache un « Big Brother » particulièrement créatif, qui devrait rendre fou de jalousie nos Inspecteurs des Finances, les meilleurs du monde comme chacun devrait le savoir, même les Italiens du Dipartimento delle Finanze. En découvrant l'utilisation faite par le gouvernement italien de Serpico, je vous demande d’imaginer que notre gouvernement ait la riche idée de s'en inspirer pour la France.

De quoi s'agit-il? Tout simplement de ce que le gouvernement italien invoque la lutte contre l'évasion fiscale pour abolir tout secret bancaire à partir du 1er janvier 2012. À partir de cette date, les paiements en liquide supérieurs à 1000 euros sont interdits et tous les établissements financiers sont contraints de communiquer au fisc en temps réel les mouvements effectués par les clients sur leurs comptes. 

Toutes ces informations sont analysées par un gigantesque ordinateur appelé Serpico, à raison de 22000 traitements par seconde. D'un clic de souris, Serpico peut croiser en une fraction de seconde une infinité de données sur les contribuables : déclaration des revenus, propriétés foncières, voitures immatriculées, avions ou bateaux possédés, assurances, consommation d'électricité ou de gaz, registres du commerce. Pénétrant encore davantage dans la vie privée des Italiens, il repère des signes de richesse comme l'inscription dans un club de sport ou un cercle privé. 

Chaque Italien sait désormais que toutes ses dépenses peuvent être suivies à la loupe par le fisc, et dénoncées par les employés de banque qui gèrent ses comptes. Voilà qui va créer une saine atmosphère de confiance dans la société italienne!

 

Cette avancée démocratique aurait conforté Georges Orwell dans ses analyses. Il n’aurait pas manqué de faire observer aux Italiens qu'ils l’ont bien cherché en plaçant un technocrate de la Commission Européenne à la tête de leur gouvernement. Provisoirement, sans doute…

 

NB : j’ai regardé la réaction des internautes sur un site de discussion. Certains assurent s’en accommoder; ils s’en réjouissent même, précisant que « si l’on est honnête, il n’y a rien à craindre d'un tel système ». D’autres s’y résignent, en observant que nous sommes déjà tous fichés. D’autres enfin, dont je fais partie, s’en indignent. Ils s’effraient de constater qu’une part non négligeable de nos concitoyens acceptent de donner au pouvoir les moyens de rendre illégal tout ce qui le gène, depuis les paiements en liquide jusqu’à notre opinion sur le génocide arménien. Le plus inquiétant n’est donc pas d’être dirigé par des individus qui saisissent toutes les occasions qui se présentent pour réduire le champ de nos libertés, mais qu'il y ait nombre de grenouilles ébouillantées pour ne pas s'en soucier ou pire s'en réjouir.

On s'en consolera en observant que même le régime politique qui sévissait en Allemagne de l’Est, maître en matière de contrôle de la vie privée de ses sujets, a finalement été balayé par leur révolte générale. 

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