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Le blog d'André Boyer

L'invention de l'Université du Troisième Âge

1 Mai 2012 Publié dans #INTERLUDE

J’ai raconté dans mon blog du 27 février dernier, mon départ de la Mobil et les trois semaines dont j’ai disposé entre ce départ et mon arrivée à l’IAE de Nice, le 1er octobre1972, près de quarante années plus tôt ! Pendant cette courte période de trois semaines j’ai eu l’idée de créer une Université du Troisième Âge, un âge que j’ai fini par atteindre moi-même…

universite-goteborg.jpegEn septembre 1972, j’avais trois semaines libres entre mon départ rapide de la Mobil et ma prise de fonction à l’Université. Nous avons alors décidé, ma femme et moi, de les passer à Göteborg, en Suède, où nous avions des amis, les Nordin. Nous souhaitions aussi y acheter des meubles pour notre futur appartement à Nice car nous aimions bien le style dépouillé et fonctionnel du mobilier scandinave. Les Nordin formaient une famille remarquable par sa francophilie, composée de trois femmes, la mère et les deux filles. Le père était un grand architecte dont je ne sais plus si Ingrid Nordin était veuve ou divorcée. Elles habitaient toutes trois une assez vaste maison typiquement suédoise, confortable et pleine de charme, non loin du centre de Göteborg. Les deux filles, Christina et Margareta, étaient étudiantes, l’une d’entre elles a même fini par soutenir une thèse d’ethnologie sur les marchés en France.

Les Nordin nous ont donc accueilli tous trois, ma femme, mon fils et moi. Pendant que ma femme prospectait avec elles les marchands de meubles, dont Ikea alors tout à fait inconnu en France, je flânais à l’université de Göteborg ou je recherchais naïvement un sujet de thèse, comme si un sujet se trouve comme cela, au détour d’un livre ou d’un article.

En quelques heures, je découvrais que l’on pouvait lire sans trop de difficultés le suédois économique, pour l’usage duquel je me fabriquais un petit dictionnaire personnel. Mais je ne concentrais pas toute mon attention sur la quête d’un sujet de thèse, prenant le loisir d’observer les comportements de ces curieuses personnes qu’étaient les étudiants suédois, beaucoup plus engagés dans des activités collectives  que nos étudiants français.

La Suède était bien connue comme étant un pays doté d’un système de redistribution fiscale particulièrement fort permettant d’égaliser les revenus et de soutenir les plus faibles. Il était par conséquent assez naturel de voir les étudiants suédois s’intéresser au sort des handicapés et des personnes âgées. J’étais notamment frappé par l’avance de la Suède en matière d’équipements adaptés au handicap : tous les services publics, à commencer par l’université où je me trouvais, étaient largement pourvus en rampes, ascenseurs, toilettes, portes et meubles adaptés aux handicapés. Même quarante plus tard, la France malgré ses efforts n’a pas encore tout à fait atteint le niveau d’équipement de la Suède dans les années soixante-dix. 

Les étudiants suédois, dans le cadre d’études d’urbanisme, de psychologie ou d’ergonomie, travaillaient donc sur les sujets du handicap. Dans le même esprit, Ils travaillaient aussi sur le vieillissement de la population suédoise et ses conséquences, notamment par rapport à la question de la solitude et de l’isolement. Cette dernière question est particulièrement sensible pour les Suédois qui connaissent, en particulier en hiver, un environnement souvent générateur d’un sentiment de solitude. D’où l’intérêt des étudiants suédois pour ce sujet et leur contribution sous la forme de modernes villages où les personnes âgées pouvaient se rencontrer tout en bénéficiant d’une assistance médicale aisément disponible et d’une animation culturelle conséquente.

Justement, la mise à l’écart des personnes âgées en France m’interpellait particulièrement. Je ne sais pourquoi, j’étais conscient, alors que je n’avais guère plus de 27 ans, du gâchis humain que constituait selon moi la mise à la retraite prématurée de nombre de salariés en France. C’était en effet le début de la mode qui consistait à mettre à la retraite des salariés, parfois dés cinquante ans, pour « faire de la place aux jeunes ». Cette idée, courante mais stupide sur le plan économique, feint d’ignorer que les retraites sont à la charge de la collectivité. En revanche, elle postule que le travail disponible en France représente une quantité fixe que l’on répartit au sein de l’ensemble des personnes actives. On peut alors considérer que toute personne qui part à la retraite libère 40 heures de travail par semaine qui sont en toute bonne conscience attribuées à quelqu’un d’autre. C’est un principe qui ne peut fonctionner que dans le cadre d’un système communiste fermé dans lequel tout progrès technique aurait été prohibé, par conséquent c'est un principe qui ne fonctionne nulle part et en tout cas pas dans la France des années 70.

Ces retraités prématurés, victimes d’une conception communiste de la vie économique, je les imaginais trainant seuls devant la télévision, jouant à la belotte ou assistant à des spectacles minables de chant ou de danse dans des mouroirs pour personnes âgées, n’ayant que de rares visites d’enfants occupés à faire leur vie ailleurs, loin des parents. C’était, à mon sens, criminel de condamner ces retraités à un vieillissement précoce. Ces pensées, je les avais à l’esprit avant de venir en Suède. Mais l’exemple suédois de  programmes pratiques mis en place pour lutter contre l’isolement des personnes âgées par le gouvernement de la Suède avec l’aide de son université a été pour moi le catalyseur de l’idée qu’il fallait faire quelque chose en France pour maintenir ou réintégrer les personnes âgées dans le tissu vivant de la société.


Puisque mon prochain employeur était l’université, ce serait le cadeau d’arrivée que j’apporterai avec moi, cette idée de relier l’université française et les personnes âgées, d’autant plus qu'elle s'appliquait bien à la Côte d'Azur où la population retraitée était particulièrement fournie. 

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