Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le blog d'André Boyer

LA VENTE D'ALSTOM ET SES CONSÉQUENCES

11 Juin 2019 , Rédigé par André Boyer Publié dans #ACTUALITÉ

LE TURBO ALTERNATEUR ARABELLE

LE TURBO ALTERNATEUR ARABELLE

Le 23 février 2015, la Commission européenne ouvre une enquête sur le rachat de la branche « énergie » d'Alstom par General Electric, en raison d’éventuels problèmes de concurrence. 

 

Cela ne fait pas l’affaire des vingt et un dirigeants d’Alstom qui doivent percevoir un bonus additionnel de 30 millions d'euros dont 4 millions d'euros pour le seul Patrick Kron, sous réserve de la conclusion effective de la vente, donc de l’accord de la Commission Européenne que, miraculeusement, ils obtiennent très rapidement. 

Il reste à s’interroger sur les conditions dans lesquelles cette vente a eu lieu. 

Tout d’abord, la vente s'est faite en catimini. Patrick Kron est allé négocier sans en informer son comité exécutif ni son conseil d'administration, ni l’État. Elle n’est devenue publique qu’en raison des révélations de Bloomberg.

Ensuite, l'action du Département de la Justice américain contre Alstom pour des faits de corruption a, semble-t-il, joué un rôle déterminant dans cette cession à General Electric. 

Enfin, la négociation ne pouvait pas être à l’avantage d’Alstom, car ce dernier se trouvait dans une situation difficile. D’une part, il y avait, au moment de la négociation, un effondrement des ventes des turbines à gaz et d’autre part Bouygues exerçait une forte pression sur le management pour sortir de l’actionnariat d’Alstom où il était principalement entré pour remplacer l'Etat et répondre aux exigences de la Commission européenne. 

Vendre Alstom était une solution facile pour sortir de ces problèmes. Mais, c’était faire peu de cas de l’importance de la branche énergie d’Alstom, qui avait été financée par la collectivité nationale, au travers des  crédits publics, de la Coface, des marchés publics privilégiés ou des commandes d'EDF. En outre, Arabelle, le grand turbo alternateur, avait été développé grâce aux efforts de la collectivité nationale et c’était GE qui allait en hériter. Le turbo-alternateur, qui transforme la chaleur des réacteurs nucléaires en électricité, avait été développé par Alstom avec l’aide de son grand client EDF et des laboratoires publics français, en particulier le Commissariat à l’Energie Atomique (CEA). 

Cette adaptation au nucléaire d’une technique dont l’origine provient des centrales charbon avait demandé des années d’efforts de milliers d’ingénieurs et de techniciens, avec un savoir-faire incontestable puisque 40% des centrales nucléaires en fonctionnement dans le monde utilisent « Arabelle »Ces machines sont à la pointe de la technique, allant de 900 Mégawatts à 1900 Mégawatts avec une sortie en 50 ou 60 Hertz. Ce sont des merveilles avec une architecture unique et novatrice et leur mise au point a été et est toujours l’objet d’un soin minutieux.

Mais il semble, comme souvent dans ce type de négociations, que l’affaire était jouée d’avance en faveur de GE, parce que Patrick Kron était déterminé à vendre tout Alstom Power, y compris Arabelle, un Alstom Power qui représentait 70% de l'activité du groupe, tout en espérant pour que GE paierait l'amende de 772 millions de dollars réclamée par le Département de la Justice américain. Ce qui évidemment n’a pas eu lieu, car le Foreign Corrupt Practices Act a été, comme toujours, un outil parfait pour affaiblir les concurrents étrangers et accessoirement récupérer des amendes prohibitives au profit du contribuable américain. 

Comme toutes les transactions en dollars transitent par les Etats-Unis, ces derniers font en sorte de dénicher des opérations illégales effectuées en dollars, puis somment les entreprises étrangères fautives de collaborer avec le Department of Justice (DoJ), sous peine d’être interdites d’activité, non seulement aux Etats-Unis mais sur une bonne partie de la planète qui, elle-même, est soumise à des sanctions si elle n’applique pas les injonctions du DoJ.

C’est ainsi qu’Alstom, après avoir été racheté par GE, a dû payer une forte amende pour un délit commis en Indonésie, comme auparavant la BNP avait dû débourser neuf milliards de dollars en application de la même extraterritorialité du droit pratiqué aux États-Unis. 

Au total, l’affaire Alstom a été une affaire de rapports de force et de volonté politique. L'Etat aurait pu exclure Arabelle, la partie nucléaire des accords et tout ce qui relève de la Défense de la vente d'Alstom. Mais il n’en a pas été question, si bien que GE contrôle désormais la politique d'exportation française dans le domaine de l’énergie comme dans celui la défense, puisque le groupe américain détient désormais le monopole de la fabrication des turbines de la flotte de guerre française.

 

À cette catastrophe économique et stratégique, s'ajoute l’aspect le plus sordide, l’affaire Pierucci.  

 

À SUIVRE

Lire la suite
<< < 1 2 3 4 5 6 > >>