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Le blog d'André Boyer

MUTER DE PROFESSEUR À DIRECTEUR

9 Octobre 2022 , Rédigé par André Boyer Publié dans #INTERLUDE

MUTER DE PROFESSEUR À DIRECTEUR

Je pris donc mes fonctions de Directeur de l’IECS, tout en restant professeur à l’IAE de Nice. Il me restait à muter, c’est-à-dire de n’être plus avant tout un professeur, mais de devenir un directeur.

 

Cela me demanda environ un an avant que je n'assume complétement ce nouveau rôle, qui sollicite de tout autres réflexes que celui de professeur. Le métier de professeur se situe plus à mon avis dans le rapport avec les étudiants que dans le savoir scientifique acquis. Mais l’essentiel consiste à passer de la peur des étudiants au partage du savoir avec ces derniers.

En revanche, être directeur consiste à être seul face à ses responsabilités. Je cherchais l’approbation en tant que professeur alors que je me contentais d’en prendre acte en tant que directeur.

Il m’est arrivé d’être seul contre tous, comme l’anecdote suivante l’illustre. À l’IECS, j’ai longtemps subi la pression de mon secrétaire général, qui relayait les récriminations du personnel afin de modifier la gestion des appels téléphoniques. En effet, depuis toujours afin de ne pas payer une standardiste, chaque secrétaire assurait à tour de rôle cette fonction et toutes s’en plaignaient, arguant que le jour où elles devaient l'assurer, elles ne pouvaient pas faire correctement leur travail, ce dont j'étais conscient.  

Le secrétaire général me suggérait donc de remplacer notre organisation du standard par un système plus « moderne » qui devait permettre d’atteindre chaque service de l’IECS à partir d'un chiffre à taper sur le téléphone. Pour ma part, je n’étais pas tout à fait convaincu de l'efficacité de cette nouvelle organisation, mais j’acceptais néanmoins de la tester durant l’été, période pendant laquelle les appels étaient moins nombreux.

Ce fut tout de suite une catastrophe, même si le personnel se réjouissait de ne recevoir que fort peu d’appels. En revanche, nos interlocuteurs se plaignaient massivement de ne plus parvenir à joindre l’IECS ! Je décidais donc à la rentrée de réunir toute l’équipe administrative de l’école en urgence pour l’informer, contre son avis unanime, de mettre fin à l’expérience. Je me justifiais en précisant que j’étais, de par ma fonction, le dernier défenseur de l’école, en d’autres termes celui qui devait défendre les intérêts de l’IECS envers et contre tous. Malgré les protestations, ma décision s’imposa dans la pratique, puisqu’elle resta effective longtemps après mon départ.

J'appris concrètement que le principe de défense des intérêts de l’école est le guide suprême des décisions du directeur. J'ai même appris à l'appliquer contre mes propres convictions.

Ce cas s'est présenté, notamment lors de la situation suivante : l’IECS, sous l’impulsion de mon prédécesseur Sabine Urban, était en pointe dans le domaine des échanges internationaux. Nous envoyions tous nos étudiants durant une année universitaire, sur les quatre ans de scolarité de l’époque, dans nos universités partenaires. Nous recevions en retour une promotion entière d'étudiants étrangers à Strasbourg.

L'image de l'international était donc centrale pour l'école. Pour renforcer ce programme de quatre ans de formation qui s'appelait l'École de Management Européen, nous y avions ajouté, puisque l'IECS était une UFR de l'Université Robert Schuman (Strasbourg III), des programmes de DESS, en commerce international, en économie internationale et en achat international.

Dans ce contexte, lorsque je reçu la visite d'une délégation d'experts comptables, tous anciens élèves de l'IECS, pour me proposer de créer un DESS d'Audit, j'ajoutais tout naturellement l'adjectif "international" à leur proposition, m'attendant naïvement à une réaction positive de leur part, puisque j'élargissais ainsi le champ du programme de formation qu'ils proposaient.  

Las, les experts-comptables strasbourgeois restèrent de glace. Pour eux, m'affirmèrent-ils, l'audit international, cela n'existait pas. J'eu beau leur fournir les programmes de l'ESCP et de quelques autres écoles qui prouvaient que l'audit international existait bel et bien, ils n'en démordirent pas, faisant montre d'une obstination qui forçait l'admiration mais qui ne m'arrangeait pas.

Je me retrouvais placé devant un choix cornélien. Sois-je maintenais ma position au nom de l'homogénéité des programmes et de l'image internationale de l'école et les promoteurs du programme risquaient fort de retirer leur proposition, soit j'avalais ma cravate et j'acceptais leur proposition de créer un DESS d'Audit.

Finalement, j'avalais bel et bien ma cravate, car j'avais raison sur la cohérence, mais j'avais tort quant à l'objectif majeur de l'école. Car ce dernier consistait à donner la priorité à l'embauche des étudiants et il primait sur tout autre objectif partiel.

 

Accepter d'être impopulaire et de se donner tort à soi-même pour le bien de l'école, voici deux leçons que je reçus, qui m'aidèrent à devenir véritablement directeur de l'IECS et qui m'ont servi lorsque je suis devenu directeur du campus de l’iPAG à Nice, il y a bientôt quatre ans.

 

À SUIVRE

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