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Le blog d'André Boyer

Footnote

18 Décembre 2011 Publié dans #INTERLUDE

Je suis allé voir, il y a quelques jours, « Footnote » de Joseph Cedar qui était projeté dans une petite salle du Rialto à Nice, en version originale sous-titrée. Je n’ai pas été gêné par les autres spectateurs : j’étais tout seul.

 

Footnote-Film.03.jpgIl est vrai qu’à priori ce n’est pas un film grand public: l’histoire concerne une famille de chercheurs, les Shkolnik, père et fils, qui partagent le même champ d'étude, le Talmud, l'un des textes fondamentaux du judaïsme. La relation entre Eliezer, le père, et son fils Uriel, souffre de la différence de reconnaissance dont ils jouissent dans le monde académique : alors que le fils accumule les récompenses universitaires, ce n’est pas le cas du père qui a pourtant voué sa vie à examiner avec minutie des manuscrits anciens.

Il est vrai qu’Eliezer est la victime d’un de ses confrères, Yehuda Grossman, qui le poursuit par jalousie d'une haine tenace depuis des lustres. Il y a de quoi, en effet : un auteur majeur a cité les travaux d’Eliezer et non les siens dans une note de bas de page d’un ouvrage de référence ! La passion de Yehuda Grossman consiste à rechercher en permanence  ce qui peut rabaisser son confrère Eliezer Shkolnik. C’est ainsi, qu’il intrigue pour faire attribuer le Prix Israël, que convoite en vain depuis deux décennies Eliezer, à son fils Uriel…

Mais un grain de sel se glisse dans cette machination bien universitaire : la Ministre de la Culture félicite par erreur le père de l’attribution du prix. Yehuda Grossman imagine alors un piège  encore plus cruel. Il convoque le fils devant le comité de sélection qu’il préside pour l'informer de la méprise et lui demander d’en informer lui-même son père !

On observe ainsi, au cours d’une réunion hallucinante, les échanges extrêmement tendus entre des universitaires dont les passions et les haines recuites sont mises à nu. Mais le fils refuse le marché qui l’obligerait à commettre l’assassinat moral d’un père qu’il admire en échange du prix. Au contraire, il y renonce à jamais, ruinant les calculs de l’horrible professeur Grossman. C’est le moment que choisit son père, interviewé  avant la remise du prix, pour manifester la jalousie que lui inspire les succès de son fils, avant de comprendre qu’il ne doit ce prix qu’au sacrifice de ce dernier.

Il est alors pris  en tenaille entre son amour proclamé de la vérité qui devrait l’amener à renoncer à un prix qui lui est attribué par erreur et sa soif de reconnaissance. Et c’est cette dernière l’emporte…

 

« Footnote », comme tous les bons films, peut être vu sous plusieurs angles : le conflit entre le père et le fils, le paradoxe de consacrer sa vie à lutter contre la moindre erreur dans les textes talmudiques et le fait de ne devoir son prix qu’à une erreur commise par une standardiste du Ministère de la Culture. Quelle est la valeur de la notion de vérité ? Ne doit-on pas avoir l’humilité d’accepter les erreurs ?  Qu’est ce qui compte le plus, l’amour familial ou l’étude du Talmud ? 

Personnellement, ce film me paraît également utile au sens où il montre la violence des rapports humains au sein de l’université, une violence qui occulte chez certains universitaires la passion de la science et l’intérêt porté aux étudiants qui devraient en principe être le moteur de leur vie professionnelle…  

 

Il reste que le thème le plus universel  abordé par le film réside probablement dans les contradictions de l'âme humaine, qui conduit chacun d’entre nous, aussi vertueux et désintéressé qu'il se proclame, à succomber à la soif de reconnaissance...

 

 

 

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