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Le blog d'André Boyer

LE COMBAT FINAL

1 Avril 2017 , Rédigé par André Boyer Publié dans #INTERLUDE

 

J’ai utilisé ma demi-heure standard à présenter le cas et à laisser en évidence des questions pendantes.

 

Le jury ne me considérait pas comme un candidat qu’il convenait normalement de recruter. Il m’attendait au tournant de la troisième épreuve, il pensait que j’étais faible, d’autant plus que je n’avais que médiocrement réussi l’épreuve théorique. Il se préparait donc à m’écarter. Toutefois, ma faiblesse apparente pouvait être retournée en avantage, car j’avais l’opportunité de le surprendre et de remporter le match.

C’était mon plan.

En effet, encore officiellement assistant non titulaire au moment du Concours, mon échec était logique. Le jury savait que j’allais devenir Maitre de Conférences première classe grâce à ma réussite à la première leçon du Concours d’Agrégation. Si j’échouais, je ne serais pas pénalisé. Moi-même, je m’y étais préparé, j’avais obtenu un poste de Professeur Associé auprés de  la Wayne State University à Détroit pour l’année universitaire 1980-1981. Mon échec au Concours d’Agrégation n’en serait pas un. J’allais devenir titulaire à Nice et aussitôt détaché aux Etats-Unis. J’allais apprendre à enseigner en anglais, me plonger pour la troisième fois dans le monde universitaire américain, gagner correctement ma vie, découvrir l’hiver du Nord-Est et me représenter au concours d'agrégation suivant, fort de toutes ces expériences.

Bref, il aurait été presque préférable d’échouer.

C’était ma force.

Car j’étais prêt à accepter l’échec, j’avais même organisé sa mise en scène tout en consacrant l’intégralité de mes moyens psychiques à réussir et non à maitriser la peur d’échouer. Zéro angoisse. C’est cette approche que je veux vous faire partager en vous exposant mon état d’esprit lors de ce concours.

À 16 heures, j’ai donc présenté le cas Braniff de manière conventionnelle. Comme prévu, j’ai souligné intentionnellement qu’il y avait des lacunes dans mon analyse, je les ai même indiqué lourdement. Je voyais des regards s’allumer, gourmands. Un naïf, pensaient certains d’entre eux qui attendaient la fin de mon discours pour m’executer. Un candidat de moins, une place pour un autre.

Ils étaient tranquilles, je leur avais facilité le travail. L’un d’entre eux en particulier était bien content, d’autant plus qu’en soulignant les lacunes de mon analyse, je le provoquais, je le savais. C’était lui qui avait fourni le cas, j’en étais sûr. Or j’exprimais en creux que son cas n’était pas très bon. Il allait donc me régler mon compte aisément et avec plaisir, lui qui avait déjà essayé de m’éliminer lors de la première épreuve et qui n’y était pas parvenu, miraculeusement.

Il se pourléchait les babines, il me sous-estimait, une erreur classique. De plus, il n’était pas assez vigilant car sa vie professionnelle n’était pas en jeu alors que la mienne l’était.

La suite fut facile, trop facile comme on dit aujourd’hui.

La guerre est un art simple et tout d’exécution.

Il fonça droit dans mes pièges, me posa les questions que je lui avais préparées. Je lui fournis les transparents que j’avais gardé en réserve, je répondis avec forces détails aux interrogations que j’avais moi-même suggérées. J’attendais la question qui me piégerait. Elle ne vint pas, car lui comme les autres membres du jury s’étaient concentrés sur mes appâts et non sur le cas dans son ensemble. Ils n’avaient déjà plus d’interrogations que j’avais encore des réponses en réserve ; j’aurais pu les leur donner pendant une demi heure de plus s’ils avaient voulu.

Mais mon contradicteur principal n’avait plus de munitions. Les autres non plus. Le silence se fit. La demi heure était passée, il fallait en finir. Certains souriaient, d’autres me regardaient, un peu déconcertés.

 

J’avais gagné le match.

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M
Bravo !
Répondre
A
N'en jetez plus! <br /> Amitiés, <br /> A