ARMÉNIE
12 Mai 2019 , Rédigé par André Boyer Publié dans #ACTUALITÉ
Avec des amis, je viens d’effectuer un voyage d’une semaine en Arménie. C’est l’occasion de jeter un regard sur ce pays.
Petit pays de 29800 km2 (trois fois et demi la superficie de la Corse), peuplé d’environ trois millions d’habitants, citadelle montagneuse perchée au sud du Caucase, l’Arménie est entourée par la Turquie à l'ouest, la Géorgie au nord, l'Azerbaïdjan à l'est et l'Iran au sud. La frontière est fermée avec la Turquie et un état de guerre larvée subsiste avec l’Azerbaïdjan.
Pour comprendre l’Arménie, il faut relier sa population à sa religion, sa géographie et son histoire. Située en Asie,l’Arménie est l’une des plus anciennes civilisations du monde et le berceau du christianisme, puisqu’elle fut la première société à l’adopter en 301 après J.C.
Au premier siècle, le territoire de l’Arménie était dix fois plus étendu qu’aujourd’hui, mais, confrontés aux empires byzantin et perse, envahis par les turcs seldjoukides, transférés sur la côte méditerranéenne entre le onzième et le quatorzième siècle dans le royaume de Cilicie, les Arméniens ont eu du mal, c’est le moins que l’on puisse écrire, à garder leur indépendance et leurs territoires. Pendant quatre siècles, du XVIeau XIXesiècle, le plateau arménien fut sous contrôle des empires ottomans et iraniens jusqu’à ce que sa partie orientale soit intégrée à l’empire russe, tandis que la partie occidentale restait aux mains de l’empire ottoman.
La société arménienne fournit une leçon à toutes les sociétés humaines. Malgré toutes les vicissitudes qu’ils ont subies, les Arméniens ont toujours conservé leur civilisation, regroupés autour de leur religion construite autour de l’Église apostolique arménienne et de leur langue adossée à un alphabet de trente-huit lettres créé au début du Vesiècle.
La guerre de 1914 fut une catastrophe pour les Arméniens situés dans l’empire ottoman. Déjà, entre 1894 et 1896, les Turcs massacrèrent entre cent et trois cent mille Arméniens vivant en Arménie occidentale. Puis, le 24 avril 1915, le gouvernement des Jeunes-Turcs décida d’en finir avec la minorité arménienne vivant dans l’actuelle Turquie. Dans ce but, il organisa la déportation et le massacre d’environ un million et demi d'Arméniens sur les deux millions d’Arméniens vivant sur son sol.
Les Arméniens restés en Turquie durent se convertir à l’Islam pour avoir la vie sauve et disparurent en tant que société distincte de la société turque. Leurs descendants sont évalués aujourd’hui à trois millions, vivant sur le sol turc.
Un débat ridicule subsiste sur la qualification que l’on peut donner à ce massacre, génocide ou « incidents armés », mais le fait qui subsiste, autre leçon à tirer de l’expérience arménienne, est qu’il est pour le moins difficile de cohabiter avec une société qui considère que vous n’avez pas le droit de vivre si vous n’épousez pas entièrement les us, coutumes et religion de cette dernière.
Lorsque la Russie impériale s’est effondrée à partir de 1917, l’Arménie orientale s’est constituée en république indépendante jusqu’à ce qu’elle soit attaquée et battue par les troupes de Kemal Atatürk, ce qui la contraignit à accepter de devenir, le 29 novembre 1920, la République Soviétique d'Arménie. Pendant la période soviétique, même si la pratique religieuse fut réprimée et si Staline rattacha la région du Haut-Karabagh à l’Azerbaïdjan, la société arménienne resta préservée.
Après l’éclatement de l’URSS, l’Arménie accéda à l’indépendance le 21 septembre 1991, tandis que le Haut Karabakh (11400 km2, 150000 habitants) déclarait son indépendance, provoquant une guerre ouverte entre l’Arménie et l'Azerbaïdjan entre février 1988 et mai 1994, jusqu’à un cessez le feu, qui n’empêche pas la continuation d’une guerre larvée (voir mon prochain billet).
On ne peut pas oublier ce contexte en visitant l’Arménie, un pays chrétien à 100%, où le souvenir du génocide est présent dans toutes les têtes, couvert de monastères, presque dépeuplé en dehors de la ville d’Erevan, les hommes ayant fui les campagnes pour travailler à l’étranger.
Une population souriante, accueillante à des touristes où les Russes dominent, avec des Français et des Allemands assez nombreux, une population qui offre les ressources de son histoire religieuse comme de sa gastronomie, à Erevan comme dans ses montagnes couvertes d’arbres fruitiers irrigués par d’importantes ressources en eau, avec au centre du pays, le lac Sevan, réserve d’eau suspendue, qui représente 5% de la surface du pays.
En territoire turc, à quelques dizaines de kilomètres seulement d’Erevan, symbole de l’Arménie chrétienne, derrière un rideau de troupes arméniennes et russes installées dans des miradors le long de la frontière, le mont Ararat, ce sommet de 5165 mètres ou vint s’échouer l’Arche de Noé, étale sa splendeur avec effronterie…
À SUIVRE