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Le blog d'André Boyer

Une tuerie sans importance

9 Septembre 2012 Publié dans #ACTUALITÉ

Le 16 août dernier, une unité spéciale des forces de police sud-africaine ouvrait le feu sur un groupe de grévistes de la mine de Platine de Marikana, en Afrique du Sud, tuant 34 d’entre eux et en blessant 78.

Ce sont les faits. Les caméras des journalistes étaient présentes.  Le film du massacre est visible à votre discrétion sur You Tube. De nombreux reportages et analyses sont disponibles sur Internet, notamment une étude complète en anglais de Wikipedia ou une analyse du journal Le Monde, par exemple. C’est pourquoi je ne reprendrai pas dans ce blog les détails, les antécédents ou les explications de la tuerie.Police-sud-africaine.jpg

 

D’autant plus que, manifestement, vous vous en fichez.

C’est cela qui vaut la peine que l’on y réfléchisse ensemble, pour en tirer les leçons. Remarquez tout d’abord que toute l’information est disponible, à satiété sur la Toile.

Pourtant vous vous en fichez.

C’est pourtant scandaleux que la Police Sud Africaine tire sur des mineurs en grève. Cela n’était pas arrivé en Afrique du Sud depuis 1960, au temps du régime honni de l’apartheid.

Il n’empêche que vous vous en fichez.

Alors, abordons de front la question de la raison de votre indifférence à cet événement. Ce même jour, le 16 août, les Pussy Riot ont été condamnées à deux ans de camp d’internement pour avoir chanté une « prière » anti-Poutine dans la cathédrale du Christ-Sauveur à Moscou.Pussy-Riot.jpeg

Tapez «  Procès Pussy Riot » sur Google : vous allez trouver 1640000 références, comprenant essentiellement des jugements portés sur le mode de l’indignation vis à vis de  Poutine et sur son régime politique : « Ce procès, c’est dégueulasse » (Libération) , la condamnation des  Pussy Riot est « digne de l’inquisition » (Le Monde), « Pussy Riot : verdict attendu d’un procès stalinien » (Marianne). Le Département d'État américain a exprimé sa préoccupation « à la fois par le verdict, par les peines disproportionnées infligées par un tribunal de Moscou dans le procès contre les membres du groupe Pussy Riot et par l'impact négatif sur la liberté d'expression en Russie ». Cette condamnation a été reprise, comme d’habitude, par la chef de la diplomatie de l'Union européenne, Catherine Ashton et par d’innombrables hommes politiques du monde occidental. La mobilisation internationale en faveur des Pussy Riot a rassemblé Madonna (eh oui), Bernard-Henri Levy (normal), Paul McCartney ou Peter Gabriel, pour n’en citer que quatre parmi des centaines d’artistes. De (petites mais nombreuses) manifestations ont eu lieu à Paris, Londres, Bruxelles, Kiev, Sofia ou Barcelone, pour ne citer que quelques villes européennes, afin de protester contre le procès intenté aux Pussy Riot.

 
 

Bon, la disproportion devrait vous sauter aux yeux.

D’un côté, la police sud-africaine tue 34 personnes et c’est à peine si on prend acte de l’événement ! De l’autre on condamne trois chanteuses à deux ans de prison et tout le monde hurle ! Dans mes vacances montagnardes, des amis m’ont parlé de leur indignation face à la condamnation des Pussy Riot mais je n’ai pas entendu quiconque me faire part  de  sa colère à l’annonce du massacre des mineurs sud-africains, pas même de ses interrogations…

Imaginez maintenant que le massacre ait eu lieu en Sibérie, commis par une police aux ordres de cet « odieux » Poutine, quelles auraient été les réactions, leur intensité, leur coloration ?

Alors, trois leçons à en tirer, à mon avis :

- On a souvent invoqué l’ignorance, parfois le trop plein d’information ou la manipulation médiatique pour expliquer l’absence ou la nature des réactions des foules. On pourrait bien sûr écrire ici que les politiciens et les médias en ont fait beaucoup en faveur des Pussy Riot, mais la foule a marché, elle était d’accord. Ce n’est donc pas l’information qui compte, c’est l’interprétation que nous en faisons, la coloration que nous lui donnons.

- Quelle coloration : pour les Pussy Riot, le problème se situe chez Poutine. Il a été admis une fois pour toute dans le monde occidental que Poutine était l’ennemi : son régime est donc dictatorial et ses décisions, mauvaises. Tout ce qui va dans ce sens est utilisé à fond contre lui et l’opinion suit. Quant à ce qui se passe en Afrique du Sud, un pays qui fait partie de notre monde occidental, la nature de son régime, les personnalités contestables de ses dirigeants, le taux-record de violence, on ne veut rien en savoir. Il s’agit d’affaiblir le régime russe, pas celui d’Afrique du Sud.

- Ce qui fait que par facilité, parce que nous laissons nos hommes politiques et nos medias désigner pour nous les méchants et les gentils, nous hurlons avec les loups et nous fermons les yeux sur ce que l’on ne nous montre pas du doigt.

Lorsque, par paresse d’analyse, nous nous faisons mener par le bout du nez, il ne faut pas se plaindre lorsque le monde vous tombe soudain sur la tête : vivre, c’est comprendre et pour comprendre, il faut être attentif.

   

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