TRAHIR NAPOLÉON
7 Janvier 2015 , Rédigé par André Boyer Publié dans #CULTURE
Robert Colonna d’Istria vient de publier un ouvrage profond et surprenant et intitulé « Trahir Napoléon».
Qui est Robert Colonna d’Istria ?
Issu d’une grande famille originaire d’Ajaccio, comme Napoléon Bonaparte, passant de la Corse et Marseille à l’IEP de Paris, Robert n’a jamais renié la Corse sur laquelle il a écrit plusieurs ouvrages sans négliger de s’intéresser à l’économie ou la vie publique comme en témoigne son ouvrage sur « Le Sénat : enquête sur les supe privilégies de la République ». C’est le deuxième ouvrage qu’il consacre à Napoléon après ses « Mémoires de Napoléon »
« Trahir Napoléon » est un livre de 158 pages, composé de deux parties distinctes et complémentaires:
En premier lieu une réflexion sur le concept de trahison et une bibliographie du sujet. Cette partie est, nous allons le voir, très riche de réflexions potentielles sur le pouvoir. En second lieu, un dictionnaire qui présente les traitres à Napoléon et la nature de leur trahison. Par chance, l'ordre alphabétique désigne Talleyrand comme le traître final, ou le « Napoléon » des traîtres.
Trahir. L’auteur ne se fait aucune illusion sur la nature de la politique, voire de l’âme humaine. Le pouvoir attire les ambitieux, qui veulent « arriver » à n’importe quel prix, y compris par la trahison. Il convoque à l’appui de sa thèse les bons auteurs, Zweig, Shakespeare, Chateaubriand pour montrer que la politique appelle la trahison (j’en connais le gout âcre, même dans mon village). Une trahison justifiée de milles manières (Chirac et VGE, Sarkozy et Chirac, Monsieur et Madame Chirac, Mitterrand et tout le monde).
Le traitre, lorsqu’il réussit, est paré de toutes les vertus, il est celui qui « écrit l’histoire » au point que «l’avenir appartient aux traitres ».
Au passage, je découvre le nombre incroyable d’auteurs qui se sont passionnés pour les traitres et la trahison en général. Et notre auteur de démontrer que le Christianisme doit beaucoup aux traitres, Judas, saint Pierre, saint Paul.
Au fond la trahison s’impose au pouvoir, tandis que celui qui l’exerce commettrait la plus impardonnable des erreurs s’il oubliait, même une seule seconde, que le plus proche de ses collaborateurs est susceptible, à tout moment, de le trahir. N’est ce pas, Monsieur De Villiers, qui avez ainsi perdu le département de Vendée ?
Napoléon, ce génie, sait tout cela. Il ne peut être que trahi parce qu’il se situe trop haut pour des traitres qui ne rêvent qu’à le ramener à leur niveau. Il s’organise pour lutter contre la trahison, diviser les pouvoirs, organiser des surveillances croisées, mais ses précautions accroissent les rancœurs. Avec Napoléon, les traitres ont de l’ouvrage. Comment abattre un homme aussi intelligent, « animé par une énergie prodigieuse », audacieux, lucide sur les autres et sur lui-même ?
L’Empereur ambitionne l’unité nationale, il essaye sans cesse de « sauver les meubles » de la Nation jusqu’au derniers instants de son épopée en juin 1815. La lecture de ses courriers est fascinante à cet égard. Alors comment le suivre, lorsque l’on veut sauver ses propres meubles, sa propre carrière, sa peau ? C’est pourquoi les traitres à Napoléon pullulent, les imbéciles, Marmont, Ney, les caricatures, Bernadotte, Murat, Soult, Caroline, Fouché, et dominant le tout ce traitre génial ou abominable, comme l’on voudra, de Talleyrand.
Napoléon, « le pauvre diable », a tenté de sauver du naufrage le monde ancien dans lequel l’honneur est la vertu cardinale, remplacé par le monde d’aujourd’hui où « les arrivistes, les ectoplasmes, les sinueux, les souples, les accommodants connaissant leur heure de gloire ». À cet égard, il suffit de contempler le spectacle médiatique pour s’en convaincre.
Ces réflexions amères et profondes trouvent leur illustration dans « un dictionnaire de quelques traitres à Napoléon » qui constitue la deuxième partie de l’ouvrage, qui révèle sa profondeur par l’illustration du tableau de la traitrise développé en première partie.
En le refermant, songeant aux figures de quelques contemporains, je me suis demandé ce que l’on pensera demain de quelques uns de nos contemporains qui se sont révélés assez habiles en traitrise pour en tirer profit.
Je me le demande.