HIC ET NUNC
18 Mars 2016 , Rédigé par André Boyer Publié dans #PHILOSOPHIE
Le dernier blog s’est conclu par un postulat qui avançait que les experts n’étaient pas en mesure d’arbitrer entre les valeurs de référence de la société, parce que la décision politique obéissait à d’autres logiques.
En effet, l’expertise reste un moment préalable à la décision proprement politique, mais elle ne peut pas la remplacer. Cette dernière obéit à d’autres logiques, notamment l’évaluation des rapports de force mais aussi les préoccupations de carrière des politiques.
Cependant une troisiéme objection à la décision technocratique est plus fondamentale. Justifier une décision politique par des considérations techniques, voire scientifiques suppose une représentation du réel intemporelle, hors sol. Or, prendre une décision politique implique une mise en situation spatio-temporelle particulière et irréductible à tout autre situation du même type. C’est toujours ici et maintenant, dans un contexte historique, culturel, géographique, social donné, que le politique prend sa décision.
On ne saurait donc décider qu’un choix politique sera préférable au choix opposé sans tenir compte de la particularité des circonstances. Qui peut donc avoir la prétention de déduire une décision particulière à partir d’un savoir scientifique général ?
Si le passage de la rationalité du savoir à celle du pouvoir est malaisé, il est nécessaire de revenir sur la question de la justification de la décision politique et donc sur les fondements de son autorité.
Car, si l’on prend acte de ce que le savoir accumulé ne dispense pas de décisions qui ne découlent pas de ce savoir, il faut accepter de convenir que la décision politique n’a pas de fondements rationnels, qu’elle est autonome, qu’elle ne renvoie qu’à elle-même. Par conséquent, son symbole ne se niche pas dans le cabinet d’experts, il se situe dans l’homme politique lui-même, dans son charisme qui en fait un leader.
Certes, la complexité des sociétés nécessite l’intervention d’experts qui sont chargés de proposer les moyens les plus appropriés à la réalisation des fins mais le choix de ces fins ne renvoie qu’au leader et à la liberté de son pouvoir de décision.
Dés lors, la décision politique échappe à toute forme possible de rationalisation, révélant que toute tentative de rationalisation du pouvoir n’est qu’une pseudo-raison, renvoyant au libre arbitre du politique à qui il appartient de décider.
Si vous voulez des exemples, prenez donc toutes les décisions politiques récentes, de la guerre en Libye à la réforme du droit du travail en passant par le mariage pour tous et examinez-les du point de vue de leurs pseudos justifications rationnelles. Vous constaterez qu’elles ne peuvent être légitimées que par des valeurs dans le meilleur des cas ou au pire par des calculs politiciens, mais jamais au nom d’une rationalité scientifique qui s’imposerait au décideur et à ceux qui subissent ses décisions.
Or, si l’autorité politique ne peut pas se fonder sur la rationalité des choix, elle est renvoyée à la formule du Léviathan de Hobbes :
Auctoritas non veritas facit legem