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Le blog d'André Boyer

culture

PASSEPORT À L'IRANIENNE

11 Décembre 2014 , Rédigé par André Boyer Publié dans #CULTURE

PASSEPORT À L'IRANIENNE

L'AUTEUR ET L'HEROÏNE DE CETTE HISTOIRE

 

Il ne m’arrive presque jamais de recommander pleinement la lecture d’un livre, mais cette fois-ci je le fais sans hésiter pour mes lecteurs, en considérant d'office qu’ils s’intéressent au monde, à l’humain, à la vie.

 

Il s’agit de « Passeport à l’iranienne » écrit par Nahal Tajadod en 2007 et disponible en livre de poche pour la modeste somme de 6,50 €. Dans un élan d’enthousiasme que j’ai ensuite réprimé, on ne sait jamais, j’ai même écris que je rembourserais toute personne qui trouverait cet ouvrage sans intérêt et qui m’expliquerait de manière convaincante pourquoi.

Nahal Tajadod n’est pas n’importe qui. Née en Iran en 1960 d’une famille très cultivée, elle vient en France deux ans avant la chute du shah d’Iran, Mohammad Reza Pahlavi. Elle est alors âgée de 17 ans et elle vient étudier le chinois à l’Institut National des langues et civilisations orientales, qu’elle achève par une thèse sur Mani, le fondateur du manichéisme.

Depuis, elle a écrit de nombreux livres savants, dont récemment un livre sur une comédienne iranienne très connue, « Elle joue », bannie d’Iran pour avoir montré fugitivement sa poitrine dans une cérémonie. Il faut ajouter à cette biographie qu’elle est mariée au metteur en scène Jean-Claude Carrière, dont elle a une fille.

Alors le livre ? c’est une histoire très simple, quasiment autobiographique : l’auteur, Nahal, doit renouveler son passeport iranien pour rentrer en France dans les prochains jours, même si elle possède déjà un passeport français. Mais elle tient à garder son passeport iranien.

Cette toute petite histoire, sans intérêt à priori, prend des dimensions épiques au fur et à mesure qu’elle se déroule, d’autant plus qu’elle s’installe dans le cadre de la société de Téhéran, qui est décrite de manière extrêmement fine et pleine d’humour.

L’histoire commence un samedi avec la recherche d’un studio de photographe qui doit permettre d’obtenir une photo compatible avec la loi islamique en vigueur. Vous allez découvrir en fonction de quels critères Nahal choisit le photographe, ce qu’évoquent pour elle les photographies dans la vitrine, comment se comporte la classe moyenne iranienne. Vous allez aussi savoir comment elle confie aux deux photographes son sèche-cheveux en panne, en quoi elle ne supporte pas le shanbelileh (vous allez apprendre ce que c’est), pourquoi les deux photographes lui donnent des formulaires rédigés en suédois et refusent obstinément d’être payé. À cette occasion, vous allez comprendre le fin fond de la culture perse, avec l’usage généralisé du tarof, cette arme fatale.

Puis, sans souffler un instant, vous allez saisir la psychologie du gardien de l’immeuble où habite la famille de Nahal et la raison inimaginable pour laquelle les croyants iraniens veulent aller en pèlerinage en Syrie (l’histoire se déroule avant la guerre civile).

Vous en avez alors fini avec le samedi de Nahal, vous pouvez la regarder s’endormir avec la conscience du devoir accompli, sur le canapé de la bibliothèque, sa fille de trois ans dans les bras.

À ce moment, Nahal ne sait pas que cette histoire de passeport va l’emporter dans un tourbillon d’aventures où les rebondissements ne vont pas manquer, mais qui va surtout nous révéler l’humanité profonde de la société iranienne, la culture raffinée de ce peuple auprès de qui l’on se sent un butor. Progressivement, un véritable tourbillon d’aventures, d’impressions et d’émotions finit par nous arracher des larmes de nostalgie et de tendresse.

Je ne veux pas en raconter plus mais, au long du récit, vous découvrirez la qualité de son écriture, l’intérêt de cette soi-disant petite histoire et vous communierez avec ce peuple iranien tant vilipendé par des commentateurs imbéciles qui croient qu’en écrasant les autres, ils se grandissent.

Car vous finirez par découvrir qu’il n’est pas donné à tout le monde de se hisser à la hauteur des héros de cette histoire que nous présente Nahal. Et lorsque vous quitterez l’héroïne de cette histoire à regret alors qu’elle ôte son foulard dans l’avion, votre regard sur l’Iran, cet avatar de la Perse éternelle, aura changé du tout au tout.

 

Un livre, rare, pour sourire, pour s’émouvoir, pour ouvrir les yeux…
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