UN COUP D'ÉTAT DE TROP
16 Décembre 2014 , Rédigé par André Boyer Publié dans #HISTOIRE
Pour le Directoire, la situation politique devenait critique. L’agitation royaliste renaissait, ce qui faisait craindre en réplique la réinstauration de la Terreur.
En mai 1799, Sieyès remplaçait Reubell au Directoire, avec l’idée de modifier, par le moyen désormais habituel d’un coup d’État, des institutions qu’il trouvait trop démocratiques (sic).
Son objectif était d’écarter aussi bien les royalistes que les jacobins, afin de faire régner l’ordre au profit du pouvoir. Mettant en pratique cet objectif politique, il commença par s’opposer à la poussée néo-jacobine avant de chercher à profiter du retour d’Egypte de Bonaparte, retour effectif le 9 octobre 1799, afin de l’utiliser pour un coup d’État qui lui permettrait de modifier la Constitution.
Il lui faut exactement un mois pour l’organiser et le18 brumaire An VIII (9 novembre 1799) au matin, tout est prêt.
Les Conseils votent ce qu’on leur demande, en particulier le Conseil des Anciens, qui est appelé en catastrophe aux Tuileries à 7 heures du matin, pour apprendre tout de go que la République est menacée.
Affolés, les Anciens votent aussitôt un décret en quatre articles, décidant que « le Corps législatif est transféré à St Cloud, qu’il s’y réunira le lendemain à 12 heures, que toute autre délibération est interdite ailleurs et avant ce temps, que le général Bonaparte est chargé de l'exécution du présent décret et prendra toutes les mesures nécessaires pour la sûreté de la représentation nationale et que le général Bonaparte est appelé au sein du Conseil pour y recevoir le présent décret et prêter serment.»
Bonaparte, aussitôt nommé commandant de la garde nationale et de la 17e division militaire, se rend devant le Conseil des Anciens, où il prononce un médiocre discours avant de prêter serment pour la sauvegarde de la République.
Au même moment, les généraux se réunissent sous la présidence de Lucien Bonaparte, qui leur fait connaître le décret des Anciens, suscitant quelques protestations. Ainsi qu’il en était convenu, Sieyès et Ducos démissionnent aussitôt, suivis par Barras. Les deux derniers Directeurs en fonction, Moulin et Gohier, refusent, également comme prévu, de démissionner et sont illico consignés au Luxembourg sous la garde de Moreau.
Au total, la journée du 18 brumaire s’était passée selon les plans. Des affiches sur les murs de Paris appelaient au calme et les bourgeois satisfaits faisaient monter la rente de plus d'un point.
Mais le lendemain 19 brumaire, les événements tournent à la confusion de Bonaparte.
Le château de St Cloud est préparé en hâte pour recevoir les Conseils qui devront siéger, entourés par une troupe de 6000 hommes.
Vers midi, le général Bonaparte surgit avec un détachement de cavalerie.
À 14 heures, Lucien Bonaparte ouvre la séance des Cinq-Cents.
Mais, de leur côté, les Anciens, qui ont enfin compris qu’ils sont manipulés, ne veulent plus rien comprendre et suspendent leur session afin de statuer sur le remplacement des trois directeurs démissionnaires.
Là-dessus, Bonaparte suscite l’hostilité des Anciens en pénétrant dans leur salle sans y être invité. Il n’est pas mieux accueilli par le Conseil des Cinq Cent où il essuie des cris hostiles « A bas le tyran ! », « Hors la loi ! », « Vive la République et la Constitution de l'an III ! » et perd contenance (les dictateurs en herbe ont du mal à faire face à l’opposition lorsqu’elle s’exprime) et sort de l'Orangerie.
De son côté, son frère Lucien tente en vain de ramener le calme dans le Conseil des Anciens, y renonce et quitte la salle pour rejoindre son frère. Ils se sentent mieux au sein de leurs troupes respectives, détachement de l’armée et gardes du corps législatif, qu’ils haranguent sans craindre d’être contredits (les soldats en armes et en rang sont supposés obéir).
Lucien, plus entreprenant que son frère Napoléon, demande aux gardes des généraux de « délivrer » la majorité des représentants d’une minorité agissante qu’il faut expulser : « Quant à ceux qui persisteraient à rester dans l'Orangerie il importe qu'on les expulse. »
Les grenadiers de Murat suivi de ceux du corps législatif entrent dans l'Orangerie baïonnette au canon.
En cinq minutes, la salle est vidée.
Par cet acte, le coup d'État parlementaire devenait un coup d'État militaire, qui échappait donc à son instigateur, Sieyès, pour bénéficier à son bras armé, les frères Bonaparte.