L'AUTORITÉ DU FUTUR?
12 Novembre 2015 , Rédigé par André Boyer Publié dans #PHILOSOPHIE
L’autorité reposait sur la sacralisation du passé, qui s’efface rapidement. Il reste donc l’autorité du futur sur lequel cherche à s’appuyer la modernité.
Les modernes, depuis la révolution Galileo Copernicienne, ne se réfèrent plus à la tradition. Ils l’ont remplacé par la transmission du savoir, qui vise à maitriser la nature.
L’idée de progrès qui caractérise la période moderne implique en effet de croire en la capacité de l’homme à utiliser au mieux les potentialités du monde, ce qui conduit à faire de la perspective du progrès issu de l’action humaine le nouveau fondement de l’autorité.
Selon l’idée du progrès, l’homme est donc requis d’élaborer un projet, concept si cher à la gestion des entreprises, par lequel il organise le présent en fonction d’un futur attendu, espéré ou projeté, tandis que les acquis du passé s’éloignent toujours plus vite dans les brumes de ce qui est acquis, achevé et qui ne mérite plus que d’être oublié.
L’humanité est tenue d’inscrire son action dans une histoire porteuse de progrès et même de progrès en constante accélération. Le progrès ne peut en effet que progresser. Sinon, quel sens donner à un progrès qui ne progresse pas ou, pire, qui régresse ? D’où un nombre toujours croissant de chercheurs qui doivent sans cesse élargir notre champ d’action. D’où l’allégresse de découvertes porteuses de nouveaux horizons comme l’informatique ou d’un plus grand nombre de connections entre de plus en plus de cerveaux, comme Internet.
Mais, d’où aussi notre désarroi lorsque la recherche patine, en pharmacie par exemple, où lorsque l’accélération des acquis se transforme en désaccélération, comme en Europe ou même comme en Chine.
Le concept de progrès s’applique non seulement à l’humanité, mais à ses organisations. Ainsi l’entreprise doit coûte que coûte accélérer sa croissance, d’où la croissance externe qui consiste à dévorer son propre environnement et obtenir sans cesse des gains de productivité, sans hésiter à « dégraisser » son personnel.
Mais le progrès vers quel objectif ? Car si l’homme, auteur de l’histoire, est sommé de produire un but, de quoi s’agit-il ? Plus de croissance ? Plus de bien être ? Plus d’espérance de vie ? Jusqu’où ? Pour toujours ?
Ce sont des questions oiseuses pour celui qui doit faire l’histoire, sans avoir le temps de la penser, mais il ne peut évacuer la question de la finalité. Car, si l’homme ne s’appuie plus sur la tradition, il lui faut assumer la finalité, donc devenir démiurge, comme Hitler, comme Mao Tsé Toung, comme Pol Pot, mais aussi comme Georges W. Bush, ou plus modestement comme le patron d’une entreprise qui, tout d’un coup, bascule dans le vide, comme Lehmann Brothers en 2007.
En effet, la crise des Subprimes est emblématique de la crise du futur.
Les banques qui avaient lancé des produits monétaires « dynamiques » ont dû faire face à la stupéfaction de leurs clients qui pensaient avoir investi à court terme et sans aucun risque dans les titres les plus liquides, alors qu’ils ne pouvaient plus récupérer leurs fonds.
Jamais ils n'auraient cru prendre un risque en capital sur des titres de trésorerie à court terme. Ils découvraient que le concept de « dynamisme » recouvrait l'inclusion d'une partie du marché des crédits immobiliers américains risqués au sein de leur patrimoine « sans risque », sans qu'ils en aient jamais été mis informés.
Ont-ils continué à croire dans la finalité des banques ?
La promesse du progrès est-elle fiable, au point d’accepter que l’autorité du futur se substitue, dans ces temps modernes, à l’autorité de la tradition ?