IMPUISSANCES
13 Août 2016 , Rédigé par André Boyer Publié dans #ACTUALITÉ
J’ai lu ce matin un interview de Patrick Raynal, un auteur de roman policier niçois, qui déclare en conclusion : « Regardez ce qui se passe dans le monde, regardez l’histoire des refugiés : on a beau tenir des propos d’extrême droite, on ne les empêchera pas de déferler ». Et lorsqu’un immigré mal intégré provoque indirectement la mort de 85 personnes, il a ce commentaire lapidaire : « Je l’ai vécu horriblement mal, effroyablement mal… »
Le pauvre.
Puis j’ai écouté cette émission à succès de RMC, « Les Grandes Gueules ». Je les ai entendu traiter du problème de l’accès au porno pour les enfants et celui de l’accès à la drogue pour tous. De la discussion avec les auditeurs, il ressortait en gros que l’on ne pouvait rien faire.
Il y a quelques jours, j’ai entendu la « Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté » (jolie paraphrase pour ne pas dire « prisons »), Adeline Hazan, déclarer sur France Inter : « Je pense que plus on construira de places de prison, plus elles seront occupées et que ça n'est pas une bonne solution, cette inflation carcérale d'année en année ou de décennie en décennie. » Donc, d’après cette bonne âme, il ne faut pas en construire.
Après le meurtre de masse de Nice, j’ai entendu le Président de la République et le Premier Ministre déclarer qu’ils étaient déterminés à lutter contre le terrorisme, mais exclusivement dans le cadre de l’État de Droit. Donc, s’ils sont impuissants à lutter contre le terrorisme sans outrepasser ou modifier l’État de Droit, ils renoncent à lutter contre, si j’ai bien compris ?
Auparavant, j’ai entendu que l’on ne pouvait rien faire contre la dégradation du système scolaire, rien contre le chômage (personne ne l’a dit officiellement depuis Mitterrand mais on peut l’observer sans peine), rien contre la désindustrialisation du pays, rien contre la destruction de notre agriculture, rien pour empêcher les travailleurs détachés de ne pas payer les droits en France et rien pour empêcher les géants du Net de ne pas payer leurs impôts en France, rien contre, rien pour, on ne pouvait rien de rien !
À cette liste modeste, vous pouvez rajouter à satiété une liste complémentaire de nos impuissances publiques en fonction de vos centres d’intérêt. D’ailleurs, elles s’étalent sans vergogne à longueur de medias, comme s’il s’agissait d’une sorte de gloire nationale de ne pouvoir rien faire ! J’ai même entendu un imbécile, pardonnez ce terme mais je n’en trouve pas de plus adapté à sa prestation, soi disant journaliste économique, expliquer sur France Inter que les Français avaient une maladie mentale bizarre qui les poussait à tout voir en noir !
Lui s’en étonnait, jugeant les Français stupides d’avoir une vision sombre de leur environnement. Au contraire, il faudrait s’inquiéter de la santé mentale des Français, si, face à tant d’impuissance tous azimuts étalée, ils voyaient l’avenir de leurs institutions et de leur société en rose !
Devant cette impuissance forcenée, je ne m’étonne pas que des jeunes des banlieues qui se sentent installés au cœur même de l’impuissance publique, non formés, sans espoir d’embauche, mis dans l’incapacité de croire en un système qui proclame quotidiennement qu’il ne peut rien faire, ni pour eux ni contre eux, puisqu’il les a en même temps abandonné au bord de la route tout en leur distribuant aveuglement allocations et aides pour les calmer, puisqu’il ne peut ni les empêcher de consommer et de vendre de la drogue, ni les emprisonner s’ils commettent des délits, puisqu’il leur fait savoir à la fois qu’ils doivent respecter la loi mais qu’il ne fera rien pour faire en sorte qu’ils la respectent, se tournent vers des autorités morales traditionnelles qui leur parlent de loi divine à révérer et qui les punissent avec détermination et cruauté s’ils enfreignent les règles qui en découlent. Enfin des règles, enfin une autorité, enfin un chemin à suivre, même s’ils les conduit pour les plus égarés d’entre eux au meurtre et au suicide !
Ces jeunes à la dérive ont au moins le « mérite » de nous montrer qu’ils n’ont fait que tirer les conséquences, même absurdes, d’une société qui s’est abandonnée à l’impuissance institutionnalisée. Et comme l’histoire nous apprend qu’une telle société n’a jamais pu durer et comme le bon sens nous dit qu’une société de l’impuissance est condamnée à l’implosion, il est facile de prévoir l’avenir du système inerte actuel, sans pouvoir anticiper toutefois le processus et la durée de l’implosion et la nature de la société qui lui succédera, sauf sur un point :
Notre future société sera autoritaire ou ne sera pas.