LA STRATÉGIE DE WILLIAM PITT
12 Septembre 2016 , Rédigé par André Boyer Publié dans #ACTUALITÉ
Avant de conter le déroulement des opérations en Amérique du Nord à partir de 1756, il me semble utile de présenter le point de vue britannique sur cette guerre.
Il faut tout d’abord souligner l’énorme disproportion de peuplement entre les Français et les Britanniques au début de la guerre totale, ce qui suffirait largement à expliquer la victoire finale des seconds sur les premiers.
En Amérique du Nord, la disproportion des populations était importante, soixante mille habitants dans la Nouvelle France contre deux millions dans les treize colonies de la Nouvelle Angleterre. Cependant, cette disproportion était en partie compensée par l’appui de presque toutes les tribus indiennes à l’exception des Iroquois, dont bénéficiaient les colons français.
Ce sont les colonies britanniques qui prennent clairement l’initiative de la guerre, après les escarmouches autour de Fort Duquesne et l’abjecte embuscade conduite par Washington. À cet égard, une réunion cruciale a lieu en 1755 entre le General Edward Braddock, le nouveau commandant en chef de l’armée britannique en Amérique du Nord et six des treize gouverneurs des colonies. Ils décident d’une offensive contre la Nouvelle France selon quatre axes.
Toutes échouent. Le 9 juillet 1755, l’effort principal mené par Braddock aboutit à la bataille de Monongahela, sur laquelle nous revenons plus loin. Il perd la bataille et la vie. Puis toutes les opérations, ou presque, menées en 1755, 1756 et 1757 aux frontières de la Pennsylvanie et de New-York échouent. Cependant, en 1755, les forces britanniques capturent Fort Beauséjour à la frontière de l’Acadie, ce qui leur permet d’exécuter librement l’infâme expulsion et remplacement des Acadiens par des colons britanniques. Les Britanniques se défendent en disant qu’ils n’en ont pas pris l’initiative à Londres mais en Acadie même. Pure hypocrisie.
De même, en 1757, l’offensive contre Louisbourg sur l’île du Cap-Breton échoue. Pire, les forces britanniques perdent Fort William Henry sur le lac George, à 250 kilomètres au nord ouest de Boston.
C’est ensuite que le rapport de force bascula en faveur des forces britanniques. Jusque là, malgré leur infériorité quantitative, les forces françaises et indiennes s’étaient révélées largement plus efficaces que les Britanniques. Le changement de politique britannique initié par William Pitt (1708-1778), renversa progressivement la situation en leur faveur.
Pitt avait de nombreux adversaires au sein de la classe politique britannique mais il était avait l’image auprès de l’opinion publique d’un défenseur intraitable des intérêts britanniques. Sa politique consistait à immobiliser le plus possible de ressources françaises en Europe, tandis que la Grande-Bretagne exploiterait sa suprématie navale pour s'emparer des possessions françaises tout autour du monde.
Il la mit en œuvre en s’emparant successivement des comptoirs commerciaux français en Afrique de l’Ouest, comme le fort de Saint-Louis au Sénégal en avril 1758, puis l’île de Gorée, la Gambie, la Guadeloupe. Il mit également en échec les troupes françaises en Inde (1759). Cette stratégie périphérique fut un plein succès, grâce au nombre et à la qualité de la British Navy qui s’en donna à cœur joie.
Son adversaire, le Duc de Choiseul (1719-1785) menait une stratégie diamétralement opposée qui consistait à rester sur la défensive dans les colonies tandis qu’il visait à une victoire totale en Europe qui lui permettrait de récupérer ultérieurement les colonies. Il est donc faux de soutenir que la France a abandonné ses colonies et notamment la Nouvelle-France, mais il est vrai par contre que la stratégie de Choiseul a globalement échoué.
Choiseul espérait même pouvoir envahir la Grande-Bretagne afin de sortir le Royaume-Uni de la guerre et de récupérer les colonies perdues. Il jouait gros. D’énormes ressources furent consacrées la construction d'une flotte d'invasion mais les défaites navales françaises le forcèrent à y renoncer, tandis qu’il ne parvenait pas à percer en Allemagne. Les Britanniques parvinrent même à s’emparer de Belle-Île-en-Mer.
Comme on le sait, la guerre dura sept ans, de 1756 à 1763, presque deux fois plus longtemps que la Guerre de 1914-1918. Ce fut une guerre totale. Elle impliqua, outre la France et la Grande-Bretagne, l’Autriche, la Prusse, La Russie, la Suède et même l’Espagne, plus tardivement. Elle se déroula principalement en Europe et en Amérique du Nord, mais aussi tout autour du monde, des Caraïbes aux Philippines, en passant par l’Afrique de l’Ouest et l’Inde.
Les belligérants français et anglais y engagèrent toutes leur ressources mais à la fin ce fut la Grande-Bretagne qui remporta provisoirement la victoire.
Ce qui reste de cette guerre aujourd’hui oubliée est considérable : l’équilibre du monde en a été bouleversé, jusqu’à ce jour.
À SUIVRE