OUI À LA VIE
16 Août 2018 , Rédigé par André Boyer Publié dans #PHILOSOPHIE
On ne peut maudire sa propre vie, simplement parce que l’on se sent malheureux.
Vouloir isoler les périodes de bonheur des moments de malheur n’a pas de sens, car ces derniers nous conduisent aux instants de bonheur. Ainsi, on ne peut pas maudire la solitude alors qu’elle est à la fois la préparation et la conséquence de la communion entre deux êtres : refuser à tout prix de faire face à la solitude implique de se priver de l’accomplissement amoureux qu’elle prépare.
En résumé, nous ne pouvons pas vouloir le plaisir sans accepter la souffrance, le bonheur sans accepter le malheur. Il nous faut admettre l’imbrication des événements de la vie, qui fait que la réalisation de chacun d’entre eux est conditionnée par tous les autres.
Il ne s’agit pas pour autant de se résigner à l’intolérable mais de prendre ses distances. Contrairement à celui qui reste esclave de ce qui le meurtrit, l’homme gagne à ne pas chercher à combattre ce qu’il juge mauvais, mais à l’ignorer en prenant ses distances : plutôt que de pester contre la société de consommation en remplissant son caddie, plutôt que de tempêter contre la société du spectacle tout en restant collé à son poste de télévision, plutôt que de rager contre des journalistes-propagandistes que l’on écoute tous les jours, il convient de consommer raisonnablement, d’éteindre son téléviseur, de lire des écrits de qualité plutôt que des textes publicitaires.
La logique de la vie implique que toute déconvenue, toute souffrance, toute tragédie de l’existence doit être l’aiguillon de notre force ; chacune d’entre elles devrait nous inciter à affirmer notre volonté de puissance, c’est à dire de manifester notre volonté de vivre.
Ce n’est pas parce que nous avons des idées noires que nous nous sentons blasés ou dégoutés, c’est juste l’inverse, c’est parce que notre énergie vitale est affaiblie que nous avons besoin de nous refugier dans des idées noires. Les délires meurtriers des fanatiques comme les excès de toutes sortes, qu’ils s’expriment sous forme de violences, de drogues ou d’addictions diverses, s’expliquent par la faiblesse de ceux qui y succombent, qui les contraint à rechercher des excitations toujours plus puissantes pour se sentir en vie.
La faiblesse n’a rien à voir avec le manque de volonté ou l’incapacité à prendre des décisions et à s’y tenir. Elle se caractérise plutôt par l’incapacité à résister à une impulsion et elle se traduit par la la distraction permanente. C’est ainsi que certains sont littéralement incapables de supporter une minute de silence, il faut que leur attention soit en permanence accaparée par des images télévisées, une conversation téléphonique ou un jeu vidéo. De même, la faiblesse consiste à réagir à l’emporte-pièce, sans laisser mûrir notre réflexion.
S’il est nécessaire de laisser murir sa réflexion, une fois que l’on décide d’agir, il faut concentrer toute sa force vitale dans l’action pour aller au bout des possibles, afin de transcender les limites que l’on s’est imposées, ce qu’exprimait Pindare en proposant la maxime « Deviens ce que tu es ».
Deviens ce que tu es ?
Il ne s’agit pas de se connaître soi-même par une lente prise de conscience, car cela revient à limiter sa personnalité à une image préfabriquée et standardisée.
Il s’agit plutôt de se perdre pour se trouver.
Les accidents de parcours, les aveuglements temporaires, les désillusions, les hésitations sont des étapes nécessaires dans la construction de soi. Plus nous errons, plus nous nous éparpillons, plus nous avons l’impression de changer de direction et plus nous percevons ce qui est immuable en nous.
Puis, à force d’explorer les possibles, nous nous heurtons à une barrière infranchissable qui nous fait connaître nos limites sous la forme d’un trait de caractère que nous ne pouvons pas corriger, d’un défaut qui nous empêche d’apprendre d’une nouvelle expérience ou d’une pulsion invariable qu’aucun de nos efforts ne sera en mesure de changer.
Et c’est finalement notre capacité à nous organiser autour de notre pulsion centrale, et non notre volonté de lutter contre elle, qui fait la différence entre les forts et les faibles.
FIN