SIGNER UN ACCORD AVEC LA CHINE
6 Novembre 2020 , Rédigé par André Boyer Publié dans #INTERLUDE
Les négociations entre le Ministère des Affaires Étrangères (MAE) et la FNEGE pour la création d’un premier IAE en Chine commencèrent en 1987.
J’étais intégré dans cette négociation, en tant qu’initiateur du projet, au titre de la FNEGE et de l’IAE de Nice. Mais le MAE, bien parisien, ne pouvait pas concevoir que l’IAE de Nice, situé à seulement quelques encablures de la Promenade des Anglais, soit un interlocuteur universitaire assez sérieux pour représenter l’Université française face à la Chine.
Pour le rassurer, il fallut ajouter l’IAE de Paris, à l’époque situé dans le 5e arrondissement, pour renforcer l’offre universitaire. C’est ainsi que Jean-Pierre Helfer, Directeur de l’IAE de Paris, se joignit à l’équipe FNEGE et finit par récupérer la gestion de l’IAE Chine pour l’IAE Paris à la fin du lancement du programme.
Les négociations franco-françaises portaient sur le montant de la subvention du MAE à la FNEGE pour le lancement du programme pendant les premières années. Il fallait aussi déterminer le lieu que nous choisirions pour ouvrir la première formation. Nous nous étions mis d’accord, le conseiller culturel et moi-même, sur le choix de Tianjin et de l’Université Nankai et ce choix a été entériné par le MAE et la FNEGE.
Le programme s’étalait sur deux années, une année de formation au français et une année de formation à la gestion suivie d’un stage de trois mois minima dans une entreprise française, si possible déjà installée ou en voie d’installation en Chine. Car notre objectif, mon objectif en l'occurence depuis la conception du projet, était d'aider les entreprises françaises à investir le marché chinois.
Il fallait préparer un accord, et même un double accord, avec le Ministère des Affaires étrangères et le Ministère de l’enseignement chinois, ce dernier agissant au nom de l’Université Nankai.
Il fallait aussi recruter un professeur de français en France, pour l’envoyer à Tianjin donner la première année de cours, avant de recruter les professeurs de gestion qui iraient donner trois semaines de cours à tour de rôle, avec des intervalles suffisants pour organiser les examens, matière par matière. Bref, toute l’ingénierie de cette formation bien connue en France devait être montée pour s’adapter aux circonstances particulières d’un enseignement séquentiel en Chine.
Une fois le projet structuré et transmis aux parties chinoises, Jean-Pierre Helfer et moi-même priment l’avion Paris-Londres-Hong-Kong-Pékin en juillet 1987 pour signer les accords de coopération.
Cette signature donna lieu à trois incidents instructifs et à posteriori amusants.
Tout d’abord nos bagages s’égarèrent à Londres. Donc pas de costume ni de chemise pour la cérémonie officielle. Nous cherchâmes à acheter les vêtements nécessaires dans un des rares magasins alors disponibles à Pékin, mais les tailles manquaient pour des personnes de plus d’un mètre soixante. On les acheta tout de même, mais portés sur nous, l’impression était clownesque. Aussi étions nous très inquiets pour la signature et la photo de la cérémonie officielle qui allait sûrement paraitre dans la Quotidien du Peuple, trente millions d’exemplaires, sans compter l’étonnement probable de nos interlocuteurs qui ne manqueraient pas d’en déduire que les moyens financiers des professeurs français ne leur permettaient d’acquérir que des vêtements d’occasion chez des fripiers !
Heureusement, un deuxième incident permit de résoudre cette difficulté : l’ambassade de France en Chine nous apprit que le MAE chinois n’avait pas eu le temps d’examiner les contrats. Il fallait remettre de quinze jours la cérémonie de la signature de l’accord.
Nous ne pouvions pas rester à Pékin, notamment en raison des visas qui n’étaient valables que quelques jours. Nous reprîmes l’avion dans l’autre sens, Pékin, Hong-Kong, Londres, Paris. Puis quinze jours plus tard, nous primes à nouveau le même avion vers Pékin, portant cette fois-ci par précaution notre costume dans l’avion, précaution qui se révéla inutile. Nous signâmes l’accord qui fut bien publié dans le Quotidien du Peuple, puis nous nous apprêtèrent à prendre l’avion, non sans un dernier incident tout à fait imprévu, sinon imprévisible.
Mon collègue, Jean-Pierre Helfer, prit l’initiative hasardeuse de discuter, pour quelques yuans, la note de l’hôtel. Il fit alors connaissance avec la « bienveillance » de nos hôtes chinois que j’avais bien connue deux ans auparavant. Le concierge lui demanda son passeport et partit ailleurs faire semblant de chercher quelque chose. Cela dura assez longtemps pour que son manège menace de nous faire rater le départ de l’avion.
Nos bruyantes protestations n’eurent aucun effet et il me fallut passer par la « porte de derrière », expression chinoise du pot de vin, pour qu’il daigne retourner à son détenteur le passeport de mon collègue…
Dans l’avion, je racontais à Jean-Pierre Helfer les nombreux incidents similaires que j’avais vécu à Pékin afin qu'il se rende compte qu’il était très dangereux de vexer un Chinois au moment même où il avait les moyens de se venger…
À SUIVRE