LES PRÉPARATIFS DE L'ENTRE-DEUX GUERRES
1 Novembre 2020 , Rédigé par André Boyer Publié dans #HISTOIRE
Rien n'était règlé́. Le traité n'établissait pas une paix stable, si bien que la guerre de Sept Ans apparut comme une suite logique du conflit dit de la Succession d’Espagne.
Le traité de paix d’Aix-la-Chapelle en 1748 rendit Louisbourg à la France en échange de Madras, sans faire disparaitre la concurrence commerciale et coloniale entre Londres et Versailles, en Amérique du Nord et aux Indes.
La même année, Maurepas liquide le corps des galères, tout en conservant les condamnés dans les ports qui formeront la majeure part de la main d’œuvre de force de la Marine Royale jusqu’au XIXe siècle. Il demande au Roi de doter la France d'une flotte de guerre proportionnelle à son empire colonial : « Quoi qu'il en soit, il convient que les forces de la France soient réglées relativement à celles des autres États maritimes. Je ne prétends pas que l'on doive avoir cent-vingt-cinq vaisseaux depuis 50 jusqu'à 100 canons, comme il parait que les Anglais les ont. (...) Il suffit d'entretenir soixante vaisseaux de guerre, lesquels réunis à ceux des alliés pourront balancer la puissance maritime des Anglais, car je suppose que le Roi aura pour alliés quelques-uns des autres États maritimes. »
Louis XV n’en augmente pas pour autant les crédits et Maurepas est disgracié en 1749 à la suite d'une cabale de Cour. Cependant les ministres qui succèdent à Maurepas jusqu’en 1757, Rouillé et Machault d'Arnouville, suivent la politique de leur prédécesseur, tandis que la suppression du corps des galères a permis de dégager des marges de financement.
Grâce au rythme élevé́ des mises en chantier, quarante-trois vaisseaux sont mis à̀ l’eau entre 1748 et 1755 et les effectifs flirtent avec les soixante vaisseaux de ligne, soit quatre-vingt-deux navires au total en y ajoutant les vingt-deux frégates, ce qui correspond à̀ l'objectif énoncé́ quatre ans plus tôt par Maurepas. Machault d'Arnouville, qui pense la reprise de la guerre inévitable réussit même à constituer un stock de bois de construction.
Si la Marine française est plus jeune et plus puissante en 1755 qu'en 1748, elle souffre de plusieurs handicaps, comme la faiblesse de son entrainement, la négligence des questions sanitaires mais pour en arriver là, il a fallu rogner fortement sur l'entrainement, notamment des enseignes de vaisseau ou des canonniers, tandis qu’aucun progrès n'a été́ fait sur les questions sanitaires et le sort des matelots qui sont moins bien nourris, soignés, habillés, payés et entraînés que les marins anglais.
De son côté, la Royal Navy essaie de corriger ses faiblesses en copiant les vaisseaux français de 74 canons. Elle développe un système de ravitaillement à la mer en produits frais pour vaincre le scorbut, ce qui lui permet de tenir l'Atlantique des mois devant Brest, y compris en hiver. Elle construit aussi des bases bien équipées dans les Antilles pour pouvoir réparer sur place ses escadres et faire reposer les équipages pour se prémunir des épidémies tropicales.
Mais le plus important est que Versailles a fait le choix de la paix, contrairement à Londres, qui porte au pouvoir en 1754-1755, des hommes comme William Pitt bien déterminés à briser l'expansion commerciale et coloniale de la France.
Visant un maximum d’efficacité (et de perfidie), Londres engage les hostilités sans déclaration de guerre. Les Anglais commencent par s'en prendre avec une extrême violence aux populations d'Acadie qui refusent de prêter serment de fidélité. Puis, toujours sans déclaration de guerre, ils s’en prennent aux navires de commerce français. Même si Duguay, avec neuf vaisseaux, permet à plusieurs convois d'Amérique de rentrer sains et sauf sur Brest, les amiraux anglais raflent de septembre à novembre 1755 trois cents navires de commerce français et 6 000 marins, alors que le nombre total de marins dont dispose la France ne dépasse pas 50000 marins. Les Anglais confisquent les marchandises dont ils tirent 30 millions de livres tournois, presque l’équivalent du budget annuel de la Marine Royale.
Cette situation semble irréelle, avec une France qui reste stoïquement en paix face à des Anglais conduits par William Pitt qui lui font la guerre.
Ce n'est qu'en décembre 1755 que Louis XV, ouvrant enfin les yeux sur l'agression anglaise, lance un ultimatum exigeant, en vain, la restitution des navires saisis et ce n’est qu’au printemps 1756 qu'il rappelle ses diplomates et déclare officiellement la guerre au Royaume-Uni.